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Poésie
est un mot difficile à définir, parce qu'on le prend en différents
sens, qui se substituent souvent l'un à l'autre dans l'analyse
ou dans la discussion. Tantôt il désigne un certain genre
d'ouvrages, que l'on distingue des autres productions de l'esprit humain;
on dit, en ce sens, que la Poésie est plus ancienne que l'Histoire
et que l'Éloquence. Tantôt on entend par poésie
un certain talent d'une espèce particulière, qui se manifeste
dans les conceptions et dans le style,
comme quand on dit que la Poésie diffère de la Versificaion,
qu'il peut y avoir des vers sans poésie, et de la poésie
sans vers. Si l'on parle enfin de la poésie qui se trouve dans les
spectacles de la nature, dans les tableaux
de Raphaël, dans la musique
de Mozart, le mot poésie éveille
l'idée d'une sorte de vertu qu'ont certains objets qui frappent
nos sens, pour produire chez nous une impression
particulière.
La poésie
est née de la sensibilité et
de l'imagination. Les émotions
vives et fortes, les conceptions hardies et
originales, quand, pour la première fois, elles trouvèrent
leur expression dans le langage, furent des ouvrages
de poésie. Le mot grec poïêsis, adopté
par les Latins, signifie simplement travail; et poïétès
(le poète) ne veut dire qu'auteur : le poète était
donc l'auteur par excellence, et la poésie l'ouvrage par excellence.
De même le mot épos, que nous traduisons par vers,
signifiait parole : le vers était la parole par excellence. Les
premiers humains, peut-être dominés par les sens et l'imagination,
heureux de sentir, de penser et de tout dire, trouvaient-ils tout intéressant,
tout précieux? Plus tard, en tout cas, on s'aperçut
qu'il y avait des objets et des idées propres à la Poésie,
lorsqu'à côté d'elle se formèrent d'autres genres,
Ainsi, la recherche des vérités
abstraites et générales donna naissance à la Philosophie;
le récit véridique des faits accomplis forma l'Histoire;
la discussion passionnée des intérêts publics et privés
devint l'Éloquence; la représentation des objets, des idées
et des sentiments trouva des moyens nouveaux, et la Musique,
la Sculpture, la Peinture.
Tous les arts qui
s'adressent aux yeux et aux oreilles, restreignirent le domaine de la Poésie,
dont il devint nécessaire de fixer les limites. Mais ces limites
ne sont pas aussi nettes qu'en pourrait le croire : la philosophie, quand
elle cherche à concevoir l'être suprême,
emprunte le secours de l'imagination, et arrive à se confondre
avec la poésie; c'est ainsi que les premiers philosophes de la Grèce,
en traitant de la Nature, ont pris le style et la forme des poètes.
L'histoire, devenue un récit animé des temps passés,
ressemble fort à la poésie; et lorsque la poésie expose
des événements vrais dans leur ensemble, elle se rapproche
beaucoup de l'histoire : Homère était
pour les Grecs un historien, presque
autant qu'un poète; Hérodote,
dans sa véracité historique, a le charme de la poésie.
Considère-t-on l'éloquence : ce même Homère
était regardé par les rhéteurs de l'Antiquité
comme le premier, au moins en date, des orateurs grecs. Parmi les Modernes,
on pourrait dire que Corneille est par moments
le plus éloquent des orateurs.
Du côté
des arts proprement dits, la limite peut quelquefois aussi paraître
indécise, car Lessing a écrit un
important traité sur les limites de la poésie et de la peinture,
son Laocoon;
c'est que la poésie a un but commun avec les arts, à savoir,
l'expression, ou plutôt la production du beau : mais ce qui marque
en quoi la poésie diffère des arts, ce sont les moyens. La
musique s'adresse à la sensibilité
par l'ouïe;
la peinture et la sculpture, par la vue,
au moyen des couleurs et du relief; la poésie s'adresse à
l'esprit par le langage,
qui est l'expression la plus directe de la pensée,
et le plus sûr moyen de communiquer entre deux individus. Elle est
de la nature des arts par la fin qu'elle se propose; cependant on conteste
qu'elle soit un art, parce que, dit-on, le propre d'un art est de présenter
un ensemble de préceptes pour arriver à une fin, et que la
poésie n'a pas de théorie et ne peut en avoir, puisque tout
y dépend de l'inspiration. Dans cette opinion, on prend le mot poésie
dans le sens du talent tout personnel que le poète déploie;
mais alors on pourrait dire aussi qu'il n'y a pas d'art de la musique,
de la peinture, ni de la sculpture, attendu qu'il n'y a pas de préceptes
qui puissent donner son talent au musicien, au peintre ou au sculpteur.
D'autre part, si les règles trop strictes sont gênantes pour
le génie des auteurs, il ne s'ensuit pas qu'il n'y ait pas un ensemble
de préceptes que le poète doit nécessairement pratiquer,
et qui l'aident à gouverner son talent. On ne saurait, en effet,
citer en aucun pays aucun grand poète dont les chefs-d'oeuvre n'aient
été ou le résultat d'une théorie de la poésie,
ou le résumé de tentatives faites avant lui par d'autres
poètes qui sont depuis tombés dans l'obscurité. Les
préceptes, pour être mis en exemples, n'en sont pas moins
des leçons; et les essais infructueux sont aussi une théorie
pour qui sait en tirer des enseignements. La poésie est donc un
art; et quant à son but et ses moyens, on peut la définir
ainsi :
"L'art d'émouvoir
et de charmer l'esprit au moyen du langage et des vers."
Quelques tentatives
heureuses dans les littératures modernes, et une bonne part de la
poésie contemporaine, ont fait voir que les vers ne sont pas absolument
essentiels à la poésie; néanmoins ils lui sont propres,
et forment un de ses caractères distinctifs. A l'origine il n'y
eut pas de poésie sans vers-:
les prêtres, les initiateurs, parlant comme inspirés, et donnant
leurs pensées comme des révélations divines, les ont
entourées d'un appareil en quelque sorte surnaturel, c.-à-d.
le chant et les vers, étroitement unis
entre eux ; adroit calcul, car la singularité même d'une phrase
rythmée communique au langage un caractère solennel, annonçant
qu'il ne s'agit pas de pensées ordinaire. Pendant bien des siècles,
les poètes ont considéré les vers comme une partie
essentielle de la poésie, si bien que la poésie s'est appelée
l'Art des vers. Les poèmes en prose ne vinrent que très
tard, et peut-être y fut-on préparé par les traductions
en prose d'Homère et de Virgile.
Le Télémaque
est le premier ouvrage fameux que la France
ait eu en ce genre; Il a servi à autoriser la prose poétique.
Auparavant, on pouvait bien rencontrer de temps en temps, dans l'éloquence
et dans l'histoire, quelques inspirations dignes des poètes; dans
les Oraisons funèbres de Bossuet,
on trouve plus d'un passage que la poésie ne saurait surpasser :
mais ce n'étaient que des exceptions, et l'on ne se serait pas avisé
d'écrire tout un ouvrage de ce style. L'exemple une fois donné,
la prose poétique a obtenu droit de cité dans la littérature.
Toutefois, on ne saurait nier que la versification n'ait sur la prose d'incontestables
avantages : elle communique au style un charme analogue à celui
de la musique; elle distribue avec art les
accents et les silences, et s'efforce de peindre les idées
par le son et le mouvement des vers. Elle double l'énergie et la
vivacité du style, en obligeant l'auteur à resserrer les
tours languissants; elle proscrit toute expression faible, et invite l'écrivain
à bien faire, en récompensant son travail, car elle grave
ses pensées dans la mémoire bien mieux que la plus belle
prose.
Le style de la poésie,
fût-il même privé de la versification, a encore des
caractères particuliers qui en font comme une seconde langue dans
la langue d'un pays; souvent même, le principal mérite d'un
ouvrage poétique réside dans le style, si bien que l'on prend
quelquefois le mot de poésie dans le sens restreint de style poétique.
Cette poésie du style se compose de trois éléments
: les termes poétiques, l'usage poétique des termes, et les
tours poétiques. II n'y a pas de langue qui n'ait des termes réservés
à la poésie, et d'autres qui en sont bannis ou qui n'ont
qu'une place très marginale. Ces derniers sont ordinairement ceux
qui expriment des objets ou des idées désagréables
ou indifférents pour l'imagination : tels sont les termes scientifiques
ou techniques, et ceux dont on se sert pour les usages vulgaires de la
vie. Au XVIIe siècle, on attribuait
volontiers aux mots une noblesse ou une bassesse intrinsèque : il
faut cependant reconnaître que ces qualités ne sont pas dans
les termes, ni même exactement dans les choses qu'ils désignent,
mais plutôt dans l'idée que l'on s'en fait, et qu'ordinairement,
quand le mot ne peut être souffert, c'est que la chose elle-même
répugne. Il arrive néanmoins quelquefois que c'est le mot
que l'on proscrit de la poésie, et non la chose : alors, s'il devient
nécessaire de désigner l'objet dans un ouvrage poétique,
on l'exprime par un terme différent de celui du langage vulgaire,
et qu'on appelle synonyme poétique. La langue grecque, l'anglais,
l'allemand, sont riches en termes poétiques; la langue française
en est pauvre : en français, la poésie fait sa langue par
élimination, et rejette la plupart de ceux de la langue commune;
elle est à la fois pauvre et dédaigneuse.
A défaut de
mots qui lui soient propres, et même lorsqu'elle a un vocabulaire
particulier, la poésie s'approprie les mots de la langue ordinaire,
en eur donnant une valeur qu'ils n'ont pas par eux-mêmes. Elle les
associe entre eux de manière à leur donner des significations
nouvelles, à les relever les uns par les autres, à leur prêter
une grâce et une énergie accidentelles qui font illusion
sur leur valeur accoutumée. C'est ce qu'enseigne la théorie
des figures, qu'on rattache ordinairement à la rhétorique,
quoiqu'elle elle soit d'un plus grand usage dans la poésie que dans
l'éloquence. En général, la poésie cherche
les expressions qui représentent la pensée
à l'imagination sous une forme sensible
: car, pour s'emparer de l'esprit, il faut lui
faire voir et sentir les choses dont on lui parle.
Enfin, la poésie
se donne une allure particulière par la hardiesse et la liberté
avec laquelle elle s'affranchit de certaines entraves de la grammaire.
Cette hardiesse, quoique encore très restreinte, est plus remarquable
en français que dans les autres langues, précisément
parce que la construction ordinaire dans la langue française est
assujettie à un ordre presque invariable. La suppression des liaisons
et des répétitions, les ellipses hardies, quelques inversions
réglées, mais ont on peut tirer un heureux parti avec beaucoup
d'art, telles sont les libertés autorisées de la poésie
française. A partir de la seconde moitié du XIXe
siècle, quelques écrivains audacieux ont essayé d'en
introduire de nouvelles, et le défaut de discrétion a souvent
compromis leurs réformes.
On dit souvent que
la poésie est une création. Qu'est-ce que créer? C'est
faire de toutes pièces; c'est produire aussi bien le fond que la
forme. En ce sens, l'humain ne crée rien, pas même ses idées
: il ne fait qu'arranger et composer différents matériaux
d'après des idées que lui suggère l'observation, et
qu'il combine de manière à en former de nouvelles. On dit
qu'il crée, quand ses combinaisons sont assez neuves pour qu'on
n'en puisse rencontrer le modèle ni dans la nature, ni dans les
oeuvres de l'art. Il est vrai que la plupart des ouvrages poétiques
exigent cette espèce de création; mais le mot a le défaut
d'être vague et équivoque. Si la poésie était
d'autant plus haute que la création est plus rempiétement
originale, il s'ensuivrait que la poésie fantastique serait le plus
haut degré de la poésie : de sorte que les plus grands de
tous les poètes ne seraient pas les Homère,
les Sophocle, les Virgile,
les Corneille, mais les Apulée,
les Perrault et les Hoffmann. La poésie
ne crée qu'en imitant la nature; voilà pourquoi Aristote
dit que tous les genres de poésie sont des imitations. Ce grand
esprit n'a pas été lui-même assez explicite : car,
en poussant l'imitation à ses dernières limites, on arrive
au réalisme, qui est le contraire de la poésie. Le véritable
objet de la poésie est l'idéal des sentiments,
des actions, des caractères, c.-à-d. la nature dégagée,
par l'imagination, de cette complexité
des circonstances, de ce mélange d'éléments divers
qui nuit à l'unité de l'impression. Ainsi, quand on veut
admirer dans un individu une vertu, on la trouve déparée
par une faiblesse; quand on est frappé d'un grand vice, on le voit
corrigé par une bonne qualité; un beau visage a des imperfections;
une action généreuse en apparence peut avoir des motifs intéressés;
et, ainsi, il est rare qu'un esprit attentif n'aperçoive pas à
la fois, dans un même objet, des traits qui se nuisent réciproquement.
La poésie sépare les traits disparates, de manière
à rendre l'impression plus forte en la simplifiant. Voilà
comme elle imite, comme elle doit imiter. En même temps elle rassemble
dans ses types les traits de différents modèles, de manière
à donner à un objet particulier un caractère général,
et par cela même idéal. On peut donc dire que la poésie
crée en idéalisant la nature, ou que la poésie est
la représentation de la nature idéalisée; c'est Apelles
empruntant à vingt modèles divers les perfections qu'il devait
donner à une image d'Aphrodite.
Les différents
genres de poésie classique correspondent aux différents objets
d'imitation ou aux différentes manières d'imiter :
La poésie
lyrique exprime la situation d'une personne en qui débordent
des sentiments passionnés, qu'il manifeste
avec toute l'énergie, la hardiesse et le désordre d'une imagination
qui ne se possède plus; l'enthousiasme en est l'essence.
La poésie
épique ou l'épopée
peint les actions et les moeurs héroïques, au moyen du récit,
auquel se mêlent des discours et des descriptions.
La poésie
dramatique imite les passions, les moeurs
et les aventures des humains, en faisant paraître des personnages
sur un théâtre où leur
histoire s'accomplit devant nos yeux, et où ils nous font eux-mêmes
confidence de leurs sentiments les plus secrets.
Ce sont là les
trois genres principaux rencontrés dans la poésie classique;
ils peuvent se diviser en plusieurs espèces, et l'on y ajoute encore
des genres accessoires ou formés du mélange des principaux.
Ainsi, à la poésie lyrique se rattache la poésie élégiaque,
qui en est une variété; la poésie dramatique se divise
en tragédie, comédie,
et drame, compositions qui ont elles-mêmes
leurs subivisions et leurs variétés.
La poésie
didactique, qui ne vaut guère que par la versification et le
style, est un enseignement orné des formes de la poésie.
La poésie
légère, avec la grande variété de ses formes,
peut quelquefois, suivant la nature des sujets ou la manière de
les traiter, rappeler en petit les différents genres de la poésie;
mais, le plus souvent, ce n'est qu'un amusement, un caprice, soumis seulement
aux règles les plus générales et les plus libres du
style et de la versification. ( C.).
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Lorraine
Auffray, Poètes
éternels, Timée, 2008. -
De Racine à La
Fontaine en passant par Victor Hugo, Charles
Beaudelaire, mais aussi William Shakespeare
ou encore Arthur Rimbaud, redécouvrez
la poésie à travers les hommes qui l'ont composée.
La littérature est riche de nombreux
chefs-d'oeuvre de poésie et de personnages fascinants, qui ont traversé
l'histoire jusqu'à nous.
Cet
héritage culturel est aussi composé du caractère que
lui ont insufflé les hommes et les femmes au cours des siècles.
Saviez-vous que Shakespeare et Cervantes sont
décédés à la même date, mais pas dans
le même calendrier? Que Victor
Hugo était entré à l'Académie
Française à 39 ans? Que Louis
Aragon détestait la télévision? Sans prétendre
à un cours d'histoire de la littérature, les 50 grands poètes
nous propose de redécouvrir leur poésie à travers
la richesse de la vie de ces poètes. (couv.). |
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