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La littérature indienne
L'histoire de la littérature indienne s'étend sur plusieurs millénaires et reflète les dynamiques religieuses, philosophiques et sociales du sous-continent indien. L'Inde a produit une grande variété d'oeuvres dans des langues telles que le sanscrit, le tamoul, le hindi, le bengali, l'ourdou, le télougou et bien d'autres. Cette diversité linguistique a contribué à une tradition littéraire multiple.

Période védique et classique (1500 av. JC. - 500 ap. JC)

La littérature védique (1500 - 500 avant notre ère).
La période védique est le creuset de la pensée religieuse et philosophique indienne. La littérature de cette époque est principalement en sanscrit védique et se concentre sur les enseignements religieux, les hymnes, les rituels et les spéculations philosophiques. Les textes principaux sont les Védas, les Brahmanas, les Aranyakas et les Upanishads.

Les Védas .
Les quatre Védas (Rigveda, Yajurveda, Samaveda et Atharvaveda) sont les plus anciens textes sacrés de l'Inde. Ils consistent en des hymnes (Rigveda), des formules rituelles (Yajurveda), des chants liturgiques (Samaveda), et des incantations magiques et des prières (Atharvaveda). Le Rigveda est le plus ancien des textes et date d'environ 1500 avant notre ère.

Les origines de la période littéraire qui se rattache au Vêda sont dans la région des Cinq-Fleuves ou Penjab; c'est ce que montre la lecture des hymnes du Vêda, où ces rivières, affluents de l'Indus, sont désignées par les noms mêmes que les Grecs ont reproduits dans leur langue en les défigurant. II est même à croire que plusieurs de ces chants sont antérieurs à l'époque fort reculée où les Aryens émigrants vinrent s'établir dans la Pentapotamie. Quoi qu'il en soit, ce que nous devons constater ici, c'est que la forme primitive que revêt la la pensée est celle du vers, et que le premier genre poétique est l'hymne : l'ode, qui est la forme lyrique par excellence, constitue un genre d'une date postérieure. Dans les littératures d'imitation, les mêmes auteurs qui font des odes peuvent aussi composer des hymnes, mais il n'en est pas ainsi dans les littératures originales, c.-à-d. dans l'Inde et dans la Grèce

Tous les hymnes des quatre Vêdas pris ensemble forment à eux seuls une période littéraire d'assez longue durée; car, si les plus anciens ont été composés hors du Penjab, les derniers l'ont été certainement dans les vallées du Gange; or, il n'est pas douteux que les Aryens, avant de descendre dans ces vallées, n'aient séjourné longtemps sur les Cinq-Rivières, n'y aient fondé des établissements, n'en aient repoussé les habitants primitifs vers les montagnes environnantes où on les voit encore, et n'aient composé dans ce séjour la majeure partie de leurs chants sacrés. Selon nous, c'est cette période primitive qui constitue la vraie période vêdique : car, du moment où la langue aryenne est devenue le sanscrit (or elle l'est dans la partie la plus antique de l'épopée brahmanique), l'idiome védique n'est plus la langue vraie de la poésie; elle n'existe dès lors que par tradition, et c'est en vertu d'une sorte de règle ou d'un usage religieux qu'elle sert aux écrivains. 

Les Brahmanas.
Chaque Veda est accompagné d'un ou plusieurs textes Brahmanas, qui leur servent de complément et fournissent des explications sur les rituels védiques et leur signification symbolique. Les Brahmans renferment des recueils d'observations explicatives transmises dans les familles de prêtres, et différant entre eux selon les idées philosophiques de ces familles et selon le Vêda auquel ils se rapportent. Beaucoup d'entre eux ou sont perdus. Ces commentaires sont précieux pour l'interprétation des Vêdas.

Les Aranyakas et les Upanishads.
Les Aranyakas sont des textes "de la forêt", destinés à être étudiés par les ascètes vivant en ermite. Les Upanishads, quant à eux, représentent l'apogée de la philosophie védique et traitent de concepts métaphysiques comme l'âme (atman) et l'absolu (brahman). Ces textes, qui sont d'époques probablement fort différentes, sont aussi des compléments dogmatiques des Vêdas; ils rentrent en majeure partie parmi les Brahmanas, mais plusieurs aussi ont une existence et une valeur indépendantes; ces dernières surtout ne sont souvent que l'écho de spéculations philosophiques propres à telle ou telle école brahmanique.

Les épopées classiques : Mahabharata et Ramayana.
Deux des oeuvres littéraires les plus importantes de l'Inde ancienne sont le Mahabharata et le  Ramayana. Ces épopées, en sanscrit classique, ont non seulement une grande importance religieuse, mais aussi littéraire et culturelle. 
Ce sont des récits mythologiques, et abordent également des questions de devoir, de moralité et de justice, qui sont centrales à la pensée indienne.

Le Mahabharata.
Attribué à Vyasa, ce poème épique est l'une des plus longues épopées jamais écrites, avec plus de 100 000 vers. Le Mahabharata contient également la Bhagavad-Gita, un dialogue entre Krishna et Arjuna, qui est l'un des textes philosophiques les plus importants de l'hindouisme. 

• Le Mahâbhârata semble être, dans sa partie essentielle, la plus antique des épopées indiennes. Déjà les aèdes indiens racontaient depuis longtemps en vers, et en s'accompagnent de la vîna, les exploits des dieux et des héros, lorsque la grande guerre de deux familles dans le nord de l'Inde, les Kauravas et les Pandavas, devint le sujet principal des chants épiques. Il n'est pas douteux que cette guerre ne fut terminée depuis longtemps, lorsque le premier auteur du Mahâbhârata la prit pour sujet; mais il n'est pas vraisemblable que cette épopée doive se placer entre Dion Chrysostome et Mégasthène, puisque les navigateurs grecs antérieurs à ce dernier la trouvèrent déjà dans le sud de l'Hindoustan. Nous la considérons aussi comme antérieure à Pânini, parce que, dans sa partie la plus antique, les règles de la langue sont moins fixes que dans ce grammairien. Mais il est évident, d'un autre côté, que la majeure partie de ce poème, est d'époques fort diverses et relativement récentes, et que son fonds primitif n'avait guère que le cinquième de cette étendue. Les récensions successives du Mahâbhârata l'ont agrandi chaque fois, et en ont fait un ouvrage sans unité de langue ni de doctrine, appartenant à des civilisations, à des croyances sensiblement différentes les unes des autres. De quelle époque datent ces additions? On peut dire seulement qu'on y trouve l'écho des diverses doctrines religieuses ou philosophiques auxquelles l'Inde a donné naissance. Il y a même telle partie qui forme à elle seule un véritable poème, et dont le lien avec la grande épopée est purement artificiel; telle est par exemple la Bhâgavad-Gîtâ. Enfin la rédaction définitive du poème, telle que nous la possédons, c.-à-d. dans toute son étendue, doit être considérée comme postérieure à l'ère chrétienne. On voit que le Mahâbharataa eu dans l'Inde un sort semblable à celui d'Homère chez les Grecs; seulement ce dernier a été soumis par les Alexandrins à un travail de critique qui a manqué au Mahâbhârata. (EB)
Le Ramayana.
Attribué à Vâlmîki, cette épopée narre l'histoire du prince Rama et de son exil, de l'enlèvement de son épouse Sita par le démon Ravana, et de sa quête pour la libérer. Le Ramayana est un texte fondateur pour la culture indienne et le modèle du dharma (le devoir). 
• Le Râmâyana offre cette unité de langue et de doctrine qui caractérise l'oeuvre d'un seul auteur; d'un autre coté, Vyâsa est un personnage presque fabuleux, tandis que Vâlmîki a toujours été regardé comme un homme ayant réellement vécu. Ce seul fait, ajouté à la perfection littéraire du poème montrerait que le Râmayana est postérieur au Mahabhârata. En outre, le sujet du poème nous présente la conquête aryenne de l'Hindoustan dans sa dernière période, puisqu'il la conduit jusque dans l'île de Sri Lanka. Enfin, le caractère allégorique des personnages indique une époque plus avancée du développement panthéistique de l'Inde. Toutefois, il est difficile de ne pas admettre que cette épopée, comme la précédente, repose sur un fond de traditions réellement historiques, et que Râma fut véritablement le conquérant et le civilisateur du Sud. Cette oeuvre était accomplie, et le poème de Vâlmiki existait selon toute vraisemblance, lorsque les anciens navigateurs grecs, antérieurs à Alexandre, parcoururent les cotes de la mer Érythrée et connurent les Indiens sanscrits. Le Râmâyana pourrait donc se placer entre cette époque et celle d'Homère; car il ne laisse soupçonner aucunement l'existence de la religion bouddhique, fait au moins singulier dans un poème tout mythologique et allégorique, si l'auteur de ce poème était postérieur au Bouddha. (EB)
Les premiers textes bouddhistes et jaïns.
Littérature bouddhiste.
Né en Inde, le bouddhisme n'a pu s'y maintenir; exilé, il a emporté avec lui ses idées et ses livres; de sorte qu'il semble avoir traversé le grand système brahmanique comme une comète traverse le système solaire, sans le troubler. Toutefois, comme le bouddhisme lui-même n'est pas arrivé à l'improviste, mais se rattache étroitement au développement philosophique de l'Inde (La Philosophie indienne), les livres composés avant son apparition l'annoncent en quelque sorte et prennent date à cause de lui; il en est de même, à plus forte raison, de ceux qui l'attaquent ou qui en font seulement mention comme d'une chose existante. Enfin il y a un certain nombre d'écrits contenant des allusions à des faits que les Grecs ou les Chinois ont eux-mêmes connus et dont ils nous ont donné la date précise. On voit donc que, par l'examen intrinsèque des livres sanscrits, et par le moyen des synchronismes, il est possible, dans une certaine mesure, de rétablir l'ordre chronologique dans cet immense dédale de la littérature indienne, dont les règles sont fixées par Pâninî.

Le Bouddha parut dans le VIe  siècle av. J.-C.; il prêcha, sans rien écrire. Ses prédications s'adressaient tantôt aux brahmanes, tantôt au peuple : au point de vue métaphysique, elles se rattachaient au système sânkhya, et n'apportaient rien de nouveau; mais elles tendaient à faire une réforme dans les moeurs et la vie religieuse, et provoquaient, par le principe de l'égalité des humains devant la Loi, l'abolition des castes et par conséquent une révolution politique. Cette tendance démocratique de la réforme se fait sentir dans toute la littérature bouddhique. Il en résulte, en effet, que, s'adressant aux masses populaires, les prédicateurs et les moralistes nouveaux sont obligés d'employer leurs expressions, leur langage, leurs figures de style, et de s'écarter par conséquent, non seulement des règles de Pâninî, mais des habitudes grammaticales de la société distinguée de leur temps. Dans la littérature brahmanique, le prâkrit n'apparaît qu'accidentellement dans les drames; dans la littérature bouddhique, il est partout. En outre, les nécessités mêmes de l'enseignement populaire forcent le maître à développer longuement ses idées, à les reprendre sous diverses formes, à les appuyer par des exemples ou des figures : de là la diffusion qui règne dans beaucoup d'ouvrages bouddhiques, les répétitions, les redondances; de là aussi des récits pleins d'intérêt, et des paraboles d'un sentiment profond et exquis. Le sentiment moral, la charité, forme en effet le fond le plus ordinaire des écrits bouddhiques, au moins des plus anciens; les doctrines métaphysiques et les règles hiérarchiques ne furent exposées que plus tard dans des ouvrages spéciaux. Néanmoins, selon la tradition, le premier concile, qui se réunit dans le Maghada immédiatement après la mort de Çâkya-Muni (Bouddha), divisa déjà les écrits sacrés en trois séries, comprises ensemble sous le nom de Tripitaka (ou Tipitaka), littéralement  les Trois corbeilles; la première contenait la doctrine du Bouddha lui-même sous le nom de Sûtras, la seconde les règles de discipline ou le Vinaya, la troisième la métaphysique ou l'Abhidharma. Cette division primordiale s'est perpétuée dans les pays bouddhistes du Nord et du Sud.

En dehors de ce premier corps de livres bouddhiques, furent composés un grand nombre d'autres textes. Les Jatakas , qui sont des récits des vies antérieures du Bouddha, sont également très populaires et ont un rôle important dans la littérature narrative ancienne. On trouve aussi des discours, surtout à partir du règne d'Açôka, le  grand propagateur de la foi nouvelle; car le concile qui fut tenu sous son règne décida qu'elle serait prêchée en tous lieux par des missionnaires, ce qui eut lieu en effet. La collection des livres sacrés fut faite une dernière fois dans le Nord sous le règne de Kanishka (Kanerki), quatre cents ans après la mort du Bouddha : ces livres existent encore; on en possède en outre la traduction tibétaine complète en cent volumes sous le nom de Kah-gyur, et différentes autres traductions étrangères à l'Inde. Apportés dans l'île de Ceylan (Sri Lanka) par l'apôtre Mahêndra au milieu du IIIe siècle av. J.-C., ils s'y conservèrent, et ne furent traduits en pâli qu'au commencement du Ve siècle de notre ère : c'est sous cette forme qu'ils existent encore à Sri Lanka, ainsi qu'en Thaïlande. On possède en pâli de Sri Lanka le Mahâvança, composé à la fin du Ve siècle de notre ère. Les Sûtras sanscrits du Népal, comme l'avait déjà établi Eugène Burnouf, sont de deux époques différentes et se divisent en deux catégories : les Sûtras simples et les grands Sûtras; ceux-ci, postérieurs pour la langue, la forme et la doctrine, ne sont que le développement des premiers, et montrent la personne du maître au milieu d'un cortège de dieux et de personnages fantastiques dont les Sûtras simples sont exempts; les récits de ces derniers et leurs paraboles s'y retrouvent, mais amplifiés et délayés avec une abondance excessive. L'antériorité des Sûtras simples par rapport aux autres est démontrée par leur simplicité relative, mais surtout par le point de développement où la doctrine est parvenue dans les uns et dans les autres; quant aux grands Sûtras, ils existaient déjà au temps du voyageur chinois Pa-Hian , vers la fin du IVe siècle et le commencement du Ve, époque où l'on doit conséquemment penser que le culte de Shiva était déjà ancien dans l'Inde brahmanique. 

Ce fait rapproché de beaucoup d'autres, montre la postériorité du bouddhisme par rapport à la religion des brahmanes, et que ces deux religions sont issues l'une de l'autre et n'ont pas puisé simultanément à une source commune. Le panthéon brahmanique a passé presque tout entier dans le bouddhisme; mais les Sûtras, surtout les derniers en date, l'ont accru d'une hiérarchie d'esprits supérieurs, dont le dernier degré est celui de Bouddha parfaitement accompli; l'antique Brahma s'y trouve, mais dédoublé et placé à un rang inférieur. Mais les dieux brahmaniques sont plutôt des conceptions poétiques et des personnifications littéraires des forces de la nature que des êtres dont l'existence ait une valeur réellement philosophique : pour devenir tels et entrer dans une doctrine ou l'on tient à peine compte de la notion de Dieu, il a donc fallu que ces antiques conceptions védiques eussent dépouillé en grande partie leur caractère primitif pour devenir des notions philosophiques et désigner des degrés dans la hiérarchie céleste.  Cette remarque porte sur toute la littérature védique, à l'exception peut-être des plus anciens Sûtras, et sur la majeure et la meilleure partie de la littérature brahmanique. En effet, celle-ci, principalement dans l'épopée, nous présente les dieux sous la figure d'êtres poétiques et symboliques en tout semblables aux dieux de la Grèce. Les parties où ils n'ont pas ce caractère sont pour cela même regardées comme des interpolations et rangées parmi les écrits relativement modernes; le reste, c. -à-d. le fond primitif de ces poèmes, doit donc être considéré comme antérieur de beaucoup d'années à la naissance du bouddhisme, c.-à-d. au VIe siècle av. J.-C. Enfin, les plus anciens Sûtras bouddhiques, ceux qui remontent au dernier concile, nous offrent le tableau d'une société moralement et matériellement tombée très bas par l'excès même de sa civilisation; cela seul peut expliquer le grand succès de la prédication du Bouddha, non seulement dans le bas peuple, mais dans toutes les castes de l'Inde. Or, cette civilisation excessive, ces vices, ces misères, ne se montrent nullement dans les épopées, comme ils se font sentir par exemple dans Virgile, et comme ils se voient dans les drames indiens. Ces considérations essentielles marquent dans quelle phase littéraire de l'Inde on doit placer cette littérature bouddhique, qui n'y a fait pour ainsi dire qu'une apparition de quelques siècles, et qui s'en est exilée avec la doctrine elle-même et ses représentants. On doit considérer comme postérieurs à la collection du Tripitaka les nombreux ouvrages connus sous le nom de Tantras. Ce titre désignait déjà des écrits brahmaniques d'une période littéraire plus ancienne; les Tantras bouddhiques, qui sont au point de vue littéraire d'une extrême pauvreté, offrent cet intérêt, qu'ils marquent une phase du développement des idées bouddhistes dans l'Inde. Ils portent généralement la marque d'une influence des cultes brahmaniques sur la nouvelle religion, et d'une sorte de retour de celle-ci vers l'ancienne. Pleins de formules de superstition et de magie, les Tantras bouddhiques semblent être le produit d'une alliance entre le culte du Bouddha et celui de Shiva; de sorte que ce dernier, qui est encore en vigueur dans l'Inde, se trouve, par le fait de son union avec le bouddhisme, rangé parmi les derniers développements des idées brahmaniques. (EB)


Littérature jaïne.
La littérature jaïne ancienne est principalement composée des Agamas, écrits en prâkrit (langue vernaculaire). Ils relatent les enseignements du 24e Tirthankara, Mahavira, et sont conservés par les communautés jaïnes. Ces textes exposent les principes du non-violence (ahimsa), de la vérité et de la maîtrise de soi, qui sont au coeur de la philosophie jaïne.

Littérature sanscrite classique.
Le théâtre.
Le théâtre indien (en prâkrit nata) est issu de la danse. C'est ainsi que des fêtes de Dionysos est sorti le choeur, qui formait presque à lui seul les drames primitifs de la Grèce. La danse elle-même parait être issue des cérémonies vêdiques, ce qui explique pourquoi les Indiens attribuent au drame une origine divine, et supposent un poète dramatique et une troupe d'acteurs divins donnant des représentations à la cour céleste d'Indra. Toutefois, le drame ne naquit en Inde qu'à une époque où la danse était entièrement sécularisée : parmi les drames que nous possédons, les plus modernes ont seuls un but et un sens religieux; les plus anciens empruntent leurs sujets et leurs personnages à la vie ordinaire. Ce fait, après tout, ne prouve rien quant à l'origine du drame indien, puisque nous sommes loin de posséder les premiers essais qui aient été faits an ce genre : si le Chariot d'argile du roi Sudraka est le plus ancien que nous ayons, il montre au contraire par sa perfection que le drame était cultivé depuis longtemps dans l'Inde lorsqu'il parut au jour. Rien n'indique que le drame ait fait partie des cérémonies sacrées au temps du roi Sudraka; s'il était joué aux jours des sacrifices, il n'était offert aux assistants que comme un amusement royal : ce caractère de frivolité qui semblait s'attacher aux drames, malgré le travail sérieux de leurs auteurs, explique peut-être pourquoi, d'une part, les anciens drames sont perdus, pourquoi, de l'autre, ce genre s'est perpétué si longtemps et même jusqu'à nos jours. Les traités spéciaux et les usages traditionnels expliquent de même pourquoi la forme des drames a si peu changé : en effet, à partir d'une époque fort ancienne, les drames ont fait partie du cérémonial à la cour des rois indiens. On ne peut guère contester que le Chariot d'argile ne soit antérieur à Kâlidâsa, le plus célèbre poète dramatique de l'Inde, que l'opinion commune fait vivre à la cour de Vikramâditya, 56 ans avant J.-C. Le prâkrit est en usage dans les drames quand on y fait parler des gens du peuple; ce langage est très corrompu dans le Chariot d'argile; il l'est moins dans les drames attribués à Kâlidâsa, mais cela ne saurait rien prouver quant à leur âge relatif, puisque, dès que l'on sort du sanscrit, la langue usuelle n'a plus de règles fixes, et l'usage qu'en fait le poète est arbitraire. D'ailleurs, dans plusieurs des meilleurs drames indiens, il y a des personnages bouddhistes, et, quoique les drames soient essentiellement brahmaniques, les bouddhistes y sont traités avec déférence, avec respect : ces drames sont donc au moins de l'époque où le bouddhisme vivait dans l'Inde, et paisiblement, à côté de la religion qui devait plus tard l'en bannir; tels sont les beaux drames de Bhavabhûti

Les sujets des drames indiens sont parfois empruntés à la vie ordinaire; mais le plus souvent Ils sont pris dans la tradition épique du Mahâbhârata ou du Râmâyana; quelques-uns prennent leurs sujets dans les Vêdas eux-mêmes; d'autres, enfin, dans la légende de Krishna. La manière dont ces sujets sont traités ne rappelle en rien le théâtre grec : ici, en effet, il n'y a que les tragédies et des comédies; le genre mixte des Modernes, appelé spécialement drame, ne se rencontre que chez les Romains (par exemple, les Captifs de Plaute), et encore accidentellement, confondu avec la comédie. L'Inde n'a point de tragédies : une représentation est dans ce pays un amusement royal, et, à ce titre, doit toujours finir bien; la vertu doit y être récompensée, et le pécheur y recevoir son pardon. Le choeur n'y tient pas la même place que dans les pièces grecques; la longueur des représentations, le nombre des personnages, la complication de l'intrigue, sont poussés beaucoup plus loin ici que dans Ménandre ou Philémon. II n'y a donc aucun élément commun entre ces deux théâtres; et, d'autre part, il n'y a aucun fait historique d'après lequel on puisse dire que les Indiens aient tiré l'idée du drame des théâtres grecs de la Bactriane ou du Penjab. 

Du reste, les drames anciens de l'Inde sont ou mythologiques, comme Vikrama et Urvaçî, ou d'intrigue et de caratère, comme le Chariot d'argile et le Mudrâ Râxasa (l'Anneau du ministre). II n'y avait pas de théâtres publics; le public se composait de la cour et des invités; les acteurs, qui étaient des deux sexes, ne formaient pas une classe méprisée. Une mise en scène habile et variée représentait les objets fantastiques comme les objets naturels; il y avait des scènes à grand spectacle, faites surtout  pour le plaisir des yeux. La règle des trois unités se réduisait à, l'unité d'action : le drame lui-même était romantique, sans être né d'un art matérialiste, et sans s'écarter outre mesure du naturel et du bon sens. Un fait singulier nous est offert par le théâtre indien : il y avait des pièces entièrement métaphysiques, où les personnages étaient des idées : tel est le Prabôdha Tchandrôdaya (Lever de la Lune de l'Intelligence); ce fait suppose un public comme aucun théâtre de l'Europe ancienne ou moderne n'en a jamais contenu, et caractérise la société distinguée de l'Inde.

La Poésie.
La poésie lyrique et les genres légers comptent dans l'Inde un assez grand nombre d'écrits, nous citerons les deux plus célèbres : le Nuage-Messager ou Mêghadûta, attribué à Kâlidâsa, et qui a été le modèle de beaucoup d'ouvrages semblables, et le Gîta-Gôvinda, chant d'amour mystique et symbolique, dont l'auteur est Jayadêva. Cette poésie romanesque, à l'exception de ce dernier poème, est d'un style souvent affecté et d'un caractère sensualiste parfois très dissolu : elle date, en général, des temps où ont été dans leur vigueur les cultes de Shiva et de Krishna, et s'étend depuis le commencement de l'ère chrétienne jusque durant la domination musulmane. 

La poésie Kāvya est un genre de poésie élégante, avec des descriptions raffinées et un langage sophistiqué. Des poètes comme Ashvaghosha, auteur du Buddhacharita (Vie du Bouddha), ont également contribué à ce genre.

La fable et le conte.
La fable et le conte sont représentés en Inde par plusieurs ouvrages importants, dont l'existence se lie à l'histoire des mêmes genres en Occident. Le plus ancien d'entre eux est le Pantchatantra, dont il est difficile de fixer la date, mais qui certainement n'est pas le premier livre de fables qui ait été composé en Inde : c'est ce que prouve sa perfection; l'Hitôpadêça en est l'abrégé. La nature des croyances religieuses de l'Inde rapprochait l'homme des animaux, et la vie commune qu'ils menaient avec les humains invitait ces derniers à cirer de leurs habitudes instinctives des règles de conduite pour eux-mêmes. II n'est donc nullement nécessaire de supposer que les Indiens aient imité les fables grecques : mais celles-ci peuvent bien aussi s'être développées sans l'influence de l'Inde; vu sait toutefois que la fable est venue d'Asie avec Esope le Phrygien; ce personnage presque mythologique, l'avait-il inventée ou la tenait-il lui-même des Orientaux?

La littérature philosophique.
Parmi les ouvrages qui la composent, la philosophie se  place au premier rang, soit par son importance absolue,  soit par son ancienneté et son long développement historique. La période védique  avait déjà discuté ou abordé la plupart des questions de  métaphysique et de cosmologie, avant que ces mêmes problèmes fussent traités en langue sanscrite. Il n'y a pas eu d'interruption dans ce mouvement d'idées, non plus que dans l'usage des deux langues, puisque celles-ci ont coexisté pendant plusieurs siècles. C'est donc dans les Vêdas et dans les plus anciens Brahmanas qu'il faut chercher l'origine de toute la littérature philosophique de l'Inde. Quant aux écrits philosophiques que nous possédons, l'existence d'anciennes écoles demeurées célèbres prouve qu'ils ont été précédés de beaucoup d'autres, dont plusieurs sans doute existent encore dans le pays. Les traités de philosophie portent le nom de Sûtras, fil, enchaînement d'idées. Les plus anciens eurent pour auteur Kapila, qui fut plus tard divinisé, et que l'on considère comme le fondateur du système sânkhya. Cet auteur est antérieur au bouddhisme, dont la métaphysique est étroitement liée avec celle de ce système, et dont les légendes le donnant comme de beaucoup antérieur au Bouddha. Or l'époque de ce réformateur est aujourd'hui fixée au VIe siècle av. J.-C. Patanjali, et plus tard Yâlnavalkya, fondèrent et appliquèrent à la vie pratique la doctrine du Yôga; ces auteurs sont représentés comme bouddhistes, ou du moins comme ayant prêté leur concours aux ascètes de cette religion dans un temps où elle n'était probablement encore regardée que comme un système de philosophie morale; il y a donc une relation étroite entre les livres qui traitent du système sânkhya et ceux qui exposent le yôga ou la doctrine de dite de l'union mystique. Parmi ces derniers on doit remarquer, outre le XIIe livre du Mahâbhârata, la Bhagavad-Gîta, qui rattache la doctrine du yôga au culte populaire de Krishna. Ce dernier fait semble indiquer que ce poème n'est pas d'une date très ancienne ; plusieurs passages font penser qu'il est contemporain de la prédication bouddhiste dans l'Inde, laquelle comprend elle-même une longue série d'années. C'est donc à cette époque, voisine du début de l'ère chrétienne, que l'on peut le mieux placer le plus beau développement de cette partie de la littérature philosophique chez les Indiens. 

A coté de cette école, et un peu après elle, florissait la philosophie contenue dans les Mîmânsâ-Sûtras; l'auteur du plus ancien d'entre ces livres est Jaimini, que l'on donne comme le révélateur du Sâma-Vêda; le Sûtra de Bâdârayna représente le second développement de la même doctrine; et toutefois l'authenticité de ces deux écrits est loin d'être prouvée; on peut seulement dire qu'ils remontent à une période assez reculée. Citons encore le Brâhma-sûtra, dont le but est d'établir que les différents systèmes philosophiques sont plus ou moins erronés, que le monde n'a pas de réalité substantielle, et que Dieu seul existe dans son unité absolue. Cet ouvrage est d'une date postérieure aux précédents, mais ancienne. 

La logique est représentée en sanscrit par une longue suite d'ouvrages, appelés également Sûtras, qui se rattachent aux différents systèmes de philosophie et de métaphysique. Les recherches logiques ont occupé les plus anciens brahmanes.  Mais les anciens traités de logique sont perdus ou ne sont pas entre nos mains; les autres, qui sont plus récents, sont réunis sous les noms de Kanâda et de Gôtama, auteurs d'une époque incertaine.

La grammaire.
Dans la littérature brahmanique se rangent encore les ouvrages de grammaire. Pânini, considéré comme le législateur de la langue sanscrite, est d'une époque fort ancienne, bien qu'il cite les Yavanas (Ioniens ou Grecs), puisque ce nom désigne peut-être les Occidentaux en général. Sa grammaire est un livre d'une grande valeur, et que les Indiens ont souvent enrichi de commentaires. Citons aussi le Vocabulaire d'Amarasinha, auteur cité comme contemporain de Kâlidâsa; les traités de Rhétorique, de Poétique, de Métrique composés à différentes époques, mais dont les principes remontent très haut dans l'histoire et se rattachent à la période antique des Vêdas

La littérature scientifique.
Nous ne pouvons traiter en détail ici de la littérature scientifique, qui forme en sanscrit toute une bibliothèque. L'Astronomie a produit en Inde un assez grand nombre d'ouvrages, dont plusieurs ont une importance réelle pour l'histoire de cette science. Ce sont les Indiens , en effet, qui ont inventé les chiffres décimaux, l'arithmétique et l'algèbre, transmises à l'Occident par l'intermédiaire des Arabes, et plus tard reportées par eux aux Indiens eux-mêmes avec l'astronomie. La médecine a eu en Inde un développement original : les traités qui existent ont un intérêt particulier, soit en eux-mêmes, soit au point de vue de l'histoire de cet art. Enfin nous indiquons seulement en passant les traités relatifs à la peinture (La peinture orientale), à la sculpture, à l'art de bâtir, à l'art militaire, etc., pour faire sentir combien est riche la mine que la littérature sanscrite offre à l'Occident.

Les textes juridiques et philosophiques.
Les Lois de Manou et les dharmaçâstra.
Les textes juridiques indiens codifient les règles de conduite sociale et religieuse. Le plus célèbre est le Manusmriti (ou Lois de Manou), qui traite des devoirs des différentes castes, des lois civiles et criminelles, ainsi que des rites religieux. Quant aux ouvrages relatifs à la législation et appelés dharmaçâstra, ils sont en grand nombre dans la littérature sanscrite; beaucoup d'entre eux sans doute sont perdus. Il en a été composé à toutes les époques, depuis les divers codes qui ont porté le nom de Manou jusqu'à nos jours. A ces ouvrages d'une portée générale, il faut ajouter les traités spéciaux où sont contenues les prescriptions et les règles propres à chaque fonction, à chaque exercice, à chaque métier.

Les Sutras.
Les Sutras sont des textes concis et cryptiques servant à résumer les doctrines philosophiques et religieuses. Parmi les plus connus figurent les Yoga Sutras de Patanjali, qui posent les bases du système de yoga, et les Nyaya Sutras, qui traitent de logique. Les Sûtras continuent les Brahmanas, et sont aussi des commentaires des Védas; leurs explications semblent s'abréger à mesure qu'elles sont plus nombreuses, et cette concision augmente de plus en plus leur obscurité. Les Sûtras sont souvent moins clairs que les Vêdas eux-mêmes; ils sont, pour la plupart, d'une époque où la société brahmanique existait avec sa division régulière en quatre castes; les Brahmanas indiquent tout au plus que ce régime était en voie de s'établir. 

Période médiévale (500-1500)

Littérature en sanscrit
Bien que le sanscrit ait atteint son apogée pendant l'antiquité classique, il a continué à jouer un rôle majeur pendant la période médiévale. Des textes philosophiques, théologiques, et poétiques ont été écrits, notamment dans des formes comme la poésie lyrique.

Les Purânas.
Les Purânas, une collection de textes mythologiques et cosmogoniques, ont été compilés ou développés à cette époque. Les Purânas, comme quelques autres poèmes contemporains d'une moindre importance, se rattachent au genre épique. II existait déjà, dans les anciens temps, des oeuvres poétiques nommées aussi Purânas, qui ont été perdues ou dont nous n'avons pas les textes : ces oeuvres, qui remontaient peut-être au temps des grandes épopées, ont servi de point de départ aux Purânas proprement dits et dont les deux plus importants ont été conservés. Ils sont d'une époque qu'il est difficile de fixer, mais la nature des doctrines qui y sont développées prouve l'âge moderne de leur composition : en effet, ils se rapportent tous au culte et aux incarnations de Vishnu et de Shiva, c.-à-d. aux deux plus récentes religions de l'Inde.

Autres aspects de la littérature indienne médiévale.
La littérature dévotionnelle.
Le mouvement Bhakti, qui va surtout se développer pendant la période moderne, commence à produire, dès le VIIe siècle,  ses premières oeuvres. Il prône une relation personnelle et dévotionnelle à une divinité et a donné naissance à une abondante littérature dans différentes langues indiennes. Ce mouvement, centré sur des dévotions directes à Vishnu, Krishna, Shiva, ou les déesses, a produit des textes poétiques riches. Kabir, un mystique qui écrivait en hindî et en ourdou, est l'un des plus grands poètes du Bhakti. Il a critiqué les pratiques religieuses rigides de l'hindouisme et de l'islam, tout en prônant une relation directe avec le divin. Les Alvars et Nayanars (poètes tamouls) en tamoul ont également écrit des poèmes de dévotion centrés sur Vishnu et Shiva respectivement. Mirabai, poétesse rajput, est également une figure emblématique. Elle a chanté sa dévotion pour Krishna à travers ses chansons pleines de passion.

Littérature soufie et musulmane.
Avec l'arrivée de l'islam au sous-continent indien, un autre courant littéraire a émergé, particulièrement dans les régions du nord de l'Inde, où la poésie soufie a pris racine. Cette littérature est volontiers mystique et liée à la recherche de l'union divine. Amir Khusrau (1253-1325) est l'une des figures pionnières de la poésie soufie en Inde. Il écrit en persan et en hindavi (précurseur de l'ourdou), et est célèbre pour ses ghazals mystiques. Il  également joué un rôle clé dans le développement de la musique classique indienne. La poésie soufie, comme celle de Bulleh Shah, a également marqué l'époque, avec des poèmes exprimant une quête spirituelle d'union avec le divin.

Épopées et oeuvres classiques régionales.
Cette période a vu l'émergence d'épopées dans diverses langues vernaculaires. En tamoul, on trouve ainsi l'épopée Kamban Ramayanam (une version du Ramayana par Kambar).  En kannada, le Pampa Bharata est une version du Mahabharata écrite par Adikavi Pampa.En bengali, le poème épique Mangal Kavya se concentre sur les divinités locales et les traditions populaires.

Littérature jaïn.
Le jaïnisme a également produit une riche  littérature pendant cette période, en sanscrit et dans les langues vernaculaires comme le prâkrit, le kannada, et le tamoul. Les textes jaïns incluent des oeuvres philosophiques, théologiques, ainsi que des récits épiques.

Période moderne (1500-1900)

Littérature bhakti.
Né pendant la période précédente dans le Sud de l'Inde, le mouvement mouvement dévotionnel (bhakti), s'étend désormais à tout le sous-continent. Il  est l'une des caractéristiques les plus marquantes de cette période et atteint son apogée entre 1500 et 1800. 

Les poètes bhakti écrivent dans des langues locales comme le hindi, le marathi, le tamoul, le télougou, le bengali, et d'autres, rendant la littérature plus accessible aux masses. Le thème central est l'amour personnel pour le divin, souvent exprimé dans des termes mystiques, passionnés, voire sensuels. Les poètes bhakti contournent les institutions religieuses et les pratiques rituelles formelles. Ils rejettent les castes, les distinctions sociales et les rites complexes, prônant une égalité spirituelle devant le divin. Principaux auteurs (en langue hindi) :

Kabir (1440-1518) est un écrivain mystique du nord de l'Inde. Il est l'un des poètes les plus connus du mouvement bhakti. Il critique à la fois l'hindouisme et l'islam,et prône une voie de dévotion simple et spirituelle. Ses poèmes se signalent par leur critique des rituels et leur approche mystique. Mirabai (1498-1547) est une poétesse rajput qui a exprimé dans ses oeuvres sa dévotion envers Krishna. Elle est une figure emblématique du mouvement bhakti. Ses poèmes sont saturés d'amour divin. Surdas (1478-1583) est un poète dévotionnel aveugle du nord de l'Inde, auteur d' hymnes dédiés à Krishna. Il  Surdas fait partie du courant Vaishnava de la bhakti. Tulsidas (1532-1623) et l'auteur de la version en hindi du Ramayana intitulée Ramcharitmanas. Il est l'un des plus grands poètes dévotionnels de la littérature indienne. Son oeuvre a rendu l'épopée de Rama accessible au peuple, et elle est encore largement récitée aujourd'hui.

Ajoutons que la langue marathi connaît une floraison importante de la poésie bhakti avec des poètes comme Eknath et Tukaram, qui prêchent la dévotion à Vitthala (une forme de Krishna) et dénoncent les inégalités sociales. En bengali, Chandidas et Vidyapati sont deux poètes importants, qui expriment leur dévotion à Krishna et Radha, tout en abordant des thèmes d'amour mystique.

Littérature soufie.
Simultanément à l'expansion du mouvement bhakti, la littérature soufie prend également une grande importance dans les régions influencées par l'islam. Le soufisme, branche mystique de l'islam, s'intéresse la relation  entre l'individu et Dieu à travers l'amour et la recherche de l'union divine. Au XVIe siècle, la littérature soufie continue de se développer en ourdou et en persan sous les Moghols, avec des poètes comme Abdul Rahim Khan-e-Khana (1556-1627) et Baba Farid.

Littérature indienne sous les Moghols (1526 - 1857).
La littérature ourdou.
L'ourdou émerge comme une langue littéraire sous l'influence de la culture moghole, qui favorise le développement de la littérature en persan et en ourdou. L'ourdou est une langue hybride, née de la rencontre entre le persan, l'arabe, le turc et les langues locales du sous-continent. Elle devient une langue poétique majeure au cours des XVIIe et XVIIIe siècles.

Mirza Ghalib (1797-1869) est sans doute le poète ourdou le plus célèbre de cette époque. Ses ghazals mélancoliques et introspectifs parlent de l'amour, de la douleur et des dilemmes existentiels avec une subtilité inégalée. Son style et son langage raffiné ont laissé une marque indélébile sur la poésie ourdoue. Sauda (1713-1781) et Mir Taqi Mir (1723-1810) sont également deux figures importantes de la poésie ourdoue classique. Ils sont connus pour leurs ghazals et leurs masnavi (poèmes narratifs), traitant dréquemment de thèmes amoureux, mystiques et philosophiques.

Littérature persane de l'Inde.
Le persan est la langue de la cour et de l'administration moghole. Sous les empereurs moghols comme Akbar, Jahângîr et Shâh Jahân, la littérature en persan prospère. Des écrivains et poètes comme Abul Fazl (chroniqueur de la cour d'Akbar) contribuent à cette tradition littéraire. Abul Fazl (1551-1602) est l'auteur du célèbre Akbarnama, une chronique détaillée de la vie de l'empereur Akbar, ainsi que de l'Ain-i-Akbari, un document qui décrit la structure administrative et culturelle de l'empire moghol.

Influence coloniale.
Avec l'arrivée des Britanniques au XVIIIe siècle, la littérature indienne commence à subir l'influence des formes littéraires européennes, comme le roman, le théâtre et l'essai. Les premières oeuvres de fiction moderne apparaissent dans des langues comme le bengali et l'anglais vers la fin du XIXe siècle.

Raja Ram Mohan Roy (1772-1833), réformateur social et intellectuel bengali, est  considéré comme un pionnier de la renaissance littéraire moderne en Inde. Il milite pour l'abolition des pratiques sociales répressives comme le sati (immolation des veuves) et joue un rôle dans la modernisation de la société indienne à travers l'écriture et la traduction. Bankim Chandra Chatterjee (1838-1894) est l'un des premiers romanciers en bengali. Il est l'auteur du roman Anandamath (1882), qui contient le poème patriotique Vande Mataram, un hymne au pays devenu un symbole du mouvement pour l'indépendance.

Littérature indienne au XXe siècle

Littérature nationaliste et engagement politique.
Rabindranath Tagore (1861-1941) est l'une des figures les plus éminentes de cette époque. Il est poète, romancier, dramaturge et essayiste, et reçoit le Prix Nobel de littérature en 1913 pour son recueil de poèmes Gitanjali (L'Ofrande lyrique, 1910). Tagore prône une vision humaniste et universaliste, tout en étant profondément enraciné dans la culture indienne. Ses oeuvres touchent à des thèmes tels que la nature, l'amour, l'identité et la liberté. En plus de la poésie, il a écrit des romans tels que Gora (1910) et La Maison et le Monde (Ghare Baire, 1915), qui racontent les tensions entre tradition et modernité, ainsi que les dilemmes moraux posés par le nationalisme.

En tamil, Subramania Bharati (1882-1921) est un poète révolutionnaire et journaliste, dont les poèmes exaltent la liberté et la révolte contre l'oppression coloniale. Il prône également l'émancipation des femmes et la justice sociale.

Littérature moderniste et réaliste.
Le XXe siècle marque également le développement du réalisme social dans la littérature indienne. La modernisation rapide de la société indienne devient un thème majeur.

Littérature hindi.
Premchand (1880-1936), l'un des plus grands écrivains en hindi et en ourdou, est considéré comme le pionnier du roman réaliste indien. Ses oeuvres, comme Godaan (Le Don de la Vache) et Nirmala, dépeignent les souffrances des paysans, des femmes, et des castes marginalisées, et critique les injustices sociales et les traditions oppressives. Son style simple et direct, combiné à un profond humanisme, en fait une figure incontournable de la littérature moderne indienne.

Littérature ourdoue.
Saadat Hasan Manto (1912-1955) est l'auteur de nouvelles réalistes qui dépeignent les horreurs de la partition de l'Inde et les fractures sociales de la société indienne. Son recueil de nouvelles Toba Tek Singh, est un exemple de son approche brutalement honnête et volontiers satirique.

Théâtre indien.
Le théâtre indien moderne voit des dramaturges comme Vijay Tendulkar (marathi), Girish Karnad (kannada), et Badal Sircar (bengali) introduire des sujets contemporains comme la violence, la sexualité, et les conflits de pouvoir.

Littérature de la partition et de l'indépendance.
La partition de l'Inde en 1947, qui conduit à la création du Pakistan, est un événement dévastateur pour le sous-continent, et la violence qui l'accompagne inspire une vague de littérature marquée par la douleur, la nostalgie, et la critique des divisions religieuses et politiques. Khushwant Singh (1915-2014), dans son célèbre roman Train to Pakistan (1956), raconte la brutalité et la tragédie humaine de la partition à travers l'histoire d'un village situé à la frontière du Punjab. Saadat Hasan Manto traite également de ce thème dans ses nouvelles, où il décrit les pertes humaines et les traumatismes de la partition avec une lucidité clinique et un style concis.

Littérature postcoloniale et anglophone.
R.K. Narayan.
R.K. Narayan (1906-2001) est l'un des premiers romanciers indiens à écrire en anglais et à obtenir une reconnaissance internationale. Ses romans, comme Swami and Friends (1935) et The Guide (1958) se déroulent dans la ville fictive de Malgudi et décrivent la vie quotidienne des Indiens avec une touche d'humour et de tendresse. Narayan se signale par sa simplicité stylistique et sa capacité à saisir les nuances de la vie indienne. 

Salman Rushdie.
Salman Rushdie (né en 1947 à Bombay) est probablement l'écrivain indien anglophone le plus célèbre du XXe siècle. Le grand public l'a connu par les circonstances dramatiques qui ont entouré la publication de son roman Les Versets sataniques (1988). Mais avant cela, il avait déjà publié Les Enfants de minuit (1981), qui retrace l'histoire de l'Inde moderne à travers la vie de personnages nés au moment de l'indépendance, et qui est considéré comme un chef-d'oeuvre de la littérature mondiale. Rushdie se recommande par son style baroque et son usage du réalisme magique, inspiré de l'œuvre de Gabriel García Márquez. Le roman est une méditation sur l'histoire de l'Inde, la politique, et l'identité postcoloniale.

Arundhati Roy.
Arundhati Roy, avec son roman Le Dieu des petits riens (1997), analyse les dynamiques de caste, de genre et de famille dans l'État du Kerala. Son oeuvre a été saluée pour sa poésie et son exploration des petites tragédies de la vie quotidienne. Elle a également remporté le Man Booker Prize.

Littérature féministe et voix marginales
Littérature féministe.
Des écrivaines comme Mahasweta Devi (bengali), Ismat Chughtai (ourdou), et Kamala Das (malayalam et anglais) se concentrent sur la condition des femmes, les injustices de caste et de classe, et les oppressions multiples subies par les groupes marginalisés. Mahasweta Devi, en particulier, est l'autrice de récits sur les populations tribales et les luttes des marginalisés en Inde.

Littérature dalit.
À partir des années 1960-1970, la littérature dalit émerge comme un genre important, avec des écrivains comme B.R. Ambedkar (écrivain et réformateur social) et Namdeo Dhasal (poète marathi). La littérature dalit dénonce les injustices du système des castes et dépeint la lutte pour la dignité des intouchables. Mulk Raj Anand (1905-2004) est un auteur pionnier de la littérature indienne en anglais, auteur de récits réalistes qui traitent des inégalités sociales, notamment le système des castes. Son roman Untouchable (1935) dénonce le sort des Intouchables (dalits) dans la société indienne; Coolie (1936), une autre de ses oeuvres, décrit les luttes des travailleurs exploités.

La littérature indienne du premier quart du XXIe siècle

Thèmes contemporains.
Politique, urbanisation, et diaspora.
Chetan Bhagat est un auteur populaire qui écrit principalement sur la jeunesse indienne urbaine. Bien que critiqué pour son style simple, il est reconnu pour avoir abordé les aspirations et les frustrations des jeunes Indiens de la classe moyenne dans une ère de mondialisation, comme dans ses romans Five Point Someone (2004) et 2 States (2009). Arundhati Roy, en dehors de ses romans, est également connue pour ses essais politiques. Elle écrit sur les droits des minorités, l'impact du néolibéralisme, les conflits au Cachemire, et d'autres sujets qui touchent à la politique contemporaine. Amitav Ghosh poursuit à questionner les migrations, l'histoire coloniale, et l'écologie dans des essais comme Le Grand Dérangement (The Great Derangement : Climate Change and the Unthinkable, 2016), qui aborde le changement climatique et ses impacts sur l'Asie du Sud. 

Arundhati Roy (née en 1961), déjà remarquée pour son premier roman Le Dieu des petits riens (1997) où elle traitait des relations sociales et des castes en Inde, a publié en 2017 son deuxième roman très attendu, Le Ministère du bonheur suprême. Ce livre aborde des thèmes tels que la violence étatique, la condition des femmes, la répression des minorités, et la complexité de l'identité indienne post-indépendance. Kiran Desai, avec son roman La Perte en héritage (2006), a remporté le Man Booker Prize. Il y traite des thèmes de l'exil, de la perte culturelle, et de l'impact du colonialisme sur l'identité, à travers l'histoire de plusieurs générations de personnages entre l'Inde et l'Amérique. Aravind Adiga a fait sensation avec son premier roman Le Tigre blanc (2008), pour lequel il a également remporté le Man Booker Prize. Ce roman utilise un ton satirique pour traiter dess inégalités sociales et économiques de l'Inde contemporaine. Adiga se concentre sur les vies des marginaux et des classes inférieures, et décrit les tensions sociales entre les riches et les pauvres dans une Inde en pleine mutation.
 

Jhumpa Lahiri, connue pour ses récits sur la diaspora indienne, continue de produire des œuvres importantes. Bien que ses livres se concentrent souvent sur des personnages d'origine indienne vivant à l'étranger, elle examine les thèmes de l'appartenance, de l'aliénation, et de l'identité biculturelle. Son roman Unaccustomed Earth (2008) explore la vie des immigrants indiens aux États-Unis. Anuradha Roy est une autre auteure notable, avec des œuvres comme Sleeping on Jupiter (2015), qui explore des thèmes tels que la violence sexuelle, la mémoire et le traumatisme dans la société indienne.

Littérature féministe.
Le XXe siècle a vu une montée de la littérature féministe, et cette tendance s'est intensifiée au XXIe siècle. Meena Kandasamy, poétesse et romancière, est une figure importante du féminisme littéraire. Elle aborde des sujets tels que la violence conjugale, le sexisme et les injustices de caste. Son roman When I Hit You: Or, A Portrait of the Writer as a Young Wife (2017) a été salué pour sa représentation brutale et poétique de la violence domestique. Tishani Doshi, à la fois poète et romancière, aborde les thèmes tournant autour du corps féminin, de la sexualité et de la mémoire dans des oeuvres comme The Pleasure Seekers (2010) et Small Days and Nights (2019). Geetanjali Shree s'est fait connaître sur la scène internationale en 2022 en remportant le International Booker Prize pour son roman Ret Samadhi). Ce roman traite du traumatisme intergénérationnel causé par la partition de l'Inde et aborde les thèmes du vieillissement, de la féminité, et de l'identité. Sarah Joseph, une romancière et féministe de langue malayalam , a reçu de nombreux prix pour ses récits qui traitent des réalités sociales des femmes et des questions écologiques. 

Littérature LGBTQ+.
Les écrivains indiens LGBTQ+ ont également acquis une plus grande visibilité depuis 2000. Avec la décriminalisation de l'homosexualité en Inde en 2018, de plus en plus d'écrivains abordent ouvertement la sexualité et l'identité de genre dans leurs œuvres.    Vikram Seth, déjà célèbre pour Un garçon convenable (A Suitable Boy), a ouvertement discuté de sa bisexualité et est devenu un porte-parole des droits LGBTQ+ en Inde. R. Raj Rao, dans son roman The Boyfriend (2003), raconte la vie d'un homme gay dans les ruelles de Mumbai. Son oevre est l'une des premières en Inde à traiter aussi ouvertement de l'homosexualité.

Littérature dalit.
La littérature dalit (= littérature des Intouchables, des hors-castes) prend de plus en plus d'importance dans le paysage littéraire indien. Les écrivains dalits dénoncent les inégalités de caste et racontent les expériences vécues par les intouchables ou les castes marginalisées. Bama Faustina ( Bama), est une voix importante dans la littérature tamoule dalit. Son roman autobiographique Karukku (1992) continue d'être largement lu et étudié. Il décrit les oppressions de caste et de genre dans l'Inde rurale. P. Sivakami, également écrivaine dalit, a publié des romans qui traitent des expériences des femmes dalits, en particulier leur marginalisation sociale et économique. Namdeo Dhasal, poète dalit co-fondateur du mouvement radical Dalit Panther, a aussi une influence majeure dans la littérature marathi. 

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