| Étymologiquement, le mot esprit signifie le souffle (spiritus), l'haleine, et désigne le principe intérieur de la vie des animaux. C'est ainsi que l'entendait Démocrite lorsqu'il assimilait l'âme aux atomes de l'air, sans cesse renouvelés par l'aspiration. Même chez les philosophes non matérialistes, le mot esprit conserva fort longtemps le sens d'un élément matériel qui formait comme l'intermédiaire entre l'âme et le corps, et constituait le principe immédiat de la vie. Les alchimistes appelaient esprit une substance rendue subtile et très facilement vaporisable par une suite de distillations. Ce que les philosophes appelaient esprits vitaux ou esprits animaux était donc conçu comme des vapeurs qui résultaient de la chaleur du sang. Descartes est tout à fait dans la tradition des alchimistes, de Paracelse et de Van Helmont, quand il dit des esprits animaux qu'ils « sont comme un vent très subtil, on plutôt comme une flamme très pure et très vive, qui, montant continuellement en grande abondance du cour dans le cerveau, se va rendre par les nerfs dans les muscles, et donne le mouvement à tous les membres » (Discours de la méthode, 5e partie). L'esprit ou plutôt les esprits étaient jusqu'alors distincts de l'âme, et ceux qui parlaient de l'âme spirituelle entendaient par cette épithète non l'immatérialité de l'âme, mais la propriété qu'elle a d'après l'animisme de mouvoir directement le corps et de jouer vis-à-vis de lui le rôle que jouent les esprits dans la théorie des alchimistes. Par ailleurs, les littérateurs se servaient métaphoriquement du mot esprit pour désigner une qualité de l'intelligence, de sorte que, peu à peu, les philosophes, à partir de Descartes, s'étant de plus en plus affranchis de la précision scolastique, et s'étant mis à parler le langage littéraire, le mot esprit en est venu à désigner le sujet de la connaissance, le principe intelligent, l'esprit est dans l'humain une unité qui sent, qui connaît et qui veut; substantiellement, c'est l'âme; au point de vue de la personnalité, c'est le moi. L'esprit ne se montre pas seulement dans l'humain : Dieu est esprit pur; tout être incorporel est esprit. De ce point de vue, le mot esprit à peu près synonyme du mot âme. C'est donc à ce dernier mot que le lecteur devra recourir pour avoir les renseignements nécessaires sur l'esprit entendu en ce sens métaphysique. (G. Fonsegrive). | |