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Le chant

Le chant est une suite d'inflexions variées de la voix humaine. Le chant est naturel, quand il est l'expression spontanée et involontaire d'un sentiment; artificiel, lorsqu'il est réglé par des principes, et que ses formes tendent à produire des effets déterminés. Le mot chant s'emploie souvent comme synonyme de mélodie; alors il désigne une suite de sons disposés d'une manière agréable pour l'oreille, que ces sons soient rendus par une voix ou par un instrument, et il s'oppose à l'accompagnement. Dans un sens plus restreint, chant se dit de la musique vocale; et aussi de la voix principale d'un morceau d'ensemble, ordinairement le soprano. L'invention des chants et leur disposition appartiennent à la composition; l'exécution est l'objet de l'art du chant. Pour bien chanter, il ne suffit pas d'avoir une belle voix, il faut savoir la poser, c.-à-d. coordonner les mouvements de la respiration avec l'émission du son, et développer la puissance de ce son autant que le comporte le timbre de l'organe et sans arriver jusqu'au cri; il faut posséder une intonation parfaite, une exécution pure et facile de tous les ornements du chant, une expression pleine de sensibilité, une netteté parfaite d'articulation. 

Quoique les principes et la méthode de l'art du chant soient, en général, les mêmes pour toutes les espèces de voix, il y a cependant des modifications particulières à chacune d'elles : la voix de soprano étant naturellement agile et légère, celle de ténor plus soutenue et plus grave, celle de basse encore plus ferme et plus pesante, il faut bien que la méthode de pratiquer ces voix, et les exercices auxquels on les soumet, présentent certaines différences. II est utile aussi au chanteur d'avoir quelques notions de composition et d'être instruit dans les lois de l'harmonie, pour savoir à propos embellir le chant; de bien connaître la langue dont on se sert, pour bien prononcer les mots, et d'en comprendre la vraie signification, pour saisir les finesses du style et en profiter. Le chanteur de théâtre doit avoir aussi une certaine culture intellectuelle, sans laquelle il ne saurait ni comprendre et exprimer les diverses passions dramatiques, ni rendre fidèlement le caractère et les sentiments des personnages qu'il représente.

Tous les hommes chantent, bien ou mal, de dessein prémédité ou sans idée fixe, par distraction, pour dissiper l'ennui ou la fatigue; et ceux-là mêmes dont la voix est mal dirigée et sans agrément pour autrui peuvent aimer à chanter. Quant à l'art du chant, on ne saurait dire s'il est bien ancien ; longtemps on à dû chanter tout naturellement, sans exercices propres à rendre la voix plus sonore, plus flexible, plus ferme dans ses intonations et dans la tenue du son. II est certain que les poètes, tels que les Aèdes chez les Grecs, les Bardes chez les Celtes, les Troubadours au Moyen âge, non seulement composaient des airs pour leurs poésies, mais les chantaient et les accompagnaient de quelque instrument. Ce fut en Italie que s'ouvrirent, au commencement du XVIIIe siècle, les premières écoles de chant, fameuses par les artistes qui en sortirent : celles de Peli à Modène, de Paita à Gênes, de Gasparini et de Lotti à Venise, de Fedi et d'Amadori à Rome, de Brivio à Milan, de Redià Florence, de Pistocchi et de Bernacchi à Bologne. Naples vit également prospérer les écoles d'Alex. Scarlatti, de Gizzio, de Feo, de Porpora et de Leo. Sous ces maîtres, les études étaient très sérieuses : Porpora imposait à ses élèves six années d'études pour le mécanisme seul du chant, c.-à-d. que, tout ce temps-là, il ne leur faisait exécuter que des gammes diatoniques et chromatiques, des intervalles, des trilles, des groupes, des appoggiatures, des traits de vocalisation, réservant pour la 6e année les leçons d'articulation, de prononciation, et de déclamation. 

Aussi le XVIIIe siècle fut-il fécond en admirables chanteurs : Siface, Mattucci, Carlani, Guarducci, Pasi, Minelli, Caffarelli, Balthasar Ferri, Farinelli, Conti, Crescentini, Pacchiarotti, Marchesi, Gabrielli, Mingotti, etc. L'art du chant a été frappé de décadence en Italie par la chute des écoles et par la suppression des castrats. Les fioritures écrites ne lui ont pas été moins funestes : autrefois le compositeur écrivait le chant simple, et laissait à la sagacité des chanteurs le choix des fioritures; depuis qu'on les a écrites, les mêmes ornements ont été appliqués à des morceaux de caractères très divers, les points d'orgue ont été reproduits avec une fatigante uniformité, et l'on croit presque toujours entendre le même air et le même chanteur. Malgré des qualités éminentes, les artistes du XIXe siècle ont eu une exécution plus ou moins incorrecte : Galli, Zucchelli, Crivelli, Tachinardi, Garcia, David, Mmes Fodor, Pasta, Pisaroni, Catalani, Malibran, en qui l'on retrouvait les traces de la belle école, possédaient un talent incomplet à certains égards; Rubini, Tamburini, Lablache, Mlles Grisi, Persiani et Alboni surtout, ont approché le plus de la perfection. L'abandon de la musique de Rossini, remplacée par celle de Verdi qui n'exige guère que de la force, est une preuve du dépérissement des études. 

En France, l'art du chant fut toujours arriéré par rapport à l'Italie. Aux ornements grotesques de l'époque de Lulli, ports de voix, martèlements, flattés, cadences perlées, etc., toutes choses qui faisaient le succès de Jélyotte et de quelques autres acteurs, Glück substitua la déclamation lyrique. La langueur et la monotonie de l'exécution furent bientôt remplacées par les cris; on ne connut pas l'expression et les nuances : ce fut le règne de Laïs, de Chéron, de Mme Saint-Huberty. La première école de chant que la France ait possédée est celle de Garat, dont le goût s'était formé à l'école des virtuoses italiens. Depuis, on peut citer Mmes Branchu, Damoreau et Ponchard. Au XIXe siècle,  l'école de Deprez a cherché à réaliser les conditions qui semblent particulières au chant français, c.-à-d. une voix pure et sonore, une prononciation nette et régulière, et l'expression dramatique : les disciples n'ont réussi le plus souvent qu'à briser prématurément leur voix, pour en avoir développé l'énergie aux dépens de la flexibilité, et il est peu ou point de chanteurs français aujourd'hui, qui sachent poser le son, respirer à propos, prononcer correctement, phraser avec goût, et exécuter les traits avec une élégante facilité. On n'a plus de passion véritable pour l'art, on ne supporte plus ni école ni modèle.

Chants nationaux, chansons guerrières ou politiques adoptées par les peuples comme expression du sentiment patriotique. Ce sont, par exemple : la Marseillaise de Rouget de Lisle, Veillons au salut de l'Empire, et le Chant du départ de Chénier, que l'on chantait en France pendant la Révolution; la Parisienne de C. Delavigne, qui eut un moment de vogue après les événements de 1830; Partant pour la Syrie, oeuvre de la reine Hortense, adoptée par le second Empire français. Les Anglais ont le Rule Britannia et le God save the King, les Belges la Brabançonne, etc.
Chants populaires, dénomination qui convient, non à tout chant qui court les rues, vulgarisé par les chanteurs ou par les instruments, mais aux chants qui portent l'empreinte de la nationalité, des moeurs, des traditions et des croyances d'un peuple, et qui, le plus souvent, transmis d'âge en âge, n'ont ni auteur connu ni date; ni lieu de naissance. Les tribus les plus barbares ont des ballades amoureuses ou guerrières et des chants religieux, qu'elles conservent à travers toutes les générations. On dit qu'il existe en Chine certains airs antiques, auxquels on ne pourrait rien changer sans s'exposer aux sévérités de la loi; que les Brahmanes indiens possèdent 36 mélodies, sur lesquelles ils chantent tout ce qu'on connaît de sanscrit; que les Turcs n'ont eu, pendant bien longtemps, que 24 chants, dont 6 mélancoliques, 6 gais, 6 furieux , et 6 emmiellés ou amoureux. Au genre des chants populaires appartiennent la saltarelle napolitaine, la barcarolle vénitienne, les boléros, fandangos, seguidillas, tonadillas et tiranas de l'Espagne, les complaintes et noëls de la France, les chants guerriers des basques, les ranz de la Suisse, les lieder de l'Allemagne, les mazurkas de la Pologne, les sagas scandinaves, les ballades et songs de la Grande-Bretagne, etc. Un décret du 13 septembre 1852 a prescrit la formation d'un Recueil général des poésies populaires en France
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Dictionnaire Musiques et danses
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