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C'est sous le surnom
de Firdoûsi ou Ferdowsi, dont l'origine est incertaine,
que l'on désigne ordinairement l'un des plus grands poètes
persans, Abou'l-Qâsim Mansoûr ibn Ahmed ibn Fakhr ed-Din.
Né vers l'an 940 au bourg de Chadab, dans les environs de Thoûs,
Firdoûsi reçut une très brillante éducation;
il étudia non seulement la langue persane, mais encore la langue
arabe qu'il possédait admirablement et la langue pehlvie. On a peu
de détails certains sur les premières années de sa
jeunesse et même sur les débuts de son âge d'homme fait;
on sait seulement qu'il faisait de patientes recherches pour connaître
l'histoire ancienne de la Perse et qu'il était avide des renseignements
que pouvaient lui fournir sur ce sujet les chroniques pehlvies et, en particulier,
la collection de Danichver Dihkan.
Sans doute il méditait déjà
le projet qu'il devait réaliser plus tard d'écrire en vers
l'histoire de la Perse, mais il avait été devancé
dans cette voie par Daqîqî. La mort tragique de ce dernier
lui ayant laissé le champ libre, il se mit aussitôt à
l'oeuvre, non sans tirer parti des travaux de son précurseur, bien
qu'il ne les jugeât pas toujours très favorablement. Le moment
d'ailleurs était heureusement choisi de chanter les exploits des
héros de l'Iran. Étouffée pendant trois siècles
par la civilisation arabe, la nation persane allait bientôt recouvrer
son indépendance politique et littéraire. Les esprits s'enflammaient
au récit des prouesses des anciens Persans; on était heureux
de retrouver ces sortes de titres de noblesse, et la fierté qu'on
en ressentait avivait les forces du patriotisme. Aussi les premiers vers
de Firdoûsi volèrent-ils bientôt de bouche en bouche.
Cet honneur ne suffisait pas au poète
dont les ressources étaient des plus précaires; il avait
besoin d'un Mécène. Il en trouva un d'abord dans la personne
d'Aboû Mansoûr, le gouverneur de la province de Thoûs,
mais son poème était loin d'être achevé quand
Aboû Mansoûr mourut. Firdoûsi, alors âgé
de cinquante-huit ans, se décida à chercher un protecteur
dans la personne de Mahmoûd le Ghaznévide qui venait de monter
sur le trône. Il se rendit donc à Ghazna où il eut
beaucoup de peine à attirer l'attention sur lui à cause de
la jalousie des poètes de la cour qui ne voyaient pas sans inquiétude
pour leurs revenus l'arrivée d'un rival aussi redoutable. Cependant
il avait réussi à gagner la faveur du prince et semblait
devoir terminer paisiblement son oeuvre entouré d'honneur et comblé
de richesses, quand des intrigues de cour lui aliénèrent
l'esprit de Mahmoûd. Plein de dépit et de colère, il
quitta Ghazna après avoir décoché au sultan une cruelle
satire et erra de ville en ville pour se soustraire aux poursuites dont
il était l'objet.
Même à Bagdad,
le calife EI-Qâdir-Billâh, en l'honneur
duquel il composa le poème de Yoûsouf et Zuleikha, n'osa point
lui assurer sa protection contre la fureur de Mahmoûd, et Firdoûsi,
déjà très avancé en âge, rentra à
Thoûs où il ne tarda pas à mourir en l'année
1020. On raconte qu'enfin le sultan Mahmoûd, ayant appris les intrigues
dont le poète avait été la victime, l'avait invité
à revenir à la cour et lui avait envoyé un présent
de 400 000 pièces d'or. Au moment où le convoi qui apportait
le présent entrait par une des portes de Thoûs, le corps de
Firdoûsi sortait par une autre porte pour être conduit à
sa demeure dernière. La fille du poète ayant refusé
la somme envoyée à son père, cet argent fut employé
à construire un barrage que Firdoûsi, dans sa jeunesse, avait
toujours rêvé de faire bâtir à ses frais.
L'ouvrage capital de Firdoûsi a pour
titre le Châh-Nâmèh
(le livre des rois); c'est le récit, dans l'ordre chronologique,
des événements dont la Perse a été le théâtre
durant une période de trois mille six cents ans s'arrêtant
à l'année 636 de notre ère, c.-à-d. à
l'époque de la conquête musulmane. A part le Châh-Nâmèh,
il ne reste de Firdoûsi que son poème de Yoûsouf
et Zuleikha; c'est le développement des incidents rapportés
par le Coran
sur l'aventure de Joseph avec la femme de Putiphar
(Conte).
(O. Houdas). |
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