| Sirventé (sirvente) était le nom donné par les troubadours à toute poésie lyrique qui ne roulait pas sur l'amour, et qui, par cela même, était, suivant eux, d'un ordre inférieur, une poésie de servant d'armes (sirventese, de sirvent), par opposition avec la poésie noble, qui roulait sur l'amour, et qui était appelée cansò. Les sirventés sont donc de caractères et de tons fort divers. La plupart appartiennent au genre satirique; mais beaucoup sont des chants de guerre, des appels à la croisade, des manifestes politiques; quelques-uns sont des élégies (planès). - Retour de croisade (sirventé) « J'ai vu le fleuve du Jourdain, j'ai vu le saint Sépulcre, et je vous rends grâces, Seigneur, de m'avoir comblé de joie en me montrant le lieu ou vous reçûtes la vie. Accordez-nous main tenant une bonne mer, un bon vent, un bon vaisseau, un bon pilote. Tout mon désir est de revoir les tours de Marseille. Adieu, Suez, Acre et Tripoli; adieu, Hospitaliers et sergents du Temple. Le monde va en décadence. Il y avait de bons rois et de bons maîtres dans Richard d'Angleterre et dans Philippe de France; Montferrat avait un bon marquis, et l'Empire un glorieux empereur. Mais qui sait comment se conduiront ceux qui remplissent aujourd'hui leurs places! Ah! Seigneur Dieu, si vous m'en croyiez, vous prendriez bien garde à qui vous donnez les empires, les royaumes, les châteaux et les tours; car plus les hommes sont puissants, moins ils vous vénèrent. N'ai-je pas vu l'empereur faire un serment et ensuite se parjurer? Vous, empereur, Damiette vous attend, et la Tour-Blanche pleure votre aigle qui en fut chassé par un vautour. Bien est lâche l'aigle qui se laisse vaincre par un tel oiseau! La gloire du Soudan vous couvre de honte, et votre déshonneur emporte notre ruine avec celle de la chrétienté. » (Peyrols). | Le sirventé satirique dut être d'abord pour les troubadours. un moyen d'exprimer leurs passions haineuses contre ceux qui les avaient excitées; mais il servit bientôt à censurer les désordres des différentes classes de la société, à reprocher aux seigneurs, aux souverains, au Saint-Siège même, leurs vexations, leurs torts, leurs erreurs. Un des troubadours qui réussirent le mieux en ce genre fut Bertrand de Born; il florissait en 1060. Villemain (Littérature au Moyen âge, t. 1er) a donné une belle traduction d'un de ses chants de guerre. Bertrand de Born a laissé aussi une admirable élégie sur le trépas de Henri Court-Mantel, mort en 1183.
| En bibliothèque - E. Baret, Espagne et Provence, Paris, 1857, in-8°. | | |