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L'Odyssée
est l'un des deux grands poèmes attribués à Homère.
C'est le récit en 24 chants, des aventures d'Ulysse
(en grec Odysseus) après la ruine de Troie.
Tous les chefs grecs étaient rentrés dans leurs États;
Ulysse, en butte à la colère de Poséidon,
errait depuis 10 ans sur les mers, sans pouvoir atteindre son royaume d'Ithaque.
Cependant d'injustes ravisseurs dissipaient ses biens, et, affirmant qu'il
était mort, voulaient contraindre Pénélope,
sa femme, à se choisir un nouvel époux parmi eux. C'est à
ce moment que commence le poème. Sur l'avis d'Athéna,
Télémaque,
fils d'Ulysse, part à la recherche de son père, chez les
princes qui avaient pris part su siège de Troie (ch. 2, 3, 4). Pendant
ce voyage, Ulysse, retenu dans l'île de Calypso,
obtient d'en partir, se rembarque sur un radeau qu'il construit lui-même,
et, poursuivi par la colère de Poséidon, essuie une tempête
qui le jette sur le rivage de Skhérie, île des Phéaciens
(ch. 5, 6 7, 8). Ceux-ci lui donnent un navire qui le transporte à
Ithaque (ch. 13), où il débarque chez le vieil Eumée,
le gardien de ses troupeaux (ch. 14). Là survient Télémaque,
de retour de son voyage; Ulysse se fait reconnaître de lui, et ils
se concertent pour chasser les prétendants (ch. 17, 18). Ceux-ci
célèbrent un grand festin dans le palais d'Ulysse, qui vient
se placer à la porte comme un mendiant. Un des convives lui jette
un escabeau au visage. Pénélope fait appeler le mendiant,
qu'elle ne reconnaît pas, et qui lui dit que son époux est
encore vivant. Le lendemain, les prétendants étant réunis
dans la salle du festin, Pénélope, inspirée par Athéna,
promet sa main à celui qui pourra tendre l'arc d'Ulysse. Tous y
échouent. Alors, Télémaque ordonne de présenter
l'arc à son père, toujours déguisé en mendiant.
Ulysse tend l'arc sans effort, montre son adresse à lancer une flèche,
puis, se dépouillant de ses haillons, se tourne vers les prétendants,
et les tue l'un après l'autre (ch. 21, 22). Alors il se fait reconnaître
à Pénélope, à son vieux père Laërte;
il s'apprêtait à résister aux parents des prétendants,
accourus pour les venger, lorsque Athéna, sous les traits de Mentor,
intervient et rétablit la concorde. l'Odyssée ne dure
que 40 jours, car l'action du poème ne remplit que les derniers
chants; les autres se composent d'épisodes où le poète
a fait entrer le récit des aventures du héros depuis le départ
de Troie. C'est Ulysse lui-même qui fait ce récit aux Phéaciens,
lorsqu'il est jeté dans leur île, où il fut accueilli
par Nausicaa
ou Nausicaé, fille du roi Alcinoos
(ch. 6) : il leur raconte son aventure dangereuse chez les Cyclopes
(ch. 9), son arrivée chez les Lestrygons
anthropophages et chez la magicienne Circé
(ch. 10), son voyage dans les pays ténébreux où il
va consulter les morts (ch. 11), le chant des Sirènes, le naufrage
entre Charybde
et Scylla
(ch. 12), etc.
Le lieu où l'Odyssée
fut composée n'est indiqué d'une manière certaine
par aucun témoignage de l'Antiquité; on ne peut le connaître
que d'après le poème lui-même. La langue employée
par le poète est un idiome mêlé, indiquant une population
voyageuse et commerçante, en contact avec les différentes
tribus helléniques; cependant la prédominance évidente
des formes ioniennes nous porte à penser que l'Odyssée
est une épopée des Ioniens, peuple éminemment mobile,
et qui, fixée principalement sur les côtes d'Asie, couvrait
de ses marins la Méditerranée. La nature des événements
racontés dans le poème s'accorde avec cette opinion, puisque
l'Odyssée pourrait être définie l'épopée
de la mer. Lorsque l'on compare à ces deux points de vue l'Odyssée
avec l'Iliade,
où sont principalement retracés les faits de la guerre de
Troie, et où le dialecte éolien domine constamment, on est
conduit à admettre que les deux ouvrages sont de deux pays et de
deux époques différentes. Cette opinion se confirme quand
on étudie, dans l'un et dans l'autre, l'état des esprits,
les croyances religieuses, les idées métaphysiques, les institutions
sociales et les moeurs, toutes choses qui marquent dans l'Odyssée
une civilisation qui a marché pendant un ou deux siècles
peut-être.
Le sujet de l'Odyssée paraît
n'être qu'un fragment d'un, poème immense, car le 23e
chant annonce une suite de longue haleine. Ce poème a-t-il existé?
Non sans doute, au moins avec une unité poétique comparable
à celle de l'Odyssée ou de l'Iliade; mais la période
des aèdes ayant duré plusieurs siècles, et ces chantres
prenant leurs sujets dans le cycle troyen, il est très vraisemblable
que ce cycle tout entier avait été chanté dans ces
fragments séparés, et qu'une main a manqué pour en
constituer le récit dans son ensemble. Quoi qu'il en soit, il n'est
guère douteux aujourd'hui que l'Odyssée n'ait été
composée de cette manière, à une époque où
l'écriture n'existait pas encore, et où la mémoire
d'un seul homme pouvait difficilement retenir tout un grand poème.
Quelle fut l'oeuvre, de l'Homère qui composa l'épopée
d'Ulysse? On peut croire qu'elle consista principalement à rassembler
les fragments épars du cycle héroïque, relatifs au retour
de ce héros dans son île. Nous ferons observer à ce
sujet que l'unité des épopées antiques n'a rien de
rigoureux; que l'Odyssée, telle que nous la possédons,
c.-à-d. remaniée et épurée à diverses
reprises par les Anciens, offre encore un tissu si élastique, qu'elle
pourrait recevoir un grand nombre d'épisodes sans paraître
rien perdre de son ensemble, de même qu'on en pourrait retrancher
beaucoup de récits, sans nuire à la clarté
ou à la marche du poème. Homère est-il l'auteur de
ces épisodes, par exemple, de celui de Nausicaa, de l'évocation
des morts, etc.? Ou bien y a-t-il eu une Odyssée primitive
plus courte que la nôtre, et qui aurait été le cadre
premier dans lequel des récits variés sont vénus tour
à tour se ranger? Cette question a été résolue
par l'école allemande de Wolf, de manière à ôter
à Homère, pièce à pièce, l'Odyssée
tout entière, et à présenter ce poème comme
l'oeuvre commune d'une génération. D'autres critiques et
presque toute l'Antiquité ont adopté une solution entièrement
opposée. Nous pensons que la vérité est entre ces
deux excès. Qu'un premier aède n'ait pas composé une
Odyssée, c'est ce que prouvent les exemples cités
par l'Odyssée même, où paraissent plusieurs
aèdes donnant des preuves de ce qu'ils savaient faire. Que, d'autre
part, après l'époque où l'on place généralement
la composition de l'Odyssée, il y ait eu de nouveaux chants
épiques sur des sujets analogues et pouvant la grossir, c'est ce
que prouve l'état actuel de cette épopée, où,
de l'aveu de tous les critiques, il y a plusieurs interpolations : tel
est le 24e chant et la moitié du
23e; tel est le 11e,
où est renfermée l'évocation des morts; tel est peut-être
l'épisode des Phéaciens tout entier. Les Homérides
ne se faisaient donc point scrupule de ranger leurs propres poésies
sous le nom du maître. Les résultats de la critique, généralement
au milieu du XIXe siècle, ont été
fortement confirmés par la connaissance des épopées
indiennes, composées dans des conditions analogues à celles
des Grecs, et dont l'histoire générale est aujourd'hui bien
éclaircie (Mahabharata).
Lorsque Solon recueillit l'Odyssée
avec l'Iliade, il ne fit vraisemblablement qu'éditer par
écrit ces épopées qui n'existaient encore que dans
la mémoire des rapsodes de l'Ionie
et du peuple. Les diascévastes de Pisistrate
complétèrent l'oeuvre de Solon. Des éditions diverses
en furent faites dans la suite, et lorsqu'elles vinrent entre les mains
des savants d'Alexandrie, l'Odyssée
et l'Iliade étaient encore surchargées d'interpolations
que ces derniers s'appliquèrent à faire disparaître,
au IIe siècle avant notre ère.
Leur édition, revue et modifiée dans quelques détails,
constitua une Vulgate, arrêtée au Ve
siècle après J.-C., et qui n'est autre que l'Odyssée
classique de nos jours.
C'est dans Homère que l'on doit
chercher la vraie figure d'Ulysse; et ici elle est d'autant plus vraie
que, tout en conservant la dignité de son caractère, le fils
de Laërte n'en est pas moins accessible aux sentiments de la nature
et sujet à ses faiblesses.
Après Ulysse, la plus grande figure
de l'Odyssée est celle de Pénélope : en elle
se personnifie l'épouse et la mère, telle que les Hellènes
de ces temps se la figuraient. Fidélité conjugale, amour
constant et prudent, modestie, pudeur, vie retirée, soumission à
la volonté de son fils, devenu, en l'absence de son père,
le maître de la maison, telles sont les grandes qualités qui
ont fait de Pénélope un type encore vivant aujourd'hui. Télémaque,
Nausicaa et les autres personnages secondaires de l'Odyssée,
composent une sorte de galerie de portraits, pleins de variété
et de vie.
L'Odyssée repose-t-elle sur
un fond réel et historique? Quelle que soit la part du poète
et du merveilleux traditionnel dans les épopées antiques,
on ne saurait raisonnablement contester que les Grecs aient fait une grande
et longue expédition sur les rivages de l'Asie, ni prétendre
que la parfaite coïncidence des récits de l'Iliade avec l'aspect
des lieux tel qu'il peut être constaté aujourd'hui mime ne
soit qu'un effet du hasard. Mais il est plus difficile de prouver qu'un
guerrier nommé Ulysse ait eu réellement même une seule
des aventures racontée, dans l'Odyssée. Toutefois,
qu'il y ait eu jadis un établissement princier, une vieille cité
héroïque dans l'île d'Ithaque,
c'est ce que prouvent d'une manière évidente les ruines encore
existantes, et dont ni le caractère, ni l'époque, ni l'origine
ne sauraient être méconnues. On doit observer en outre que
l'histoire d'Ulysse s'est toujours présentée aux yeux des
anciens Grecs comme une tradition, et non comme une pure invention poétique;
or, une tradition repose toujours sur un fondement réel; elle est
d'autant moins transformée qu'elle est plus voisine de sa source.
On peut donc admettre qu'un ensemble de faits réels a donné
lieu primitivement à la légende d'Ulysse, comme à
celles des autres héros troyens. (Em. B.).
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En
bibliothèque - L'Odyssée,
de Nitzsch, dans la Bibliotheca graeca de Jacobs et Rost; Historia
Homeri, de Nitsch, Gotha, in 4°; Histoire de la littérature
grecque, de Schcoll, Paris, 2 vol., 1813; Ulysse-Homère,
de Constantin Koliades (Lechevalier), Paris, 1829; Schreiber, lthaca,
Leipzig, 1829; Gandar, De Ulyssis Ithaca, Paris, 1854; Dugas-Montbel
a donné une traduction estimable, en prose, de l'Odyssée,
Paris, nouv. édit., 1861, in-12.
En
librairie - Homère, L'Iliade
et l'Odyssée, Actes Sud, (coffret 2 vol.), 2001,; L'Iliade
et l'Odyssée d'Homère (illustr. Mimmo Paladino), Diane
de Selliers, 2001; L'Odyssée, Pocket Editions, 1999.
Editions
abrégées, choix de textes, palimpsestes, etc. : Michel Woronoff,
L'Odyssée, Casterman (Jeunesse), 2003; Homère, Odyssée,
Gallimard Jeunesse (sélection de sept chants), 2002; L'Odyssée,
L'Ecole des Loisirs, 1987; L'Odyssée (trad. en alexandrins
d'une trentaine de passages par Philippe Duruflé), 2004; L'Odyssée,
J'ai Lu (Librio), 2003; James Joyce, Ulysse,
Gallimard (Folio), 1996; Porphyre, L'Antre
des Nymphes dans l'Odyssée, Verdier, 1989.
Gilbert
Bouchard, L'Odyssée d'Homère, Société
des écrivains, 2003; Jean Giono, Naissance de l'Odyssée,
Grasset et Fasquelle, 2002; Philippe Vaillant, L'Odyssée,
Michel de Maule, 2002; Colectif, La Mythologie de l'Odyssée,
Droz, 2002; Jean Dorat, Philip Ford, Mythologicum ou interprétation
allégorique de l'Odyssée X-XII et de l'hymne à Aphrodite,
Droz, 2000; François Hartog, Philippe Jacottet, Homère,
l'Odyssée, des lieux et des hommes, La Découverte, 2000;
Suzanne Saïd, Homère et l'Odyssée, Belin, 1998;
Ionna Papadopoulo-Belmehdi, Le chant de Pénélope (Poétique
du tissage féminin dans l'Odyssée), Belin, 1994; Cléopatre
Athanassiou Popesco, Ulysse... Une Odyssée psychanalytique,
Cesura Lyon, 1987. |
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