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Arthur Rimbaud
est un poète et explorateur né à Charleville
en 1854, mort à Marseille en 1891. L'existence
de ce poète a été particulièrement aventureuse. En octobre 1871, il
vint à Paris et provoqua une vive surprise
dans le cénacle du Parnasse par l'étrangeté de ses premiers poèmes
: les Accroupissements, les Effarés, les Chercheuses de poux, Voyeries,
Oraison du soir, Bateau ivre; il se lia avec André Gill, le poète
Ch. Gros et surtout Paul Verlaine qu'il accompagna
peu de mois après à Londres où il fréquenta Eugène Vermesch, et Ã
Bruxelles ou il connut Georges Cavalier, dit Pipe en Bois, mais dans cette
ville les deux poètes se querellèrent, et Verlaine ayant tiré sur son
ami fut condamné par les tribunaux belges à dix-huit mois de prison,
qui lui inspirèrent Sagesse.
Rimbaud, avide de sensations exotiques
et nouvelles, voyagea en Hollande, en Allemagne, en Autriche, en Italie,
en Suisse, dans les îles de l'archipel : tombé dans la misère, il fut
rapatrié; mais bientôt il repartait, comme engagé dans les troupes néerlandaises,
se rendant à Sumatra
et à Java : il déserta à Java et vécut pendant un mois dans les forêts;
pour rentrer en Europe, il s'embarqua comme interprète sur un bateau,
anglais qui le rapatria; il ne resta pas longtemps à Charleville et parcourut
la Suède et la Norvège, dans la tournée d'un cirque. Ses pérégrinations
continuèrent: en 1880, on le trouve en Égypte, puis dans l'île de Chypre,
où il était surveillant de la construction d'un palais pour le gouverneur.
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Le Dormeur
du val (octobre 1870)
« C'est un trou
de verdure où chante une rivière
Accrochant follement
aux herbes des haillons
D'argent; où le
soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un
petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune,
bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant
dans le frais cresson bleu,
Dort; il est étendu
dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit
vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les
glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant
malade, il fait un somme :
Nature, berce-le
chaudement : il a froid.
Les parfums ne font
pas frissonner sa narine;
Il dort dans le
soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a
deux trous rouges au côté droit. »
(A.
Rimbaud, Poésies, 1868 - 1870).
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A la fin de la même année, il se rendit
à Aden et, engagé comme acheteur par Bardey, partit pour la côte orientale
d'Afrique; il traversa tout le désert de Somalie
et arriva à Harrar où il s'établit, trafiquant
l'or et l'ivoire; entré en relation avec Ménélik, par l'intermédiaire
du ras Makomen dont il était devenu l'ami, il devint un des conseillers
intimes du négus. Son exploration de l'Ogaden et la relation détaillée
qu'il envoya à la Société de géographie sur cette région inconnue
datent de cette époque; en 1888, Rimbaud négocia avec Félix Faure, ministre
des colonies, l'autorisation de débarquer à Obock des outils nécessaires
à la fabrication de cartouches pour le négus; en 1890, les affaires du
voyageur avaient prospéré, il avait réalisé une fortune d'un million
et s'embarqua pour la France. Malheureusement, un accident de cheval provoqua
une tumeur du genou, et l'on dut l'amputer d'une jambe à son arrivée
à Marseille; il se fit conduire à Charleville, mais voulut bientôt repartir;
au moment où il allait s'embarquer à Marseille, il dut entrer de nouveau
à l'hôpital où il mourut après de grandes douleurs.
La destinée d'Arthur Rimbaud comme poète
a été très singulière ; après une courte apparition dans les lettres,
en 1871, il avait disparu. Ce n'est qu'en 1885 que Paul Verlaine révéla
son nom et ses oeuvres, dans les Poètes maudits, à la jeune génération
qui s'en fit un drapeau et créa en partie, à l'aide de ses vers, les
écoles décadente et symboliste : le fameux
sonnet des voyelles, qui attribuait une couleur aux voyelles et
commençait ainsi :
A noir, E blanc,
I rouge, U vert, O bleu, voyelles.
Ce fut le point de départ de maintes singularités
verbales et littéraires. La personnalité même de Rimbaud restait mystérieuse,
personne ne sachant ce qu'il était devenu, quelques incrédules même
niant son existence. Ce n'est que sept ans après sa mort que son beau-frère,
Paterne Berrichon, a publié un livre où il raconte l'odyssée de poète
et de l'explorateur et donne une version plus correcte de ses vers : Vie
de Ch. Arthur Rimbaud (1898), dans les éditions du Mercure de France.
On avait publié jusque-là de Rimbaud : Poesies, Illuminations
et, en 1873, Ã Bruxelles : Une saison en enfer, sorte d'autobiographie.
(Ph. B.).
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En
librairie - Oeuvres de Rimbaud :
Poésies complètes (prés. P. Brunel), LGF (Poche), 1998. - Oeuvres
complètes (prés. A. Adam) Gallimard, coll. La Pléiade, 1972; etc.
Pierre
Brunel, Va-et-vient (Hugo, Rimbaud, Claudel),
Klincksieck, 2003. |
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