| Louis Charles Alfred de Musset était un poète français. Il est né à Paris le 11 décembre 1810, au n° 33 de la rue des Noyers, et est mort à Paris le 2 mai 1857. Fils de Musset-Pathay et de Mlle Guyot-Desherbiers, il fit ses études au collège Henri IV où il remporta de brillants succès. Après quoi, il essaya de faire son droit, puis sa médecine. La chicane et l'anatomie lui inspirèrent une égale horreur et « il passait son temps à se promener aux Tuileries et au boulevard ». Paul Foucher l'avait mis en relation avec Victor Hugo. Il fut admis dans le cénacle romantique et s'y grisa de savoureuses discussions littéraires. Il fréquenta aussi le salon de Nodier et courut les femmes auxquelles plaisaient sa grâce élégante, sa fatuité et les ardeurs de sa jeunesse. Il commença à rimer des poésies qui, tour à tour, étaient du André Chénier ou du Victor Hugo et il traduisit (1828), de la manière la plus inexacte et la plus romantique du monde, les Confessions d'un mangeur d'opium, de Thomas de Quincey. Son père, que cette littérature inquiétait, l'obligea à prendre une place d'expéditionnaire dans les bureaux d'un entrepreneur de chauffage militaire. Rien ne pouvait être plus antipathique à Musset qui aimait le monde, le plaisir, l'indépendance absolue. Aussi pour obliger sa famille à lui reconnaître la qualité et les droits d'auteur, publia-t-il en 1830 son premier volume de poésies : les Contes d'Espagne et d'Italie, Don Paez, les Marrons du feu, Portia, la Ballade à la Lune, Mardoche. Elles eurent un grand succès. Les classiques poussèrent des cris d'indignation et les journaux sérieux furent prodigues de critiques acerbes. Mais Musset eut pour lui tous les jeunes gens et toutes les femmes, - les femmes dont il exaltait le charme avec une intensité d'accent qui révèle déjà le poète de l'amour : Comme elle est belle au soir, aux rayons de la Lune, Peignant sur son col blanc sa chevelure brune! Sous la tresse d'ébène on dirait, à la voir, Une jeune guerrière avec un casque noir! Son voile déroulé plie et s'affaisse à terre. Comme elle est belle et noble! et comme, avec mystère, L'attente du plaisir et le moment venu Font sous son collier d'or frissonner son sein nu! Le succès de Musset eut pour première conséquence de le brouiller avec le cénacle qui s'était aperçu que son « Benjamin » avait d'étranges audaces, qu'il dépassait, en hardiesse, le maître lui-même, surtout qu'il méprisait la forme préconisée par lui et qu'en dépit d'exagérations voulues et d'une cinglante ironie il n'était rien moins que romantique. La rupture fut consommée par la publication d'Un Spectacle dans un fauteuil (1832) où Musset dit nettement son fait à la rime riche et répudie la couleur locale fabriquée à grand renfort de guides et de dictionnaires géographiques. Le livre contenait cet étonnant et tragique poème de la Coupe et les Lèvres, où est si marquée l'ardeur de passion sans objet qui dévora le poète, cette gracieuse comédie, merveille de passion chaste, A quoi rêvent les jeunes filles, et Namouna qui jette des lueurs si singulières sur la psychologie de l'auteur : Un jeune homme est assis au bord d'une prairie, Pensif comme l'amour, beau comme le génie; Sa maîtresse enivrée est prête à s'endormir. Il vient d'avoir vingt ans, son coeur vient de s'ouvrir; Rameau tremblant encor de l'arbre de la vie Tombé, comme le Christ, pour aimer et souffrir. Le volume était incomparablement supérieur à son aîné. Pourtant il fut peu compris, sauf de Sainte-Beuve, et passa presque inaperçu. Musset s'était bien débarrassé de la forme romantique, mais il avait, comme toute sa génération, ressenti trop profondément, l'influence des théories du cénacle pour n'en pas garder la marque indélébile. Et c'est ainsi qu'il restera romantique jusqu'à son dernier jour, par son impuissance à sortir de lui-même et à s'intéresser à ce qui n'est pas lui; et c'est ainsi qu'il va étrangement souffrir pour s'être attaché à réaliser sur la matière vivante et vibrante les fausses et dangereuses abstractions de l'amour romantique. En 1833, il rencontra George Sand. Cette femme bizarre, aux grands yeux noirs si beaux, l'attira violemment. Ils s'aimèrent, avec des emportements furieux; ils connurent toutes les joies et toutes les misères d'une passion impossible. Pour qu'un amour soit heureux et durable, il faut qu'il y ait entre ceux qui s'aiment quelque inégalité. Et l'on conçoit très bien ce que put être l'amour de cette femme de génie et de cet homme de génie, et qui étaient, tous deux, littérateurs, habitués à analyser leurs sentiments et leurs sensations, avec l'arrière-pensée instinctive de les traduire en prose ou en vers, de plus, emportés par l'idée de se tenir toujours en dehors de la nature, comme les héros de leur imagination. Ce fut une atroce torture. Les deux amants partirent pour l'Italie. Musset fut atteint d'une fièvre cérébrale grave. Le dévouement de George Sand, les soins d'un jeune médecin, Pagello, le sauvèrent. Mais George Sand s'éprit de Pagello. Musset revint à Paris, où bientôt George Sand amenait son médecin. Tous trois étaient fiers d'être liés « de noeuds sublimes et incompréhensibles aux autres »! Des crises affreuses bouleversèrent leur vie jusqu'à la rupture définitive (7 mars 1835). - Le Pélican, d'Alfred du Musset Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure Que les noirs séraphins t'ont faite au fond du coeur; Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur. Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète, Que ta voix ici-bas doive rester muette. Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots... Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage, Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux, Ses petits affamés courent sur le rivage, En le voyant au loin s'abattre sur les eaux. Déjà, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent à leur père avec des cris de joie, En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux. Lui, gagnant à pas lents une roche élevée, De son aile pendante abritant sa couvée, Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux, Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte; En vain il a des mers fouillé la profondeur L'Océan était vide et la plage déserte; Pour toute nourriture il apporte son coeur. Sombre et silencieux, étendu sur la pierre, Partageant à ses fils ses entrailles de père, Dans son amour sublime il berce sa douleur, Et, regardant couler sa sanglante mamelle, Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle, Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur. Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, Fatigué de mourir dans un trop long supplice, Il craint que ses enfants ne le laissent vivant; Alors il se soulève, ouvre son aile au vent, Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage, Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu Que les oiseaux des mers désertent le rivage, Et que le voyageur attardé sur la plage, Sentant passer la mort, se recommande à Dieu. Poète, c'est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps; Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées, De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur, Ce n'est pas un concert à dilater le coeur. Leurs déclamations sont comme des épées Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant, Mais il y pend toujours quelque goutte de sang. (A. de Musset). | Musset sortit profondément transformé de cette rude épreuve. Au début de sa liaison, il avait écrit, encore dans sa première manière, Rolla (1833), où la fausse rhétorique alterne avec des amertumes à la Byron et qui ne laisse pas de produire, par instants, de grands effets. De 1835 à 1837, il donne les Nuits, la Lettre à Lamartine, les plus belles pages lyriques qui existent en français. Lui-même a bien marqué la transition : J'ai vu le temps où ma jeunesse Sur mes lèvres était sans cesse Prête à chanter comme un oiseau; Mais j'ai souffert un dur martyre, Et le moins que j'en pourrais dire, si je l'essayais sur la lyre, La briserait comme un roseau. Après cela, après la Nuit d'octobre (1837), il retrouve le calme : Je te bannis de ma mémoire, Reste d'un amour insensé, Mystérieuse et sombre histoire Qui dormiras dans le passé! Et il retombe aussi dans le dandysme de ses débuts pour ne plus produire, en fait de poésies, que de charmantes petites pièces, d'un fin parisianisme comme Une Soirée perdue (1840) ou Après une lecture (1842), des madrigaux, des chansons (Fortunio, A Ninon), des babioles, et Dupont et Durand (1838), un badinage insignifiant. Le Souvenir (1841), dans la note du Lac de Lamartine, ou de la Tristesse d'Olympio, de Victor Hugo, dernier écho de la passion de Musset pour George Sand, doit être mis à part. Il renferme, en très beaux vers, la synthèse de son originale philosophie, à savoir que le bonheur n'existe que dans l'amour et qu'il faut toujours le rechercher, non pour le conserver, car l'amour trompe, mais pour l'avoir eu et s'en souvenir : Un souvenir heureux est peut-être sur terre Plus vrai que le bonheur, Le poète traînait une existence désenchantée. Il cherchait des stimulants dans la débauche et dans le vin. Il réussissait à peine ainsi à « étourdir sa misère ». En 1839, il voulut se suicider, après un accès de désespoir : J'ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté; J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie. A partir de 1840, il est en proie à la souffrance physique : crises de nerfs, fièvres, pleurésie et maladie de coeur qui l'emporta. Il mourut en laissant échapper ce cri de lassitude infinie : « Dormir!... Enfin, je vais dormir ». Le 12 février 1832 il avait été élu membre de l'Académie française, en remplacement de Dupaty. Il avait accepté, du gouvernement de Juillet, la sinécure de bibliothécaire du ministère de l'instruction publique, dont Rollin le priva en 1848 et qui lui fut rendue par Fortoul. Nous avons passé en revue les principales oeuvres poétiques de Musset. Restent les oeuvres en prose. Ce sont : la Confession d'un enfant du siècle, des Contes et Nouvelles, des mélanges et son théâtre. La Confession d'un enfant du siècle (1836) est, comme on sait, l'histoire souvent poignante des amours du poète et de George Sand. Elle renferme de,jolies descriptions, des pages superbes : elle est gâtée par de lourdes et interminables déclamations. Telle quelle, elle est un précieux recueil de «-renseignements sur la pathologie de l'amour ». - La nuit d'un merle blanc « ...Surpris par la nuit, je fus obligé de chercher un gîte dans les bois de Mortefontaine. Tout le monde se couchait lorsque j'arrivai. Les pies et les geais, qui, comme on le sait, sont les plus mauvais coucheurs de la terre, se chamaillaient de tous les côtés. Dans les buissons piaillaient les moineaux, en piétinant les uns sur les autres. Au bord de l'eau marchaient gravement deux hérons, perchés sur leurs longues échasses, dans l'attitude de la méditation, Georges Dandins du lieu, attendant patiemment leurs femmes. D'énormes corbeaux, à moitié endormis, se posaient lourdement sur la pointe des arbres les plus élevés et nasillaient leur prière du soir. Plus bas, les mésanges amoureuses se pourchassaient encore dans les taillis, tandis qu'un pivert ébouriffé poussait son ménage par derrière, pour le faire entrer dans le creux d'un arbre. Des phalanges de friquets arrivaient des champs en dansant dans l'air comme des bouffées de fumée et se précipitaient sur un arbrisseau qu'elles couvraient tout entier; des pinsons, des fauvettes, des rouges-gorges, se groupaient légèrement sur des branches découpées, comme des cristaux sur une girandole. De toute part résonnaient des voix qui disaient bien distinctement : « Allons, ma femme! - Allons, ma fille! - Venez, ma belle! - Par ici, ma mie! - Me voilà, mon cher! - Adieu, mes amis! - Dormez bien, mes enfants! » Quelle position pour un célibataire que de coucher dans une pareille auberge! J'eus la tentation de me joindre à quelques oiseaux de ma taille et de leur demander l'hospitalité. - La nuit, pensais-je, tous les oiseaux sont gris; et, d'ailleurs, était-ce faire tort aux gens que de dormir poliment près d'eux? Je me dirigeai d'abord vers un fossé où se rassemblaient des étourneaux. Ils faisaient leur toilette de nuit avec un soin tout particulier, et je remarquai que la plupart d'entre eux avaient les ailes dorées et les pattes vernies : c'étaient les dandies de la forêt. Ils étaient assez bons enfants et ne m'honorèrent d'aucune attention. Mais leurs propos étaient si creux, ils se racontaient avec tant de fatuité leurs tracasseries et leurs bonnes fortunes, ils se frottaient si lourdement l'un à l'autre qu'il me fut impossible d'y tenir. J'allai ensuite me percher sur une branche où s'alignaient une demi-douzaine d'oiseaux de différentes espèces. Je pris modestement la dernière place, à l'extrémité de la branche, espérant qu'on m'y souffrirait. Par malheur, ma voisine était une vieille colombe, aussi sèche qu'une girouette rouillée. Au moment où je m'approchai d'elle, le peu de plumes qui couvraient ses os étaient l'objet de sa sollicitude; elle feignait de les éplucher, mais elle eût trop craint d'en arracher une : elle les passait seulement en revue pour voir si elle avait son compte. A peine l'eus-je touchée du bout de l'aile qu'elle se redressa majestueusement. - Qu'est-ce que vous faites donc là, monsieur? me dit-elle en pinçant le bec avec une pudeur britannique. Et, m'allongeant un grand coup de coude, elle me jeta à bas avec une vigueur qui eût fait honneur à un portefaix. Je tombai dans une bruyère où dormait une grosse gelinotte. Ma mère elle-même, dans son écuelle, n'avait pas un tel air de béatitude. Elle était si rebondie, si épanouie, si bien assise sur son triple ventre, qu'on l'eût prise pour un pâté dont on avait mangé la croûte. Je me glissai furtivement près d'elle. « Elle ne s'éveillera pas, me disais-je, et en tout cas, une si bonne grosse maman ne peut pas être bien méchante. » Elle ne le fut pas, en effet. Elle ouvrit les yeux à demi, et me dit en poussant un léger soupir : - Tu me gênes, mon petit, va-t'en de là. Au même instant, je m'entendis appeler : c'étaient des grives qui, du haut d'un sorbier, me faisaient signe de venir à elles. - Voilà enfin de bonnes âmes, pensai-je. Elles me firent place en riant comme des folles, et je me fourrai aussi lestement dans leur groupe emplumé qu'un billet doux dans un manchon. Mais je ne tardai ras à juger eue ces dames avaient mangé plus du raisin qu'il n'est raisonnable de le faire; elles Se soutenaient à peine sur les branches, et leurs plaisanteries de mauvaise compagnie, leurs éclats de rire et leurs chansons grivoises me forcèrent de m'éloigner. Je commençais à désespérer et j'allais m'endormir dans un coin solitaire, lorsqu'un rossignol se mit à chanter. Tout le monde aussitôt fit silence. Hélas! que sa voix était pure! Que sa mélancolie même paraissait douce! Loin de troubler le sommeil d'autrui, ses accords semblaient le bercer. Personne ne songeait à le faire taire, personne ne trouvait mauvais qu'il chantât sa chanson à pareille heure; son père ne le battait pas, ses amis ne prenaient pas la fuite. « Il n'y a donc que moi, m'écriai-je, à qui il soit défendu d'être heureux! Partons, fuyons ce monde cruel! Mieux vaut chercher ma route dans les ténèbres, au risque d'être avalé par quelque hibou, que de me laisser déchirer ainsi par le spectacle du bonheur des autres! » (A. de Musset, extrait de l'Histoire d'un merle blanc). | Les Contes et les Nouvelles sont de charmants récits d'amour, sans prétention, élégamment écrits, dont le Merle blanc (1842) peut donner une idée achevée. Musset avait débuté en 1830 (14 décembre) à l'Odéon par une bluette, la Nuit vénitienne, qui, représentée au fort de la bataille des classiques et des romantiques, fut outrageusement sifflée. Cet insuccès dégoûta le poète de la scène. Mais il composa pourtant des comédies qu'il inséra dans la Revue des Deux Mondes (1833 à 1850) et qu'il réunit pour la plupart en volume en 1840. Ce théâtre était tout à fait inconnu ou du moins oublié, lorsqu'en 1847 Mme Allan-Despréaux, qui avait joué à Saint-Pétersbourg, avec le plus grand succès, Un Caprice, le fit admettre à la Comédie Française. Ce fut une révélation. « Depuis Marivaux, écrivait Théophile Gautier, il ne s'est rien produit à la Comédie-Française de si fin, de si délicat, de si doucement enjoué que ce chef-d'oeuvre mignon enfoui dans les pages d'une revue et que les Russes de Saint-Pétersbourg, cette neigeuse Athènes, ont été obligés de découvrir pour nous le faire accepter. » Les autres pièces passèrent tour à tour : Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, Il ne faut jurer de rien, le Chandelier, André del Sarto en 1848, les Caprices de Marianne en 1851, On ne badine pas avec l'amour en 1861, Fantasio en 1866, Barberine en 1882, Lorenzaccio en 1896, etc. Le théâtre de Musset, dont Brunetière a dit « qu'il est tout entier un hymne à l'amour, et à l'amour conçu comme la seule raison qu'il y ait d'être au monde et de vivre », fit plus pour la gloire de l'auteur que toutes ses poésies. Il n'était connu que de quelques cercles assez fermés, il fut célèbre du jour au lendemain. On lut enfin ses vers qui enthousiasmèrent la jeunesse et firent les délices de toute une génération. Chose singulière, Sainte-Beuve fut à peu près seul à s'en fâcher et écrivit assez rudement : « C'est d'un monde fabuleux on vu à travers une goguette et dans une pointe de vin. - Alfred de Musset est le caprice d'une époque blasée et libertine. » Rien n'y fit, et la renommée de Musset fut consacrée dans toute l'Europe, notamment en Angleterre, en Allemagne et en Italie. Aujourd'hui, au moment où les grands romantiques, Chateaubriand, Lamartine, A. de Vigny, revivent avec un nouvel éclat et retrouvent l'admiration qui avait salué leurs débuts, A. de Musset est demeuré dans l'ombre. Sans doute il y eut dans son succès bien des éléments suspects et malsains et l'on peut se demander, avec Sainte-Beuve, si les jeunes gens et les femmes n'ont pas surtout admiré chez lui ce qu'il y a de moins admirable : son affectation de dandysme, la crudité de certains tableaux, la morbidité de certains sentiments. Mais il y a d'autres raisons à ce succès : cette illustre victime de l'amour a toujours été sincère dans ses plus grands écarts. « On ne l'a pas admiré, dit Taine, on l'a aimé; c'était plus qu'un poète, c'était un homme. Chacun retrouvait en lui ses propres sentiments, les plus fugitifs, les plus intimes; il s'abandonnait, il se donnait, il avait les dernières des vertus qui nous restent, la générosité et la sincérité. Et il avait le plus précieux des dons qui puissent séduire une civilisation vieillie, la jeunesse. » Et comme, après tout, il n'y a pas - dans notre langue de plus passionnés, de plus poignants, de plus beaux poèmes d'amour que les Nuits et la Lettre à Lamartine, on ne saurait concevoir aucun doute sur l'avenir qui leur est réservé. Musset, le « poète de l'amour », ne passera pas. (René Samuel).
| En bibliothèque - Les oeuvres de Musset ont eu de très nombreuses éditions. Les meilleures éditions collectives sont celles des Oeuvres complètes (Paris, 1865 et suiv., 10 vol. gr. in-8 et Paris, 1886 et suiv, in-4). S. Rocheblave a publié les Lettres d'Alfred de Musset et de George Sand (Paris, -1897, in-12). Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t. Il.; Du même, Causeries du lundi, t. 1 et t. XIII; Du même, Journal.- George Sand, Elle et Lui; Paris, 1859, in-12. - Paul de Musset, Lui et Elle; Paris, 1860, in-12. - Du même, Biographie d'Alfred de Musset; Paris, 1877, in-8. - Mme. Jaubert, Souvenirs; Paris, 1881, in-12. - Emile Faguet, Etudes littéraires sur le XIXe siècle; Paris, 1887, in-12. - Emile Montégut, Nos morts contemporains; Paris,1884, in-12. - J. Lemaître, Introduction au théâtre de Musset; Paris, 1885-91, 4 vol. in-8.- Arvède Barine, Alfred de Musset; Paris, 1893, in-18. - F. Bunetière, Evolution de la poésie lyrique; Paris, 1895, in-12. - Du même, Manuel de l'histoire de la littérature française; Paris, 1898, in-12. - Sir Francis Palgrave, Oxford Essays; Osford, 1055. - P. Lindau, A. de Musset; Berlin, 1876. - Ed. Grenier, Souvenirs littéraires; Paris, 1894, in-12. - Cabanès, Un Roman vécu a trois personnages : Alfred de Musset, George Sand et le docteur Pagello, dans Revue hebdomadaire, 1er août 1896. - Du même, Une Visite aie docteur Pagello, ibid., 21 oct. 1896. - Oct. Uzanne, les Lettres d'Alfred de Musset à George Sand, ibid., 12 déc. 1808. - F. Sarcey, le plus Sage des trois, ibid., 5 mars 1898. - P. Mariéton, Une Histoire d'amour; George Sand et Alfred de Musset ; Paris, 1897, in-12. - Spoelbergh de Lovenjoul, Lundis d'un chercheur, 1894. - Du même, Etude critique et bibliographique sur, les oeuvres d'Alfred de Musset; Paris, 1867. - Derome, les Editions originales des romantiques; Paris, 1887, t. II. En librairie - Alfred de Musset, Lorenzaccio, Gallimard, 2003. - Fantasio, Gallimard, 2003. - On ne badine pas avec l'amour, Bordas, 2003. - Caprices de Marianne, Bordas, 2003. - Confession d'un enfant du siècle, Le Livre de Poche, 2003. - Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, Flammarion, 2003. - Premières poésies, Flammarion (GF), 2001. - Gamiani, Arléa, 2000. - Le fils de Titien, Mille et une Nuits, 1997. - Les deux maîtresses, Alinéa, 1991. - Le secret de Javotte, Corps 16. - Oeuvres complètes (t. 1), Gallimard, La Pléiade, 2000. - Théâtre complet, Gallimard (La Pléiade), 1990. Correspondance : George Sand, Lettres d'Italie à Musset, Mille et une Nuits, 2004. - Alfred de Musset, José Luis Diaz, George Sand, Sand et Musset, le roman de Venise, Actes Sud, 1999. - Lettres d'Amour, George Sand, Alfred de Musset, Hermann, 1996. Marie Cordroc'h, Correspondance d'Alfred de Musset, PUF, 2000, vol. I. . Soupault, Musset, Seghers, 2001. - Michel Pruner, Lire les Caprices de Marianne d'Alfred de Musset, Presses universitaires de Lyon, 2000. - Szwajcer, La nostalgie dans l'oeuvre poétique de Musset, Librairie Nizet, 2000. - Alain Heyvaert, La Transparence et l'indicible dans l'oeuvre d'Alfred de Musset, Klincksieck, 2000. - Collectif, Le héros et l'histoire sur la scène romantique (Kleist, Musset, Slowaski), Ellipses-Marketing, 2000. - Bernadette Chovelon, Dans Venise la rouge, les amours de George Sand et Musset, Corps 16, 1999. - Jean-Pierre Guéno, Roselyne de Ayala, Diane Kurys, Sand et Musset, les enfants du siècle, La Martinière, 1999. - Brice Courtin, Musset, Les Caprices de Marianne, Ellipses-Marketing, 1999. - Frank Lestringant, Alfred de Musset, Flammarion, 1998. - Masson, Théâtre et langage, Essai sur le dialogue dans les comédies de Musset, Lettres Modernes Minard, 1977. | |