| John Milton est un poète né à Londres le 9 décembre 1608. Son père, qui exerçait la profession de notaire, ami des lettres et des arts, les cultivant même avec quelque succès, et principalement la musique, ne négligea rien pour développer les heureuses dispositions que son fils manifestait. Il lui donna lui-même les premières instructions, puis le remit entre les mains des meilleurs maîtres. Le jeune Milton répondit avec ardeur aux soins paternels; il consacra même une partie des nuits à ses études, et son extrême application affaiblit sensiblement en lui l'organe dont plus tard il déplora la perte en vers si sublimes. A 18 ans il suivit les cours de l'université de Cambridge, où il ne tarda pas à se faire remarquer par des poésies latines d'une élégance et d'une harmonie peu communes alors dans le nord de l'Europe. Mais son humeur altière lui attira des désagréments qui l'obligèrent de quitter Cambridge, après avoir pris le degré de maître-ès-arts. De retour près de son père, qui s'était retiré à la campagne, il continua à se livrer à l'étude avec la plus grande ardeur, joignant aux connaissances qu'il avait acquises les langues modernes, l'histoire, la philosophie, les mathématiques, les antiquités, etc. : la poésie latine et anglaise était la seule diversion qu'il se permit à ses travaux. En 1656 il obtint de son père la permission de visiter l'Italie, passa par la France, dont il connaissait la littérature; eut des relations à Paris avec le célèbre Grotius et plusieurs autres personnages distingués, et se rendit à Florence, où il eut plusieurs fois l'occasion de voir Galilée dans sa prison. A Rome, il fut bien accueilli du cardinal Barberini. Familiarisé dès longtemps avec la langue et la littérature italiennes, il avait composé, dans le pur toscan, des vers qu'il lut avec succès dans plusieurs académies. Il était à Naples et formait le dessein de parcourir la Sicile et la Grèce, lorsqu'il apprit les premiers troubles de l'Angleterre. Sa passion pour la liberté, non moins forte en lui que celle pour les lettres, le rappela dans sa patrie. En quittant l'Italie il visita de nouveau Rome et Florence, et pour la première fois Milan et Venise. De retour à Londres en 1640, il se jeta d'abord dans les querelles politico-religieuses qui s'étaient élevées, et où l'esprit républicain se cachait sous l'argumentation théologique. II dirigeait en même temps l'éducation de quelques jeunes gens, au nombre desquels étaient ses deux neveux : circonstance qui a fait dire à ses détracteurs qu'il avait été maître d'école. Il publia en 1641 un écrit sur l'épiscopat, un autre sur le gouvernement de l'Église; et l'année suivante, un Traité de la réformation ecclésiastique. En 1643, il contracta un mariage qui lui fournit l'occasion de publier de nouveaux écrits. Sa femme, née dans une famille attachée au roi, le quitta par haine de ses opinions; il publia 4 dissertations pour prouver la justice et la nécessité du divorce, et ses écrits l'ayant fait blâmer des presbytériens, il se jeta dans le parti des indépendants. Lorsque la défaite de l'armée royale et la captivité de Charles ler enhardirent Cromwell dans ses vues ambitieuse, Milton publia, sous le titre d'Aeropagetica, un écrit plein de force en faveur de la liberté de la presse, que Cromwell cherchait à étouffer, parce qu'elle s'élevait en faveur du roi; mais il s'abstint de mettre au jour un autre écrit qu'il avait composé sur la responsabilité des magistrats et des rois. Toutefois, ses talents et l'ardeur de ses opinions décidèrent Cromwell à le nommer secrétaire interprète du conseil-d'état pour la langue latine. Dès ce moment Milton partagea le fanatisme des indépendants. Il aborda sans ménagement la question des droits et des devoirs respectifs des souverains et des peuples, dans sa réfutation de l'écrit intitulé : Hikon basilikh, faussement attribué à Charles Ier, et dans sa réponse à l'ouvrage de Saumaise : Defensio regis, peu digne d'une cause aussi intéressante. En 1651, il fit paraître une seconde Défense du Peuple anglais, et quelque temps après, sa propre défense (Defensio autoris), écrite avec plus de calme et de dignité. C'est par cet écrit qu'il termina sa carrière polémique. - John Milton. Comme beaucoup d'autres indépendants, il conserva auprès de Cromwell l'emploi qu'il occupait sous la république, et devint secrétaire du protecteur. Après la mort de Cromwell, et lorsque son fils Richard fut contraint d'abdiquer, Milton ne crut point la cause républicaine perdue, et, l'année même de la restauration, il publia un pamphlet intitulé : Moyen prompt et facile d'établir une société libre (a ready and easy way to establish a free commonwealth). Après s'être caché quelque temps, Milton fut arrêté le 13 septembre 1660, par ordre extraordinaire de la chambre des communes, mais relâché deux mois après par suite de l'intervention de Davenant, auquel il avait rendu le même service dix ans auparavant, lorsque ce poète ingénieux, officiait dans l'armée royale, étant tombé au pouvoir du parlement, courait le risque de la vie. Milton libre, mais aveugle et pauvre, poursuivit avec ardeur la composition de son Paradis perdu, commencé vers la fin de la dictature de Cromwell. Il avait fait apprendre à ses filles à lire le grec et l'hébreu. Chaque jour, en se levant, il entendait la lecture d'un chapitre de la Bible hébraïque, plus tard des passages d'Homère, de Platon, d'Euripide, etc., et entretenait ainsi sa mémoire des beautés de ces grands modèles; puis il dictait ses vers sublimes à sa femme; ou quelquefois à un ami, à un étranger qui le visitait. Pour se distraire, il touchait de l'orgue et chantait avec goût des poésies sacrées. Il vendit son manuscrit (1667) pour 20 livres sterling, payables à des conditions qui indiquaient la méfiance de l'éditeur. Ce poème n'eut d'abord aucun succès : l'esprit et la littérature, dit Samuel Johnson, se tournaient alors du côté de la cour, et celui qui briguait la faveur ou qui se conformait au ton dominant, aurait craint de se compromettre en louant le panégyriste du régicide. Toutefois la réputation de l'ouvrage s'établit, et le prix des éditions alla toujours en augmentant, jusqu'au moment où la révolution de 1688 permit d'avouer hautement l'estime que l'on gardait pour ce poème. Milton, attendant sans impatience les vicissitudes de l'opinion, poursuivit ses travaux, et, trois ans après la publication du Paradis perdu, il mit au jour un Abrégé de l'histoire d'Angleterre, qui ne va que jusqu'à la conquête des Normands. II fit paraître dans la même année Samson agoniste, tragédie mêlée de choeurs, à l'imitation des anciens; et le Paradis reconquis (the Paradise regained). poème en IV chants, qui tomba d'abord dans l'oubli où il est resté. En 1672, il publia une logique nouvelle sous ce titre : Artis logicae plenior institutio ad Petri Rami methodum concinnata; et quelque temps après un Traité de la vraie religion, de l'hérésie, du schisme, de la tolérance, et des meilleurs moyens d'arrêter les progrès du papisme. Enfin, dans la dernière année de sa vie, il réunit et publia quelques poèmes et quelques lettres écrites en latin. Ce grand poète termina sa laborieuse carrière le 10 novembre 1674. Cette même année parut la seconde édition du Paradis perdu, avec quelques changements laissés par l'auteur. - Milton dictant le Paradis perdu à ses enfants, par Munkacsy (1878).
| Éditions anciennes - La 3e édition du Paradis perdu fut publiée en 1678, et le poème commença dès lors à prendre faveur; la 4e fut donnée en 1688. Les éditions subséquentes les plus estimées sont celles de Londres, 1749, 3 vol.. in-4, et 1753, 2 vol. in-4; de Birmingham (par Baskerville), 1760, 2 vol. in-8; de Glasgow, 1770, in-fol. Le Paradis perdu a été trad. en prose par l'abbé de Boismorand, Dupré de Saint-Maur, L. Racine, Luneau de Boisjermain, Mosneron et Salgues; envers par H.M. Leroy, Beaulaton, Delille, Deloyne d'Auteroche, J.-V.-A. de la Tour de Pernes. Les Oeuvres complètes de Milton, avec la Vie de ce poète par Toland, furent impr. pour la première fois à Londres, 1669, 3 vol. in-fol. L'édit. la plus estimée et la plus complète a été publ. par Todd, Londres, 1801, 6 vol. in-8, réimpr. en 182t. Mosneron a donné une Vie de Milton, 1804, in-8. Boulard a trad. de l'anglais de Johnson les Vies de Milton et d'Addison, 1806, 2 vol. in-18. On doit à F. Peck des Mémoires sur la vie et les product. poétiq. de Milton, Londres, 1740, in-4. La Vie de Milton a aussi été écrite en anglais par Philips, son neveu, et par Hailey. | | |