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Autour d'Aratus
Nicolas Halma, 1821 

DISCOURS PRÉLIMINAIRE


Halma 
Si l'on pouvait estimer une science par la seule considération de la qualité des personnes qui l'ont cultivée, quelle haute idée ne devrait-on pas, pour cette seule raison, concevoir de l'astronomie, en voyant un roi puissant et un prince adoré des Romains, en faire l'objet de leur étude? Et ce motif même, indépendamment de tout autre, ne serait pas sans fondement, car ce sont les services immenses qu'elle rend au commerce maritime, qui ont de tout temps fixé sur elle les regards favorables des princes attentifs à seconder de tout leur pouvoir les efforts qui tendent au bien public. Mais mettant à part la raison d'utilité, quel puissant attrait n'exerce pas sur notre esprit le désir si naturel de connaître les lois de ce bel ordre qui éclate dans les mouvements des corps célestes! Les plus beaux génies de l'Antiquité en ont été frappés. Homère, Cicéron, Virgile, nous charment encore par les descriptions qu'ils font du grand spectacle, tout à la fois si constant et si varié, que le ciel offre à nos yeux, et par leur intime conviction de l'action physique des astres sur la terre et sur les mers. Et leurs regrets de ne pouvoir pénétrer les causes cachées des changements périodiques de scènes que le ciel ramène si régulièrement au retour de chaque saison, sont l'expression de nos sentiments à la vue des mêmes phénomènes.

Les anciens philosophes de la Grèce ne s'en tinrent pas à des regrets. On sait les longs voyages que le désir de s'instruire fit entreprendre aux Thalès, aux Pythagore, aux Platon. Ce n'était ni la vanité des conquêtes, ni l'avidité des richesses, qui les conduisait. L'étude de la nature était le seul objet de leurs recherches. La science des astres surtout les attirait aux lieux où elle était le plus anciennement cultivée. Et les connaissances qu'ils en rapportaient dans leur patrie, servaient de base à leurs leçons et à leurs écrits, et de moyens à leurs concitoyens pour s'étendre au loin par des colonies destinées à soulager la métropole et à l'enrichir. 

 

Peut-on après cela s'étonner qu'un roi qui voulait attirer dans les ports de son royaume, le commerce qui avait enrichi Rhodes et Athènes, se soit fait instruire par Aratus[1] dans la science des astres, qui est la base de l'art nautique; ou que le vainqueur d'Arminius, tout plein de la lecture des poètes grecs, et poète lui-même, ait voulu inciter Aratus, en le faisant passer dans sa langue? Du milieu de son camp, et dans le silence de la nuit, il s'occupait à rechercher dans l'espace éthéré les astres indiqués par ce poète. Il les y reconnaissait, et il en a continué la tradition par le poème, où à l'exemple d'Aratus, il a de nouveau consigné leurs noms, avec leurs positions qu'il retrouvait les mêmes que dans les vers de son modèle. Aratus fut donc par son poème l'instituteur de ces deux princes dans la connaissance des astres. Il sera aussi notre guide dans l'examen de la sphère constellée [La Sphère céleste]que nous allons parcourir des yeux à l'aide de cet itinéraire céleste. La description qu'il en donne, la plus complète que l'Antiquité puisse nous offrir, nous fournira, dans les dénominations des étoiles et des constellations, un moyen de comparaison entre les observations des phénomènes arrivés à diverses époques de temps et de lieux.
[1] Aratus de Soles était auprès d'Antigone roi de Macédoine. (Pausanias, Attic, II).
Sur la perpétuité des mêmes noms aux mêmes étoiles fixes, se fonde en effet la certitude des périodes des astres mobiles, de la longueur et de la différence des années sidérale et tropique, et des dates historiques. Sans cette identité bien connue, tout croule en chronologie comme en astronomie. Question d'autant plus importante, que Ptolemée distinguait déjà les signes d'avec les constellations [Astrologie, Zodiaque]. C'était une suite de la précession des équinoxes, qui, en conservant aux étoiles leurs noms respectifs, a transporté les noms des constellations des unes aux autres; en sorte qu'aujourd'hui, dit Delambre
« le signe du Bélier est différent de la constellation du Bélier[2]. »
 Et néanmoins, suivant cet astronome : 
« On voit qu'en général les constellations sont, dans Aratus, celles que nous avons encore aujourd'hui, sauf quelques modifications assez peu importantes [3]. »
Nous y retrouvons en effet les mêmes noms d'étoiles que dans les poèmes d'Homère et d'Hésiode, les plus anciens que nous ayons des Grecs. Il est donc naturel de chercher s'ils sont toujours donnés aux mêmes astres, et de suivre Aratus dans cette recherche, comme l'a fait assez brièvement en prose Eratosthène son contemporain, puisqu'il est le plus ancien auteur que nous puissions suivre pour toute la nomenclature céleste.
[2] Encyclopédie méthodique. Math et astron.

[3] Histoire de l'astronomie ancienne, tom. 1, p. 3.

Aratus commence sa description du ciel par les deux constellations que nous désignons encore comme lui et comme Homère, par les noms d'Ourses et de Chariots [La Grande Ourse et la petite Ourse]. Elles sont si aisées à distinguer de toutes les autres, qu'on peut les désigner comme points de départ, pour la course qu'on se propose de faire par les yeux, dans toute l'étendue de la sphère céleste. Or, il dit que le Bélier va aussi vite que la Petite Ourse nommée cynosure, et Théon l'explique en disant : 
« Quand le Bélier se lève, la Cynosure est au méridien supérieur; et quand il se couche, elle est au méridien inférieur. » 
Le roi Antigone, en Macédoine, pour qui Aratus écrivit son poème, pouvait donc très bien apercevoir le Bélier à l'horizon oriental, quand il voyait la Cynosure au méridien. Car, suivant la remarque de Simplicius, Aratus annonçant qu'il va décrire les phénomènes, a certainement exécuté cette description d'après ce qui paraissait au ciel, selon la hauteur du pôle sur l'horizon du lieu pour lequel il écrivait. Et Delambre dit, en parlant du poème d'Aratus : 
« Toute cette disposition s'accorde encore à fort peu de chose près avec nos cartes modernes; et les derniers mots (que la tête du Dragon qui rampe entre les deux Ourses, ne fait que raser la surface de l'Océan) nous serviront à déterminer le parallèle sous lequel vivait Aratus, ou plutôt Eudoxe. La hauteur du pôle y devait être de quelques minutes plus forte que la distance polaire de Gamma du Dragon [4]. Car, soit l la latitude de l'étoile, L sa longitude au temps pour lequel on calcule, w l'obliquité de l'écliptique[5], enfin D la distance polaire, nous aurons :
cos D = cos w. sin + sin w. cos l. sin L, 
d'où il est aisé de conclure que 360 ans avant notre ère, la distance polaire de Gamma du Dragon devait être de 38° 7'. C'est la distance polaire du cercle arctique, lequel renferme toutes les étoiles qui ne se couchent jamais. C'est la hauteur du pôle que nous cherchons, c'est celle de Samos, celle de Palerme en Sicile; ce n'est pas exactement celle de Cnide, patrie d'Eudoxe, ni celle de Sole en Cilicie, où Aratus était né. Sole et Cnide devaient voir coucher Gamma du Dragon; cela conviendrait mieux à la Macédoine, où Aratus a composé son poème. »
En effet, cette latitude était plus forte, car Hipparque discutant le rapport d'Aratus, de cinq parties visibles à trois invisibles de la circonférence de ce cercle, divisée en huit parties égales, dit positivement que c'est le climat de l'Hellespont, où le plus long jour est de 15 heures, ce qui établit la hauteur du pôle, d'environ 41 degrés, comme Delambre l'a trouvé par un calcul que je rapporte ici.

Hipparque, dans le second livre du commentaire qui lui est attribué sur les Phénomènes d'Aratus, dit que cet auteur suppose le climat d'Eudoxe; or celui-ci dans son livre intitulé le Miroir, partage le tropique, de manière que la partie au-dessus de l'horizon, est à celle qui est au-dessous, comme 5 est à 3. Ce qui convient à la Macédoine (3), et se trouve assez bien confirmé par un autre témoignage, celui d'Achille Tatius qui, dans son commentaire sur Aratus, dit que ce poète, étant à la cour d'Antigone roi de Macédoine, a supposé la sphère dressée pour la latitude de ce pays, qui est celle de l'Hellespont, et que la circonférence étant de 60 parties, si on élève le pôle de 6, le plus long jour sera de 15 heures. Si l'on prend un terme moyen entre 38 et 42 de latitude nord, nous en aurons 40 pour la hauteur du pôle. C'est à peu près le climat de Pydna, résidence d'Antigone en Macédoine; et Ptolémée donne le même nombre d'heures au plus long jour de l'Hellespont, qui comme on sait, est sous les mêmes parallèles que la Macédoine.

[4] Voyez la démonstration de cette formule dans le premier volume de l'Astronomie de Delambre, p. 448, art. 93.

[5] Cette obliquité que Ptolémée et Théon, faisaient de 23° 51', était = 23° 28' 49" en 1744, sur le cuivre couché dans la direction de la méridienne tracée sur le pavé de l'église de Saint-Sulpice, et de 23° 27' 55" en 1821, selon l'annuaire et la Connaissance des temps de cette dernière année.

Achille Tatius, évêque d'Alexandrie, selon Suidas, a encore écrit un autre commentaire sur les Phénomènes. Le premier a été traduit en latin par le P. Petau; l'autre qui se trouve aussi dans l'Uranologium, n'y est qu'en grec. J'avais traduit en français le commencement de celui-ci, pour en faire une introduction aux phénomènes. J'ai renoncé ensuite, parce qu'il y a si peu d'astronomie, et celle qui s'y trouve est si commune, pour ne pas dire puérile, qu'on voit bientôt que c'est l'ouvrage d'un écrivain plus littérateur qu'astronome. En effet, il est l'auteur du roman grec intitulé Leucippe et Clitophon, mais non de celui de Théagène et Chariclée, que Montucla lui attribue avec aussi peu de raison, qu'on [6]  l'a donné à Longus, auteur de Daphnis et Chloé.

Mais revenons à l'astronomie, et prenant un globe céleste, élevons le pôle à 40 degrés au-dessus de l'horizon, après avoir discerné la constellation du Bélier d'avec les autres, par le moyens qu'Aratus et Théon indiquent, en partant de la Petite Ourse. Mais quelle est l'étoile que les Anciens prenaient pour la première du Bélier? Est-ce celle du museau ou celle de la corne? Celle-ci, dans le catalogue de Ptolémée ou d'Hipparque, comme on voudra, est moins avancée en longitude que celle du museau. Géminus met l'équinoxe du printemps au 6e jour du lever du Bélier, dans son calendrier  : cela montre bien que l'équinoxe vernal est dans le Bélier, et le solstice d'été dans le Cancer, comme dans le poème sur la Sphère, attribuée à Empédocle, disciple de Pythagore, cinq siècles avant Jésus-Christ [7]; mais ne spécifie pas à quelle place. Ptolémée dans son Hémérologe le met au 26 mars, quand la claire de la Couronne Boréale se lève le soir. Regardons comme la première de ces étoiles, celle qui est la moins avancée en longitude. Le catalogue des étoiles dressé par Ptolémée, pour la première année d'Antonin, comme il le dit deux fois dans son septième livre, montre l'étoile appelée la corne occidentale du Bélier en 6° 2/3, tandis que celle du museau y est marquée à 11 degrés. C'est donc l'étoile de la corne occidentale, qui est la première. Et cela est conséquent à la théorie de la précession des équinoxes [8], car l'étoile du Bélier que Timocharis avait trouvée de, et deux Hipparque de quatre degrés plus orientale que le point équinoxial, Ptolémée la trouva de 6 à l'orient de l'équinoxe. Or, cette première étoile du Bélier étant au point équinoxial, dans le temps d'Eudoxe, les cieux degrés trouvés par Timocharis, donnent un siècle et demi d'intervalle entre Eudoxe et Timocharis, autant entre celui-ci et Hipparque, à raison de 1° en 72 ans, 336 ans entre Timocharis et Ptolémée, et par conséquent cinq siècles environ entre Eudoxe et Ptolémée.

[6] Voyage en Égypte.

[7] Empedocle. in Fabricius, Bibli. gr. 
La Plaque de cuivre du pavé de Saint-Sulpice, montre aussi la méridienne et le soltice au milieu du Cancer, mais du signe et non de la constellation.

[8] Trad.. franc, de l'Almageste, L. 11 vol. I, p. 83.
 
 
 

 

En effet, la constellation du Bélier commençant à l'étoile Bêta de la corne occidentale du Bélier, marquée à 30 degrés à l'orient de l'équinoxe, dans l'atlas céleste de Flamsteed pour 1733, les 2160 ans que, donne le calcul des équinoxes, remontent à l'an 407, c'est-à-dire, au cinquième siècle avant notre ère. Ce qui confirme que cette étoile était effectivement au point équinoxial dans la sphère d'Eudoxe, base du poème d'Aratus.

Pour s'en assurer encore plus, qu'on prenne les 27° 37' que Tycho Brahé cette étoile. Ils font environ 22 degrés de différence, qui évalués à raison clé 72 ans chacun, donnent 14 siècles de Ptolémée à Tycho Brahé, qui vivait dans le XVIe, Ptolémée ayant vécu élans le deuxième IIe, quelque soit le nom que Ulugh Beg ou Albatani donnent à la première du Bélier, l'étoile qui se trouve être dans le XVIe siècle en 27° 37', à l'orient du point équinoxial, est la première du Bélier. De plus, en 1750 [9], la longitude de cette étoile était 1 signe 0° 28' 2/3, c'est-à-dire, de 23 1/3 degrés plus avancée vers l'orient, que les 6° 2/3 degrés d'Aries (Bélier) au temps de Ptolémée. Et puisque de 140 à 1750, la différence est 1610 ans pour lesquels on trouve 22 1/2 degrés, notre calcul est juste pour cette étoile à 50' près, de plus sur l'écliptique, où la longitude se compte, que sur l'équateur où se calcule l'ascension droite. Voilà pourquoi Delambre a dit : 
«  Ainsi, la première étoile d'Aries est à présent dans la portion de l'écliptique, appelée le signe du Taureau, et la première du Taureau dans le signe des Gémeaux[10].-» 
[9]Encyclopédie méthodique.

[10]Uranol. p. 116.
 

Les Modernes sont donc d'accord avec les Anciens pour cette étoile, qu'il est impossible de méconnaître d'après ces données, et par elle toutes les autres, avec la même facilité, en suivant la série des constellations, comme elles se suivent dans le poème d'Aratus. Je suppose dans tout ce raisonnement, qu'au temps d'Eudoxe le colure des équinoxes passait par cette première étoile du Bélier. Aratus dit seulement que le tropique boréal est fixé au Cancer. Le colure des équinoxes était donc dans le Bélier. Mais était-ce au commencement, au milieu ou à la fin de cette constellation? Théon dit dans ses scholies, qu'il passe par le huitième degré, ce qui ferait, comme le remarque Delambre, 700 ans d'intervalle à raison de 36 secondes par année. Mais Théon plaçait ce colure au 15e degré pour le temps d'Eudoxe; ainsi, et partageant l'erreur de Ptolémée sur la grandeur annuelle de la précession, qu'il faisait seulement d'un degré par siècle, les sept siècles écoulés entre Eudoxe et Théon, feraient tomber le colure au huitième degré pour le temps de Théon. Au reste, il est clair par Hipparque[11]  que les colures n'étaient pas sans largeur, puisque celui des équinoxes coupait la main gauche du Bouvier, les Serres du Scorpion, la main droite et le pied antérieur du Centaure, le détour du Fleuve[Eridan], la tête de la Baleine, le dos du Bélier et la main droite de Persée, ce qui fait près de 17 degrés de largeur. Il est donc indifférent, dit Schaubach [12], qu'Eudoxe, d'après les paroles expresses d'Hipparque, ait placé les colures au milieu des constellations, Aratus au commencement, Méton au 8e degré, selon Columelle et Pline, et Euctémon au 1er dans Géminus. Dans l'observation de l'équinoxe vernal en O du Bélier, le point opposé O des Serres se lève le soir, O du Scorpion ensuite, à l'étoileLambda au 28° degré de la Balance, et sa fin en 18° 48' du Scorpion, qui n'avait ainsi qu'environ 21 degrés, dont la moitié est 10° 30', qui avec 28 de la Balance font 8° 30' du Scorpion, pour la moitié à peu près réputée alors de cette constellation. [11] Petavius. Uranolog

[12] Geschichte der griech. astr.

« On pourrait entendre que le tropique du Capricorne coupe la constellation dans le sens de sa longueur en deux parties égales, l'une boréale et l'autre australe, au lieu de la couper dans le sens de la latitude en deux parties, l'une orientale et l'autre occidentale. Le passage d'Aratus tout seul ne signifierait donc rien, nous en croirons son commentateur Hipparque, mais pourquoi Aratus dit-il ensuite, que le Sagittaire est le plus austral des signes que parcourt le Soleil? Aucun signe n'est plus austral que le Sagittaire, dit encore le scholiaste, et après l'avoir parcouru, le Soleil commence, en entrant dans le Capricorne, à remonter vers le nord. Le solstice serait donc tout au commencement du Capricorne, et non au quinzième degré. Le scholiaste ajoute ensuite : c'est dans les derniers degrés du Sagittaire, que le Soleil fait sa conversion. On voit quelle confiance on peut avoir dans les expressions d'Aratus[13]. »
Concluons avec Delambre, que, ni Aratus, ni les autres poètes de ces temps anciens, n'avaient de notions précises sur le lieu variable des solstices et des équinoxes. Eh! Comment en auraient-ils eu quelqu'une, eux qui étaient en erreur sur la quantité annuelle de la précession? Ce n'est donc pas dans le poème des Phénomènes qu'on en trouvera une juste et précise, puisque Hipparque, Ptolémée et Théon s'y sont trompés eux-mêmes, tout astronomes qu'ils étaient.
[13] Delambre, Hist. de l'astr. anc.
Le mot phénomène signifie proprement tout ce qui paraît aux yeux. Or rien n'est plus visible que les astres qui brillent au ciel. C'est en ce sens, que Simplicius approuve le titre de Phénomènes, qu'Aratus a donné à son poème, parce que cet auteur y décrit les étoiles comme elles nous paraissent se lever, parcourir l'hémisphère visible du ciel, et se coucher. Il est vrai que leur retour toutes les nuits [Les jours et les nuits] régulièrement nous a tellement habitués à les voir, que nous n'y faisons plus guère d'attention; Cicéron en a déjà fait la remarque [14], et nous réservons le mot de phénomènes pour des événements célestes plus rares, tels que les éclipses. Mais les apparitions des astres, quoique arrivant chaque jour, ne sont pas moins des phénomènes dignes de nos regards, que les comètes qui ne reparaissent qu'après des siècles. Quelle tristesse dans la nature entière, quand tout à coup, au milieu du jour le plus beau, une obscurité profonde enveloppant le ciel et la Terre, dérobe à nos yeux le Soleil qu'une éclipse fait disparaître. Les animaux en tremblent d'effroi, les oiseaux en tombent de frayeur du haut de l'air, les bêtes féroces en poussent des hurlements dans les forêts, et l'humain saisi d'étonnement craint la dissolution du monde. Mais bientôt l'astre de la lumière reprenant son éclat, rend à la nature toute sa beauté, et à tous les objets leurs couleurs et leurs variétés. Si, quand la nuit succède au jour, la Lune répand sur la Terre la lumière qu'elle reçoit du Soleil, les humains mettent avec joie à profit pour leurs besoins la présence de l'astre qui vient pour eux remplacer le flambeau du monde. La scène change, quand le Soleil est descendu sous l'horizon, sans que la Lune éclaire de sa douce lueur le voyageur qui craint de s'égarer. Si alors les étoiles sont voilées par des nuages ténébreux, l'ombre de la mort règne sur la Terre, le pilote inquiet ne reconnaît plus dans la voûte céleste la route qu'il doit tenir sur la mer orageuse, et tous les êtres animés attendent avec impatience le retour de l'astre du jour qu'ils revoient avec des transports d'autant plus vifs, que la privation totale de la lumière était plus triste et plus pénible. [14] M T. Cicer. Offic.
 

 

Mais lorsqu'en l'absence des grands luminaires, qui par leur révolution perpétuelle se dérobent et nous rendent tour à tour la clarté du jour, les étoiles dans leur marche sans cesse renouvelée, traversent, brillantes de tout leur éclat, en s'avançant comme une armée en ordre de bataille [Mouvement diurne], du levant au couchant, l'espace immense du ciel dont elles nous font discerner les diverses régions, nous entrevoyons les objets qui nous entourent sur la Terre, nous les apercevons au travers du clair-obscur de ce crêpe nocturne que les latins distinguaient de la nuit profonde par l'épithète de sublustris, et nous attendons avec plus de tranquillité le retour de l'astre qui répand sur toute la nature, la lumière, la chaleur et la vie.

Les premiers humains, dans la simplicité de leurs moeurs, lui rendaient un culte dicté par la reconnaissance. Les plus anciens poètes lui ont consacré leurs vers. Nous avons encore les poèmes où Hésiode chante les travaux agraires [Les Travaux et les Jours] réglés par l'astre qui préside au jour, comme la Lune par ses phases argentines préside à la nuit. Il en partage le cours suivant la différence de ces travaux qu'il distribue sur les jours des saisons [L'Année et les Saisons] qui diversifient toute la durée de la période annuelle : le printemps revenant toujours à la fin rajeunir la nature; les feux ardents du Soleil dans les longs jours de l'été; pendant l'automne, la maturité des fruits due aux regards bienfaisants de cet astre vivifiant; et enfin la Terre reprenant dans le repos de l'hiver, de nouvelles forces pour de nouvelles productions.

Aratus laissant la Terre à Hésiode, a choisi le ciel pour sujet de ses chants. Mais il les a remplis de fictions pour donner à sa composition une couleur de poésie. Il attache aux noms des étoiles et des constellations, les histoires fabuleuses [La Mythologie Grecque] des temps antiques de la Grèce. Et toutefois, Quintilien lui reproche de manquer d'action : 

 « Il n'y a, dit-il, ni caractères ni discours; on n'y trouve aucune variété, et aucune passion ne réveille la langueur de ce poème froid et monotone. »
Cependant, ce fameux rhéteur avoue ensuite qu'Aratus a fait en ce genre tout ce qu'il était possible de faire, parce que le sujet ne comportait pas de pathétique. Sous le rapport de l'astronomie, Delambre a lumineusement réfuté, comme je viens de le faire voir, quelques-unes des nombreuses erreurs d'Aratus. Il en conclut que 
« ce poète astronome n'était ni astronome, ni même véritablement poète; il ne peut guère, ajoute Delambre, passer que pour versificateur, mais quelques-uns de ses vers sont assez bien tournés. Ses Phénomènes manquent bien plus encore d'observations et de faits vraiment astronomiques, qu'ils ne manquent d'invention épique et de verve poétique. Ce poème ne peut donc servir en astronomie, qu'à constater l'identité des noms donnés aux mêmes astres par l'astronomie moderne comme par l'ancienne; et c'est dans cette vue seule, qu il mérite une place parmi les écrits des astronomes anciens que je fais revivre. Sous un autre point de vue, il inspire moins d'intérêt qu'Hésiode, parce que les travaux de la terre touchent de trop près à la vie, pour qu'on n'en préfère pas les leçons de pratique, à une description fabuleuse du ciel, auquel on ne peut donner que de l'admiration, quand on ne peut lui donner une étude profonde. Aratus ne fut donc qu'un auteur plus soigneux de plaire que d'instruire. C'est aussi le sentiment de Cicéron : Il passe pour constant parmi les savants, dit ce grand orateur, qu'Aratus, cet homme absolument étranger à l'astronomie, a pourtant écrit sur le ciel et les étoiles, en vers pleins d'agréments. »
Selon Delambre, encore, 
« Aratus nous a transmis à peu près tout ce qu'on savait d'astronomie en Grèce de son temps, ou du moins, ce qu'il pouvait mettre en vers. La lecture d'Autolycus ou d'Euclide en apprendrait davantage à celui qui voudrait devenir astronome. Leurs notions sont plus précises et plus géométriques. » 
Mais Hipparque le disculpe, quand il dit dans son premier livre sur Aratus, que ce poète a décrit le ciel, non d'après ses propres observations, mais en suivant l'ouvrage d'Eudoxe, et que pour cette raison, c'est moins Aratus qu'il faut reprendre des fautes qui s'y trouvent, que ceux qui faisant profession en qualité de mathématiciens, de traiter des choses célestes, y tombent pourtant dans de grandes erreurs. Je ne déciderai pas la question de savoir si le commentaire sur les Phénomènes d'Aratus, attribué à un Hipparque, est du grand astronome de Rhodes, ou d'un autre Hipparque de Bithynie, ou si l'un et l'autre sont le même. Il suffit de savoir que cette critique, quel qu'en soit l'auteur, est fondée dans tous les points où elle taxe d'erreur Aratus et Attalus qui avait servilement imité Eudoxe, dans un pareil ouvrage, plus de cent ans avant Aratus. Hipparque semble envelopper Eudoxe dans les reproches qu'il fait à ces deux copistes; il reconnaît cependant qu'Eudoxe se montre plus habile et plus instruit qu'eux dans son Traité des astres, et il en cite plusieurs fragments qu'on pourrait rassembler pour en faire, sinon un ouvrage complet, au moins une suite d'idées qui nous dédommageraient quoique très imparfaitement de la perte de ses écrits. Il avait, au rapport d'Hipparque, composé deux commentaires sur les apparences célestes, mais aucun n'est venu jusqu'à nous, au lieu que le poème d'Aratus, sous une forme plus adaptée au commun des lecteurs, nous est parvenu dans son entier. Ceux d'Eudoxe méritaient pourtant bien davantage de passer à la postérité, à en juger par ses travaux en astronomie.

Eudoxe était de Cnide, où il naquit à la fin du cinquième siècle, avant l'ère chrétienne. Il fit de si grands progrès dans la géométrie et l'astronomie, que Cicéron ne craint pas de l'appeler le premier des astronomes; et Sextus Empiricus le met de pair avec Hipparque. Cicéron ajoute qu'il alla en Égypte avec des lettres de recommandation d'Agésilas à Nectanebus. Il y vécut avec Platon, et de retour à Athènes, sa réputation alla jusqu'à exciter la jalousie de ce philosophe. Strabon dit qu'il avait un petit observatoire. Il donnait à l'année un quart de jour en sus des 365; il fit connaître en Grèce les mouvements des planètes. Il construisit l'araignée, qui est une horloge solaire projetée sur un plan. Il trouva l'octaëtéride, période solaire de huit années, et il rendit beaucoup d'autres services à l'astronomie. Mais ce qui fait honneur surtout à son bon sens, c'est qu'au rapport de Cicéron, il avertit de ne pas croire les astrologues dans leurs prétendues prédictions d'événements humains par les astres. Hipparque frappé du mérite d'Eudoxe, n'a pu lui refuser la justice qui lui est due, tout en relevant ses fautes, et il dit dans son second livre, à l'occasion du lever de la Vierge, après avoir rapporté les vers d'Aratus : 

« Eudoxe enseigne la même chose, d'où il paraît qu'Aratus n'a fait que changer les expressions d'Eudoxe. Ils s'accordent bien avec les apparences dans tout le reste, mais non quant au mât du navire. […] Non seulement Aratus, ajoute-t-il plus bas, mais Eudoxe n'est pas d'accord avec les apparences pour le Baudrier de Persée, ni pour les autres figures qui se lèvent avec deux ou plusieurs signes. » 
Et ailleurs : 
« Aratus se trompe quand il dit que l'Hydre se couche toute entière en même temps que le Verseau se lève. Eudoxe est plus exact en marquant que la queue de l'Hydre est alors encore au-dessus de l'horizon... »
Hipparque met ainsi Eudoxe bien au-dessus d'Aratus, en faisant voir que celui-ci, aux fautes d'Eudoxe, a encore ajouté les siennes propres. Malgré tous ces reproches, qui ne sont que trop fondés, le poème d'Aratus, aussitôt qu'il parut, fut reçu avec une admiration universelle. Grecs et Romains, rois, princes et savants, tous l'apprirent par coeur, tous en firent le fond de leurs études astronomiques. On se crut astronome, quand on put réciter ces vers qui décrivaient les astres. Cicéron et Germanicus César en enrichirent leur langue. Manilius, Festus Avienus les imitèrent. Pline parle d'Aratus avec éloge dans son Histoire naturelle, et Buffon le cite dans la sienne, au sujet des cris de la foulque.

Mais pourquoi toutes ces autorités, quand nous en avons une bien plus respectable dans S. Paul? Les Actes des Apôtres nous apprennent qu'il cita aux Athéniens les propres paroles d'Aratus, pour leur prouver par leurs poètes même les plus en vogue, que le dieu qu'ils adoraient, était celui qu'il leur annonçait; et les SS. Jérôme, Chrysostôme et Clément d'Alexandrie, ont expliqué cette citation, en la rapportant au Dieu des Chrétiens, et ils ont tous témoigné que S. Paul l'avait empruntée d'Aratus.

Il n'est pas étonnant qu'un applaudissement aussi général ait fait naître tant d'interprétations, d'imitations et de traductions de ce poème chez les Anciens. Elles en ont encore fait éclore de pareilles chez les modernes. Le célèbre Buchanan a composé un poème latin sur la Sphère, où il ne dit guère rien de plus qu'Aratus. Avant lui, un poète grec, auquel on donne faussement le nom d'Empédocle, comme je le prouverai plus bas, avait déjà répété en moins de vers, sous le titre de Sphère, ce qu'on lit avec plus d'intérêt dans Aratus. Le même sujet a échauffé tant d'imaginations, il est si propre à exciter l'enthousiasme, qu'il a dû produire les mêmes élans d'admiration, les mêmes éclairs de feu poétique dans tous les temps. Aussi, le savant Grotius a rempli les lacunes de ce qui nous reste du poème latin de Cicéron. De nos jours, Luce, et d'autres poètes, ont fait du ciel, dans notre langue, le sujet de leurs descriptions, et le P. Pingré, astronome de l'Académie des Sciences, a publié une traduction française, non d'Aratus, mais de Manilius, et de Cicéron avec ses suppléments.

Pingré s'excuse sur son ignorance de la langue grecque, de ne pouvoir faire au poème d'Aratus, le même honneur qu'il faisait à celui de Manilius. Mais pourquoi a-t-il refusé à Germanicus ce qu'il accordait à Cicéron

Germanicus le méritait bien davantage, et par la richesse de sa poésie, et parce que son poème, au moins pour les Phénomènes, nous a été conservé dans toute son intégrité. On a mis en question si Germanicus en fut réellement l'auteur. Eh? Qui pourrait douter, après le témoignage d'Ovide dans ses Fastes, que ce prince n'ait été aussi grand poète qu'il était excellent orateur, au jugement de Tibère. Il est vrai que Firmicus, Priscien et Suidas, assurent du dictateur Jules César, qu'il mit en vers latins le poème d'Aratus. Mais Lactance et S. Jérôme parlent du poème latin imité des phénomènes d'Aratus, comme étant l'ouvrage de Germanicus. Gernanicus  fils de Drusus et d'Antonia nièce d'Auguste par Octavie, était neveu de cet empereur par sa mère, et de Tibère par son père; il naquit en l'an 15 avant l'ère chrétienne. Il refusa l'empire que son armée lui avait déféré en Germanie, après la mort d'Auguste; il fut envoyé en Asie pour y commander les armées romaines; mais il y fut empoisonné par Pison, l'an 19 de J. C. Non moins cher aux citoyens de Rome qu'aux soldats romains, il méritait cet amour, par les qualités de son coeur. Les Romains avaient mis en lui toutes leurs espérances, et sa perte fut pour tout l'empire un sujet de deuil que les étrangers même partagèrent. La postérité, en payant le même tribut à la mémoire de ce prince, y ajoute celui de son admiration pour l'élégance et la verve qui règnent dans son poème. Il y suit Aratus pas à pas, si ce n'est dans les pronostics, où il s'élève au-dessus de son modèle.

Vossius, Rutgersius, Colomesius et Heinsius ont voulu attribuer ce poème à Domitius, parce que celui-ci reçut aussi le surnom de Germanicus, à cause de ses victoires sur les Germains. Mais Barthius, Burmannus et Mullerus ont si bien défendu le droit de propriété de Germanicus César sur ce poème, d'après les témoignages de S. Jérôme et de Lactance, qu'il est impossible de ne pas le reconnaître pour l'auteur de cet ouvrage, quand on considère toutes les preuves que la tradition nous a conservées de son talent pour la poésie. Les savants auteurs de l'Histoire littéraire de la France, en lui attribuant ce poème, rapportent en effet de lui une belle épigramme qui confirme le jugement qu'Ovide a porté de ce prince comme poète.

On retrouve dans le poème de Germanicus, toutes les fautes d'Aratus, et cela doit être, car il n'était pas plus astronome que lui; mais il aimait l'astronomie plus qu'Aratus, qui n'avait composé son poème qu'à l'instigation d'un grand roi. Germanicus écrivit le sien, inspiré par son goût pour la connaissance du ciel; mais il a suivi le plan d'Aratus et nous pouvons également dire de l'un et de l'autre, avec le P. Pingré

« Son poème peut se diviser en trois parties; la première a pour objet l'énumération des constellations célestes, leur position respective, l'éclat plus ou moins grand dont elles brillent; dans la seconde, Aratus traite des principaux cercles de la sphère; dans la troisième, il détaille les constellations qui montent sur l'horizon ou qui descendent au-dessous, lorsque chacun des douze signes célestes commence à paraître. Aratus a suivi Eudoxe, et n'a suivi qu'Eudoxe. En conséquence il ne se contredit point, mais il s'en faut de beaucoup qu'il ne soit exempt d'erreurs; il copie presque toutes celles d'Eudoxe, comme Hipparque l'a démontré. Les configurations des astérismes, leur ordre, leur étendue, leur position respective n'ont point changé, depuis Eudoxe, mais leur distance au pôle, à l'équateur, aux tropiques, ne sont plus les mêmes. Le temps que chaque constellation reste sur l'horizon, et le rapport de leur lever et de leur coucher avec les signes du zodiaque, ont non seulement varié dans cet intervalle de temps écoulé; mais de plus, ces durées, ces rapports n'ont jamais pu être partout les mêmes. Ce que nous en trouvons dans Aratus, n'a jamais pu convenir qu'à une latitude et à un temps déterminé, comme par exemple, à la latitude de Cnide, patrie d'Eudoxe, et à la Sicile, où cet auteur écrivait. »
Aratus n'a pas plus manqué d'éditeurs que d'incitateurs; je laisse aux bibliographes le soin de les compter. Je ne veux parler que des manuscrits qui m'ont servi pour cette édition. Je les ai comparés à celle que Buhle a publiée en deux volumes, à Leipzig, en 1793. Ils sont sous les numéros 2726 et 2403; ils contiennent, l'un et l'autre le poème d'Aratus avec les scholies, et le premier a de plus les Thériaques et les Alexipharmaques de Nicander; et le second, Cléomède, Lycophron, Théocrite et d'autres fragments en très laide écriture, et en papier assez grossier, d'un blanc sale et terne.

Aucun manuscrit grec ni latin ne présente le ciel étoilé d'Eudoxe, projeté sur un plan, mais on savait depuis longtemps en Grèce, représenter la concavité du ciel sur la convexité d'une sphère. Hipparque est le premier auteur certain à qui cette invention soit attribuée. Anaximandre, Cléostrate, Calippe, Autolycus et d'autres ont bien en différents temps invaginé de représenter par les cercles divers de la sphère armillaire, les mouvements des corps célestes; et l'évêque Synésius témoigne dans son Astrolabe, qu'Hipparque a même enseigné à projeter sur un plan la surface sphérique. Cicéron, dans son deuxième livre de Natura Deorum, a fait mention d'une sphère céleste construite par Posidonius son ami, et d'une autre plus ancienne d'Archimède; elles étaient composées de plusieurs cercles les uns fixes, et les autres mobiles, tous à jour, et dont les limbes évidés jouaient les uns dans les autres, comme était celle que Varron dans Aulu-Gelle [Nuits Attiques] appelle Krikôtè, armillaire, pour imiter par leurs mouvements toutes les apparences de ceux du ciel.

Nous avons sur la sphère céleste solide, un témoignage plus clair et plus sûr dans le troisième chapitre du huitième livre de Ptolémée. Il y décrit la construction de sa sphère céleste, tournant en sens contraires, sur deux axes, celui des pôles de l'équateur, et celui des pôles de l'écliptique. A la surface étaient tracées les figures des constellations avec les lieux des étoiles; et c'est à l'imitation de cette sphère de Ptolémée, qu'un ingénieur ou mécanicien, nommé Léontius, construisit la sienne pour les Phénomènes d'Aratus. On y voyait que l'étoile polaire d'aujourd'hui, dernière de la queue de la Petite Ourse, était alors la plus éloignée du pôle, et que la plus proche était celle de l'épaule. Le P. Pétau a prouvé contre Scaliger que telles devaient être, au temps d'Eudoxe, les positions de ces ceux étoiles relativement au pôle.

Léontius vivait au septième siècle, à Constantinople, sous le règne de Justinien; il décrivit cette Sphère pour Elpidius son ami, et il en envoya la description à Théodore, autre ingénieur que Cosroës avait demandé à Justinien pour diriger le siège de Dara. Buhle l'a publiée à la suite d'Aratus. On y lit que la Sphère était bien différente de celle d'Aratus et de Ptolémée pour les lieux des astres. Cette pièce n'ayant jamais été traduite, je la donne ici en français. Nous ne l'avons cependant pas entière, mais outre qu'elle nous certifie la hauteur à laquelle la sphère doit être dressée pour répondre aux descriptions d'Aratus, je n'ai pu résister à la pensée de traduire ce fragment, pour prouver à mes détracteurs, que la langue latine n'est pas pour moi une clé qui me soit nécessaire pour m'ouvrir le ciel des astronomes grecs.

Il ne faut pas confondre ce Léontius avec un autre Léontius, père de l'impératrice Eudoxie, femme de Théodore II, empereur de Constantinople, différente de l'impératrice Eudocie, dont nous avons une notice historique abrégée de la vie d'Aratus dans l'Ionia, recueil d'anecdotes sur les héros du paganisme et les grands personnages de l'Antiquité. Ce qu'elle dit d'Aratus nous tiendra lieu de toutes les biographies si nombreuses et si variées qu'on trouve sur cet auteur dans toutes les éditions de son poème.

Eudocie, fille du patrice Constantin Dalassène, devint l'épouse de Constantin Ducas, successeur d'Isaac Commène au trône de Constantinople; elle gouverna l'empire en qualité d'impératrice, après la mort de Ducas, en 1007. Elle épousa ensuite Romain Diogène, qu'elle associa à l'empire, quoiqu'elle eut de son premier mari, trois fils, déclarés empereurs avec elle par leur père. L'un d'eux, Michel Ducas, profita de la captivité de Romain chez les Turcs, pour monter sur le trône, et en chasser sa mère Eudocie, qu'il exila dans un monastère où elle mourut en 1098. Belle et savante princesse, autant que malheureuse par l'ingratitude de son fils, son Ionia traduit en français par le docte Villoison, l'a immortalisée autant que ses grandes qualités qui la mettent de pair dans l'histoire avec les Pulchérie et les Eudoxie, et son nom méritait de figurer ici avec le poème d'Aratus, qu'elle a jugé elle-même digne d'être mentionné avec éloge.

L'Ionica est manuscrit à la Bibliothèque du Roi, en un volume in-4°, sous le n° 3057. Villoison a donné son édition d'après ce manuscrit, à la première page duquel se trouve une vignette que l'on voit gravée en tête de ce discours préliminaire. Cette princesse y est représentée assise sur un trône, au milieu d'une cour entourée de trois côtés des bâtiments de son palais à Constantinople. On la voit en face, vêtue d'une robe ou tunique d'or à manches, avec un manteau de pourpre jeté sur une épaule en forme d'écharpe, et descendant par devant jusque sur ses jambes garnies de brodequins rouges, marques insignes de l'empire. Sa tête est ornée d'une couronne d'or rayonnée; elle tient de sa main gauche un livre appuyé sur le genou du même côté, et elle élève le bras et l'index de la main droite vers le ciel, pour montrer les astres. Les bâtiments sont en bleu. Cette miniature est plus correcte que n'était alors à Constantinople l'art du dessin. Eudocie ayant vécu dans le onzième siècle, et Suidas dans le dixième, il est clair qu'elle a pris de Suidas, ce qu'elle dit d'Aratus, en des termes qui sont absolument les mêmes dans l'un et l'autre: 

« Aratus de Soles, ville de Cilicie, fils d'Athénodore, fut disciple de Ménécrate grammairien d'Ephèse, du philosophe Timon et de Ménédémus, sous le règne d'Antigone en Macédoine. Ce fut un poète contemporain d'Antagoras de Rhodes, et d'Alexandre d'Etolie. Nous avons encore ses poésies, qui sont des hymnes au dieu Pan, des chants de paix, des chansons joyeuses, une Astrologie (c'est le poème Diosêmeia, Pronostics célestes), avec une description des astres suivant leur position (ce sont les Phénomènes).

Il composa aussi une collection de médicaments les plus nécessaires à l'usage des médecins, un traité de la génération humaine, l'éloge funèbre de Théoprope. (Villoison en fait mention dans sa Diatribe à la suite de son édition de l'Ionia d'Eudocie.) Il a écrit en outre le panégyrique d'Antigone et des lettres morales; il est auteur de quelques inscriptions en l'honneur de Phila fille d'Antipater et femme d'Antigone, d'une Anatomie, d'un écrit sur Pausanias de Macédoine, de l'oraison funèbre de Cléombrote, d'une correction de l'Odyssée, et de plusieurs lettres également en prose. »

Cet Aratus ne fut pas un homme ordinaire, à en juger par le scholiaste de Théocrite, qui témoigne sur la sixième idylle, que ce poète fut l'ami de notre Aratus dont il chanta effectivement les amours dans sa septième idylle. Aratus, comme tous les auteurs en réputation, n'a pas manqué de commentateurs. Riccioli et Kuster attribuent à Théon d'Alexandrie, auteur des commentaires sur la grande astronomie de Ptolémée, les scholies ou notes grecques qui accompagnent les phénomènes d'Aratus, dans tous les manuscrits. Suidas ni Photius n'en disent rien. Ces notes paraissent être de plusieurs grammairiens ou littérateurs assez peu versés dans la connaissance des astres, dont ils ne savaient guère que les fables qu'on en débitait alors dans toutes les écoles, car elles se contredisent quelquefois. Elles n'ont de bon que ce qu'elles ont emprunté des Catastérismes ou Constellations d'Eratosthène, encore n'en ont-elles pas pris ce qu'il y a de meilleur, c'est-à-dire, le nombre des étoiles de chaque constellation. J'ai suppléé à ce défaut, en ajoutant à la suite du poème d'Aratus ces Catastérismes avec leurs étoiles et leurs fables, quoiqu'elles ne nous apprennent rien de plus de ce qu'on en lit dans Hyginus, Athénodore et autres semblables mythologues. On en trouvera d'ailleurs un extrait suffisant dans les recherches de Ideler, sur les dénominations des étoiles, dont je publie la traduction. Si au reste ces scholies étaient toutes de Théon, elles justifieraient assez l'opinion peu avantageuse que Simson a conçue de lui, et qu'il a exprimée en termes très peu ménagés dans sa traduction anglaise d'Euclide au sujet des scholies d'un Théon sur le géomètre grec.

Tout ce qu'on pourrait dire pour la défense de Théon, c'est que ces scholies sur Aratus se lisent sans nom d'auteur, dans le manuscrit grec 2403 de la bibliothèque du Roi. C'est celui que Buhle dans se préface cite sous le n° 287, car il contient comme cet éditeur le dit, les phénomènes d'Aratus avec les scholies et les ouvrages d'un anonyme sur la géométrie de Tretzès, de Proclus, de Lycophron, Pindare, Nicandre, Homère, en très petits caractères noirs, mal formés et remplis d'abréviations et de ligatures, du douzième siècle, sur papier de chiffres, relié en bois recouvert d'une peau verdâtre. Le texte y est entouré de scholies qui remplissent les quatre marges de chaque page.

En comparant l'édition de Buhle à ce manuscrit, je l'ai jugée généralement très correcte. Il n'en est pas tout à fait de même de son édition du poème latin de Germanicus. Je n'ai trouvé de celui-ci qu'un seul manuscrit dans la bibliothèque du Roi. Il est sous le n° 7886, in-4°, relié en parchemin, et lui-même en papier, et en caractères demi-gothiques, du Moyen âge. Il appartenait à Claude Dupuy, bibliothécaire du Roi. C'est celui dont Fabricius fit mention dans sa bibliothèque latine. Les notes ou scholies qui sont à la fin, et qu'il dit être d'Aratus, n'ont rien de commun avec celles qu'on lit dans le grec, ni même avec celles du scholiaste latin de Germanicus. Elles sont précédées de quelques autres sur les mois, et d'une prétendue conversation par lettres, d'Alexandre roi de Macédoine, avec Dindyme, sur la philosophie, et de la réponse de celui-ci. Elles sont terminées par des vers sur les mois encore. Le poème est sous le titre Claudii Caesaris arati phaenomena. Le surnom Germanici ne s'y voit pas; mais on ne peut pas douter que ces mots Claudii Caesaris ne désignent Germanicus Caesar; car ce prince était de la famille Claudia. Tacite le dit clairement au commencement de ses Annales.

La stupidité de Claude, qui régna après Caligula, fils de Germanicus, est plus que suffisante pour ne pas attribuer ce beau poème à tout autre qu'à Germanicus César. Quelques-uns veulent que le scholiaste de Germanicus fut Germanicus lui-même. Mais Barthius réfute cette opinion par les vers que cite ce scholiaste, et qui sont de Prudence, bien postérieur à Germanicus. Ce n'est pas que Germanicus n'écrivit aussi bien en prose qu'en vers, puisque Tacite loue son éloquence, comme Ovide fait l'éloge de ses poésies, et Suétone de ses comédies grecques. Ce prince peut donc bien avoir donné en prose un commentaire de son poème, à l'imitation des scholies réputées de Théon sur le poème d'Aratus.

Les Pronostics d'Aratus n'ont à la vérité aucun trait à l'astronomie. Delambre l'a dit, et rien n'est plus vrai. J'aurais donc dû plutôt les supprimer que les traduire et en publier la traduction, mais les jeunes étudiants trouvent dans les poèmes latins des passages inexplicables à qui ne connaît pas la sphère. Virgile et Ovide ont pris d'Aratus ce qu'ils disent des annonces de température dans les diverses saisons, et du retour des météores; et la lecture d'Aratus contribuera à faire comprendre le mécanisme du ciel, suivant les idées que s'en formaient les anciens.

Les scholies de Théon extraites du manuscrit grec, que Buhle nomme Codex mosquensis à la fin de son premier volume d'Aratus, offrent des variantes, comparées à celles qu'il a ajoutées au bas des pages qui contiennent les vers de ce poète uranographe; car dans celles-ci, on lit que le Petit Chien se lève avant le Grand Chien, « parce qu'il est plus oriental ». Ces mots ne se trouvent pas dans le Codex mosquensis, c'est parce que le Petit Chien est boréal, et le Grand Chien austral, que dans la sphère oblique telle que celle d'Aratus, pour une latitude boréale, le Grand Chien monte sur l'horizon après le Petit.

Les scholies qui accompagnent le poème de Germanicus, n'étant qu'une répétition plus étendue de celles de Théon, je n'ai pas jugé qu'elles valussent la peine d'être mises en notre langue. J'ai même supprimé avec Grotius, dans le poème de Germanicus, les vers 558... 562 et le 685e que Buhle juge également indignes de l'auteur, qui certainement n'a pas fait cette répétition inutile des constellations qu'il a décrites dans les vers précédents. J'ai aussi renfermé dans le second fragment de ses pronostics, Saturne avec Vénus et Mercure. Mars et Jupiter ne s'y trouvent point, et cette perte est irréparable, parce que nous n'avons qu'une petite partie de ces Pronostics qui ne me paraissent pas imités de ceux d'Aratus.

Dans ses scholies sur le 450e vers d'Aratus et les suivants, il dit que le Petit Chien, l'Ourse et la Bête, ou le Loup, sont mis autour d'Orion, parce que cet homme était un grand chasseur (Eratosthène le dit également). Hermippe ancien auteur grec qu'il cite au 436e vers, avait déjà dit que le Centaureà la poursuite d'une bête, était Chiron à la chasse, et que l'autel où l'encens brûle, signifiait le mariage de Pelée père d'Achille, élevé par Chiron, qui éleva aussi Esculape [Asclépios] et Jason. Ainsi au lieu de voir sur l'ancienne sphère grecque, comme Lalande et Dupuis l'ont prétendu, l'origine des cultes venus de l'Égypte, on ne peut trouver dans le zodiaque grec, que des indices de la première civilisation de la Grèce, après l'extermination des Pélasges, ses sauvages et anciens habitants. Les nouveaux desséchèrent cette contrée couverte d'amas d'eaux dormantes (hydres), et détruisirent les animaux féroces par des chasses fréquentes, après les invasions et les guerres qui les ont suivies. Les chasseurs ou guerriers, ce qui était la même chose dans ces temps de violences et de barbarie, comme la Bible le dit de Nemrod, s'y reconnaissent, les uns à pied, les autres à cheval, à leurs armes. On y voit ce qui a dû être commun à toute nation qui passait de l'état sauvage à l'état social, en Égypte et en Grèce, comme en Inde et en Chaldée, un autel qui signifie le culte divin et le mariage; le Bélier, la Chèvre et le Taureau, qui signifient le soin des troupeaux et l'agriculture, le navire qui indique l'abord des colons, et les voyages sur mer ou sur les fleuves; la Coupe signe de la médecine, les oiseaux et les poissons, premier aliment avant la civilisation, précédée par les scorpions et les cancres qui infestaient la terre et les eaux, dont l'écoulement est marqué par le Fleuve [Eridan] et par le Verseau. Tout cela n'est-il pas un mémorial des travaux des humains qui ont introduit la culture figurée par une jeune moissonneuse? Les couronnes, marques des fêtes et des victoires sur les barbares; les malheurs des vaincus représentés par des personnages enchaînés ou accablés de maux, suite des guerres inséparables des invasions, ne laissent aucun lieu de douter de ces analogies historiques usitées chez tout peuple qui voulut en perpétuer le souvenir. Aussi les Grecs éclairés par les Phéniciens qui les tirèrent de la barbarie, attachèrent les circonstances principales de cet événement, au lever et au coucher de certains astres. Tels sont, par exemple, ceux qu'ils nommèrent Dioscures, héros enfants de Zeus, premier des rois de la Thessalie après les Titans, et qui, au rapport d'Avienus traducteur latin d'Aratus, périrent dans la guerre de Cécrops fondateur d'Athènes et chasseur ou guerrier comme eux, puisqu'ils sont tous sur le Petit Chien. Tous les faits de l'histoire fabuleuse de la Grèce sont confondus ainsi que les temps sur la surface du globe céleste qui représente comme se levant et se couchant ensemble, des personnages qui étaient bien éloignés de se connaître, et ce serait une entreprise aussi ingrate qu'inutile que de vouloir expliquer cet amas confus de figures plus disparates encore que ridicules, puisqu'elles n'ont aucun rapport avec les positions des étoiles entre elles, et qu'elles ne sont que des emblèmes représentatifs des premiers pas des Grecs vers la civilisation. 

« Ceux des Grecs qu'on honorait du nom de sages, dit Pausanias, enveloppaient leurs discours sous des énigmes; et ne les énonçaient jamais ouvertement, et nous devons penser de même au sujet de ce qu'on débite sur les dieux. » 
Pausanias se rend ainsi raison de l'absurdité des fables de la mythologie, après avoir dit : 
« En commençant cet ouvrage, je trouvais que ces contes grecs annonçaient une crédulité bien stupide, mais parvenu à l'Arcadie, j'ai changé de façon de penser. […] On pourrait bien, ajoute-t-il encore, avoir donné ce nom à cet astre (l'Ourse), seulement pour honorer la mémoire de Callisto, car les Arcadiens montrent son tombeau. »
Eratosthène a rapporté aussi toutes ces fables dans ses Catastérismes; mais il a suppléé au silence d'Aratus sur le nombre des étoiles de chaque constellation. J'ai donc compté avec lui ces étoiles, mais j'en ai rejeté les fables, parce qu'elles ne sont d'aucun intérêt pour l'astronomie, et qu'elles ne feraient que répéter celles d'Aratus. Elle n'a besoin que de comparer le dénombrement des étoiles d'Eratosthène avec celui du catalogue de Ptolémée, pour connaître sur ce point les progrès de la science.

Les Catastérismes d'Eratosthène ne nous sont pas parvenus en entier, ce qui nous en reste a été publié en 1705 à Göttingen, en grec et en latin, par C. Schaubach, avec des notes de Heyne; et Bode en a donné toute la fable dans son atlas céleste imprimé en allemand et en français, à Berlin en 1805.

Delambre conjecture que l'Eratosthène, auteur des Catastérismes, n'était pas le même que le contemporain d'Aratus, qui vivait dans le IIIe siècle avant Jésus-Christ, puisqu'il cite Hipparque qui écrivait dans le siècle suivant; ou bien l'Hipparque qu'il cite, n'est pas celui de Rhodes, mais celui de Bithynie, auteur du commentaire sur les phénomènes d'Aratus, et antérieur à cet Hipparque de Rhodes, dont Ptolémée a rapporté des phrases entières qui ne sont pas dans ce commentaire, et des observations qu'on n'y trouve pas davantage. 

Ces Catastérismes étant mutilés, j'avais pensé à les compléter par le petit poème de la sphère attribué faussement à Empédocle. Mais c'est un abrégé trop court, quoique assez élégant, du poème d'Aratus; tel qu'il est, il pourrait suppléer à ce qui manque dans la Sphère construite et décrite par Léontius pour les Phénomènes d'Aratus. Mais ce poème que l'on met sous ce nom, n'est ni du philosophe disciple de Pythagore, il est indigne de lui; ni de Démétrius-Triclinius, Grec érudit du quinzième siècle, auquel Frédéric Morell l'attribue dans sa première édition donnée à Paris en 1584. Florent Chrétien, dans sa version latine publiée à Paris en 1687, donne ce petit poème à Pisidas. Mais ils se trompent l'un et l'autre, car ces Grecs modernes n'auraient pas manqué d'y parler de la Balance dont ce poème n'offre pas une seule fois le nom, comme la version latine n'a pas manqué de la nommer, au lieu de rendre le Chelaï du grec, parle mot chelae. L'auteur de cette version a cru que le tét des pinces ou serres du Scorpion pouvant servir de bassin à de petites balances, on pouvait aussi lui en donner le nom. Au reste, ce poème grec ne faisant que nommer les constellations, sans en compter les étoiles, et le poème de Germanicus continuant avec ceux de Cicéron, de Manilius, d'Avienus et du fameux Buchaman, depuis Aratus jusqu'à nous, les dénominations des étoiles prises du grec d'Aratus. Je n'ai pas cru devoir y joindre les vers du prétendu Empédocle.

Le philosophe de ce nom était d'Agrigente en Sicile. Aulu Gelle le dit né dans la 76e olympiade, 475 ans avant notre ère, vers les temps où les Fabius périrent dans la guerre de Veïes, et où les Romains établissaient des décemvirs pour la rédaction des lois. Il est peu croyable qu'il ait été disciple de Pythagore de Samos, qui vivait au dire de Cicéron et de Solin, plus de cinquante ans auparavant. Mais à coup sûr, il n'est pas l'auteur de ce petit poème, qui n'est à l'égard des phénomènes d'Aratus, que la sphère de Proclus comparée aux Phénomènes de Geminus. Empédocle, suivant ce qu'on lit de lui dans Stobée, était capable de produire un ouvrage plus digne de sa réputation, malgré toutes ses erreurs en physique, et les égarements de sa vanité en fait de morale. Car, vit-on jamais folie pareille à celle de se jeter dans le gouffre enflammé de l'Etna, pour se faire croire immortel et Dieu? C'est pourtant ce qu'Horace a dit d'Empédocle.

Eratosthène nous suffit donc pour remplir le passage d'Aratus à Germanicus. Eratosthène naquit dans la CXXVle olympiade, vers l'an 276 avant l'ère chrétienne, à Cyrène; d'où il fut appelé par Ptolemée III Evergète, vers l'an 226 avant Jésus-Christ, pour présider à la bibliothèque d'Alexandrie [Les Ecoles d'Alexandrie] dont il prit soin pendant tout le règne de Ptolemée-Philopator, et jusqu'à la douzième année de Ptolemée-Epiphane. Il se laissa, dit-on, mourir de faim, se voyant à l'âge de 81 ans privé de la vue, privation qui à la vérité dut être extrêmement sensible à un savant qui vivait dans cette bibliothèque, comme Tantale au milieu d'un bien dont il ne pouvait pas jouir. Les seuls ouvrages qui nous restent de lui, sont quelques fragments de ses Catastérismes, et beaucoup moins encore de ses livres sur la géographie. Je parlerai de ceux-ci dans mon édition de la géographie de Ptolémée. Les Catastérismes sont plus mythologiques qu'astronomiques, quoique leur titre désigne une description des astres. Mais les Grecs aimaient le merveilleux en tout, et Eratosthène n'a pas pu se guérir plus qu'Aratus, de cette maladie dont toute sa nation était si entachée. Il succéda, dans cette bibliothèque, à Démétrius de Phalère, qui trouva dans les livres la paix que la politique lui avait refusée dans sa patrie.

Aratus la trouva également à la cour d'Antigone; ce roi lui avait donné le traité en prose des phénomènes d'Eudoxe à mettre en vers, l'an 236 avant notre ère. Cet Antigone était surnommé Gonatas, parce qu'il était né à Gones en Asie, de Démétrius- Poliorcète fils d'Antigone I, l'un des généraux macédoniens qui se partagèrent les conquêtes d'Alexandre, pendant le règne de Philippe Aridée, frère de ce conquérant. Antigone I régna en Asie et fut tué à la bataille d'Ipsus. Poliorcète s'empara de la Macédoine d'où il fut chassé, après avoir lui-même chassé d'Athènes Démétrius de Phalère, qui se sauva en Égypte, où Ptolemée Philadelphe lui confia le soin de la bibliothèque qu'il rassemblat dans Alexandrie; et Antigone II, protecteur d'Aratus, reconquit la Macédoine où il régna 33 ans, après le pillage du temple de Delphes par les Gaulois. Ce fut donc dans ce royaume et dans ce siècle, qu'Aratus composa son poème deux cents ans après lui, Germanicus traduisit en latin. 

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