| M. Fabius Quintilianus (Quintilien) est un célèbre avocat, professeur et écrivain latin. Il naquit probablement en l'année 42 ap. J.C dans la petite ville espagnole de Calagurris (auj. Calahorra, en Navarre, sur l'Ebre). Il était le fils d'un rhéteur de talent médiocre, qui enseigna peut-être à Rome. Ce qui est certain, c'est que Quintilien vint de bonne heure dans la capitale du monde romain, qu'il y entendit les orateurs les plus renommés du temps, comme Domitien Afer, Julius Africanus, et y suivit les leçons des rhéteurs les plus fameux, tels que le grammairien Palémon. Pendant les dernières années du règne de Néron, il retourna en Espagne, sans que l'on sache exactement à quelle date ni pour quelle raison; en 68 il revint définitivement à Rome en même temps que Galba proclamé empereur. Jeune encore, il devint l'un des avocats les plus célèbres de son époque; il ouvrit une école de rhétorique, où il enseigna les préceptes de l'art oratoire. Sa vogue fut bientôt si grande que l'empereur Vespasien le nomma professeur public d'éloquence à Rome, aux appointements de 400 000 sesterces. Quintilien fut le premier orateur qui monta ainsi dans une chaire officielle de rhétorique. Il renonça au barreau et se consacra tout entier à son enseignement. Il professa pendant vingt ans; de très nombreux élèves, entre autres Pline le Jeune et le futur empereur Hadrien, suivirent ses leçons; Domitien lui confia le soin d'instruire les enfants de sa soeur Domitilla, et lui conféra peut-être les insignes consulaires, Au bout de vingt ans, Quintilien cesse d'enseigner; il se retira de la vie active. Il avait amassé une certaine fortune; mais ses dernières années furent attristées par la mort de sa femme et de ses deux enfants. Il se plaint quelque part d'être resté seul de tous les siens Superstes omnium meorum. On ignore la date exacte de sa mort. Quintilien avait écrit un livre sur les causes de la décadence de l'éloquence (De causis corruptae eloquentiae). On a voulu retrouver ce livre dans l'ouvrage connu sous le nom de Dialogue des orateurs; mais la plupart des érudits sont aujourd'hui d'accord pour attribuer ce dialogue à Tacite. Quant aux Déclamations et fragments de déclamation qui orit été imprimés au XVe et aux XVIe siècle sous le nom de Quintilien, il est impossible d'y voir une oeuvre de cet auteur. L'ouvrage capital de Quintilien, c'est l'Institution oratoire (lnstitutio oratoria, ou mieux d'après les manuscrits, Institutiones oratoriae, les Institutions oratoires). Quintilien mit deux ans à écrire ce livre, que l'on peut considérer comme le résumé du cours de rhétorique qu'il professa pendant vingt ans. L'ouvrage, divisé en douze livres, expose un plan complet d'études, destiné à former le véritable orateur. Quintilien prend le futur orateur dès le berceau, presque dès sa naissance; il le suit à travers toutes les phases de son éducation; il montre comment il faut lui enseigner la grammaire, puis la rhétorique proprement dite; il le dirige dans le choix de ses lectures. Ayant été avocat, Quintilien avait l'expérience pratique du barreau; ayant été longtemps professeur, il avait l'expérience de l'enseignement; il connaissait les jeunes gens; il savait quels étaient les défauts et les travers les plus communs chez eux, à l'époque ou il vivait. - Nécessité du travail intellectuel dès l'enfance « Qui empêche que, dès le premier âge, on ne cultive l'esprit des enfants, comme on peut cultiver leurs moeurs? Je sais bien qu'on fera plus dans la suite, en un an, que l'on n'aura pu faire durant tout le temps qui aura précédé; mais il me paraît néanmoins que ceux qui ont tant ménagé les enfants ont prétendu ménager encore plus les maîtres. Après tout, que veut-on que fasse un enfant, depuis qu'il commence à parler? car enfin il faut bien qu'il fasse quelque chose; et si l'on peut tirer de ses premières années quelque avantage si petit qu'il soit, pourquoi le négliger? Ce que l'on pourra prendre sur l'enfance est autant de gagné pour l'âge qui suit. Il en est de même de tous les temps de la vie. Tout ce qu'il faut savoir, qu'on l'apprenne toujours de bonne heure; ne souffrons point qu'un enfant perde ses premières années dans l'habitude de l'oisiveté. Songeons que, pour ces premières études, il ne faut que de la mémoire, et que non seulement les enfants en ont, mais qu'ils en ont même beaucoup plus que nous. Je connais trop aussi la portée de chaque âge pour vouloir qu'on tourmente d'abord un enfant, et qu'on lui demande plus qu'il ne peut. Il faut se garder surtout de lui faire haïr l'instruction, dans un temps où il ne peut encore l'aimer, de peur que le dégoût qu'on lui aura une fois fait sentir ne le rebute pour toujours. L'étude doit être un jeu pour lui. Je veux qu'on le prie, qu'on le loue, qu'on le caresse, et qu'il soit toujours bien aise d'avoir appris ce que l'on veut qu'il sache. Quelquefois, ce qu'il refusera d'apprendre, on l'enseignera à un autre; c'est le moyen de piquer sa jalousie. Il voudra le surpasser, et on lui laissera croire qu'il a réussi. Cet âge est fort sensible à de petites récompenses; c'est encore une amorce dont il faut se servir. Voilà de bien petits préceptes pour un aussi grand dessein que celui que je me suis proposé; mais comme les corps les plus robustes ont eu de faibles commencements, tels que le lait et le berceau, les études ont aussi leur enfance. » (Quintilien, Institution oratoire, liv. I). | Il combat très vivement l'abus des théories et surtout des divisions, subdivisions et classifications dans l'art oratoire; il vise à la simplicité; il s'inspire avant tout du bon sens. Sans doute, il nous paraît encore bien compliqué; mais il ne faut pas oublier qu'il marque, à ce point de vue, un progrès très sensible sur les rhéteurs du Ier siècle de l'ère chrétienne. De même, il s'élève contre le mauvais goût et les mauvaises habitudes qui caractérisaient la déclamation de son temps. Malgré toute l'estime qu'il professe pour Sénèque, il n'ose pas trop recommander aux jeunes gens la lecture de cet écrivain : il juge son style trop affecté, trop prétentieux, trop maniéré. Or, ce sont là des défauts auxquels ils ne sont que trop portés. Les modèles qu'il prône par dessus tous les autres, ce sont les grands écrivains classiques du siècle d'Auguste, et au premier rang, Cicéron. Plus un orateur s'inspirera de Cicéron, plus il fera de progrès. - Page d'un manuscrit des Institutions oratoires de Quintilien, daté du XIIe s. Quintilien, par ces idées dont le bon sens est la note principale, a préparé la renaissance littéraire de l'époque de Trajan. Ce n'est pas à dire que rien ne soit à reprendre chez lui. Il voyait juste; il sentait avec assez de pénétration ce qu'il fallait faire; mais ce n'était pas un lutteur vigoureux. Il n'a pas pu ou n'a pas osé se dégager complètement du milieu littéraire dans lequel il vivait. Et l'une des preuves les plus frappantes de cette timidité, c'est la part pour ainsi dire exclusive qu'il fait à la rhétorique, à l'art oratoire dans son programme d'études.Il n'a en vue que l'orateur, on pourrait presque dire le porteur. Il n'apprécie les grands écrivains, même les poètes, de la Grèce et de Rome qu'au point de vue des avantages que le futur orateur peut retirer de leur lecture. Ce caractère apparaît très nettement dans le style même de Quintilien. A coup sûr, il n'est pas malaisé de voir qu'il vise au style classique, qu'il s'efforce de réagir contre la manière de Sénèque; mais il est entraîné, malgré lui, par l'atmosphère ambiante, et son style présente parfois quelques-uns des défauts contre lesquels il veut mettre en garde l'orateur; les métaphores prétentieuses, les pointes inattendues et inopportunes, les traits brillants ne manquent pas dans son oeuvre. (J.Toutain).
| Editions anciennes - Le manuscrit de l'Institutio oratoria fut trouvé par le Pogge, à l'abbaye de Saint-Gall, en 1419. Principales éditions : édition princeps (Rome, 1470); édition des Alde (Venise.1514); édition de Burmann (Leyde, 1720; édition de Spalding, Zumph et Bonnell (Leipzig, 1798, 1834); édition de Halm (Berlin, 1808); édition de Meister (1885-87). En bibliothèque - Jean Cousin, Recherches sur Quintilien, Manuscrits et éditions, Belles Lettres, 1975; Quintilien, De l'institution oratoire (7 vol.), Belles Lettres, 1976/2000. | | |