Spectacle du ciel « L'âme est faite pour voyager dans les cieux. C'est là qu'échappée de sa prison et dégagée des liens de la terre, elle peut respirer librement, s'étendre, donner carrière à toutes ses facultés et saisir la vraie grandeur, sans crainte d'être déçue par l'illusion; dans ce jardin émaillé d'étoiles, elle ne se trouve point étrangère. Errante au milieu de ces merveilles, elle en est une elle même. Leur grandeur l'avertit de la sienne; elle devine l'art mystérieux qui arrange ces globes dans un ordre si harmonique; elle juge en maître éclairé les lois de leurs mouvements divers. Fière et étonnée d'elle-même, elle se reconnaît dans son séjour, elle s'avoue avec un juste orgueil son origine. Au milieu de ces astres, elle s'y sent plus forte et plus vivante, et reporte dans le lieu de son exil des sentiments plus dignes de son illustre patrie... Avec quelle ivresse délicieuse je me promène sans me lasser au milieu de tous ces globes! Je rencontre Dieu dans chacun d'eux, et je frémis de me voir devant ses regards. Brillants citoyens des airs, quelles impressions lumineuses vous portez dans mon âme! quelle fécondité vous donnez à mes pensées!... A chaque regard que je jette sur vous, je vois éclore de nouvelles vérités. Lorenzo, ne sens-tu pas comme moi, dans ta pensée, une action secrète qui efface devant toi les bornes du temps? Ces sphères qui en mesurent le cours me donnent l'idée et l'espoir de l'immortalité; cet espace sans limites, que parcourent ces globes infatigables, éveille l'idée d'une durée sans fin. Ainsi, par un nouveau bienfait de la nature, l'image de l'éternité entre par les yeux et va se peindre sur l'âme qui la conçoit sans fatigue. Mortels, étudiez souvent la vérité dans ces astres; unissezvous à eux par la pensée. Formez -vous des coeurs intrépides pour l'heure terrible où des feux plus vifs et plus effrayants sillonneront le sein d'une nuit plus profonde, lorsque ces monuments éclatants d'un Dieu, éteints et tombant de leurs sphères, céderont la place â l'éternel rideau qui couvrira les cieux. Oh! quand verrai -je un plus bel univers que celui que j'admire ici? Quand pourrai-je contempler en toi le modèle de la création et ne plus m'étonner ici de sa faible copie? Quand secouerai-je cette poussière étrangère à moi? Quand mon âme ira-t-elle, dégagée de ce vêtement de chair et rendue a tes bras paternels, goûter dans ton sein le bonheur? » |