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Les Fleuves
Croyances et rituels
Les fleuves sont conçus d'un point de vue symbolique de multiples manières. On peut en faire une image de l'écoulement irréversible : c'est ce que représente le Nil lors de l'abandon de Moïse, et ce aussi le rôle du Tibre lors de l'abandon de Romulus et de Rémus. En cela, les fleuves symbolisent aussi le franchissement d'un seuil, celui qui porte vers une destinée, ou bien qui marque le seuil d'une transgression (peut-être est-ce le sens qu'il faut donner à Evénus, le fleuve que Nessus veut faire traverser à Déjanire), ou au contraire d'une purification (le Gange ou le Jourdain des baptisés, par exemple). On a aussi, avec le Sabbation, l'exemple d'un fleuve supposé respecter une prescription du Judaïsme, le Sabbat (il ne coule pas le samedi...).

Le passage que les fleuves signalent le plus sûrement est cependant celui de la vie au trépas. On les trouve donc naturellement aux Enfers des Grecs où coulaient l'Achéron, le Cocyte, le Styx, le Phlégéthon et le Léthé. Mais ils peuvent aussi devenir synonymes de l'abondance dès que l'on quitte l'enfer pour le paradis. Tels sont au sortir de l'Éden, les quatre fleuves dont parle la Genèse : le Phison le Gihon, le Chidékel et le Phrat, ou encore, dans la religion nordique, les douze fleuves qui s'échappent de la fontaine Hvergelmer. A moins qu'ils ne soient à la fois enfer et paradis, comme celui au milieu duquel est plongé Tantale, qui ne peut cependant s'y désaltérer...

Les fleuves ont aussi été souvent divinisés, ou ont eu leurs dieux propres, comme les ondins médiévaux, ou plus sûrement encore comme les fleuves des anciens Slaves et ceux des Grecs, nés parfois du sang d'une victime, tel Acis, mais qui étaient le plus souvent les fils de Téthys et d'Océan, et pères aussi à l'occasion d'une illustre progéniture. Le fleuve Ladon eut ainsi pour fille Syrinx (et aussi Carmenta selon les Romains), Acheloos fut le père des Sirènes, Inachos celui d'Io, etc. Et d'autres généalogies pouvaient encore être évoquées comme pour boucler le cycle : ainsi Erèbe (les ténèbres d'en bas), fut l'époux de Nyx (les ténèbres d'en haut), et ensemble ils eurent Charon, le passeur de l'Achéron... 
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Chez les Perses.
Les anciens Perses portaient le respect pour eux jusqu'à défendre de s'y laver les mains et d'y jeter des ordures. Les Parsis, leurs descendants, ont encore pour les Fleuves la plus grande vénération.

Chez les Grecs.
Les Grecs regardaient les Fleuves comme enfants de l'Océan et de Téthys. Hésiode en compte trois mille sur la face de la terre. Selon lui on ne devait pas les traverser sans s'y laver les mains en invoquant les dieux; autrement un courait le risque d'attirer sur soi l'indignation de la divinité. D'après la mythologie grecque, chaque fleuve était gouverné par un dieu, ou plutôt était lui-mêrme une divinité à laquelle ou immolait des chevaux et des taureaux. Les peintres et les poètes les dépeignent sous la figure de vieillards respectables, symbole de leur antiquité, avec une barbe épaisse, une chevelure longue et traînante, et une couronne de jonc sur la tête. Couchés au milieu des roseaux, ils s'appuient sur une urne d'où sort l'eau qui donne naissance au courant. Cette urne est inclinée ou de niveau pour exprimer la rapidité ou la tranquillité de leurs cours. Sur les médailles, les fleuves sont tournés à droite ou à gauche, selon qu'ils s'écoulent vers l'Orient ou vers l'Occident. Quelquefois on les représente 

sous la forme de taureaux, ou avec des cornes, soit pour exprimer le mugissement des eaux, soit parce que les liras d'un fleuve ressemblent en quelque manière à des cornes de taureaux. Elien nous apprend que les Agrigentins, pour exprimer le cour trajet que parcourait leur fleuve, l'honoraient sous la figure d'un bel enfant, auquel ils avaient consacré une statue d'ivoire dans le temple de Delphes.

Chez les Hindous.
Les Hindous, qui ont divinisé presque tous les êtres, n'ont pas manqué d'attribuer la divinité à la plupart des fleuves; tous sont sacrés par eux-mêmes, mais il en est sept qui jouissent particulière nient de l'essence divine, et qui sont considérés comme dieux ou déesses, ce sont la Ganga, ou le Gange, la Godavari, la Yamouna, la Sarasvati, la Kavéry, le Brahmapoutre et le Sindh (Indus). Les Hindous accourent des contrées les plus éloignées pour offrir des sacrifices à ces saintes rivières, y faire leurs ablutions, en emporter de l'eau dans des fioles, pour en arroser le sol où ils doivent expirer. Mais bien plus heureux sont ceux qui ont la force de venir rendre l'âme sur leurs bords, ou qu'une main charitable vient plonger dans leurs ondes, lorsqu'ils sont près de la mort. Leur salut éternel est assuré.



- J. Toutain, Le culte des fleuves : forme primitive et ses principaux rites chez les peuples de l'Antiquité, 1926. A. Cabaton, Le Culte des rivières et des eaux dans l'Inde et l'archipel indien, 1926.
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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