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Peu d'animaux sont aussi connus, au moins de nom, que le loup. Tous les naturalistes grecs et latins en ont fait mention de leur temps; le loup était aux yeux du vulgaire un monstre, un fantôme, comme le loup-garou l'a été dans les légendes populaires. On en parle dans l'histoire; les mythes les plus anciens en font mention; il joue son rôle dans les traditions les plus reculées, et dans presque tous les contes du coin du feu. En Egypte. En Grèce. A Rome et ailleurs. La louve romaine allaitant Rémus et Romulus. Sculpture du square Paul-Painlevé, à Paris. © Photo : Serge Jodra, 2009. Chez les Scandinaves, Loki, le Satan du Nord, avait pour fils le loup Fenrir. Les légendes chrétiennes font du loup un emblème du démon. Le loup-garou. L'existence et les méfaits des loups-garous sont affirmés par un arrêt rendu en 1574 par la cour souveraine du parlement de Dole, « en la cause de messire Henry Camus, docteur ès droit, conseiller du roy en ladite cour et son procureur en icelle, impétreur et demandeur en matière d'homicide commis aux personnes de plusieurs enfants, dévorement de la chair d'iceux, sous forme de loup-garou, d'une part; et Gilles Garnier, natif de Lyon, défendeur, d'autre part ».Cet arrêt condamne Gilles Carnier à être brûlé pour « tost après le jour de faicte Saint-Michel dernier, luy estant en forme de loup-garou, avoir prins une jeune fille d'environ dix on douze ans, en une vigne près le bois de la Serre, au lieu dict ès Georges, vignoble de Chastenoy, près Dole, un quart de lieue, et illec l'avoir tuée et occise, tant avec ses mains semblant pattes, qu'avec ses dents, et après l'avoir traînée avec lesdictes mains et dents, jusques auprès dudiet bois de la Serre, l'avoir dépouillée et mangée pour tant de la chair des cuisses et bras d'icelle; et, non content de ce, en avoir porté à Appoline, sa femme, en l'hermitage de Saint-Bonnat, près Amanges, et laquelle luy et sadicte femme faisoyent leur résidence ».Suit l'énumération de trois autres meurtres commis sur des filles ou garçons, « dont estant, comme il le confessait luy-même, en forme de loup, il dévoroit ensuite la chair ». L'arrêt publié à Sens en 1514 a été réimprimé en partie dans le tome VIII des Archives curieuses de l'Histoire de France (1re série). Il y est accompagné d'une lettre de l'éditeur, Daniel d'Ange, au doyen de l'église de Sens. Dans cette lettre se trouve le commentaire suivant : « Gilles Garnier, lycophile, ainsi l'appellerai-je, estant hermite, prist depuis femme, et n'ayant de quoi sustenter sa famille, tomba, comme est la coustame des mal-appris, en défiance et tel désespoir, que errant par les bois et désertz en cet estat, il fut rencontré d'un fantôme en figure d'homme, qui lui promit monts et miracles, et, entre aultres choses, de lui enseigner à bon compte la façon de devenir, quand il le voudroit, loup, lion ou léopard à son choix; et pour ce que le loup est une beste plus mondanisée par deça que ces aultres espèces d'animaux, il aima mieux estre déguisé en icelle, comme de faict il fut, moyennant un onguent dont il se frottait à ceste fin, comme depuis il a confessé avant que mourir avec recognoissance de ses péchés. »Ce témoignage est tout à fait conforme à la doctrine de l'Eglise sur la perversité et la puissance de Satan, ainsi qu'à la procédure relative aux sorciers. Garantie par ces autorités, la croyance aux loups-garous florissait encore dans plusieurs de nos provinces, il y a soixante ans. Etant enfant, l'auteur de la présente notice ne passait qu'avec une profonde terreur auprès d'un vieux berger appelé Jacques Matifas et d'une vieille mendiante appelée Catherine Rousse; car il était notoire pour tous que le vieux avait puissance de se changer en loup, et la vieille en chatte. Ils sont morts depuis longtemps et ne paraissent point avoir eu de successeurs. Il ya bien longtemps, maintenant, qu'il n'y a plus de loups-garous dans le canton : beaucoup de choses cessent d'exister dès qu'on cesse d'y croire. (E.-H. Vollet). |
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