.
-

Zeus

Zeus est la plus éminente des divinités du Panthéon hellénique, que l'on retrouve sous les noms de Jupiter, Diovis, ou Jovis dans l'Italie latine  (La religion romaine) et sous celui de Tinia en Etrurie. Les Grecs rattachaient le nom de Zeus au radical zên = vivre; la linguistique moderne l'a ramené, ainsi que ses congénères italiques, à dis, en sanscrit diaus, devas, d'où dies, deus, divus en latin, et peut-être daimon (Démons) en grec; c.-à-d. que l'être du dieu s'explique comme une personnification de la lumière, Diespiter et Zeus pater signifiant la lumière créatrice. La mythologie confirme généralement en tout point cette interprétation; Zeus n'y est pas seulement un fils de Cronos, mais aussi d'Ouranos (le Ciel) ou d'Aether, personnification des clartés qui rayonnent dans les hauteurs et enveloppent de toutes parts le Monde. En tant qu'il se mêle à la vie terrestre, Zeus habite sur les hauts sommets, et le poète Eschyle place son autel dans l'Ether; les humains dressent ses premiers sanctuaires où logent sa divinité sur les montagnes les plus élevées; ainsi en Attique, en Béotie, dans l'Arcadie, la Phocide, la Thessalie, la Troade. De toutes ces montagnes, l'Olympe de Thessalie étant la plus majestueuse, Zeus est l'Olympien par excellence; sur les hauteurs neigeuses il a installé sa cour; voisin des nues, il en fait jaillir l'éclair, gronder le tonnerre et s'épancher les eaux fertilisantes; il est l'assembleur de nuages, le dieu qui brandit la foudre et qui se couvre de l'égide, comme d'un bouclier.

Dieu de la lumière céleste, Zeus a dans sa dépendance tous les grands phénomènes où se manifeste la vie cosmique. Il règle la succession du jour et de la nuit (Les jours et les nuits), le cours des saisons, l'action bienfaisante ou destructive des vents, les alternatives de froid et de chaleur, de bon et de mauvais temps, l'épanouissement des plantes, des animaux et des humains. A l'origine, sa nature, comme celle de toutes les personnifications divines, est double; Zeus dispense les biens et il donne les maux ; il atteste sa puissance et par les présents qui entretiennent la vie et par les fléaux qui violemment en troublent ou en limitent le cours. Zeus s'oppose, dans une lutte victorieuse, aux Géants et aux Titans qui représentent les forces brutales, les agents malfaisants des lointaines périodes de la cosmogonie et de la théogonie : son triomphe et celui des Olympiens qui l'assistent dans la lutte marquent la fin des grandes convulsions de la nature; ils inaugurent pour l'humain l'ère de prospérité et de civilisation, pour les dieux eux-mêmes celle de la hiérarchie par le partage équitable.

Les qualités morales du dieu concordent avec sa conception physique; comme il est le roi suprême, il est le père très bon; des hauteurs ou il réside, son regard s'étend au loin, Zeus est celui qui voit tout et qui pourvoit aux besoins de tous les êtres. Son intelligence infinie est l'expression de l'ordre et du droit; Thémis est tantôt sa fille, tantôt son épouse. Sa volonté clairvoyante règle les destinées, les signes par lesquels il manifeste son pouvoir sont, tantôt les phénomènes lumineux qui se manifestent dans le ciel (Iris), tantôt les voix mystérieuses que fait entendre le feuillage du chêne, le plus majestueux des arbres, tantôt le vol des oiseaux qui s'élèvent dans l'azur, de l'aigle, son compagnon inséparable, des colombes, ses messagères. Le plus ancien oracle de la Grèce est celui de Dodone où la religion de Zeus se perd dans la nuit des temps; et l'oracle même de Delphes auquel préside Apollon, son fils préféré, n'est qu'une émanation de sa sagesse.
-

Zeus.
Buste de Zeus. Le type de la physionomie du dieu est, avec cette
sculpture, définitivement fixé. (Musée du Vatican, Rome).

Comme Zeus est roi entre les Immortels, il est le principe de la royauté en général parmi les humains; c'est ce que la mythologie exprime en lui donnant pour fils les grands rois de la terre, les héros éponymes des villes et des nations. La cour de l'Olympe est le prototype sur lequel l'épopée primitive conçoit les pouvoirs héroïques; ou, pour être plus exact, le spectacle des grandes familles patriarcales fournit aux poètes les traits dont ils peignent et le ménage de Zeus et ses rapports avec les autres dieux. Agamemnon, dont la lignée remonte jusqu'à Zeus, groupe autour de sa personne, pour la guerre de Troie, les chefs des diverses peuplades helléniques, tout comme Zeus associe au gouvernement du monde les divinités olympiques. Non seulement les rois mortels tiennent de lui leur pouvoir, mais il intervient directement dans l'exercice de leurs fonctions; il en édicte le statut fondamental, en leur donnant les Thémistes (Thémis); il garantit la liberté individuelle et le bon ordre, aussi bien dans la famille que dans l'État ; il inspire les sages résolutions, règle les rapports entre les voisins, sanctionne les traités d'alliance et les relations d'hospitalité, protège les suppliants, assure la sainteté du serment, venge l'iniquité et le parjure, surveille les actions bonnes et mauvaises et proportionne ses faveurs à l'observation de la justice : Tous les chemins sont pleins de Zeus, dit un poète, toutes les places où délibèrent les humains; la mer et les ports sont remplis de sa puissance, partout et toujours nous sommes. sous la dépendance de Zeus.

Si les progrès de la pensée philosophique précisent davantage, au cours des siècles, le côté moral de la personnalité de Zeus, si au-dessus de la multiplicité des dieux elle tend à constituer un pouvoir unique, confiant à cette personnalité des aspirations, soit vers un monothéisme fondé sur la raison unitaire, soit vers un panthéisme qui concilie les forces distinctes et opposées, on peut dire que l'épopée d'Homère et les poèmes généalogiques d'Hésiode renferment, en germe, la conception du dieu, seul maître souverain du monde, père des dieux et des humains. Seuls les rapports de Zeus avec la Moïra ou Destinée sont enveloppés de quelque obscurité; l'on peut discuter à vue des textes, si la volonté de Zeus est, pour la religion épique, supérieure à celle de Moïra ou si la Moïra s'impose à la volonté même de Zeus. Cependant l'idée de souveraineté absolue, logiquement sortie du besoin d'unité, triomphe de bonne heure, dans la philosophie religieuse des Grecs. 
-

Vase grec : Zeus et Ganymède.
Zeus et Ganymède, par Eucharidès (Ve s. av. J.-C, New York).

Dégagée des traditions qui mettent le Dieu suprême des Grecs en relations avec les personnalités mortelles, la mythologie de Zeus est, en somme, assez simple. Les poètes le font naître tantôt en Crète (Hésiode) tantôt en Lydie (Eumélos), tantôt en Arcadie (Callimaque); fils de Rhéa et de Cronos sauvé par sa mère tandis que le père dévorait les autres enfants. Cronos n'ayant obtenu de son frère Titan la cession du trône qu'à la condition de ne pas élever d'enfants mâles, Zeus devait être lui aussi dévoré en naissant par son propre père; mais il fut sauvé par la ruse de Rhéa, qui substitua à l'enfant divin une pierre emmaillotée, que Cronos dévora. II fut élevé secrètement dans l'île de Crète, où il suça le lait de la chèvre-Amalthée, et où les Curètes et les Corybantes prirent soin de son enfance. Instruits de la fraude de Rhéa, Titan et ses fils attaquèrent Cronos, le détrônèrent et le jetèrent dans une prison; mais Zeus, quoique n'étant encore âgé que d'un an délivra son père et le remplaça sur le trône.

Sa naissance est placée au printemps, ainsi crue son union sacrée (Théogamies) avec Héra, union qui devient le prototype des mariages humains et qui, à Argos, à Platées, dans l'île de Samothrace, donne lieu à des fêtes d'un caractère symbolique. Avant d'obtenir l'empire du monde il lui faut le disputer aux anciens dieux, aux Géants et aux Titans, et surtout au plus industrieux d'entre eux, à Prométhée. Puis une révolte s'organise contre lui du fait des Olympiens; il en triomphe avec l'aide de Thétis qui lui amène Aegeon. Alors seulement il procède au partage du monde entre ses frères Poseidon et Hadès, dont l'un reçoit l'empire de la mer, l'autre celui des régions souterraines (Enfers). Lui-même garde sa domination dans le ciel et sur la Terre, préposant les autres dieux, qui sont pour la plupart ses enfants, aux fonctions diverses de la royauté universelle. Maître absolu des éléments et des humains, il ne l'est pas au palais de l'Olympe; l'imagination des Grecs tempère sa majesté idéale, par un élément d'observation ironique, en le mettant aux prises avec les jalousies d'une épouse acariâtre. Tantôt il sévit contre elle avec l'assistance d'Hephaïstos, tantôt il cède à ses séductions, laissant endormir sa vigilance par les plaisirs de l'amour. 

Comme il est le père au sens le plus complet du mot, les mythes locaux ont beau jeu de multiplier ses aventures; la lutte des éléments dans la nature, le développement historique des familles royales et des nations, tout est occasion pour les poètes de raconter ses amours et ses métamorphoses. Ce dieu se métamorphosait de mille manières pour satisfaire ses passions : il séduisit Danaé sous la forme d'une pluie d'or, Léda sous celle d'un cygne; il enleva Europe sous la forme d'un taureau. Les poètes racontent de ce dieu mille aventures: il précipite aux enfers Ixion, qui voulait attenter à l'honneur de Héra, frappe Tantale, Salmonée, Capanée, coupables d'impiété; enchaîne sur le CaucaseProméthée, qui avait dérobé le feu du ciel; un jour, il descend en Arcadie, chez le roi Lycaon, prince cruel et impie : il le change en loup, réduit son palais en cendres, foudroie ses fils; un autre jour, il visite la Phrygie avec son fils Hermès, et ne trouve l'hospitalité que chez Philémon et Baucis, qu'il récompense en dieu; enfin, pour punir la méchanceté des hommes, il les fait périr par un Déluge, et n'excepte que Deucalion, prince de Thessalie, avec Pyrrha, sa femme. Zeus épousa Héra, sa soeur, qu'il rendit mère d'Héphaïstos, d'Hébé et de Lucine, et dont le caractère altier lui causa bien des ennuis. Il eut en outre une foule de maîtresses : Io, Sémélé, mère de Dionysos; Déméter, mère de Perséphone; Mnémosyne, mère des Muses; Léto, mère d'Apollon et d'Artémis; Maïa, mère d'Hermès; Alcmène, mère d'Héraclès, etc. il enfanta de lui seul Athéna, ou la Sagesse, qui sortit tout armée de son cerveau.
-

Zeus.
Zeus d'Histiaea. - Bronze de la première moitié du Ve siècle av. J.-C.
Le dieu est encore représenté nu et n'a pas la sérénité majestueuse
que fixera le type de Phidias (musée national d'Athènes). 

Le monde entier se peuple de ses enfants; Zeus est au point de départ de toutes les dynasties qui ont marqué dans le monde antique connu des Grecs, il intervient dans toutes les guerres, et notamment dans la grande lutte qui met aux prises l'Asie et l'Hellade autour des murs de Troie, puis dans les rivalités qui, au lendemain de la victoire sur les Troyens, pénètrent les uns par les autres, en les poussant vers le Nord et vers l'Occident, Doriens, Ioniens, Pelages de Grèce et d'Italie. Il devient le lien idéal qui les unira contre l'envahissement des Perses et des Mèdes, le dieu hellénique par excellence, Panhellenios, et, avec Apollon son fils, l'expression même de l'hellénisme jusqu'aux limites extrêmes où s'étendra plus tard la suprématie de Rome (Jupiter). Les centres principaux de son culte restent la Crète où l'on plaçait son berceau et sa tombe, l'Argolide et l'Attique : ici surtout il intervient dans toutes les manifestations importantes de la vie publique; il préside au grands jeux pour lesquels se donnent rendez-vous, à Olympie en particulier, ou s'élevait le plus célèbre de ses temples, les peuples qui adorent sa divinité; il règle leurs destinées par ses oracles, à Dodone, à Delphes, à Olympie, à Ammonium dans la Libye; Zeus révèle les lois générales du monde physique et moral dans ses présages, il répare les grands crimes, les souillures funestes par la purification après les avoir châtiés au nom de sa justice.

Jusqu'à Phidias qui créa dans l'art le type idéal de Zeus, nous n'avons que des renseignements assez vagues sur ses représentations plastiques. Son image la plus anciennement connue figurait sur le coffre de Cypsélos voué à l'Olympie vers 620 av. J.-C. La première statue d'airain dont l'histoire fasse mention est celle que lui éleva à Sparte le sculpteur Cléarque de Rhégium; parmi les Archaïques, Ageladas, Anaxagoras, Calamis et Myron s'essayèrent tour à tour à fixer ses traits. Leurs oeuvres furent effacées par la statue que lui consacra Phidias à Olympie, en s'inspirant des vers célèbres d'Homère :

Le fils de Cronos fit un signe avec ses sourcils sombres et la chevelure parfumée de l'Immortel s'agita sur sa tête et l'Olympe entier en fut ébranlé (lliade, I, 528). 
L'image était celle du dieu pacifique et tout-puissant qui préside, en qualité de vainqueur suprême et d'auteur de toute vertu, à la distribution des récompenses. S'emparant des bustes nombreux et des statues de l'époque postérieure où Zeus est représenté avec une majesté théâtrale et une gravité qui vise à être terrifiante, les historiens de l'art antique ont longtemps méconnu le caractère véritable du Zeus de Phidias. Overbeck a démontré que dans la statue d'Olympie une expression de bonté paternelle tempérait la grandeur; Le dieu était représenté assis sur un trône et amplement drapé, avec le sceptre dans la main gauche et une Victoire ailée sur la droite; Quintilien remarque que la beauté de l'oeuvre semblait ajouter quelque chose à la religion traditionnelle et que sa majesté égalait celle même de l'idée divine.
-
Zeus.
Zeus d'après un lécythe grec.

Les artistes après Phidias restèrent fidèles à l'idéal créé par lui; ils s'appliquent à rendre, en tout état de cause, le type du souverain tout-puissant, dans la calme possession du pouvoir sans limite. Ils lui donnent les allures de l'homme qui est dans la plénitude de la force et de l'intelligence, s'ingéniant à le distinguer, autrement que par les attributs, mais sans y réussir toujours, de Poseidon, d'Héraclès, d'Asclépios. Toutes ces représentations se ramènent à deux types, l'un plus fréquent si l'on fait le décompte des monuments plastiques, celui de Zeus debout; l'autre plus souvent cité chez les auteurs, celui de Zeus assis. Le morceau capital dans les unes et dans les autres est la tête, avec ses cheveux épais, longs, bouclés, formant une sorte de crinière, continuée par une barbe abondante qui n'est ni broussailleuse comme celle de Poseidon, ni pendante comme celle d'Asclépios, ni mollement ondulée comme celle de Dionysos; avec son front puissant, bombé en avant depuis la racine des cheveux, jusqu'à celle du nez; avec ses yeux surmontés d'une arcade sourcilière fortement marquée qui projette une ombre sur le regard, sans éteindre l'expression de douceur et d'intelligence souveraine; avec son nez large sans exagération, qui s'ouvre pour une respiration calme et puissante; avec ses joues pleines et finement modelées, avec sa bouche tantôt souriante, tantôt triomphante, tantôt paternellement sérieuse et même mélancolique. (J.-A. Hild / B.).



Beaux-arts - Les images les plus expressives que nous possédons de Zeus sont la tête d'Otricoli (au musée du Vatican) avec ses répliques de la villa Albani, de Saint-Pétersbourg, de Londres (collect. Lansdowne); puis un buste colossal trouvé à Pompéi, aujourd'hui au musée de Naples; une tête colossale (68 centimètres) du musée de Parme et une statue colossale, conservée jusqu'au nombril, trouvée à Cumes, aujourd'hui au musée de Naples. Ces deux groupes d'oeuvres nous donnent surtout le Zeus majestueux et triomphant. 

Pour avoir le dieu dans son expression bienveillante de père des humains et des dieux, il faut contempler le buste colossal de la salle des Niobides à Florence, la tête du Zeus de Verospi au Vatican et avant tout une tête trouvée à Mélos, aujourd'hui au British Museum, connue sous le nom de tête de Blacas et longtemps considérée comme une tête d'Esculape. Pour le surplus nous ne pouvons que renvoyer à l'ouvrage d'Overbeck avec atlas, pl. 1 à VIII, où toutes les représentations importantes de Zeus, soit isolé, soit dans le groupement de quelque mythe particulier, sont reproduites et discutées.



En bibliothèque - Woelcker, Sur le temple et la statue de Jupiter d'Olympie, en allemand, Leipzig, 1794; Seebenkees, Sur le temple et la statue de Jupiter d'Olympie, en allemand, Nuremberg, 1795; Hans, Essai sur le temple et la statue de Jupiter à Olympie, en ital., Palerme, 1814; Klenze, Sur le temple de Jupiter Olympien à Agrigente, en allemand, Stuttgard, 1821, in-4°; Emeric David, Jupiter, recherches sur ce dieu, sur son culte et sur les monuments qui le représentent, Paris, 1883, 2 vol. in-8°.

Les alchimistes gréco-égyptiens considéraient les métaux comme placés sous l'influence des astres et engendrés sous leur influence. C'est ainsi que la planète Jupiter (Jupiter étant le dieu romain assimilé au dieu grec Zeus) a été attribuée d'abord à l'électrum, alliage d'or et d'argent regardé comme un métal distinct jusqu'au temps des Romains. Le symbole astronomique de Jupiter (encore usité aujourd'hui, au moins par les astrologues) devint ainsi le symbole de l'électrum. Mais vers le VIe siècle de notre ère, l'électrum disparut définitivement de la liste des métaux, et Jupiter et son signe furent alors attribués à l'étain.

.


Dictionnaire Religions, mythes, symboles
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2004. - Reproduction interdite.