|
. |
|
Dans la mythologie grecque, les Titans représentent une personnification connue, mais au pluriel seulement, d'Homère et d'Hésiode, plus tard associée et même confondue avec celle des Géants. La généalogie hésiodique en connaît douze qui sont les fils d'Ouranos et de Gaïa (le Ciel et la Terre) : six mâles dont le plus redoutable est Cronos; six femelles, parmi lesquelles Thémis et Mnémosyné, c.-à-d. qu'à côté des forces physiques, la légende primitive a personnifié aussi, sous le nom de Titans, des forces morales. Ce groupement varie dans la suite; quelques-unes des antiques figures s'en éliminent, d'autres les remplacent ou les complètent. Dans la poésie orphique du Ve siècle av. J.-C., le plus éminent des Titans est Prométhée. Hélios, le Soleil, est également un Titan, et les astres en général sont appelés Titania. Ce qui domine dans le mythe de ces entités, c'est l'aventure d'une révolte contre Zeus ; les Titans avec Cronos à leur tête sont une génération de dieux antiques, antérieurs à celle des Olympiens dans le gouvernement du monde, détrônés par elle et cherchant par les moyens violents à ressaisir le pouvoir; Zeus les frappe de la foudre et les relègue dans le Tartare; mais ils y gardent leur caractère de divinités, et c'est par eux que chez Homère se prêtent les serments les plus solennels. Thémis la Titanide devient la conseillère de Zeus et l'inspiratrice de l'universelle équité; Prométhée, révolté contre les Olympiens, finit par se réconcilier avec l'ordre dont ils sont l'expression et reste digne des honneurs divins au même titre que ceux qu'il a d'abord combattus. La Titanomachie, lutte des forces primordiales d'un monde barbare et chaotique contre les dieux de l'ordre et de la lumière, se fond peu à peu, chez les poètes et dans l'art, avec la Gigantomachie; les Géants et d'une façon spéciale tous les êtres monstrueux de la mythologie grecque, tels que les Hécatonchires, Briarée, Typhaon, etc., sont apparentés aux Titans, semblables à eux, tout au moins par les éléments sauvages de leur nature. Au déclin du paganisme, les Titans retrouvent une vie nouvelle dans les spéculations cosmogoniques de l'Orphisme. Ils n'ont d'ailleurs jamais été l'objet d'un culte véritable à titre collectif, de même que l'art, qui a souvent traité la lutte des Olympiens contre les personnifications des forces destructives, s'est plutôt détourné des Titans, pour exploiter à ce point de vue la notion moins philosophique des Géants. (J.-A. Hild). Le mythe des Titans. Développements. Pour se reconnaître au milieu de cet amagalme de traditions, il importe d'adopter l'ordre historique, qui, en nous faisant suivre pas à pas les développements de l'idée première, nous permettra de concevoir les mutations qu'elle a subies. Avant cependant de nous livrer à cet examen, nous devons remarquer que, sui vant certains mythologues, le mythe des Titans se rapportait à la formation et au développement des productions de la nature sous l'influence du ciel, phénomène personnifié sous la forme de Géants. En ce cas, les légendes des Aloades, des Titans, des Géants et des Cyclopes, qui ne touchent par ce point commun, l'énormité de leur stature, indiqueraient la manifestation de phénomènes identi ques (volcaniques peut-être), dans des pays différents. Cette opinion tire une grande vraisemblance de ce fait constant que, dans les auteurs, le lieu du combat, toujours flottant, est spécialement indiqué par eux comme se trouvant dans une contrée volcanique. Une autre conjecture, qui n'implique pas la négation de la première, regarde ces mythes divers comme une même légende, localisée dans des pays offrant Ies mêmes caractères géologiques. On a peine à croire, en effet, que les luttes d'Ouranos et des Hécatonchires, de Cronos et de ses fils, des Olympiens et des Titans, ainsi que celle des Aloades, et enfins , l'escalade des Géants, soient autant de conceptions parfaitement étrangères l'une à l'autre. Il. Dans Homère, rien de précis qui constate la lutte des Titans contre Zeus. Le poète semble avoir oublié cette lutte offensante pour la majesté du dieu su prême, et n'avoir gardé que le souvenir de la défaite des adversaires de l'Olympe. Les Titans, enfermés dans le Tartare, ne sont pas désignés nominativement : l'lliade mentionne seulement Japet et Cronos. Quant à leur origine, Homère les désigne implicite ment comme fils d'Ouranos, Oaranioes. Il applique aussi ce surnom aux dieux Olympiens. Les populations fabuleuses, identifiées par les poètes romains avec les Titans n'ont rien qui les rattache à ce peuple : l'Hécatonchire Briarée, géant marin, prête son secours à Zeus contre les dieux Olympiens et non contre les Ouranides , et ses frères ne figurent nullement. Quant aux Géants et aux Cyclopes, ils n'ont aucun caractère divin, et ne s'éloignent de l'humain que par une conformation particulière. Ennemis de Zeus, on ne les voit pas combattre contre Iui. ll est seulement dit que les dieux, irrités de la perversité des premiers, les firent périr. A côté de ces peuplades gigantesques s'en dresse une troisième, celle des Aloades, qui entreprirent d'escalader les cieux, et, pour cet effet, entassèrent Pélion sur Ossa. Ils furent tués par Apollon. Les autres Titans sont : 1° les Hécatonchires, parmi lesquels nous retrouvons le Briarée d'Homère, assisté de deux frères, Cottos et Gygès; 2° les Cyclopes Titaniques. Ils ne forment plus un peuple humain comme dans Homère, mais une triade divine, personnifiant les effets de la foudre. Leurs noms sont les suivants : Argès, Stéropès, Brontès. De même, les Géants, nés, suivant Hésiode, du sang de Cronos, se changent de peuplade humaine en êtres divins. C'est ici le lieu, à l'occasion de cette déformation des légendes primitives, de mentionner une tradition suivant laquelle un ancien peuple, souche du genre humain, portait ce nom de Titans. Il habitait Cnossos, et, hostile à Zeus, fut mis en fuite par le son de la flûte de Pan. On serait autorisé à accorder, d'après la transformation subie par les Cyclopes et les Géants dans Hésiode, que ce mythe d'un peuple titanique est antérieur à tous les mythes Ouraniens. Mais on se gardera d'une conclusion précipitée en remarquant que, postérieurement à Hésiode, les Cyclopes subirent une nouvelle transformation, et redevinrent une peuplade occupée, soit de travaux de forges, comme les Cyclopes Vulcaniens, imaginés d'après les données d'Homère et d'Hésiode, et qui portent en partie les mêmes noms que les Titans, soit de constructions gigantesques. Quant aux autres personnages, nés du sang de Cronos, ce sont, suivant Hésiode, Aphrodite, les Erinyes, et les Mélies. La première est, dans Homère, fille de Zeus et d'Artémis. Les secondes n'ont aucune origine déterminée, et les Mélies ne sont même pas mentionnées. Ici finissent les Titans proprement dits; mais, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, ce nom, qui, dans l'origine, paraît n'avoir été appliqué qu'au troisième groupe des fils d'Ouranos et de Gaïa, est donné abusivement, soit à des divinités telles que Déméter (Clément d'Alexandrie), Artémis (Apollodore), Phorcys ( Id.), Hécate (Hésiode), Latone /Léto (Ovide ), Hélios (Servius), Sélèné (Id.), soit à des êtres semi-divins, Prométhée (Hésiode). Pyrrha (Ovide), Circé (Ovide) : il en résulte que, sous le nom de Titans, la mythologie syncrétiste des derniers âges était arrivée à comprendre : 1. Les Ouranides, dont nous avons donné la nomenclature. - 2. Les Pontides, Nérée, Thaumas, Phorcys, Céto. - 3. Les Cronides, Hestia, Déméter, Hadès, Poseidon, Zeus, Héra. - 4. Les Océanides. - 6. Les enfants de Coeos, Léto et Astérie. - 6. Les enfants de Crios, Astrée, Pallas, Persès.7. Les Perséides. - 8. Les Hypérionides, le Soleil, la Lune et l'Aurore. - 9. Les Héliades. - 10. Les Japétides : Atlas, Ménèce, Prométhée, Épiméthée. - 11. Les Néréides. - 12. Les Thaumantides : Iris, les Harpyies. - 13. Les Phorcydes.Mais il faut se garder de croire que cette immense famille fut acceptée avec cette régularité systématique par les croyances populaires et dans les écrivains. La plus grande partie des membres qui la comosaient avaient jusqu'à deux ou trois généalogies, toutes aussi populaires les unes que les autres. Nous avons essayé de montrer comment la famille des Titans, à peine indiquée dans Homère, s'était successivement étendue et transformée sous l'influence d'idées diverses, jusqu'à former l'immense nomenclature qui nous a été conservée par Apollodore, sans cependant que cette nomenclature fût adoptée d'une manière générale par les Grecs et par les Romains. Il nous reste à parler de quelques traditions insolites, en opposition avec la croyance vulgaire, dont les dissidences n'allaient pas jusqu'à entamer le noyau primitif. Suivant Apollonius de Rhodes et Tzetzès , les Titans étaient gouvernés, avant le règne de Cronos, par Ophion et par Eurymédon. Étienne de Byzance donne aux Ouranides les noms suivants : Adanus, Ostasus, Andès, Cronos, Rhéa, Japet, Olymbros. Pausanias parle d'un Titan, nommé Anytus, qui éleva la Perséphone arcadienne. Enfin, les Orphiques dénaturent complètement la tradition vulgaire, par le mélange d'idées empruntées à la cosmogonie phénicienne. Selon eux, le premier être s'appelait Protogonos. Sa fille Rhéa épousa Cronos, et d'elle naquirent Gaïa, Ouranos, Pontos, les Vents, tous les dieux et tous les humains. Zeus eut d'elle Proserpine. Dionysos Zagreus, fils de celle-ci, fut déchiré par les Titans. Quant à la confusion des Titans et des Géants dans les poètes latins, et surtout dans Horace et Ovide, elle est trop évidente pour qu'on la mentionne comme une divergence de traditions. Nous avons dit quelques mots de la similitude qu'offraient ces deux familles : le mythe de la seconde paraît calqué sur celui de la première, avec cette différence, qu'il s'y est mêlé un reflet des données homériques. Ils sont détruits par les dieux à cause de leurs crimes; c'est le fait principal mentionné dans l'Odyssée. Dans Hésiode, ils revêtent une origine divine. De là à conclure une attaque contre l'Olympe, tentée aussi par les Aloades, et dans le même lieu que celle des Géants, II n'y avait pas loin. D'ailleurs lis se confondent peu à peu avec les anciens adversaires de Cronos. Comme aux Hécatonchires, Hygin leur donne Gaïa pour mère; comme aux Hécatonchires, Ovide leur donne cent bras. Ils n'ont pas de pieds : l'extrémité de leur corps est pisciforme, sans doute par suite d'une confusion entre eux et les mêmes Hécatonchires : on se rappelle que dans Homère, Briarée a pour demeure la mer. Comme Il fallait cependant leur donner la facilité de se mouvoir sur la terre, puisque leur attaque a lieu principalement dans des régions montagneuses, on leur attribua des ailes. Il est inutile de pousser plus loin cet examen; les détails de la gigantomachie ont été retracés à l'article Géants. Seulement, on n'aura plus lieu de s'étonner de voir Virgile et Callimaque compter an nombre des Géants le Titan (Cyclope, Scol. Théocr.) Briarée, et Hygin commettre grossièrement la même faute au sujet de Japet et de Phorcys. Les mêmes aberrations sont répétées dans Horace et dans Ovide, à propos de Riphée, d'Encelade, de Mimas, de Typhon, etc. Eustathe, par une erreur contraire, fait du géant Eurymédon un Titan, père de Prométhée. (E. Jacobi, Th. Bernard). |
. |
|
| |||||||||||||||||||||||||||||||
|