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On
donne le nom d'atlas, depuis la fin du XVIe
siècle, aux recueils de cartes et de connaissances géographiques. Mais
bien avant que le terme n'existe, on avait ressenti le besoin de rassembler
les connaissances géographiques disponibles. Les anciens Grecs, notamment
Ptolémée au IIe
siècle de notre ère, établissent des principes de cartographie et compilent
des listes de lieux avec leurs coordonnées dans sa Géographie.
Ce travail monumental, bien qu'il ne soit pas un atlas relié tel que nous
le connaissons, sert de fondation pour la cartographie pendant des siècles,
redécouvert à la Renaissance et imprimé,
souvent accompagné de cartes reconstruites à partir de ses données.
Au Moyen Âge, on trouve des cartes du monde (mappae mundi) et des
portulans pour la navigation, mais pas encore de collections systématiques
sous forme de livre.
L'invention
de l'imprimerie change la donne au XVe
siècle. Elle permet la reproduction multiple des cartes. Au début, ce
sont principalement des cartes uniques ou de petites collections liées
à des récits de voyage ou à des géographies descriptives. L'idée de
créer un livre dédié à la seule collection de cartes commence à germer.
Le véritable tournant
arrive en 1570 avec la publication du Theatrum Orbis Terrarum par
Abraham Ortelius, Ã Anvers. Ce n'est pas encore
un atlas nommé "atlas", mais c'est la première collection systématique
de cartes de différentes régions du monde, harmonisées en termes de
format et de style, et reliées ensemble en un volume standardisé. C'est
le premier "atlas moderne" par sa forme et sa conception. Ortelius collecte
les meilleures cartes existantes, les grave sur cuivre, et les publie avec
des textes explicatifs. Le succès est immédiat et considérable.
Le mot "atlas" lui-même
est introduit un peu plus tard par Gerardus Mercator.
Célèbre pour sa projection cartographique, Mercator travaille toute sa
vie sur un grand projet cosmographique. Son oeuvre, intitulée Atlas
sive Cosmographicae Meditationes de Fabrica Mundi et Fabricati Figura
(Atlas ou Considérations cosmographiques sur la création du monde
et la forme de ce qui est créé), est publiée à titre posthume en
1595 par son fils. Mercator choisit ce titre en hommage au roi mythique
Atlas de Maurétanie, un philosophe
et mathématicien (qu'il confond peut-être avec le Titan
portant le ciel), qu'il représente sur la page de titre. C'est de ce livre
que le terme "atlas" dérive pour désigner une collection de cartes.
Le XVIIe
siècle est souvent considéré comme l'âge d'or de la cartographie néerlandaise
et donc de l'atlas. Des familles d'éditeurs et de graveurs comme les Blaeu
et les Janssonius produisent des atlas somptueux,
d'une qualité exceptionnelle, souvent enrichis de décorations artistiques.
L'Atlas Maior de Joan Blaeu, publié dans les années 1660, est
le plus grand et l'un des plus magnifiques jamais créés, un symbole de
richesse et de connaissance. Ces atlas, gravés sur cuivre, sont de véritables
oeuvres d'art, mais aussi des instruments de commerce, de navigation et
de pouvoir politique.
Au XVIIIe
siècle, le centre de gravité de la cartographie se déplace vers la France.
Des cartographes comme la famille Sanson, Guillaume
Delisle et Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville
mettent l'accent sur la précision scientifique, s'appuyant sur des levés
trigonométriques et des données astronomiques
de plus en plus fiables. Les atlas deviennent moins décorés, plus axés
sur l'information géographique exacte. C'est l'époque des grandes cartes
d'États et des atlas nationaux qui préfigurent le XIXe
siècle.
Le XIXe
siècle voit l'atlas se transformer sous l'influence de la révolution
industrielle et du développement des sciences. L'invention de la lithographie
permet de produire des cartes plus rapidement et à moindre coût. L'atlas
devient un outil essentiel pour l'éducation. On voit apparaître des atlas
nationaux détaillés, des atlas scolaires, et surtout, l'essor de la cartographie
thématique. Inspirés par des figures comme Alexander
von Humboldt, les cartographes créent des atlas dédiés au climat,
à la géologie, aux populations, à l'économie, etc. Des maisons d'édition
comme Justus Perthes à Gotha deviennent célèbres
pour leurs atlas précis et constamment mis à jour.
Le XXe
siècle est marqué par les bouleversements géopolitiques qui nécessitent
une mise à jour constante des atlas pour refléter les nouvelles frontières.
Les techniques d'impression évoluent, notamment avec l'offset, permettant
une production de masse. L'atlas se diversifie encore : atlas routiers,
atlas du ciel, atlas maritimes, atlas d'histoire, atlas d'anatomie. Les
atlas généraux du monde restent des ouvrages de référence importants
pour les familles et les institutions, souvent publiés par de grandes
organisations comme la National Geographic Society.
À la fin du XXe
siècle et au début du XXIe, l'atlas physique
en papier se voit concurrencé par l'ère numérique. Les Systèmes d'Information
Géographique (SIG) permettent de superposer des couches de données sur
des cartes. Les atlas numériques apparaissent sur CD-ROM puis sur internet.
Les services de cartographie en ligne interactifs, comme Google Maps
ou OpenStreetMap, offrent une accessibilité, une richesse d'information
et une capacité de mise à jour que l'atlas papier ne peut égaler.
Aujourd'hui, le terme
"atlas" peut désigner un livre de cartes traditionnel, mais aussi une
collection numérique interactive de données géographiques. L'atlas continue
d'être une fenêtre sur le monde, un outil indispensable pour l'exploration,
l'éducation et la compréhension de notre planète, qu'il soit fait de
papier et d'encre ou de pixels et d'algorithmes.
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