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Animaux symboliques

Les animaux ont de tout temps, dans les arts, servi à représenter les dieux auxquels ils étaient consacrés, ou exprimé une pensée sociale ou religieuse. Le cheval est souvent associé à la figure humaine. Nous voyons encore le hibou sur le revers des médailles d'Athènes, des abeilles sur les monnaies d'Éphèse, une tortue sur celles d'Égine, un mulet sur celles de Rhégium, un lièvre sur celles de Messine, des aigles sur un lièvre dans les monnaies d'Agrigente, des monstres sur les statères en or de l'Asie Mineure, des animaux singuliers sur les étoffes et les tapis babyloniens, etc. D'après l'Apocalypse, aux quatre angles du trône de Dieu, sont quatre animaux ayant chacun 6 ailes et couverts d'yeux, un lion, un veau, un homme et un aigle, vision que l'on retrouve reproduite par la sculpture aux portails des églises de Moissac et de Vézelay, et de la cathédrale de Chartres. Ces animaux sont devenus la personnification ou le signe des évangélistes; le lion est attribué à St Marc, le veau ou le boeuf à St Luc, l'homme ailé (l'ange) à St Mathieu, l'aigle à St Jean.
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Les Animaux des Évangélistes

Dans le chapitre IV de son Apocalypse, saint Jean raconte qu'il a vu Jésus assis dans sa gloire, entouré de vingt-quatre vieillards et de quatre animaux ailés : un lion, un bœuf, un homme (habens faciem quasi hominis) et un aigle. Ces quatre ani-maux ont toujours été considérés par les Pères de l'ÉgIise comme symbolisant les quatre évangélistes. Le lion symbolisant saint Marc; le bœuf, saint Luc; l'homme, saint Mathieu et l'aigle saint Jean, et l'iconographie au moyen âge s'en est emparée pour en faire un de ses sujets favoris. On n'en connaît pas d'exemples antérieurs au IVe siècle, mais, depuis et surtout à partir du XIe siècle, on en voit presque partout. Tantôt la scène apocalyptique est représentée tout entière, avec Jésus triomphant, les quatre animaux et les vingt-quatre vieillards, comme dans les mosaïques de Rome, ou encore dans les tympans de Moissac (XIIe siècle), du portail extérieur de l'église de Vézelay (XIIe siècle), etc.
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Lion de saint Marc.
Lion de saint Marc représenté sur un manuscrit irlandais médiéval.

Tantôt, ils accompagnent seuls Jésus, comme dans l'admirable tympan de la porte royale de la cathédrale de Chartres, sur des tympans de la cathédrale du Mans, de la cathédrale de Bourges, de Saint-Bénigne de Dijon (conservé au musée de cette ville), sur le maître-autel en marbre blanc de la cathédrale de la Major à Marseille, etc.

D'autres fois, les quatre animaux accompagnent les évangélistes qu'ils symbolisent; plus souvent ils sont représentés seuls. Très souvent, lorsqu'ils avaient quatre points symétriques à décorer, les artistes du moyen âge y plaçaient les attributs des évangélistes : aux quatre angles d'une pierre tombale, à l'extrémité des bras d'une croix, sur les retables des autels, dans les reliquaires; les vitraux, etc., etc. Les animaux évangéliques sont souvent nimbés. (G. Durand, 1900).

Avant le XIIIe siècle, ils sont représentés ordinairement seuls, sous une figure presque de fantaisie, comme au sommet de la tour Saint-Jacques-de-la-Boucherie, à Paris, et dans les spécimens des mêmes statues, dans le jardin du Musée de Cluny; plus tard, ils accompagnent les évangélistes, qu'ils servent à faire reconnaître; Sur un vitrail de l'église de Brou, les quatre animaux évangéliques traînent le char du Sauveur; à Saint-Étienne-du-Mont, à Paris, ils sont attelés au char de l'Église. Le Moyen âge offre une zoologie mystique considérable : c'est ainsi que Jésus est tour à tour représenté sous les figures symboliques de l'agneau (douceur), du lion (force), et du pélican (charité). Le phénix est l'image de la Résurrection; le serpent, celle du mal, etc. Plusieurs saints sont accompagnés d'animaux symboliques : la tarasque de Ste Marthe, la gargouille de Saint Romain, le dragon de Saint Georges, etc., sont des allégories à l'aide desquelles on a exprimé matériellement certaines idées, telles que la destruction de l'idolâtrie ou la défaite du démon; il en est de même des serpents que St Patrice foule aux pieds, des souris et des loirs placés près de Ste Gertrude. Le compagnon donné à St Antoine rappelle les troupeaux de porcs entretenus dans l'ordre de Saint-Antoine qu'établit le pape Urbain II, et dont le lard était employé à la guérison des gens atteints du feu sacré ou feu Saint-Antoine. L'attribut de Sainte Agnès est un agneau, etc.
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Pékin : lion doré dans la cour de la Cité Interdite.
Un lion doré de la Cité Interdite, à Pékin. Il se trouve devant le palais de la
Longévité Tranquille, dans la cour intérieure du pavillon de l'Harmonie Suprême.
Source : The World Factbook.

Sur les anciens monuments funéraires, on a figuré des animaux dont le nom a de l'analogie avec celui du défunt : ainsi, l'épitaphe d'une femme nommée Maritima est accompagnée d'une ancre et de poissons; un âne est représenté près du nom d'un certain Onager, et un dragon près de l'inscription d'un certain Dracontius. On plaça des animaux symboliques sur les pierres tombales : par exemple, un lion, emblème du courage et de la force sous les pieds des chevaliers; un chien, symbole de fidélité, sous les pieds des dames.

Le Blason a aussi employé symboliquement les animaux dans les armoiries. Enfin, chaque pays a eu ses types particuliers d'animaux bizarres et fantastiques, reproduits dans les chapiteaux, les frises, les boiseries, les jubés, aux angles des membres d'architecture, aux couronnements des contre-forts et des balustrades, dans les pinacles à jour, etc.
Le culte des animaux
Rendre un culte à des animaux, les placer au milieu des temples, les nourrir avec soin, punir de mort ceux qui leur ôtaient la vie, les embaumer et leur élever des tombeaux, ce sont des actes bizarres, et qu'on ne trouve avec un caractère grave et significatif que dans l'histoire religieuse de l'ancienne Égypte. Strabon dit qu'il y avait des animaux dont le culte était répandu dans tout le pays, le boeuf, le chien, l'épervier, l'ibis, et d'autres qui n'étaient adorés que de quelques villes: ainsi, les brebis recevaient des hommages à Saïs et à Thèbes, les loups ou les lynx à Lycopolis (Assiout), le singe à Hermopolis. Et même, d'après le témoignage d'Hérodote, tandis que les uns érigeaient des autels à une espèce d'animaux, les autres l'avaient en abomination : les Mendésiens honoraient les bélier et leur immolaient des brebis, les Thébains offraient des boucs en sacrifice aux béliers, etc. Les Anciens, voulant s'expliquer ce culte des animaux, l'attribuèrent à la crainte ou à la reconnaissance. Il se peut que le peuple égyptien ait cru se préserver des atteintes du crocodile en lui rendant des honneurs, et qu'il ait essayé de reconnaître les services du boeuf, du chien, de l'ibis, de l'ichneumon, etc. Mais, pour les prêtres au moins, les animaux n'étaient que des symboles. Voulant donner à leurs dieux une forme visible, ils choisirent celle des animaux avec lesquels ils leur trouvaient des rapports plus ou moins prochains. De cette façon, le bélier, qui possède dans la tête une si grande force, devint l'image d'Amon, le dieu tout-puissant, organisateur du monde; Osiris, dieu de la fertilité et de l'agriculture, fut figuré par le boeuf; Anubis eut une tête de chien, Osiris une tête d'épervier, Isis une tête de vache, Saturne une tête de crocodile, etc. Le vulgaire aura adoré comme des divinités véritables ce qui n'était que des signes pour la caste sacerdotale. Le culte des animaux existe encore dans différentes sociétés, et qui reconnaissaient sans doute en eux des forces de la nature bienfaisantes ou destructives. Ailleurs, les animaux ont occupé une place importante dans les traditions superstitieuses : si on ne leur rend pas toujours les honneurs divins, du moins on leur attribue une vie intelligente et morale; dans le paganisme, ils sont souvent les amis et par suite les attributs iconiques des héros et des dieux, qui prennent leur forme pour se manifester aux hommes; dans les légendes chrétiennes, dans les Bestiaires et les Volucraires du Moyen âge, ils apparaissent comme les amis et les serviteurs des saints, quelquefois comme des modèles que l'homme peut imiter. (B.).
Animaux sacrés en Égypte.
Chaque nome égyptien avait ses dieux spéciaux adorés trois par trois; le père, la mère et le fils, sous forme de triades. L'Égypte comprenant quarante nomes en moyenne, il existait donc par tout le pays environ cent vingt divinités différentes, sans compter les divinités secondaires, qui étaient en bien plus grand nombre encore. Or, à la plupart de ces divinités étaient consacrés des animaux particuliers qui en étaient considérés comme les symboles vivants. Ces animaux avaient leurs temples et leurs prêtres. Les uns étaient adorés par toute l'Égypte, d'autres n'étaient vénérés que dans des nomes distincts. Quelquefois, le même animal, qui recevait les honneurs divins dans une partie du pays, était exécré et tenu en horreur dans une autre. Tel poisson sacré était vénéré dans une ville, tandis que partout ailleurs il était prosaïquement vidé, cuit et servi dans les festins. Bien des querelles locales survinrent de ce qu'un animal sacré avait été tué, soit intentionnellement, soit par inadvertance, par les habitants d'une province voisine où on ne le considérait pas comme divin, et Juvénal, dans une de ses satires, nous a donné la description ironique d'une de ces luttes religieuses. 
« On consacre, dit Diodore (I, 83),  aux animaux qui reçoivent un culte divin, une étendue de terre dont le produit soit suffisant pour leur nourriture et leur entretien. Pendant les maladies de leurs enfants, les Égyptiens font des vœux à quelque divinité pour obtenir la guérison. Ces vœux consistent à se raser la tête, à peser les cheveux contre un poids égal d'argent ou d'or et à donner la valeur en monnaie à ceux qui ont soin des animaux sacrés. Les gardiens des éperviers appellent ces animaux à haute voix, et leur jettent des morceaux de chair qu'ils font saisir au vol.

Pour les chatset les ichneumons, ils leurs donnent du pain trempé dans du lait, en les appelant par un claquement de langue; ils les nourrissent aussi avec des tranches de poissons du Nil. C'est ainsi qu'ils présentent à chaque espèce d'animaux les aliments qui leur conviennent. Loin de se refuser à ce culte ou d'en paraître honteux en public, ils en tirent au contraire autant de vanité que s'ils accomplissent les cérémonies les plus solennelles; ils se montrent avec leurs insignes dans les villes et dans les campagnes, de sorte qu'étant reconnus de loin pour les gardiens des animaux sacrés, ils sont salués avec grand respect par les passants. Lorsqu'un de ces animaux vient à mourir, ils l'enveloppent dans un linceul et, se frappant la poitrine et poussant des gémissements, ils le portent chez les embaumeurs. Ayant été ensuite traité par l'huile de cèdre et d'autres substances odoriférantes propres à conserver longtemps le corps, ils le déposent dans des caisses sacrées. Quiconque tue volontairement un de ces animaux sacrés est puni de mort; si c'est un chat ou un ibis, le meurtrier, qu'il ait agi volontairement on involontairement, est condamné à mourir; le peuple se précipite sur lui et lui fait subir les plus mauvais traitements, sans jugement préalable. Tout cela inspire tant de crainte que celui qui rencontre un de ces animaux mort se tient à distance en poussant de grandes lamentations et en protestant de son innocence. Le respect et le culte pour ces animaux étaient tellement enracinés qu'à l'époque où le roi Ptolémée n'était pas encore l'allié des Romains, et que les habitants recevaient avec le plus grand empressement les voyageurs d'Italie, de crainte de s'attirer la guerre, un Romain qui avait tué un chat fut assailli dans sa maison par la populace bravant la vengeance de Rome, et ne put être soustrait à la punition, bien que son action eût été involotaire, et que le roi eût envoyé des magistrats pour le sauver. Ce fait, nous ne le connaissons pas seulement par ouï-dire, mais nous en avons été nous-même témoin oculaire pendant notre voyage en Égypte.

Si ce que nous venons de dire paraît fabuleux, on trouvera bien plus incroyable encore ce que nous allons rapporter. On raconte que les habitants de l'Égypte, étant un jour en proie à la disette, se dévorèrent entre eux sans, toucher aucunement aux animaux sacrés. Bien plus, lorsqu'un chien est trouvé mort dans une maison, tous ceux qui l'habitent se rasent le corps et prennent le deuil, et lorsqu'on trouve du vin, du blé, ou toute autre chose nécessaire à la vie, dans les demeures où un de ces animaux est mort, il est défendu à tout le monde d'en faire usage. Lorsqu'ils voyagent en pays étranger, ils ont pitié des chats, des éperviers et les ramènent avec eux en Égypte, même en se privant des choses les plus nécessaires. Pour ce qui concerne le taureau Apis dans la ville de Memphis, le taureau Mnévis dans Héliopolis, le bélier de Mendès, le crocodile du lac Moeris (Birket Qârûn), le lion nourri à Léontopolis (Aphroditopolis), tout cela est facile à raconter, mais difficile à croire à ceux qui ne l'ont pas vu. Ces animaux sont nourris dans des enceintes sacrés et confiés aux soins des personnages les plus remarquables, qui leur donnent des aliments choisis. Ils leurs font cuire de la fleur de farine ou du gruau dans du lait, et leur fournissent constamment des gâteaux de miel et de la chair d'oie bouillie ou rôtie; quant aux animaux carnassiers, on leur jette beaucoup d'oiseaux pris à la chasse. En un mot, ils font la plus grande dépense pour l'entretien de ces animaux auxquels ils préparent, en outre, des bains tièdes, ils les oignent des huiles les plus précieuses et brûlent sans cesse devant eux les parfums les plus suaves. De plus, ils les couvrent de tapis et des ornements les plus riches; à l'époque de l'accouplement ils redoublent de soins; ils élèvent les mâles de chaque espèce avec les femelles les plus belles, appelées concubines, et les entretiennent avec luxe et à grands frais. A la mort d'un de ces animaux, ils le pleurent comme un de leurs enfants chéris, et l'ensevelissent avec une magnificence qui dépasse souvent leurs moyens.

Au moment où Ptolémée, fils de Lagus, vint, après la mort d'Alexandre, prendre possession de l'Égypte, il arriva que le taureau Apis mourut de vieillesse à Memphis; celui qui en avait eu la garde dépensa pour les funérailles, non seulement toute sa fortune, qui était très considérable, mais encore il emprunta à Ptolémée cinquante talents d'argent (275 000 francs), pour faire face à tous les frais. Et même encore de nos jours les gardiens ne dépensent pas moins de cent talents (550 000 francs), pour les funérailles de ces animaux. » 

Hérodote (II, 65), ajoute les renseignements suivants au sujet des animaux sacrés :
« On voit en Égypte peu d'animaux; et ceux qu'on y rencontre, sauvages ou domestiques, on les regarde comme sacrés. Si je voulais dire pourquoi ils les ont consacrés, je m'engagerais dans un discours sur la religion et les choses divines; or j'évite surtout d'en parler, et le peu que j'en ai dit jusqu'ici, je ne l'ai fait que parce que je m y suis trouvé forcé. La loi leur ordonne de nourrir les bêtes, et parmi eux il y a un certain nombre de personnes, tant hommes que femmes, destinés à prendre soin de chaque espèce en particulier. C'est un emploi honorable; le fils y succède à son père... Lorsqu'il survient un incendie, il arrive aux chats quelque chose qui tient du prodige. Les Égyptiens, rangés par intervalles, négligent de l'éteindre, pour veiller à la sûreté de ces animaux; mais les chats, se glissant entre les hommes, ou sautant par dessus, se jettent dans les flammes. Lorsque cela arrive, les Égyptiens en témoignent une grande douleur. Si, dans quelque maison, il meurt un chat de mort naturelle, quiconque l'habite se rase les sourcils seulement: mais, quand il meurt un chien, on se rase la tête et le corps entier. »

Les voyageurs grecs ne parlent qu'avec horreur et mépris de la vénération que les Égyptiens témoignaient aux animaux sacrés. Ce culte grossier leur paraissait incompatible avec la renommée de sagesse et de gravité dont jouissaient partout les sujets des Pharaons. Cette réputation a persisté à travers les siècles et, encore aujourd'hui, bien des savants s'étonnent du culte rendu aux animaux et en réclament ardemment une explication plausible. En réalité, les Égyptiens étaient les gens les plus fanatiques et les plus superstitieux de la terre. Si quelques prêtres instruits se sont plu à faire ressortir le caractère austère et philosophique de la religion égyptienne, le commun du peuple n'y voyait pas si loin. Les lettrés des écoles religieuses d'Héliopolis ou de Saïs proclamaient bien haut l'existence d'un dieu unique, 
« qui ne se taille pas dans la pierre, qu'on ne voit pas, qui n'a ni serviteurs, ni scribes, qu'on ne peut tirer du mystère où il se renferme, dont on ne sait où il est, qui n'est décrit dans aucun livre. »
Le gros du public ne considérait pas les choses de si haut; pour lui, Dieu existait réellement dans la pierre, et non seulement Dieu, mais une infinité de dieux. Tel dévot avait plus particulièrement confiance en Ptah, tel autre en Osiris, tel autre en Khnoum, et, pour chacun d'eux, son dieu favori existait seul, et seul avait de l'autorité. On peut dire qu'en fait il y avait en Égypte autant de dieux uniques qu'il y avait d'Égyptiens. Ces dieux s'incorporaient à leurs yeux dans le corps des animaux sacrés, et ils vénéraient par exemple le cynocéphale de Thot ou l'épervier d'Horus, comme ils eussent vénéré Horus ou Thot si par grand miracle ces dieux eussent pu leur apparaître en personnes. (V. Loret.).
 


En bibliothèque - Molanus, Historia imaginum sacrarum, in-4°; Paul Lamache, Dissert. sur les animaux fantastiques des églises du moyen âge (dans la France catholique, 2e année); le P. Cahier, Sur quelques points de zoologie mystique, Paris, 1842, broch. in-4°. B.
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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