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La philosophie moderne

XVIIe siècle : L'émergence de la modernité

Le rationalisme.
Le rationalisme, qui est le coeur même de toute la philosophie moderne, est une école de pensée qui affirme que la raison humaine est le moyen principal d'acquérir la connaissance par opposition à l'expérience sensorielle. Les philosophes rationalistes croient en la capacité de la raison humaine à découvrir des vérités universelles et à construire des systèmes de connaissances solides et cohérents. 

Descartes.
René Descartes (1596-1650) commence sa philosophie par le doute radical, rejetant toute connaissance qui peut être mise en doute. Il trouve une certitude indubitable dans l'acte de penser lui-même; c'est le sens du « Cogito, ergo sum » ( = Je pense, donc je suis). Il élabore une méthode systématique pour atteindre la vérité, basée sur la déduction logique à partir de principes clairs et distincts. Descartes par ailleurs propose une théorie dualiste du corps et de l'esprit : il distingue entre la substance pensante (l'esprit) et la substance étendue (le corps), proposant que l'esprit et le corps sont deux réalités distinctes.

Spinoza.
Baruch Spinoza (1632-1677) développe un système philosophique moniste et panthéiste. Dans son ouvrage Éthique, Spinoza soutient que Dieu et la Nature sont une seule et même substance, rejetant ainsi le dualisme cartésien. Il propose une vision de la liberté et de la nécessité dans le cadre d'un déterminisme rigide. Tout, dans l'univers, est déterminé par des lois nécessaires et est interconnecté par une logique immanente.

Leibniz.
Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) contribue au rationalisme et à la logique. Dans sa Monadologie, il propose que l'univers est composé de monades, des substances simples et indivisibles qui interagissent de manière préétablie par Dieu. Promoteur de l'optimisme métaphysique, il affirme que nous vivons dans « le meilleur des mondes possibles » créé par un Dieu omnipotent et bienveillant. Il a par ailleurs a développé le calcul infinitésimal de manière indépendante de Newton.

L'empirisme.
En opposition au rationalisme, l'empirisme souligne l'expérience sensorielle comme fondement de la connaissance. Les philosophes empiristes affirment que toutes nos idées et nos connaissances proviennent de l'expérience directe et de l'observation du monde.

Bacon.
Francis Bacon (1561-1626) peut être vu comme l'un des précurseurs de l'empirisme moderne. Dans ses ouvrages tels que Novum Organum, il plaide pour une méthode inductive de recherche scientifique, basée sur l'observation et l'expérimentation. Il critique la philosophie scolastique pour sa dépendance excessive à la logique déductive et à l'autorité des textes anciens.

Locke.
John Locke (1632-1704) est l'un des fondateurs de l'empirisme classique. Il affirme que l'esprit humain est une « tabula rasa » ( = table rase) à la naissance, et que toutes les idées viennent de l'expérience. Il  différencie les idées simples (qui proviennent directement des sensations) des idées complexes (qui sont formées par la combinaison des idées simples). Locke a également contribué à la théorie du gouvernement et des droits naturels dans ses Deux Traités sur le gouvernement.

Scepticisme et matérialisme.
Le scepticisme philosophique n'a pas la même force qu'au siècle précédent, mais il continue d'influencer la pensée au XVIIe sième. Bayle en est le principal représentant. 
Le matérialisme,moderne,  quant à lui, qui affirme que tout ce qui existe est matériel ou peut être expliqué par des lois physiques, commence à prendre forme avec Hobbes.

Bayle.
Pierre Bayle (1647-1706) aborde des questions de tolérance et de relativisme dans son Dictionnaire historique et critique. Il analyse les contradictions et les paradoxes dans les systèmes de pensée contemporains.

Hobbes.
Thomas Hobbes (1588-1679)  est l'un des premiers défenseurs du matérialisme moderne. Dans son ouvrage Le Léviathan, développe une théorie politique fondée sur une vision matérialiste et mécaniste de l'humain et de la société. Hobbes soutient que tout dans l'univers, y compris les pensées et les émotions humaines, peut être expliqué par des mouvements matériels. Il adopte une vision mécaniste du monde où tous les phénomènes sont le résultat de la matière en mouvement. Il applique aussi sa philosophie matérialiste à la politique et affirme que les actions humaines sont motivées par des désirs matériels et la recherche de la survie et du pouvoir. C'est l'un des premiers à formuler une vision du contrat social. Il introduit par ailleurs des éléments empiriques dans sa philosophie en soutenant que toutes les connaissances viennent des sensations.

XVIIIe siècle : L'âge des Lumières

Le rationalisme.
Bien que le rationalisme ait surtout émergé au XVIIe siècle, il a continué à influencer la philosophie au XVIIIe siècle. La pensée rationaliste est désormais souvent associée à la critique des autorités établies.

Wolff.
Christian Wolff (1679-1754) est le principal représentant du rationalisme au XVIIIe siècle. Il joue un rôle clé dans sa diffusion en Allemagne. Fortement influencé par Leibniz, Wolff tente de systématiser la philosophie en un ensemble cohérent de principes. Il cherche à appliquer la méthode rationnelle à tous les domaines du savoir, de la métaphysique à la physique en passant par l'éthique et le droit (rationalisme encyclopédique).

L'idéalisme empiriste.
L'empirisme continue à se développer au XVIIIe siècle. Il prend un tour idéaliste avec des contributions majeures de Hume et de Berkeley.

Hume.
David Hume (1711-1776) développe une forme de scepticisme empirique. Il affirme que toutes les connaissances dérivent de l'expérience sensorielle et il divise les perceptions en impressions (vives) et idées (moins vives). Il soutient que la causalité n'est pas une relation nécessaire observable dans le monde, mais une habitude de l'esprit qui associe des événements par contiguïté et succession. Il remet aussi en question l'idée de substance et soutient que notre concept de soi est simplement une collection de perceptions changeantes.

Berkeley.
George Berkeley (1685-1753) propose, quant à lui, une forme radicale d'empirisme, connue sous le nom d'immatérialisme ou idéalisme subjectif. Il soutient que la réalité consiste uniquement en esprits et en leurs idées. Il formule le principe esse est percipi aut percipere ( = être, c'est être perçu ou percevoir). Il rejette l'existence de la matière indépendante de l'esprit. Les objets n'existent que lorsqu'ils sont perçus.

La philosophie des Lumières.
Le mouvement des Lumières prône l'utilisation de la raison pour critiquer les institutions et promouvoir le progrès social, scientifique, et politique. Il s'accorde souvent avec une approche matérialiste du monde.

Voltaire.
Voltaire (1694-1778) est un critique acerbe des institutions établies et un défenseur de la liberté de pensée et de la tolérance religieuse. Son oeuvre est un pilier des Lumières.

Rousseau.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) produit une critique de la société moderne dans son oeuvre Du Contrat Social, où il traite de la démocratie et de la liberté individuelle et il propose une théorie politique basée sur la volonté générale et la souveraineté du peuple; dans Émile, il traite de l'éducation et du développement humain.

Diderot.
Denis Diderot (1713-1784) est l'éditeur de l'Encyclopédie, un projet visant à compiler et diffuser les connaissances scientifiques et philosophiques de son temps. Il travaille à la diffusion des idées des Lumières et à la critique des dogmes établis et promeut une vision matérialiste du monde. Il affirme que la nature est auto-suffisante et que tous les phénomènes peuvent être expliqués sans recourir à des causes surnaturelles ou immatérielles.

La Mettrie.
Julien Offray de La Mettrie (1709-1751) est un matérialiste radical. Dans L'Homme machine, il dit que l'humain est une machine complexe et que toutes les activités mentales et morales peuvent être réduites à des processus physiologiques. Il soutient par ailleurs que la recherche du plaisir et l'évitement de la douleur sont les principes fondamentaux de la vie humaine, et que la morale doit être basée sur le bien-être matériel et physique (hédonisme matérialiste).

D'Holbach.
Paul-Henri Thiry d'Holbach (1723-1789) est un matérialiste déterministe. Dans son Système de la nature, il soutient que tout dans l'univers est gouverné par des lois naturelles et que l'âme humaine est une illusion, n'étant qu'un produit de l'organisation matérielle du corps. D'Holbach promeut un athéisme radical : il rejette toute forme de croyance religieuse et soutient que la religion est une source d'ignorance et de superstition.

Condillac.
Étienne Bonnot de Condillac (1714-1780), influencé par l'empirisme, développe une philosophie sensualiste, selon laquelle toute connaissance provient des sensations et des perceptions. Il s'intéresse à la manière dont les facultés mentales peuvent être réduites à des sensations et à des expériences sensorielles.

Le proto-socialisme.
Saint-Simon.
Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825) est un précurseur du socialisme. Il propose des idées sur l'organisation sociale et économique qui préfigurent les théories socialistes du XIXe siècle.

Babeuf.
François-Noël (« Gracchus ») Babeuf (1760-1797) est, avec sa critique du régime bourgeois, un autre penseur important de cette période et préfigure certaines idées du communisme.

L'idéalisme allemand.
L'idéalisme allemand, qui se prolonge au début du siècle suivant affirme que la réalité est fondamentalement mentale ou spirituelle. 

Emmanuel Kant.
Emmanuel Kant (1724-1804) a révolutionné la philosophie avec sa Critique de la raison pure. Il y propose une forme de rationalisme transcendantal où la connaissance humaine est structurée par des catégories a priori de l'entendement. Il soutient que nous ne pouvons connaître les choses en soi (noumènes), mais seulement les phénomènes tels qu'ils apparaissent à travers les structures a priori de notre esprit (espace, temps, catégories), de notre perception et de notre compréhension. Il soutient que la connaissance est possible grâce à l'unité synthétique de l'entendement, une capacité rationnelle de l'esprit.

Fichte.
Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) développe un idéalisme subjectif qui s'inscrit dans le prolongement de la pensée de Kant. Il affirme que la réalité est construite par l'activité de l'ego (le Moi) face au non-Moi (le monde extérieur). La conscience créatrice est au coeur de toute réalité. Il introduit aussi des concepts comme la liberté et l'autonomie dans le contexte de la philosophie pratique.

Hegel.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) est le principal représentant de l'idéalisme absolu. Pour Hegel, la réalité est l'expression de l'Esprit absolu, un processus rationnel en développement constant. Dans sa théorie du développement dialectique, la réalité est vue comme un processus de développement historique et logique. La réalité et l'histoire progressent par une dialectique de thèse, antithèse et synthèse, où chaque étape est rationnellement nécessaire et conduit à une compréhension plus complète de l'Esprit absolu.

Schelling.
Friedrich Wilhelm Joseph Schelling (1775-1854), dans le sillage de Hegel, propose une approche où la nature est perçue comme une expression de l'Esprit absolu, reliant ainsi la philosophie de la nature à la métaphysique rationnelle. Il soutient que la distinction entre sujet et objet est surmontée dans l'absolu en une réalité unitaire. Il  introduit aussi dans l'idéalisme allemand les concepts de nature et d'inconscient, qui lui servent à souligner l'unité de la nature et de l'esprit.

XIXe siècle : La philosophie après Kant et Hegel

L'idéalisme allemand poursuit son développement au XIXe siècle, avec une accentuation sur la dialectique et la réalisation de la liberté.

Positivisme, utilitarisme et évolutionisme.
Le positivisme d'A. Comte.
Le positivisme est une philosophie qui affirme que seule la connaissance scientifique, basée sur l'observation empirique et les méthodes rigoureuses, peut prétendre à une vérité objective. Auguste Comte (1798-1857), fondateur du positivisme, propose une hiérarchie des sciences et développe la sociologie comme une science empirique. Il prône l'application des méthodes scientifiques aux problèmes sociaux pour améliorer la société. 

L'utilitarisme de J. Betham et Stuart Mill.
L'utilitarisme, qui a eu ses précurseurs au XVIIe et au XVIIIe siècles avec Richard Cumberland (1631-1718) et Francis Hutcheson (1694-1746) et même David Hume (1711-1776), se développe surtout à la fin du XVIIIe siècle, est une éthique normative qui juge les actions en fonction de leur capacité à maximiser le bonheur. 

• Jeremy Bentham (1748-1832) est le fondateur de l'utilitarisme classique. Il  introduit le principe de la plus grande utilité, visant à maximiser le bonheur collectif. Dans son oeuvre Introduction aux principes de la morale et de la législation, il développe le principe de la maximisation du bonheur comme critère de la moralité. 

• John Stuart Mill (1806-1873) prolonge l'empirisme dans une direction plus utilitariste et pragmatique. Il développe une logique inductive et argumente en faveur la méthode expérimentale dans les sciences humaines, en utilisant l'observation et l'expérimentation pour formuler des lois générales. Il applique les principes empiriques à l'éthique, soutenant que les actions doivent être jugées en fonction de leur capacité à maximiser le bonheur. Il  affine l'utilitarisme en tenant compte de la qualité des plaisirs, pas seulement de leur quantité.

 L'évolutionnisme de Ch. Darwin.
Charles Darwin (1809-1882), avec ses idées sur l'évolution et la sélection naturelle, influence profondément la philosophie et la théorie sociale en introduisant une perspective naturaliste sur le développement des espèces et des sociétés.

Le pragmatisme.
Le pragmatisme est un courant philosophique américain qui évalue les théories et les croyances selon leur utilité pratique et leurs conséquences.

Peirce.
Charles Sanders Peirce (1839-1914) est le fondateur du pragmatisme. Il développe cette notion pour évaluer la vérité des idées en fonction de leurs effets pratiques.

James.
William James (1842-1910) est un important propagateur du pragmatisme, particulièrement dans le domaine de la psychologie et de la philosophie de la religion. Selon lui la vérité est ce qui est utile et fonctionnel.

Dewey.
John Dewey (1859-1952) étend les idées du pragmatisme aux domaines de l'éducation et de la politique. Il montre l'importance de l'expérience et de la réflexion dans le processus éducatif.

La rénovation sociale.
Owen.
Robert Owen (1771-1858) est un utopiste social qui propose des réformes sociales et des communautés expérimentales pour améliorer les conditions de vie des travailleurs.

Proudhon.
Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) critique la propriété et promeut l'anarchisme et le mutualisme. 

Feuerbach.
Ludwig Feuerbach (1804-1872) soutient que Dieu est une projection des qualités humaines idéalisées. Il affirme que la religion est une aliénation de l'essence humaine et que l'humanité doit se réapproprier ces qualités en rejetant la religion. Il propose un matérialisme humaniste dans lequel l'humain doit être au centre de la philosophie et défend l'idée que  les besoins et les aspirations matérielles de l'humanité doivent guider la société.

Marx.
Karl Marx (1818-1883) élabore une critique du capitalisme et une théorie du matérialisme historique et dialectique, qui analyse le développement historique en termes de luttes de classes et de conditions économiques. Dans sa vision matérialiste de l'histoire, les structures économiques déterminent les superstructures sociales, politiques et idéologiques.

Engels.
Friedrich Engels (1820-1895) , collaborateur de Marx, Engels aide à diffuser les idées du matérialisme historique et contribue à la théorie socialiste. Comme Marx, il combine le matérialisme avec la dialectique hégélienne, affiramant que les contradictions internes du système capitaliste mèneront à son renversement et à l'avènement du communisme.

Kierkegaard, Shopenhauer, Nietzsche.
Kierkegaard.
Avec Søren Kierkegaard (1813-1855), l'existentialisme émerge comme une réaction aux doctrines rationalistes et déterministe. Kierkegaard aborde des thèmes de l'angoisse, de la liberté individuelle, et de la foi chrétienne. Il met l'accent sur la liberté individuelle et la subjectivité.

Schopenhauer.
Arthur Schopenhauer (1788-1860) soutient que le monde phénoménal est une représentation, tandis que la chose en soi est une volonté irrationnelle et aveugle. Sa vision pessimiste contraste avec l'optimisme de Hegel.

Nietzsche.
Friedrich Nietzsche (1844-1900) critique la religion, la morale et la culture occidentale. Son concept du « surhomme » et sa proclamation de la « mort de Dieu » sont centraux dans sa pensée. Nietzsche soutient que la volonté de puissance est une force fondamentale dans la vie humaine, et explique la nature humaine et les structures sociales sans recourir à des concepts spirituels ou immatériels.

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Dictionnaire Idées et méthodes
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