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Le
terme
pragmatisme peut renvoyer Ă plusieurs courants philosophiques.
On examinera ici seulement le mouvement qui a émergé aux États-Unis
au milieu du XIXe siècle, principalement
dans les années 1870-1880. Il est souvent associé à des penseurs comme
Charles Sanders Peirce,
William James et, un peu plus tard, John
Dewey, qui ont développé et popularisé cette approche philosophique.
Le pragmatisme est caractérisé par son rejet des idées fondationnelles
et des certitudes absolues, et par son orientation vers l'expérience,
l'action et les conséquences pratiques des idées. Au fil du temps, le
pragmatisme a étendu ses applications et s'est impliqué dans des débats
et des discussions animés sur sa portée et ses limites dans le contexte
de la modernité (écologie, diversité culturelle, technologie, éthique
de l'intelligence artificielle,
etc.).
Le pragmatisme considère
que l'expérience individuelle et collective est le point de départ
de la réflexion philosophique. L'action est un moyen d'évaluer la validité
des idées et des concepts. Selon le pragmatisme, la vérité d'une idée
réside dans ses conséquences pratiques et dans son efficacité pour guider
notre action. Une idée est considérée comme vraie si elle fonctionne
de manière satisfaisante dans le contexte de notre expérience et de notre
action. Les idées évoluent et sont sujettes à la révision en fonction
des nouvelles expériences et découvertes. Cela conduit à reconnaître
et respecter la diversité des opinions, des expériences et des perspectives.
Le pragmatisme cherche à intégrer cette diversité dans la construction
de la vérité.
Les pragmatistes
critiquent la métaphysique spéculative et les idées abstraites qui ne
peuvent pas être reliées directement à l'expérience vécue. Ils affirment
que les concepts doivent ĂŞtre pragmatiquement utiles et avoir des implications
pratiques. Ils valorisent la méthode scientifique et s'inspirent de la
logique de l'enquĂŞte scientifique pour aborder les questions philosophiques.
Ils considèrent que l'enquête scientifique fournit des modèles d'investigation
et de résolution des problèmes.
Les penseurs pragmatistes
du XXe siècle ont développé de nouvelles
idées et ont élargi le champ d'application du pragmatisme dans divers
domaines. Ils ont Ă©largi les domaines d'application du pragmatisme au-delĂ
de la philosophie académique, pour y inclure des réflexions sur la politique,
l'éthique, l'art, la religion et la société en général. En retour,
ils ont aussi eu une influence considérable au-delà de la philosophie,
touchant des domaines tels que la sociologie, la psychologie, l'Ă©ducation,
le droit et mĂŞme les sciences politiques. Des variantes du pragmatisme
ont Ă©galement vu le jour, telles que l'instrumentalisme,
développé par John Dewey, et le néo-pragmatisme, représenté par des
philosophes tels que Richard Rorty, Hilary
Putnam et Robert Brandom. Ces mouvements ont encore apporté des ajustements
et des développements aux idées pragmatistes originales.
Le néo-pragmatisme.
Le néo-pragmatisme
est un mouvement qui s'est développé principalement au XXe
siècle,
souvent en réaction à l'approche plus radicale de certains aspects du
pragmatisme classique. Certains aspects du néo-pragmatisme ont été influencés
par le positivisme logique, en particulier en ce qui concerne l'analyse
logique du langage et la focalisation sur la science et la logique comme
guides de la philosophie. Ainsi, le néo-pragmatisme met un fort accent
sur la signification du langage et la sémantique. Les philosophes néo-pragmatistes
se concentrent sur la manière dont le langage représente la réalité
et la manière dont il est utilisé dans le discours. Ils adoptent souvent
une approche analytique du discours, en examinant comment les mots, les
phrases et les concepts sont utilisés dans différents contextes et comment
ils influent sur notre compréhension de la réalité. Comme le pragmatisme
classique, le néo-pragmatisme rejette les fondations métaphysiques ou
épistémologiques absolues. Il se méfie des systèmes philosophiques
trop rigides et privilégie une approche pragmatique et flexible de la
philosophie. En même temps, il révise et repense la théorie de la vérité,
le réalisme et la nature de la réalité. Il cherche à trouver des moyens
de répondre aux critiques classiques du pragmatisme.
Le post-pragmatisme.
Le post-pragmatisme
se présente comme une extension et une réflexion critique sur le pragmatisme
et le néo-pragmatisme. Le post-pragmatisme est influencé par le poststructuralisme
et le postmodernisme, en particulier dans leur remise en question des grands
récits et des systèmes métaphysiques. Cela le conduit à soulever des
questions sur les insuffisances du pragmatisme traditionnel face Ă la
complexité contemporaine et en soulignant la nécessité de réexaminer
certaines bases philosophiques. Pour le post-pragmatisme, le contexte est
important dans la compréhension de la signification et de la vérité.
Il insiste sur la nécessité de tenir compte des contextes sociaux, culturels
et historiques dans l'analyse philosophique. Il critique aussi le rationalisme
excessif, la prétention à l'universalité et le rejet des émotions,
de l'intuition et d'autres aspects de l'expérience humaine qui sont souvent
négligés par les approches rationalistes.
Les philosophes post-pragmatistes
s'engagent activement dans des questions sociales contemporaines, cherchant
à appliquer les principes pragmatistes à la résolution des inégalités
sociales, à la défense des droits humains, ou à la question du changement
climatique, entre autres enjeux cruciaux de notre Ă©poque. Ils continuent
de défendre l'éducation progressiste et les méthodes d'enseignement
axées sur l'expérience, l'apprentissage actif, la résolution de problèmes
et l'interaction sociale. Ils insistes sur la formation des compétences
nécessaires pour la vie moderne. Certains post-pragmatistes se penchent
sur les implications philosophiques de l'intégration de l'intelligence
artificielle, sur les questions éthiques liées à la technologie et sur
les transformations sociétales.
La morale pragmatique.
La morale pragmatique
est une approche éthique dérivée du pragmatisme philosophique. Cela
signifie par une attention aux résultats concrets des actions et des principes
moraux. Les principes pragmatiques sont évalués en fonction de leur capacité
à résoudre des problèmes pratiques et à améliorer les conditions humaines.
Au lieu fonder l'éthique sur des théories ontologiques ou métaphysiques,
telles que les théories du réalisme moral absolu, qui prétendent que
les normes morales ont une existence indépendante et objective, et de
chercher des principes moraux universels applicables en toutes circonstances,
la morale pragmatique considère que les normes éthiques doivent être
adaptées aux contextes spécifiques dans lesquels elles sont appliquées.
Les jugements moraux sont donc faits en tenant compte des particularités
des situations et des expériences vécues.
Les normes Ă©thiques
Ă©mergent des interactions humaines, des traditions culturelles et des
expériences partagées plutôt que d'une vérité morale objective ou
d'une théorie abstraite. Cette approche valorise les connaissances acquises
par l'expérience et l'observation sur le terrain. Les normes éthiques
sont jugées non seulement sur leur conformité à des principes abstraits,
mais aussi sur leur capacité à produire des résultats positifs dans
des contextes concrets. L'éthique pragmatique valorise la flexibilité
et l'adaptabilité des principes moraux. Elle reconnaît que les contextes
et les circonstances peuvent changer, et que les principes moraux doivent
évoluer en conséquence. Cette approche permet une révision continue
des normes morales en réponse aux nouvelles informations et aux changements
sociaux.
Hilary Putnam a largement
contribué à l'élaboration de l'éthique pragmatique. Dans ses écrits,
comme Ethics Without Ontology (2004), il explique que les normes
Ă©thiques doivent ĂŞtre comprises comme des pratiques sociales et historiques
plutôt que comme des vérités absolues. Il propose une éthique qui se
concentre sur les pratiques et les contextes concrets, et non sur des fondements
ontologiques abstraits. On comprend dès lors que la morale pragmatique
puisse être associée à une éthique démocratique qui met l'accent sur
le dialogue, la délibération et la participation collective. Elle encourage
une approche démocratique à la résolution des problèmes moraux, où
les décisions sont prises en tenant compte des perspectives diverses et
en cherchant des solutions pratiques et acceptables par chacun.
Quelques figures
associées au pragmatiqme et au néo-pragmatisme
•Charles
Sanders Peirce (1839-1914) est souvent considéré comme
le fondateur du pragmatisme. Il a développé les idées fondamentales
du mouvement et a formulé des concepts clés tels que la méthode scientifique,
la vérité comme conséquence pratique, et a introduit la notion de pragmaticisme.
• William
James (1842-1910) est l'un des principaux penseurs du pragmatisme.
Il a popularisé le mouvement aux États-Unis et a contribué à développer
sa philosophie. Son ouvrage majeur, The Principles of Psychology,
et ses conférences intitulées The Varieties of Religious Experience
ont eu une influence considérable.
• John
Dewey (1859-1952) a été l'un des pragmatistes les plus influents
du XXe siècle, mais ses idées ont commencé
à se développer dès la fin du XIXe siècle. Il a mis l'accent sur l'éducation
et l'expérience comme sources d'apprentissage, et il a appliqué le pragmatisme
Ă de nombreux domaines notamment l'Ă©thique, la politique et la philosophie
de l'art. Sa philosophie a eu un impact profond sur l'Ă©ducation progressiste
et a influencé les réformes éducatives dans le monde entier.
• Chauncey Wright
(1830-1875), moins connu que Peirce, James, ou Dewey, a contribué de manière
significative à la formulation initiale des idées pragmatistes.
• Oliver
Wendell Holmes, Jr. (1841-1935), bien qu'il ne soit pas un philosophe
strictement pragmatiste, a été influencé par le pragmatisme, en particulier
par les idĂ©es de Peirce. Il a appliquĂ© des principes pragmatiques Ă
sa philosophie du droit et a eu un impact sur la philosophie juridique
américaine.
• Josiah
Royce (1855-1916) a été influencé par les idées pragmatistes, notamment
celles de Peirce et James. Il a contribué au développement du pragmatisme
en introduisant des éléments idéalistes dans le mouvement. |
NĂ©o-pragmatisme
• Richard
Rorty (1931-2007), souvent considéré comme l'un des principaux
représentants du néo-pragmatisme. Il a proposé un pragmatisme post-métaphysique
insitant sur la pragmatique du langage. Il a rejeté la notion d'une vérité
universelle et critiqué les métarécits, insistant sur la contingence
et la pluralité des croyances.
• Hilary
Putnam (1926-2016), philosophe important dans le mouvement du néo-pragmatisme.
Il a abordé divers domaines philosophiques, de la philosophie de l'esprit,
la philosophie des sciences et l'épistémologie ett la philosophie du
langage, en utilisant une approche pragmatiste. Il a insisté sur l'idée
que nos croyances et nos concepts Ă©voluent en fonction de nos interactions
avec le monde et les autres.
• Robert Brandom
(né en 1950), voix importante dans le domaine de la philosophie
analytique et du néo-pragmatisme, a développé
une théorie de l'inférence basée sur les pratiques langagières, soulignant
l'importance de l'usage des mots dans la signification.
Post-pragmatisme
• Cornel West
(né en 1953) est un philosophe et activiste dont le travail est souvent
associé au post-pragmatisme. Il a abordé des questions de justice sociale
et de politique Ă travers une lentille post-pragmatiste.
• Gianni Vattimo
(né en 1936) est souvent cité dans le contexte du post-pragmatisme en
raison de sa contribution à la philosophie herméneutique
et à la déconstruction, qui partagent des thèmes avec le post-pragmatisme.
• Jean-François
Lyotard (1924-1998), bien que principalement associé au postmodernisme,
a Ă©galement eu des influences et des interactions avec le post-pragmatisme. |
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