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Georg Wilhelm Friedrich
Hegel
est un philosophe né à Stuttgart le 27
août 1770, et mort à Berlin le 14 novembre
1831. Il était fils du secrétaire du gouvernement de Wurtemberg. Il fit
ses études au gymnase de Stuttgart, à l'université de Tubingen (où
il fut le camarade de Schelling) puis à Iéna,
où Fichte enseignait; il adopta d'abord les idées
de ce philosophe, puis celles de Schelling, et finit par se faire un système
à lui.
Précepteur à Berne,
il s'occupe de philosophie religieuse; en 1795, il écrit une Vie de
Jésus; en 1790, une Critique de l'idée de religion positive.
De 1798 à 1801, il est précepteur Ã
Francfort-sur-le-Mein;
son attention se tourne du côté de la philosophie
et de la politique. Sous l'influence des doctrines
de J.-J. Rousseau, il écrit un pamphlet
sur la situation politique du Wurtenberg. En 1801, il se rend à Iéna,
où il trouve Schelling, dont il accepte la philosophie
de la nature. Le départ de Schelling pour Wurtzbourg permet à Hegel
de prendre conscience de ses idées personnelles.
La Phénoménologie de l'esprit
(1807), la Propédeutique philosophique (1812) constituent une introduction
à sa doctrine, qui fut exposée dans son ouvrage capital, la Science
de la logique
(1812-1816). Professeur à l'université d'Heidelberg en 1816, il fait
paraître le résumé de son enseignement, sous ce titre : Encyclopédie
des sciences philosophiques en abrégé. En 1815, il accepte la chaire
de philosophie de l'université de Berlin. Son enseignement y obtient un
succès croissant. Ses doctrines sont officiellement enseignées en Allemagne
et en France. Hegel mourut pendant
une épidémie de choléra. En 1821, il avait publié les Fondements
de la philosophie du droit; en 1827, puis en 1830, des éditions corrigées
de l'Encyclopédie qui contiennent, sous une forme scolastique,
l'exposé de son système.
L'hégélianisme.
Combattant à la fois Kant,
qui avait établi la distinction et l'antagonisme du subjectif
et de l'objectif, et Fichte, qui était tombé
dans un idéalisme purement subjectif, Hegel
admettait comme Schelling l'unité
absolue de toutes choses, l'identitédu
sujet
et de l'objet; mais, tandis que Schelling, pour
expliquer comment tout dérive de cette unité, prend son point de départ
dans l'absolu, qui lui est révélé par une intuition
immédiate, Hegel part de l'idée, et prétend,
par la seule force de la dialectique, faire
sortir de l'idée toutes choses, l'absolu, la nature,
l'esprit : l'absolu, c'est l'idée pure, l'idée
considérée en elle-même et d'une manière
abstraite
la nature, c'est l'idée manifestée et devenue objet; l'esprit, c'est
l'idée faisant retour sur elle-même; et, selon qu'en revenant ainsi sur
elle-même, l'idée (devenue alors esprit) s'envisage comme esprit subjectif,
comme esprit objectif, ou comme esprit absolu, elle nous donne soit l'âme,
objet de la psychologie, soit nos semblables
et la société objet de la morale, soit enfin
Dieu,
objet de la religion. Hegel définit en conséquence
la philosophie comme
"
la science de la raison
en tant que celle-ci est l'idée et la conscience
de toute existence dans son développement
nécessaire."
Il divise toute la philosophie
en trois parties, contenant chacune trois divisions, elles-mêmes possédant
trois subdivisions (système des triades hégéliennes) :
A - La première
étudie le développement des notions universelles des déterminations
de la pensée qui sont le fondement de toute
existence,
naturelle et spirituelle et qui constituent l'évolution logique
de l'absolu; c'est la philosophie de l'être
ou science de la logique
(ou encore la science de l'idée en-soi
et pour-soi).
Kant avait établi une séparation
infranchissable entre l'esprit et la réalité;
le noumène demeurait inaccessible à la pensée,
limitée aux phénomènes. Hegel identifie
le réel et le rationnel :
"ce
qui est réel est rationnel, et ce qui est rationnel est réel", écrit-il
dans l'introduction de ses Principes de la philosophie du droit,
1821);
Il identifie aussi l'être
et la pensée, qui se fondent en un principe
unique et universel : l'idée.
Le développement
de l'idée donne toutes les déterminations de être. Hegel y reconnaît
trois subdivisions :
1° l'être
proprement dit (être en-soi) : qualité,
quantité,
mesure.
2° l'essence (être
pour-soi) : essence (fondements de l'existence),
phénomène,
réalité.
3° le concept (être
en-soi-et-pour-soi) : concept subjectif,
objet,
idée.
La science étudie ce
développement, et la logique en détermine les
lois,
qui sont la contradiction et la conciliation des contraires. Toute idée
a trois moments : elle se pose d'abord, c'est : la thèse; elle s'oppose
à elle-même, c'est l'antithèse; enfin, elle
revient à soi en conciliant la thèse et l'antithèse, c'est
la synthèse.
B - Suivre ce développement
du monde réel extérieur à l'idée (l'idée dans son être-autre), c'est
l'objet de la philosophie de la nature. Celle-ci se divise aussi
en trois parties :
1° Lois
mécaniques (nature en-soi) : espace, temps,
matière,
mouvement.
2° Forces physico-chimiques
(nature pour-soi) : matière universelle, processus chimiques, corps.
3° Organismes vivants
(nature en en-et-pour-soi) : animaux,
végétaux,
minéraux.
C - La philosophie
de l'esprit, enfin, dont le domaine est celui du retour à soi à partir
de son être-autre, contient également trois divisions :
1° l'esprit
subjectif (esprit en-soi), subdivisé en anthropologie, phénoménologie,
psychologie;
2° l'esprit objectif
(esprit pour-soi), subdivisé en droit, moralité
et moeurs;
3° l'esprit absolu
(esprit en-et-pour-soi), subdivisé en art, religion
et philosophie proprement dite.
Ces trois grandes parties
du système représentent en même temps les trois moments de la méthode
absolue : position, négation et unité des deux. L'absolu
est d'abord
pensée pure et immatérielle; il
est ensuite existence extérieure à la pure
pensée, dissolution de la pensée dans le temps
et dans l'espace (c'est la nature). En troisième
lieu, l'absolu retourne de son existence extérieure, de son aliénation
de lui-même vers lui-même; dans ce retour, il devient la pensée qui
se connaît elle-même, qui existe pour elle-même, l'esprit.
L'action exercée
par Hegel fut considérable, surtout par les conséquences pratiques qu'il
tira de sa doctrine pour l'histoire et le droit
(L'Ecole
hégélienne); on retrouve également chez les positivistes
des thèmes qui se rapprochent de l'hégélianisme
: doctrine de l'évolution de l'esprit selon la dialectique de la loi des
trois états, etc. (NLI/ A19).
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Hegel,
par Jakob Schlesinger.
Les oeuvres.
Hegel a laissé
de nombreux écrits. Ses oeuvres complètes ont été publiées pour la
première fois de 1832 à 1887, par « une société d'amis » du philosophe,
en dix-neuf volumes (le tome VII et le tome. XIX sont en deux parties,
le tome X en trois). Quelques parties de cette édition ont été exécutées
sur un plan trop peu critique. Le principe directeur de la publication
fut de donner avec tous leurs développements, en s'aidant des manuscrits
de Hegel et des cahiers de ses cours, les parties du système
qu'il n'avait pu lui-même publier que sous une forme abrégée. Les tomes
IX-XV (Philosophie de l'histoire, Esthétique, Philosophie de la religion,
Histoire de la philosophie), furent construits tout entiers au moyen
de matériaux de ce genre et l'Encyclopédie et la Philosophie
du droit furent enrichies de développements additionnels pris aux
mêmes sources : les éditeurs ne firent pas toujours avec assez de soin
la critique chronologique des documents qu'ils utilisaient. L'Encyclopédie
a été publiée par Rosenkranz
sans ces additions, sous sa forme authentique (Berlin, 1870, t. XXX de
la Philosophisshe Bibliothek). Les tomes VI et VII des oeuvres complètes
(l'Encyclopédie) ont été traduites en français
par Vera en sept volumes la traduction est peu sûre; le commentaire est
surabondant et médiocre. Vera a commencé aussi la traduction de la
Philosophie de la religion (1876-1878). Des extraits du tome X ont
été traduits par Bénard sous le titre la Poétique (2 vol.) et
Esthétique
(2 vol.). La Logique de l'Encyclopédie a été traduite
en anglais par W. Wallace (Oxford, 1874). D'autres parties du système
ont été traduites aux Etats-Unis, dans le Journal of speculative Philosophy.
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En
librairie. - Ouvrages de Hegel : La
raison dans l'histoire, 10/18, 2003. - Principes de la philosophie
du droit, PUF, 2003. - Phénoménologie de l'esprit, Gallimard
(Folio), 2002. - Ecrits sur la religion, Vrin, 2001. -
Le savoir
absolu, Aubier, 2001. - Leçons sur la philosophie de la religion,
PUF, 2 vol. : I. - Cours d'esthétique, Aubier, 3 vol. - Introduction
à l'esthétique, Flammarion (Champs), 1998. - Leçons sur les preuves
de l'existence de Dieu, Aubier, 1998. - Journal d'un voyage dans
les Alpes bernoises, Jérôme Millon, 1997. - Système de la vie
éthique, Payot, 1992. - Leçons sur l'histoire de la philosophie,
Gallimard (Folio), 2 vol. - La différence entre les systèmes philosophiques
de Fichte et de Schelling,
Vrin. - Des manières de traiter scientifiquement du droit naturel,
Vrin. - Encyclopédie des sciences philosophiques, Vrin, 2 vol.
Etudes.
- Bertrand Dejardin, Hegel et l'art, PUF, 2008. - Jean-Louis Vieillard-Baron,
Yves Charles Zarka, Hegel et le droit naturel moderne, Vrin 2006.
J.-L. Vieillard-Baron, Hegel : penseur du politique, Kiron, 2006.
- Jean-François Kervégan, Hegel et l'hégélianisme, PUF (QSJ),
2006. - Karl Rosenkranz, Vie de Hegel, rééd. Gallimard, 2004.
- Lambert, Hegel penseur du droit, CNRS, 2004. - Olivia Bianchi,
Hegel
et la peinture, L'Harmattan, 2003. - E. Renault, Hegel et la philosophie
de la nature, EDP sciences, 2003. - Du même, Philosophie chimique,
Hegel et la science dynamiste de son temps, Presses universitaires
de Bordeaux, 2002. - Caroline Guibet-Lafaye, L'esthétique de Hegel,
L'Harmattan, 2003. - A. Stanguennec, Hegel, une philosophie de la raison
vivante, Vrin, 2001. - Gwendoline Jarczyk, Système et liberté
dans la logique de Hegel, Kimé, 2001. - De la même, Hegel, science
de la logique, Ellipses-Marketing, 1998.- Gwendoline Jarczyk, Pierre-Jean
Labarrière, De Kojève à Hegel : 150 ans de pensée hégélienne,
Albin-Michel, 1996. - Bertrand Vergely, Hegel ou la défense de la philosophie,
Milan Editions, 2001. - Yirmiyahu Yovel,
Les Juifs selon Hegel et Nietzsche,
la clef d'une énigme, Le Seuil, 2000. - Jacques D'Hondt, Hegel,
la philosophie de l'histoire vivante, rééd. PUF, 2000. - Raymond
Plant, Hegel, Le Seuil (Points), 2000.
Jean-Louis
Vieillard-Baron, Hegel et l'idéalisme allemand, Vrin, 1999. - Jean-Marie
Vaysse, Hegel, temps et histoire, PUF, 1998. Albert Chapelle, Hegel
et la religion (4 vol.), 1966, rééd. Lessius, 1996. - Collectif,
Hegel
passé, Hegel à venir, L'Harmattan, 1996. - François Chatelet,
Hegel,
Le Seuil, 1994. - Jean-Claude Bourdin, Hegel et les matérialistes français
du XVIIIe siècle, Méridiens Klincksieck, 1992.- Eugène Fleischmann,
La philosophie politique de Hegel, rééd Gallimard, 1992. -
Emilio Brito, Dieu et l'être, d'après
Thomas
d'Aquin et Hegel, rééd. PUF, 1991. - Michel Hulin,
Hegel et
l'Orient, Vrin, 1979.
J.
Hyppolite, Introduction à la philosophie de l'histoire de Hegel, Seuil,
1983; du même : Genèse et structure de la Phénoménologie de l'esprit
de Hegel, 1946; du même, Logique et existence, 1953, rééd.
PUF 1991. Claude Bruaire, Logique et religion chrétienne dans la philosophie
de Hegel, Le seuil, 1964. Alexandre Kojève, Introduction à la
lecture de Hegel , 1947 rééd. PUF, 1980. - J. Wahl, Le malheur
de la conscience dans la philosophie de Hegel, 1929, rééd.PUF, 1951.
- Eric Weil, Hegel et l'Etat, 1950, rééd. Vrin 1985, aug. 2000;
du même, Hegel et la philosophie du droit, PUF, 1979. - William
Dilthey, Leibniz et Hegel, rééd. Le
Cerf, 2002. - Martin Heidegger, Hegel :
la négativité, éclaircissement de l'introduction à la phénoménologie
de l'esprit de Hegel, rééd. Gallimard (NRF), 2007.
'
Jean-Luc
Gouin, Hegel
ou De la raison intégrale, suivi de Aimer, penser,
mourir,
Bellarmin, 1999. - L'ouvrage révèle de quelle
manière et par quelles voies Hegel parvient à démontrer la rationalité
de la réalité. L'instrument épistémique fondamental de l'entreprise
réside dans le complexe matriciel: "Sujet - Négativité - Résultat -
Réconciliation". L'auteur s'applique ensuite à confronter ledit complexe
au "réel concret". On est alors conduit principalement aux concepts de
Néant, d'Être, d'Esprit, de Liberté, d'État et de Dieu. Une mise en
perspective avec les pensées de Nietzsche et de Freud
(par le truchement des notions d'Amour, de Pensée et de Mort) conclut
la réflexion. (couv.).
Axel
Honneth, Les
pathologies de la liberté, une réactualisation de la philosophie du droit
de Hegel, Ed. de la Découverte, 2008. - À
certains égards, une grande partie de la philosophie
politique de la seconde moitié du XXe siècle a vu un « retour à Kant
», notamment sous l'impulsion de Jürgen Habermas
et de John Rawls, qui conduit à des conceptions
très formelles des problèmes de philosophie politique. À l'inverse,
et réagissant à cette tendance dominante, le philosophe
allemand Axel Honneth montre qu'il est non seulement possible mais
aussi souhaitable de réintroduire la pensée politique de Hegel au sein
des débats qui animent la théorie politique
et sociale contemporaine. À ses yeux, la politique hégélienne conserve
une grande actualité - indépendamment de la perte de crédibilité de
ses présupposés
métaphysiques - dans
la mesure où elle permet une contextualisation sociale des principes de
justice et offre un cadre institutionnel aux principes abstraits du
droit
moderne et de la morale. Dans Les pathologies de la liberté, Axel
Honneth propose une interprétation radicalement nouvelle des
Principes
de la philosophie du droit, la principale oeuvre de philosophie politique
de Hegel. Cette réactualisation permet de déterminer le rôle et de délimiter
la place du droit dans le fonctionnement social. Mais surtout, dans un
contexte d'individualisation croissante des
sociétés
contemporaines, elle permet de reconnaître pleinement le principe de l'individualisme
moderne mais aussi d'en identifier - et d'en corriger - les dérives pathologiques,
telle que l'injonction à l'autonomie dans le travail, dont on connaît
bien les effets destructeurs sur la vie psychique des individus.
(couv.).
Karl
Rosenkranz, Vie
de Hegel, Gallimard, 2004. |
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