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Pour
la philosophie classique, le moi est nom sous lequel on a d'abord
eu coutume de désigner l'âme en tant qu'elle a
conscience
d'elle-même et qu'elle connaît ses propres opérations, ou qu'elle est
à la fois le sujet et l'objet de sa pensée.
Le
moi dans le cartésianisme.
Quand Descartes
se définissait lui-même une chose qui pense, res cogitans, ou
qu'il énonçait la fameuse proposition : Je pense, donc je suis
(Cogito);
il mettait véritablement le moi à la place de l'âme; et cette substitution
ou pour parler plus exactement cette équation, il ne se contente pas de
l'établir dans le fond des choses, il la fait passer aussi dans le langage.
" Pour ce
que, d'un côté, dit-il (Sixième Méditation, § 8), j'ai une
idée claire et distincte de moi-même en tant que je suis seulement une
chose qui pense et non étendue, et que, d'un autre j'ai une idée distincte
du corps en tant qu'il est seulement une chose étendue et qui ne pense
point, il est certain que moi, c'est-à -dire mon âme, par laquelle je
suis ce que je suis, est entièrement et véritablement distincte de mon
corps, et qu'elle peut être ou exister sans lui. "
Cependant, nous ne voyons
pas que cette expression prenne jamais chez lui, ni chez aucun de ses disciples,
le sens rigoureux et absolu qu'on y a attaché
plus tard. Il dit bien, avec intention, moi, au lieu de dire mon âme;
mais il ne dit pas le moi, pour désigner l'âme ou l'esprit en général.
Ce n'est guère que dans l'école allemande qu'on rencontre, pour la première
fois, cette formule et c'est aussi là qu'elle arrive à un degré d'abstraction
que la méthode psychologique ou expérimentale, apportée par Descartes,
ne peut pas autoriser.
Le
moi dans la philosophie allemande.
Le moi, dans le
système de Kant, n'est pas l'âme ou la personne
humaine, mais la conscience seulement, la pensée en tant qu'elle se réfléchit
elle-même, c'est-à -dire ses propres actes, et les phénomènes sur lesquels
elle exerce. De là , pour le fondateur de la philosophie critique, deux
sortes de moi : le moi pur (das reine ich) et le moi empirique.
Le premier, comme nous venons de le dire, c'est la conscience que la pensée
a d'elle-même et des fonctions qui lui sont entièrement propres; le second,
c'est la conscience s'appliquant aux phénomènes de la sensibilité et
de l'expérience. Fichte fait du moi, l'être
absolu lui-même, la pensée substituée a la puissance créatrice et tirant
tout de son propre sein, l'esprit et la matière, l'âme et le corps, l'humanité
et la nature, après qu'elle s'est faite elle-même, ou qu'elle a posé
sa propre existence
Dans les doctrines
de Schelling et de Hegel,
le moi, ce n'est ni l'âme humaine, ni la conscience humaine, ni la pensée
prise dans son unité absolue et mise à la place de Dieu; c'est seulement
une des formes ou des manifestations de l'absolu, celle qui le révèle
à lui-même, lorsqu'après s'être répandu en quelque sorte dans la nature
il revient à lui ou se recueille dans l'humanité.
Le
moi dans les philosophies de l'existence.
Le philosophe existentialiste
Søren
Kierkegaard a abordé le moi dans le contexte de l'existence individuelle.
Il a ouvert la question de la subjectivité, de la responsabilité personnelle
et de la recherche de l'authenticité de l'individu. Sartre,
un autre existentialiste, a envisagé
le moi en regard de la question de la liberté.
Il a soutenu que le moi est fondamentalement libre et que la liberté implique
une responsabilité totale pour ses actions et ses choix.
Pour la phénoménologie
(Edmund Husserl, Martin
Heidegger, etc.), le moi s'insère dans la problématique de l'expérience
et de la conscience. Il s'agit ici de comprendre comment le moi se rapporte
au monde et comment il construit la réalité subjective.
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Charles
Larmore, Les
pratiques du moi, PUF, 2004. - "Être
un moi consiste d'abord à être un moi pour soi-même". L'auteur s'interroge
sur la nature du rapport nécessaire à nous-mêmes
qui habite chacune de nos pensées et chacun de
nos gestes. Modeste, il reconnaît la difficulté de l'entreprise d'autant
plus que, philosophe américain, il a décidé d'écrire ce livre directement
en français parce que pour lui cette "poursuite du moi" est un thème
privilégié de la pensée française. Il se réfère naturellement aux
grands auteurs moralistes français : Montaigne,
Pascal,
Stendhal,
Valéry,
Bergson, Nabert, Sartre, Girard et Ricoeur.
La
théorie proposée est fondée sur une démarche
de sincérité dans cette recherche et une confrontation à ces grands
auteurs. L'authenticité n'est pas la valeur suprême, l'analyse
de la réflexion sur soi étant la préoccupation
majeure pour laquelle l'auteur distingue une réflexion cognitive sur soi
d'une réflexion pratique sur l'autre. (couv.). |
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