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Berkeley

George Berkeley ou Berkley, ou encore Berklay, est un philosophe anglais, né à Kilkrin en Irlande, comté de Kilkenny, en 1684, mort le 14 janvier 1753. Il fit ses études au collège de la Trinité de Dublin et montra de bonne heure une grande aptitude pour les sciences mathématiques. Vers 1713, il vint à Londres, où il se lia d'amitié avec Addison, Swift, Steele et quelques autres littérateurs et savants renommés. Son caractère, ses manières polies, le charme de sa conversation, son esprit élevé et ses profondes connaissances le firent rechercher des personnages les plus remarquables. Il fut secrétaire et chapelain du comte de Petersborough, ambassadeur auprès du roi de Sicile. 
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Berkeley.
George Berkeley.

En 1714, la mort de la reine Anne renversa les espérances qu'il avait fondées sur cette position; mais la fortune ne l'abandonna pas. Passionné pour l'étude, Berkeley accepta avec empressement l'offre qui lui fut faite d'accompagner dans ses voyages un jeune seigneur anglais. Pendant quatre ans, il parcourut la France, l'Italie, la plus grande partie de l'Europe. A Paris, il conversa avec Malebranche. De retour à Londres, précédé d'une réputation honorable, lord Grafton, vice-roi d'Irlande, le nomma son chapelain. La même année, l'université de Dublin lui conféra les grades de bachelier et de docteur en théologie. En 1722, Berkeley recueillit une succession inattendue. C'était une femme célèbre, Mistress Vauhomrigh, plus connue sous le nom de Vanipeny, éprise d'amour pour Swift, morte de chagrin de n'avoir pu l'épouser, qui, à sa dernière heure, se souvint de Berkeley et lui légua la moitié de sa fortune. En 1724, le duc de Grafton lui fit obtenir le doyenné de Derry, avec un revenu de 1100 livres sterling. Berkeley eût pu jouir paisiblement de sa fortune si un vaste projet n'était venu le préoccuper entièrement. Il publia, en 1725, un ouvrage intitulé Propositions pour convertir au christianisme les sauvages américains par l'établissement d'un collège dans les Bermudes. Le gouvernement approuva ce projet et promit une subvention de 100,000 livres; le roi George fit des vieux pour sa réalisation; plusieurs grands personnages s'y intéressèrent, et le célèbre ministre Walpole lui-même complimenta l'auteur. Berkeley engagea une partie de sa fortune, acheta des terres en Amérique, dans le Rhode-Island, attendit vainement la subvention promise par le gouvernement et vit ses beaux plans traités de chimères par Walpole et par ceux qui avaient le plus applaudi.

Rentré chez lui en 1732, Berkeley se voua tout entier à ses fonctions religieuses. L'incrédulité trouva en lui un adversaire toujours prêt à combattre. La reine Caroline fut tellement satisfaite de ses écrits qu'elle le fit nommer au doyenné de Down, en Irlande. Mais le lord lieutenant de ce royaume s'étant opposé à cette promotion, la reine éleva son protégé à l'évêché de Cloyne. Quatre ans après, lord Chesterfield, devenu ministre, voulant récompenser le zèle de Berkeley, s'empressa de lui proposer de changer son évêché contre celui de Glogher, dont le revenu était double de celui qu'il occupait; mais Berkeley refusa pour des motifs très honorables. Arrivé à l'âge de soixante ans, affaibli par le travail et par des infirmités, il voulut résigner son évêché; le roi s'y opposa, et son siège lui fut conservé. En 1752, il se fixa à Oxford pour y surveiller l'éducation d'un de ses fils. Il y avait à peine un an qu'il y résidait, lorsqu'il mourut subitement, à l'âge de soixante-neuf ans.

L'oeuvre philosophique de Berkeley n'est pas moins digne d'estime que son caractère. Dans un article resté célèbre de la Revue philosophique (mars 1876), Stuart Mill loue Berkeley d'avoir fait trois découvertes. 

« Dans l'Essai sur la vision (1709), il a prouvé que la vue ne nous donne pas la notion des distances; dans les Principes de la connaissance (1710), il a montré que nous n'avions pas d'idées abstraites, que toutes nos idées générales ne sont, en réalité, que des idées d'individus; dans les Dialogues d'Hylas et de Philonoüs (1713), il a établi la nature et le véritable sens de l'extériorité que nous attribuons aux objets sensibles. » 
En résumant l'enseignement de ces trois ouvrages, nous aurons, par le fait même, exposé les principales idées philosophiques de Berkeley. Il faut dire d'abord que le but qu'il poursuit en philosophant est un but pratique et religieux. Dans tous ses ouvrages, même les plus exclusivement philosophiques en apparence, tels que l'Essai sur la vision, il veut, comme il le fait ostensiblement dans le dialogue intitulé Alciphron (1732), réfuter les nouveaux philosophes, les matérialistes, les sceptiques et les athées. Or, c'est la croyance à l'existence de la matière qui paraît à Berkeley la source du matérialisme, de l'athéisme et du scepticisme; le but de sa philosophie est donc de critiquer la notion de matière, de montrer les contradictions enfermrées dans cette notion et de conclure par suite à l'immatérialisme. Ainsi, les Dialogues d'Hylas et de Philonoüs représentent le point culminant de la philosophie de Berkeley. L'Essai sur la vision et les Principes de la connaissance en sont comme la préparation, et le dernier ouvrage de Berkeley, la Siris, n'est qu'un exposé synthétique de ses vues sur la constitution dernière des choses, à propos des propriétés curatives de l'eau de goudron.

Dans l'Essai sur la vision, Berkeley s'attache à montrer que toutes les données de la vue viennent du sujet et ne sont rapportées qu'abusivement à l'objet. On ne contestait déjà plus de son temps dans le monde des penseurs que la couleur fit une modification du sujet; Descartes et Locke avaient, par des raisons différentes, montré tous les deux que la couleur n'est qu'une qualité seconde. Mais tous les deux admettaient que l'étendue, la forme, sont des qualités premières qui, par conséquent, doivent être rapportées à l'objet. C'est ce que Berkeley n'admet pas. Il veut prouver que la forme seule est donnée par la vue. La forme, dit-il, n'est que la limite de la couleur; or, il est admis que la couleur est une qualité seconde; la forme, qui dérive de la couleur, n'est donc aussi qu'une qualité seconde. Or, dans la forme se trouvent deux des dimensions de l'étendue, la longueur et la largeur. Mais les partisans de l'objectivité de l'étendue soutiennent que la vue donne naturellement la distance qui sépare deux objets, c. -à-d. la troisième dimension ou profondeur. Berkeley s'attache donc à montrer que la distance est une perception acquise de la vue, que c'est en associant aux idées de la vision des idées qui nous viennent du tact et du mouvement que la vue acquiert l'idée de distance. Mais la distance est une perception naturelle du tact, et la troisième dimension n'est qu'une forme tactile, dès lors une qualité seconde. L'étendue se réduit ainsi à n'être qu'une qualité seconde de même nature que toutes les autres, qui, par conséquent, vient exclusivement du sujet et ne peut s'attribuer à l'objet.
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Les idées

« Il est évident, pour tout homme qui examine attentivement les objets de la connaissance humaine, que ces objets sont des idées, quelles qu'elles soient, et quelle que soit leur source. » (G. Berkeley, Des principes de la connaissance humaine, I).
 

L'esprit

« Outre les idées ou objets de connaissance, il y a un être réel qui les perçoit; cet être percevant est ce que j'appelle intelligence, esprit, âme ou moi-même, par lesquels mots je n'entends plus une idée, mais un être entièrement différent d'elles et où elles existent, c'est-à-dire où elles sont perçues [...].

La voûte éclatante des cieux, la parure de la terre, en un mot tous les corps qui composent ce monde, n'existent que dans un esprit qui les aperçoit; ils n'ont d'autre existence que la possibilité d'être aperçus; conséquemment, toutes les idées existent actuellement dans moi ou dans quelque autre esprit créé, ou, si elles n'y existent pas, elles n'existent pas du tout, ou bien elles existent dans l'esprit divin. » (G. Berkeley, Des principes de la connaissance humaine, I).
 

La matière. Qu'elle n'existe que dans l'esprit

« On peut dire que les objets naturels existent hors de l'esprit, spécialement quand ils existent dans un autre esprit. Ainsi, quand je ferme les yeux, les choses que je voyais peuvent continuer d'exister, mais il faut que ce soit dans un autre esprit.

Tous les phénomènes sont en réalité des apparences dans l'âme ou dans l'esprit, et l'on n'a jamais expliqué, on n'expliquera jamais comment des corps, des figures ou des mouvements extérieurs pourraient produire une apparence dans l'esprit.

Parler de l'existence absolue de choses non pensantes, c'est prononcer des mots vides de sens, ou qui impliquent contradiction.

Ce qui est produit est dans une continuelle genèse, dans un devenir incessant; il n'existe pas, parce qu'il ne subsiste jamais identique à lui-même, qu'il est dans un changement ininterrompu, qu'il périt et se reproduit sans cesse. Les êtres sont des choses qui échappent aux sens, invisibles, intellectuelles, qui demeurent toujours invariables, identiques, et qui peuvent, par cette raison, être dites réellement exister.

L'intelligence, l'âme ou esprit existe réellement et en vérité, les corps n'existent qu'en un sens secondaire et relatif. » (G. Berkeley, Principes de la connaissance humaine, III, 90, 24. Siris, 251, 336).

Dans les Principes de la connaissance, Berkeley soutient que toutes nos idées, même les plus abstraites et les plus générales en apparence, ne sont que les résultats singuliers d'impressions autrefois éprouvées et que dès lors il n'y a rien dans l'idée qui n'ait auparavant été dans l'impression sensible. Par conséquent, nos idées générales et, en particulier, l'idée générale de la matière, ne sont rien de plus que. des collections d'impressions sensibles et, comme toutes les impressions sensibles sont des qualités secondes, l'idée générale de matière n'est aussi formée que de qualités secondes. Ainsi, Berkeley se déclare résolument nominaliste. La brèche est maintenant ouverte, Berkeley peut se promettre que la substance matière ne résistera pas longtemps à la critique en règle qu'en fait Philonoüs dans les Dialogues. Berkeley commence par poser ce dilemme : ou la matière est immédiatement perçue par quelqu'un des sens, et alors il faut dire quelle est l'impression qui donne cette perception immédate; on la matière est conclue médiatement par un raisonnement, et alors il faut énoncer le raisonnement qui arrive à établir cette existence. Mais la matière n'est directement saisie par aucun sens, car les sens ne donnent que des qualités secondes; quant aux qualités premières, elles se ramènent à des qualités secondes, ainsi qu'il a été prouvé dans l'Essai sur la vision et dans les Principes de la connaissance. La matière n'est donc pas donnée directement par les sens. Est-elle connue par un raisonnement? Dans ce cas, de l'existence de certaines idées dans notre esprit, nous conclurions à l'existence, hors de notre esprit, d'une chose inconnue, la matière, qui serait la cause, l'instrument ou l'occasion de ces idées. Mais 1° la matière ne peut pas être une cause, car tout le monde s'accorde à reconnaître qu'elle est passive, et toute cause est active; 2° la matière ne peut pas être un instrument. En effet, ce serait sans doute Dieu qui se servirait de cet instrument pour nous émouvoir. Mais quel besoin Dieu a-t-il d'un instrument pour produire les effets qu'il veut? 3° la matière ne peut pas être une occasion. Quel besoin Dieu a-t-il d'une occasion pour produire les effets? Berkeley se croit donc en droit de conclure que la matière ne nous est connue en aucune façon; c'est un mot abstrait, un son vide, auquel nous ne rapportons aucune idée ou, si nous essayons d'y en rapporter quelques-unes, elles sont contradictoires. Nous prétendons avoir l'idée d'une chose dont nous n'avons pas idée, d'un fonds de réalité qui n'est pas réel. C'est ainsi que ceux qui croient à la matière tombent dans le scepticisme, car se voyant forcés d'admettre une notion contradictoire, ils en viennent à douter de la valeur de la raison. Ils ne douteront plus, au contraire, de la valeur de leur intelligence s'ils reconnaissent leur erreur et bannissent de leur esprit le vain fantôme de la matière. L'immatérialisme enlève ainsi au scepticisme l'occasion de se former, de même qu'il enlève au matérialisme tout point d'appui. Il n'est pas moins destructeur de l'athéisme. Il y a déjà un préjugé en faveur de cette assertion dans ce simple fait que les athées sont ordinairement matérialistes. Renverser le matérialisme est donc probablement aussi renverser définitivement l'athéisme.

Cette vue se trouvera confirmée si l'on remarque que Berkeley est loin de nier l'existence du monde extérieur. Philonoüs fait, au contraire, de la nature extérieure de brillantes descriptions. Nous avons l'idée d'un monde extérieur. Les idées que nous avons sont en nous, mais ne viennent pas de nous, puisqu'elles s'imposent à nous et que plusieurs hommes peuvent en avoir à la fois de semblables; il y a un ordre dans la liaison de nos idées du monde extérieur qui nous fait aisément distinguer la veille du rêve; il faut qu'il y ait, hors des esprits individuels, une cause de ces idées, de leur ordre, de leur liaison; cette cause n'est pas une chose contradictoire inconnue et inconnaissable, cette cause est Dieu. Dieu seul peut expliquer les idées du monde en nous; le monde est une idée de Dieu lui se représente en nous par fragments. L'ordre et la raison des diverses parties de la nature sur lesquelles Berkeley insiste avec tant de force dans la Siris sont une dépendance de l'immutabilité, de la sagesse et de l'éternité de Dieu. Cet ordre est si parfait et si couséquent qu'il doit se trouver dans le monde un système d'idées qui soit comme le symbole et le résumé de la liaison qu'ont entre elles les idées qui constituent le monde des corps. Ce système d'idées de substance serait une panacée universelle, puisqu'en lui se trouverait la loi qui fait être tout ce qui est. Berkeley croit avoir trouvé cette panacée universelle dans l'Eau de goudron, et c'est à développer ces idées qu'il a consacré son dernier ouvrage, mélange étonnant des idées les plus hautes, des vues les plus ingénieuses avec les hypothèses les plus hasardées et les visions les plus chimériques.

Quoi qu'il en soit d'ailleurs, il n'en reste pas moins acquis que Berkeley résout le monde matériel en pures idées, mais en idées liées, produites par un esprit éternel et incorruptible, Dieu, et reçues dans des esprits inférieurs. L'existence de l'esprit paraît prouvée à Berkeley par le sentiment intérieur. Nous nous sentons penser, nous avons l'expérience de notre vie spirituelle et consciente, nous sommes donc. Nous avons aussi des raisons suffisantes de croire à l'existence des autres esprits. Ainsi, le monde est un langage que Dieu parle aux esprits des hommes, il n'existe qu'à titre d'idée. Berkeley est le premier philosophe qui ait critiqué avec rigueur la notion de matière; il a fait faire un grand progrès à l'idéalisme, en montrant combien de confusions renfermait cette idée de matière; si universellement acceptée. Après lui, aucun penseur digne de ce nom n'a pu s'occuper de l'existence objective des choses sans tenir compte de ses travaux. Il est un des ancêtres directs de Kant, et son nom est un des plus grands de la philosophie moderne. (G. Fonsegrive).

George-Charles Grantley Fitz Hardinge Berkeley est un littérateur anglais, né le 10 février 1800, mort à Londres le 7 mars 1881, fils du comte Berkeley. Après avoir servi quelque temps dans l'armée, il fut envoyé à la Chambre des communes par le Gloucestershire en 1832 et représenta ce comté jusqu'en 1847. Il appartenait au parti libéral. Il a écrit divers ouvrages parmi lesquels nous citerons : un roman, Berkeley Castle (Londres, 1836); des études de sport : Reminiscences of a huntsman (Londres, 1833); A month in the forests of France; The english Sportsman in America; une autobiographie qui a obtenu un grand succès : My Life and recollections (Londres, 1864-1866, 4 vol.); des nouvelles: Tales of life and death (Londres, 1869, 2 vol.).
Miles-Joseph Berkeley est un botaniste anglais né à Biggin en 1803. Il étudia la théologie à Cambridge et en 1868 se fixa à Sibbertoft, Market-Harborough, où il prêcha l'évangile le restant de sa vie. Il s'est spécialement occupé de cryptogames et s'est fait connaître par de nombreuses publications sur ce sujet dans le monde savant. Outre de nombreux articles sur les mousses, les champignons, etc., insérés dans les recueils périodiques, il a mis au jour : Gleanings of British Algae, etc. (Londres, 1833, in-8), dans British Flora, de Hooker; Fungi (Londres, 1836, in-8); British Fungi, consisting of dried specimens, etc. (Londres, 1836-1843, 4 part, in-4), pour servir de complément à l'English Flora, de Smith; Decades of Fungi, Decas 1-62 (Londres, 1844-1856, in-4) ; Introduction to cryptogamic botany (Londres, 1857, in-8); Outlines of British fungotogy, etc. (Londres, 1860); Handbook of British Mosses comprising all that are known to be natives of the British Isles (Londres, 1863) ; avec M. C. Cooke : Fungi,
their nature, influences, uses, etc. (Londres, 1874, in-8). (Dr L. Hn.).
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