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L'analyse infinitésimale
Le calcul des fonctions
L'analyse infinitésimale (ou calcul infinitésimal) est cette partie des mathématiques qui a pour but l'étude simultanée des grandeurs qui dépendent les unes des autres. Autrement dit, elle a pour but l'étude des fonctions à l'aide de procédés  qui consistent dans l'application répétée d'un petit nombre de principes relatifs aux limites des quantités variables. Quelques auteurs lui ont aussi donné le nom de calcul des fonctions qui est peut-être mieux choisi. 

Le nom d'analyse infinitésimale est justifié par cette circonstance que, pénétrant à fond dans l'essence même de la grandeur, cette science la décompose en parties infiniment petites pour l'étudier plus en détail.

L'infiniment petit (ou infinitésimal) - Une quantité infiniment petite est une quantité considérée comme moindre que toute grandeur assignable. Toutefois les mathématiciens attachent à cette dernière expression une signification particulièrement qui a été souvent mal comprise. Une quantité infiniment petite n'est point un zéro absolu, au même une quantité actuellement moindre que certaines grandeurs déterminées. C'est tout simplement une quantité que les condition du problème proposé permettent de considérer comme variable jusqu'à ce que le calcul soit complètement achevé, et comme décroissant continuellement de manière à devenir aussi petite qu'il nous plaît sans qu'il soit nécessaire de changer les valeurs des quantités dont nous cherchons le rapport. C'est dans cette circonstance que réside le caractère particulier de ce que l'on appelle une quantité infiniment petite, et non dans la petitesse que semble impliquer cette dénomination, ou dans la nullité absolue qu'on lui attribuerait à tort. 
En analyse infinitésimale, on fait un usage continuel des théorèmes élémentaires sur les limites que l'on démontre dans les éléments d'algèbre, et de quelques principes très simples que nous allons énoncer. 

Deux infiniment petits, dont le rapport a pour limite un, diffèrent entre eux d'un infiniment petit d'ordre supérieur; deux infiniment petits qui ne diffèrent que d'un infiniment petit d'ordre supérieur ont un rapport dont la limite est un. 

Pour trouver la limite du rapport de deux infiniment petits, on peut négliger dans le calcul de chacun d'eux des infiniment petits d'ordre supérieur. Quelques auteurs joignent à ces principes très simples un théorème sur les limites de sommes, et qui, heureusement, est tout à fait inutile. On peut dire que c'est l'application sans cesse répétée de ces principes qui distingue l'analyse infinitésimale de l'analyse ordinaire. 

Histoire de l'analyse infinitésimale.
L'analyse infinitésimale a dû son origine à deux ordres de problèmes géométriques; d'une part les quadratures (calculs d'aires terminées par des lignes courbes, auxquels se ramènent les cubatures, calculs de volumes, et recherche des centres de gravité); de l'autre, la recherche des tangentes des courbes. La première sommation d'une progression géométrique indéfiniment décroissante a été faite par Eudoxe à propos de la cubature de la pyramide et du cône; c'est lui qui a donné ainsi le premier exemple de la méthode dite d'exhaustion pour les quadratures et indiqué les procédés de démonstrations par l'absurde, qui constituent l'appareil accessoire de cette méthode. A cet exemple, qui nous a été conservé par Euclide, Archimède enjoignit nombre d'autres que cherchèrent à imiter les géomètres de la Renaissance. Il avait d'ailleurs non seulement sommé des séries convergentes, mais des suites de termes tous indéfiniment décroissants en même temps que leur nombre croissait indéfiniment; en d'autres termes, il avait de fait ramené le problème des quadratures à celui d'une sommation d'infiniment petits.

Vers 1629, Cavalieri et Roberval posèrent directement le problème sous cette forme; le premier donna aux infiniment petits qu'il considérait le nom assez malheureux d'indivisibles; dans cette première ébauche du calcul intégral, l'élément infiniment petit de la quadrature était bien de fait le produit de l'ordonnée de la courbe par l'accroissement infiniment petit (différentielle), de l'abscisse; mais, dans le langage imparfait des inventeurs, il était identifié avec l'ordonnée elle-même. Les résultats directement obtenus par les nouveaux procédés furent singulièrement perfectionnés par Fermat entre autres; mais, en. principe, on continua à regarder comme nécessaire, pour la rigueur de la démonstration, l'incommode procédé de réduction à l'absurde d'après le modèle classique d'Archimède. Les anciens n'avaient pas laissé de méthode générale pour la recherche des tangentes, ni pour les problèmes des maxima et minima qui s'y ramènent.
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Roberval : Traité des indivisibles.
Début du Traité des indivisibles, de Roberval.

Tandis que Descartes, dans sa Géométrie (1637), les réduisait, pour les courbes algébriques, à la recherche des racines égales d'une équation, que Roberval cherchait la solution du problème dans la combinaison de vitesses d'accroissement, Fermat inventa le procédé de développer une fonction suivant les puissances de l'accroissement de la variable pour en déduire la limite du rapport de deux quantités infiniment petites; le principe du calcul différentiel était donc trouvé. Il restait, pour l'invention réelle du calcul infinitésimal, d'une part à constituer un algorithme spécial, de l'autre à reconnaitre que le problème des quadratures (intégral) coïncidait avec l'inverse du problème des tangentes. Si, en effet, le coefficient angulaire de la tangente d'une courbe est le rapport des différentielles de l'ordonnée et de l'abscisse, c.-à-d. la limite du rapport de leurs différences infiniment petites, l'ordonnée est le rapport des différentielles de l'aire et de l'abscisse; si donc l'abscisse est prise comme variable indépendante et si on connaît sa relation à l'ordonnée, on a dans un cas à trouver la différentielle d'une fonction connue (l'ordonnée), dans l'autre à trouver une fonction dont on connaît la différentielle. 

Descartes avait déjà résolu un problème inverse des tangentes passablement complexe, proposé par Florimond de Beaune; Roberval semble avoir eu également l'intuition du rapport entre les deux ordres de problèmes; mais ce rapport n'apparut nettement aux yeux de tous que lorsqu'un algorithme fut créé pour le nouveau calcul. On sait que la priorité de l'invention a été disputée entre Leibniz et Newton, et que d'ailleurs leurs algorithmes sont essentiellement différents : celui de Leibniz ou des différentielles a triomphé; celui de Newton, des fluxions, a été l'origine de la notation auxiliaire des dérivées, mise en honneur par Lagrange.

Aujourd'hui cette discussion paraît close, et l'on peut dire en résumé que : 

1° l'analyse infinitésimale n'a été inventée de toutes pièces par personne, et que Descartes, Fermat, Pascal, Roberval, Barrow, et même à certains égards Archimède, lui ont donné naissance; 
2° Newton, Leibniz l'ont réduite à peu près simultanément en algorithme, le premier sous le nom de calcul des fluxions, le second sous le nom de calcul différentiel, et cela chacun sans avoir connaissance des travaux de l'autre; 
3° enfin on peut ajouter avec Poisson (Académie des sciences, 1833, t. XII, Mémoire sur le calcul des variations) :
 « La création du calcul différentiel ne remonte pas au delà de Leibniz, auteur de la notation et de l'algorithme qui ont généralement prévalu dès l'origine de ce calcul, et auquel  l'analyse infinitésimale est redevable de tous ses progrès. » 


Les fondements du calcul infinitésimal.
Les premiers inventeurs du calcul infinitésimal, pas plus que leurs précurseurs, ne s'attachèrent nullement à donner à l'exposition de leurs procédés une rigueur didactique; l'important pour eux était de résoudre les problèmes; la justesse de la méthode était à leurs yeux suffisamment contrôlée par la concordance des résultats obtenus avec ceux qui pouvaient être soumis à la réduction à l'absurde; les objections théoriques ne manquèrent pas dès le début, mais les rares opposants furent bientôt réduits au silence par l'importance des progrès que les nouveaux procédés permirent de réaliser dans toutes les branches de la science, en algèbre, en géométrie, en mécanique.

Ce n'est guère qu'un siècle après l'invention du calcul infinitésimal qu'on chercha à lui donner comme base une exposition rigoureuse; à la méthode des infiniment petits proprement dite s'opposa celle des limites, tandis que Lagrange qui complétait l'algorithme par l'invention des notations spéciales aux variations prétendait éliminer toutes les difficultés en engendrant les dérivées par le développement des séries, suivant les puissances de l'accroissement de la variable.

L'insuffisance théorique de cette conception fut particulièrement mise en lumière par les travaux de Cauchy, tandis que la fusion entre les procédés pour l'emploi des infiniment petits et les méthodes de démonstration par les limites s'opérait surtout grâce à Duhamel. La discussion des principes du calcul infinitésimal n'en était pas close (V. notamment l'ouvrage de Paul Dubois-Reymond, Théorie générale des fonctions, trad. Michaud; Paris, 1887), mais l'exposition didactique du calcul infinitésimal était arrivée à une rigueur satisfaisante pour son usage pratique. (GE).

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