| Feuerbach (Anselme). - Criminaliste allemand, né en 1775 à Iéna, mort en 1833, était fils d'un avocat. Après s'être fait connaître par des Recherches sur le crime de haute trahison et sur la Révision des principes du droit criminel, il ouvrit en 1799 des cours à Iéna, fut nommé en 1801 professeur de l'université de cette ville, enseigna aussi à Kiel, puis à Landshut en Bavière, se fixa dans ce dernier pays, et devint conseiller intime et président de la Cour d'appel d'Anspach. On a de lui un Manuel du droit criminel, Giessen, 1801, ouvrage classique sur la matière. Il rédigea en 1813 un Nouveau Code pénal, qui fut adopté pour la Bavière et servit de base aux codes du Wurtemberg et de plusieurs autres états (il a été traduit en français par Ch. Vattel, 1852). Feuerbach est un des chefs de école des Rigoristes, qui s'attachent à la lettre de la loi, ne laissant rien à l'arbitraire du juge. Il fonde la législation criminelle sur une sorte d'intimidation qu'il appelle contrainte psychologique. Il laissa cinq fils, dont les plus connus sont Karl Wihelm et Ludwig Andreas (ci-dessous). | |
| Feuerbach (Ludwig Andreas), philosophe né à Landshut le 28 juillet 1804, mort à Rechenberg, près de Nuremberg, le 13 septembre 1872, frère du précédent. Les premières études qu'il fit au gymnase d'Anspach semblèrent le destiner à la vie religieuse; il vint même en 1823 à Heidelberg pour y entendre les leçons du théologien Karl Daub. Mais son esprit critique se lassa vite de ce genre d'études; au bout d'une année, il gagna Berlin où il entendit Hegel, Schleiermacher et Neander et se décida à abandonner la théologie pour se consacrer entièrement aux sciences exactes et à la philosophie. Une thèse latine, De Ratione una, universali, infinita, lui valut une chaire de privat-docent à l'Université d'Erlangen (1828). Dans ses premières leçons, il se montra fidèle disciple de Hegel et obtint un très vif succès; mais peu à peu il se détacha du panthéisme idéaliste pour évoluer vers une sorte de naturalisme individualiste et aboutir enfin au matérialisme le plus franc. - Ludwig Feuerbach (1804-1872). Ces tendances le rendirent suspect ; en vain Feuerbach sollicita une chaire de professeur extraordinaire à Erlangen et à Berne, elle lui fut toujours refusée. En 1836, il se maria avec une femme dont la modeste fortune lui permit de vivre indépendant dans le petit village de Brückberg, situé entre Anspach et Nuremberg. C'est là qu'il composa les plus importants de ses ouvrages. En 1848, au moment où se réunit le Parlement germanique de Francfort, Feuerbach quitta sa retraite et vint observer les événements de plus près. A la prière des étudiants de Heidelberg, il vint faire, du 1er décembre 1848 au 2 mars 1849, dans une salle de l'hôtel de ville que la municipalité mit à sa disposition, une série de conférences publiques. Il y exposa, avec succès, les idées les plus hardies sur la religion. Mais la réaction ne tarda pas à triompher de la révolution; Feuerbach rentra dans sa solitude. Sa vieillesse fut peu heureuse. La fortune de sa femme fut engloutie dans un désastre industriel; il dut se retirer à Rechenberg, faubourg de Nuremberg, où il vécut dans un état de gène voisin de la misère. Un mot célèbre de Feuerbach résume l'évolution de sa pensée de la théologie à la philosophie hégélienne et de l'hégélianisme au naturalisme et à l'athéisme : « Dieu fut ma première pensée, la raison ma seconde, l'homme ma troisième et dernière pensée. » Dans cette dernière période, la seule où il ait été original, Feuerbach a poussé le matérialisme à ses plus extrêmes conséquences. Suivant lui, la théologie, qui fait de la croyance une fin et de la science un moyen, emprisonne l'esprit, car un dogme n'est autre chose qu'une défense de penser. La philosophie n'a pas à corriger des dogmes, mais à en montrer la fausseté absolue; religion et philosophie, foi et sciénce sont deux contraires entre lesquels il n'y a pas de conciliation ni de compromis possibles. La religion est une invention de l'égoïsme humain : l'homme enfle sa propre essence et la porte à l'infini; il pose en face de lui et adore ce fantôme dont il espère des garanties de bonheur que la réalité lui refuse. De même la vie future n'est qu'une idéalisation de la vie présente : en un mot, la théologie n'est qu'une transposition de l'anthropologie. Quant à la philosophie, elle est toute d'expérience ; elle a pour tache de discerner le réel, et le réel c'est le sensible ; seul le sensible échappe au doute, et la sensation est pour nous la source des plus sures et des plus hautes vérités. L'homme, pour le philosophe moderne, n'est plus un être pensant ; il est simplement un vivant; notre moi, notre essence c'est proprement notre corps, et la philosophie aura le droit de se définir une science de l'homme à condition de devenir une anthropologie et une physiologie. Et Feuerbach en arrive à cette formule extrême du naturalisme : « L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il mange. » L'égoïsme est enfin la seule règle de la conduite humaine. Feuerbach exerça, dans les cinquante premières années de sa vie, une grande influence en Allemagne; mais cette influence décrut à mesure qu'il s'éloigna de la philosophie et qu'il s'affranchit, dans ses ouvrages, de toute idée systématique et de toute méthode. (Th. Ruyssen).
| En bibliothèque - Parmi les ouvrages de Feuerbach, il faut citer : Gedanken üb. Tod u. Usterblichkeit (anonyme) (Nuremberg, 1830 ; 3e éd., Leipzig, 176); Gesch. der neu. Philos. von Bacon von Verul. bis B. Spinoza (Ansbach, 1833; 2eéd., 1844), ouvrage suivi de deux monographies spéciales sur Leibniz et Bayle, publiées ensuite à part sous le titre de Darstellung, Entwickelung u. Krit. d. leibnizscen Philos. (id., 1837) et Pierre Bayle (id., 1838, 2e éd., 1844); Abälard u. Heloise, eine Reihe humoristich philosophischer Aphorismen (1834; 4e éd., Leipzig, 1888); Ueb. Philos. u. Christenth. in Bezieh. auf den der hegelsch. Philos. gemachten Vorwurf der Unchristlichk. (1839); Das Wesen des Christenth. (Leipzig, 1841 ; souvent réédité, trad, en anglais par Marian Evans; 2e éd., Londres, 1882; en français par Jos. Roy; Paris, 1864, in-8); Vorltäufige Thesen zur Reform d. Philosophie (1842); Grundsätze der Philos. der Zukunft (Zurich, 1843); Das Wesen der Religion (Leipzig, 1845; 2e éd., 1849); Das Wesen des Glaubens im Sinne Luthers (id., 1844); Vorlesungen üb. d. Wesen d. Religion, imprimées dans le t. VIII des oeuvres complètes; Theogonie nach den Quellen des classisch., hebraïsch. christl. Alterthums (id., 1857; 2e éd., 1866); Gottheit Freiheit u. Unsterblichk. vom Standpunkt der Anthropol. (1866); Oeuvres complètes (Leipzig, 1846-66, 40 vol.). | |
| Anselm von Feuerbach est un peintre d'histoire allemand, né à Spire le 12 septembre 1829, mort à Venise le 4 janvier 1880. Fils de l'archéologue de ce nom. Successivement élève de Schadow à Düsseldorf, de Rahl à Munich et de Couture à Paris, il fit un long séjour à Rome à partir de 1853. Son importante toile : Dante au milieu des dames nobles à Ravenne (1857) souleva des discussions passionnées. Il peignit ensuite pour la galerie du baron de Schack à Munich nombre de tableaux, parmi lesquels : Francesca da Rimini, Arioste dans le parc de Ferrare, et surtout la Pietà (1862, gravée par Haab), le firent classer au nombre des plus éminents peintres allemands de son temps. - Le Conteur, par Anselm Feurbach (1866). Plus tard, il traita de préférence des sujets mythologiques : Iphigénie en Aulide, Orphée et Eurydice, Jugement de Pâris, Lesbie, Pallas, etc. Son Banquet de Platon (1869) témoigne de son peu d'aptitude pour les grandes compositions. Dans toutes ses oeuvres apparaît une forte influence de la manière d'Ingres, inconsciemment sans doute, car Feuerbach a une originalité propre. Il ne cherche à séduire ni par l'expression des figures, qui est indécise, ni par le charme de la couleur, généralement froide, mais bien par la perfection des formes et par l'effet de l'ensemble. (GE). |