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[Moyen Age > Arabes] / La géographie / [ La découverte de la Terre > Histoire de la géographie] |
Histoire
de la géographie
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Aperçu |
Le Haut Moyen âge
marque une stagnation dans les connaissances géographiques, aussi bien
dans l'Europe latine
que grecque (Byzance).
Ce sont surtout les Arabes qui recueillent alors l'héritage de la science
antique
et le firent prospérer lorsque leur domination s'étendit vers le centre
et l'est de l'Asie, et vers les côtes orientales de l'Afrique, étendant
ainsi les limites du monde connu. De ce mouvement de découvertes naquit
une riche littérature géographique; parmi les géographes Arabes, on
cite, Massoudi et Ibn Haukal
au Xe siècle;Edrisi
(al-Idrisi), au XIIe;
Ibn
el Ouardy, Hamdoullah, Aboulfeda, El Bakoui
au XIVe,
et, au XVe,
Léon
l'Africain, qui appartient presque à la géographie
moderne.
Dans l'Europe chrétienne, la géographie scientifique ne réapparaît pas avant le XIIIesiècle. Jusque là , on se borne d'abord à transcrire des abrégés ou des extraits des géographes latins. Cependant, du côté du Nord, les navigateurs scandinaves étendent les connaissances à des pays peu ou point connus des Romains. Au IXe siècle, les Vikings atteignent l'Islande et s'y installent, puis le Groenland (Xe siècle) où ils s'établissent également, puis encore les côtes du Labrador, de la Nouvelle-Écosse; ils donneront à la plus méridionale des terres découvertes le nom de Vinland (Les découvertes des Vikings; la découverte de l'Amérique ) . Au XIIe siècle, des missions furent envoyées par les papes dans les parties extrêmes de l'Asie alors pratiquement inexplorées : du moins, allait-on en connaître la répartition en ses grands traits. Les voyages de Nicolas Ascelin, de Jean du Plan-Carpin, de Rubruquis (1245-1295), firent assez fidèlement connaître la Russie et l'Asie centrale. Ils sont tous surpassés par ceux de Marco Polo, à en croire celui-ci, qui raconta avoir parcouru de 1211 à 1295 toute l'Asie centrale, la Chine qu'il appelait Cathay, visité le Japon, qu'il nommait Zipangu, séjourné à Sumatra, et être revinu par le Sud de l'Asie et l'Afrique. Sa relation, probablement en partie imaginaire mais bien documentée pour le reste, sans cesse citée par Colomb, le confirma dans la confiance qu'il accordait aux longitudes erronées de Ptolémée, et le poussa plus fortement encore à chercher la route des Indes par l'Occident. De leur côté, les Majorquins avaient inventé, à la fin du XIIIe siècle, les cartes planes, et les Catalans, rejoints peu de temps après par les Portugais, le disputèrent bientôt en hardiesse et en science nautiques aux républiques italiennes. Au XVe siècle, les Portugais explorèrent les côtes de l'Afrique occidentale et firent entrer la géographie dans l'ère des Grandes Découvertes. Dates clés :982 - Eirik le Rouge découvre le Groenland. |
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Jalons |
La
stagnation du Haut moyen âge
A partir du Ve
siècle et pendant plusieurs siècles les travaux géographiques
de l'Antiquité
semblent n'avoir pas existé (La
géographie antique).
Les secs abrégés
d'Agathémère et de Marcien
d'Héraclée, le poème confus de Festus Aviénus,
les Notices des provinces ou de l'Empire, les
Dictionnaires géographiques
de Vibius Sequester et d'Eusèbe, voilà les dernières
productions de l'âge romain. Un moine égyptien du VIe
siècle, Cosmas Indicopleustès, représente,
dans sa Topographie chrétienne, la Terre comme une vaste surface
plane entourée d'une muraille (La
cosmographie médiévale);
il ne peut comprendre la sphéricité de la Terre,
et cette opinion lui semble une hérésie et un reste de paganisme. Le
dessin joint à son ouvrage est la plus ancienne mappemonde du Moyen âge.
Au VIIe siècle
appartient une géographie en latin barbare, composée par un anonyme appelé
le Géographe de Ravenne, et qui ne sert presque qu'à nous faire regretter
tous les ouvrages aujourd'hui perdus qu'il a consultés. Les cartes de
cette époque, celle de l'abbaye
de St-Gall
au VIIe siècle,
et la mappemonde en argent que possédait Charlemagne,
n'étaient pas sans doute moins barbares que les livres, si l'on en juge
par celle qui accompagne un manuscrit de l'Apocalypse
conservé à la Bibliothèque de Turin.
Cette mappemonde paraît être du IXesiècle;
la Méditerranée, qui y est représentée par un parallélogramme régulier,
s'étend jusqu'au milieu de la carte, où elle est rejointe à angle droit
par une masse d'eau séparant l'Europe de l'Asie, et se réunissant Ã
l'Océan qui entoure la Terre; le Nil y est aussi large que la Méditerranée,
et toutes les îles sont de forme carrée et d'une étendue à peu près
égale.
Les avancées arabes Au Moyen âge, la philosophie et les sciences s'étaient réfugiées dans les pays occupés par les Arabes. Peuple commerçant (Le commerce des Arabes au Moyen Âge), ils eurent le goût de la géographie, qu'entretenait le pèlerinage de La Mecque (Islam). Ils eurent donc de remarquables voyageurs. Ajoutez que leur rapide extension sur une très vaste superficie et la formation d'un grand empire eurent, pour conséquence forcée, des investigations précises sur les pays et les peuples soumis. Les Arabes visitèrent peut-être même des contrées encore plus lointaines : le Japon, d'aucuns disent même l'Australie. Parmi leurs voyageurs, il faut citer au Xe siècle Massoudi, qui visita la Perse, l'Inde, l'Afrique, l'Arabie et les décrivit dans ses Prairies d'or; Ibn-Haukal qui est spécialement géographe et a écrit une description physique, politique et statistique de l'empire des califes; Ibn-Fozlân qui visita les pays de la Volga; Al- Birouni qui accompagna Mahmoud le Ghaznévide, en Inde; Ibn-Saïd qui visita l'Afrique; le fameux Ibn Batutah, ce Berbère du XIVe siècle, qui parcourut l'Afrique, l'Asie occidentale, la Russie méridionale, le Turkestan, l'Inde entière, la Malaisie, la Chine et, revenu à Tanger, voulut encore voir l'Espagne et Tombouctou (L'exploration du Sahara). De tous les voyageurs, Ibn Batutah est celui qui a parcouru par terre le plus de chemin. Comme navigateur, on doit nommer Soleiman, qui avait voyagé dans tout le Sud de l'Asie, en Malaisie, en Chine et dont Abou-Zéid publia les voyages. Au total, les géographes arabes pourront ainsi ajouter à ceux de l'Antiquité classique une connaissance plus approfondie de l'Arabie et de l'Iran, des détails plus copieux sur la Malaisie et l'extrême Orient. En Afrique, ils ont pénétré au Soudan, vu Madagascar et les îles Comores. Il est vrai que sur la côte Ouest, ils ne dépassèrent pas le cap Noun. Le grand service rendu par les Arabes fut de conserver la géographie scientifique, qui leur dut même quelques progrès. Ils puisèrent dans les livres grecs, souvent connus d'eux par des versions syriaques. Au IXe siècle, le calife AI-Mamoun fit mesurer un degré du méridien dans le désert de Syrie, entre Rakka et Palmyre, et traduire en arabe la Géographie de Ptolémée, qui devint la grande autorité. Le calife fit lui-même mesurer un arc du méridien; l'opération décrite par Aboul-Féda et par Ibn-Younis fut faite en double; on discute sur la valeur de ses résultats; ils demeurent inférieurs à ceux d'Eratosthène (L'histoire de la géodésie). L'astronome Aboul-Hasan releva dans l'Espagne et l'Afrique septentrionale de nombreuses latitudes et publia une table de 135 positions; par rapport à Ptolémée l'amélioration est frappante : sa plus grande erreur en longitude est de 4°12' au lieu de 18°; la longueur de la Méditerranée est exacte à 52 minutes près au lieu d'une erreur de 19°. Il a fallu cinq siècles encore aux Européens pour faire la même correction. Des tables équivalentes furent dressées pour l'Asie jusqu'à la Chine et l'Afrique du Nord par Nâcir-ed-din (Nasr ed-Din), protégé d'Houlagou, et revues par Ulugh-Bey, prince de Sogdiane, au XVe siècle. La latitude de Samarcande, par exemple, est à peu près juste, la longitude trop orientale de 13°; la latitude de l'observatoire de Maraghah est rigoureusement exacte, la longitude fausse de 6°38' par rapport à Bagdad. Le monde d'Edrisi.
Le monde suivant Edrisi (1099-1164). Ce dessin paraît vraiment incompréhensible en plein XIIe siècle, à une époque où, depuis au moins quatre cents ans, les marins arabes faisaient régulièrement escale à Mélinde, à Mômbase (Mombasa), dans l'île de Zanzibar et jusqu'à Sofala. Il est impossible qu'ils n'eussent pas constaté dans leurs traversées quelle était la véritable direction des côtes; ils avaient certainement vu le Soleil au tropique du Nord, à l'équateur, même au tropique du Sud, puisqu'ils avaient poussé jusqu'au cap Correntes, où le remous périlleux des eaux les avait effrayés. Ils connaissaient donc à l'Ouest, aussi bien qu'au Nord, la forme générale de l'océan Indien, et c'est d'ailleurs à eux que plus tard Vasco de Gama dut de pouvoir s'orienter facilement vers la côte du Malabar. Du temps d'Edrisi, les marins, les voyageurs, auraient donc pu dessiner assez approximativement le contour oriental du continent africain; mais nombre de savants s'imaginaient, de par leur science même, devoir s'en tenir à l'ignorance d'autrefois : ayant sous les yeux les « tables de Ptolémée », ils acceptaient ce document comme l'expression certaine de la vérité; entre le témoignage des contemporains et les écrits des Grecs, consacrés par le temps, ils n'hésitaient pas. Les pirateries des Scandinaves firent connaître l'Europe septentrionale et même un nouveau monde trop tôt oublié (Les découvertes des Vikings). Au IXe siècle, le roi saxon Alfred le Grand nous a conservé les relations de deux Vikings, Wulfstan et Other. Le premier renseigne le roi sur la Baltique; le second, né près des îles Lofoten, fait le tour de la presqu'île scandinave et reconnaît la mer Blanche, décrivant la Norvège, la Suède, la Laponie, la Finlande. D'autres naviguent au Nord-Ouest, découvrent les îles Féroë en 861, et en 872 l'Islande, à supposer que celle-ci n'ait pas été connue de temps immémorial par les Norvégiens. La colonisation de l'Islande multiplia les navigations dans l'océan Nord-Atlantique et les Scandinaves y trouvèrent successivement d'autres terres. Erik le Rouge s'élance depuis l'Islande en 982 pour aborder au Groenland, bientôt assez peuplé pour être divisé en deux cantons et recevoir un évêque. En 1002, Leif, fils d'Erik, et Björn cinglent au Sud-Ouest, découvrent une île rocheuse qu'ils appellent Helleland, puis une terre basse, Markland, et un pays couvert de vignes sauvages qui lui méritent le nom de Vinland. Le jour le plus court y ayant été observé de 8 heures, on ne peut méconnaître que les Scandinaves ont découvert les côtes au Canada actuel et des États-Unis jusque vers le 42e degré, et, par conséquent, trouvé l'Amérique avant Colomb. On a beaucoup disserté pour fixer le point le plus méridional atteint par les Vikings en Amérique. Certains auteurs évoquent le site de New-York, d'autres le Mexique. Ce qui est certain, c'est que les Scandinaves ne soupçonnèrent pas l'étendue du continent où ils mettaient le pied. Les contrées de l'Atlantique-Nord connues des Scandinaves furent révélées au reste de l'Europe par deux Vénitiens, les frères Zeni, qui y firent une expédition en 1387 : la carte (à l'autenticité, il est vrai, contestée) qui accompagna la relation de leur voyage, imprimée seulement en 1558, représente assez exactement les côtes de Danemark et de Norvège, l'Islande et d'autres contrées dont le nom apparaît pour la première fois dans la cartographie, la Frislande (sans doute les Féroë), le Groënland, enfin Estotiland et Drocco, voisins du Vinland, et qui paraissent être Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Mais l'invasion d'une flotte ennemie, en 1418 , détruisit ces colonies des Vikings de l'Amérique, et le monopole du commerce avec l'Islande et le Groenland que s'était arrogé la couronne de Norvège enleva à l'Europe la connaissance de ces découvertes. Le souvenir de ces terres du Nord-Ouest se conserva, mais n'eut pas d'influence apparente sur la découverte de l'Amérique qui fut le résultat de calculs cosmographiques. Ce n'étaient pour les Scandinaves que quelques terres de plus dans la mer du Nord. Il est même probable que Colomb, dans son voyage en Islande, en 1477, n'en eut aucune connaissance, puisque, au lieu de se diriger vers le Nord-Ouest, où il eût été certain de trouver des terres, il alla au Sud jusqu'aux Canaries, et de là vers le Sud-Ouest, dans les parallèles de l'Inde, dont il se flattait de toucher les extrémités. Nouveaux horizons Après les Scandinaves, deux autres peuples
firent faire à la géographie des progrès dont les fruits ne furent pas
perdus; ce sont les Italiens et les marins de la côte orientale d'Espagne,
Catalans et Majorquins. Les Croisades
rapprochèrent aussi les Européens des Orientaux, et plus tard,
Albert
le Grand, Roger Bacon et Vincent
de Beauvais allaient être en Europe
les rénovateurs de la géographie. Mais, avant d'en parler, il faut rappeler
la renaissance du grand commerce (Le
commerce
au Moyen Âge) et les voyages politiques ou commerciaux accomplis au
XIIIe
siècle dans l'Asie centrale et orientale
où régnaient alors les souverains mongols,
qui venaient de soumettre la plus grande partie de l'Asie et avaient détruit
l'empire des Califes. Ces voyages procurèrent
aux Européens une connaissance de l'Asie presque égale à celle des Arabes.
Aventures en Tartarie.
Le jeune Marco Polo aurait été le protégé de Koubilaï qui lui aurait confié de hautes fonctions. C'est ainsi, affirmait-il, qu'il put étudier à fond la cour mongole et la Chine, non seulement la géographie administrative et les moeurs, mais la géographie économique. Marco Polo serait revenu par mer, visitant Sumatra, l'Inde, la Perse et l'Arménie (1295). La relation qu'il publia de son voyage, véritable jusqu'à un certain point, fit entrer dans le domaine de la géographie positive le Turkestan, la Mongolie, la Chine, l'Indochine, la Malaisie jusqu'aux Moluques (îles des Épices), l'Inde. Les renseignements donnés d'une part sur le commerce de l'Inde qui s'étendait de l'archipel malais à Madagascar et à la mer Rouge, d'autre part sur Cipangu (le Japon) furent la cause déterminante des grandes découvertes géographiques du XVe siècle occasionnées par la recherche de routes maritimes vers ces pays enchanteurs; les Portugais y arrivèrent en tournant l'Afrique; Colomb le voulait en venant par l'Ouest. La relation de Marco Polo sera pendant plusieurs siècles la base de la géographie de l'Asie. D'autres voyageurs d'Europe, moines, aventuriers, trafiquants, visitèrent également les îles et les péninsules méridionales de l'Asie, les pays, alors mystérieux « où croît le poivre», épice si nécessaire à cette époque, vu la mauvaise qualité des viandes, souvent corrompues, dont on se nourrissait d'ordinaire, et dont il fallait déguiser le goût. Citons quelques-uns de ces voyages : ceux de l'Arménien Haïtoun (1254, rédigé en 1307), de Ricold de Montecroce, de Monte Corvino (1289-1306). Au XIVe siècle s'organise un trafic régulier vers Chambalik (Pékin); les relations se multiplient; la plus goûtée fut celle de Mandeville encombrée de fables; la plus instructive est celle du marchand florentin Balducci Pegoletti (1336). Les missionnaires prirent aussi la route de Chine et contribuèrent à la faire connaître; le plus illustre est le franciscain Oderico de Pordenone (1316-31). L'ambassade espagnole de Clavijo auprès de Timour-lenk (Tamerlan) à Samarcande (1403-96) et le voyage du Vénitien Niccolo Conti furent très instructifs. Conti visita en détail l'Inde, puis l'Indochine, la Malaisie, la Chine méridionale (1424-49). Dans une autre direction, les Européens du Moyen âge avaient acquis d'utiles informations dans l'Afrique septentrionale; soit qu'on eût mis à profit celles des Arabes sur le Soudan ou Nigritie (c'est-à -dire le Pays des Noirs), soit qu'on eût noué des relations avec les chrétiensd'Éthiopie, les limites des connaissances étaient pour les Européens celles que nous avons indiquées pour les Arabes, donc sensiblement plus reculées que pour l'Antiquité romaine (La géographie antique). Au XVe siècle, on les dépassa par mer. La renaissance
cartographique.
Quand la géographie redevint laïque, cela ne suffit plus, et on revit des cartes dignes de ce nom et capables de rendre quelques services aux commerçants. Au XIVe siècle, l'usage du compas magnétique (inventé dès 1182 et perfectionné parPierre de Maricourt en 1269) est général. On s'en sert pour dresser des cartes. C'est d'abord la Méditerranée qui intéresse les commerçants. Les Croisades avaient donnée de l'essor aux marines de Venise, de Gênes et de Pise, et avaient fait faire de rapides progrès à la cartographie de la région. Les neuf cartes marines du Génois Visconti, datées de 1318, et conservées à la Bibliothèque de Vienne, donnent, avec des formes assez justes et des proportions généralement observées, la Méditerranée, le Pont-Euxin et l'Ouest de l'Europe. Les cartes, les portulansde
la Méditerranée dressés par les pilotes italiens, provençaux, catalans,
mahonais et majorquains étaient en fait fort nombreux, et les cartes parvenues
jusqu'à nous font ressortir ce fait étrange : d'un côté la précision
vraiment étonnante du dessin, de l'orientation, des distances et de tous
les détails des côtes, de l'autre les erreurs grossières dans la direction
des fleuves et des montagnes, dans l'évaluation des distances terrestres.
Regardez la carte ci dessous de Jean de Carignan datant de l'an 1200
environ : tout est ignorance en dehors du tracé remarquablement exact
des bassins se succédant du détroit de Gibraltar aux monts du Caucase,
bien connus, grâce à la multiplicité des traversées qui avaient été
effectuées en tous sens.
Europe et Méditerranée d'après Jean de Carignan (ca. 1200). Les deux tracés, celui de la carte de fond (canevas de Mercator) et celui de la carte de Jean de Carignan, dont les terres émergées sont recouvertes d'un grisé de hachures, ont été superposées en prenant Lisbonne et l'angle sud-oriental de la Méditerranée comme repères. Par une singulière bizarrerie, le progrès de la connaissance des livres eut certainement pour conséquence un recul dans l'art de la navigation. La foi réellement religieuse qu'éveillaient les oeuvres des anciens devait créer des superstitions et, très souvent, substitua des idées fausses, tirées de l'antique, à des connaissances déjà précisées par les observateurs du Moyen âge. Ainsi, lorsque les oeuvres de Ptolémée se trouvèrent, sous leur forme primitive, dans les mains des géographes et des navigateurs au commencement du XVe siècle, la Méditerranée reprit sur les cartes une forme incorrecte qui se perpétua même sur les portulans et dans les atlas jusqu'au commencement du XVIIIe siècle. Mais à cette époque paraissent aussi
les mappemondes, cartes générales du monde. Le Vénitien Marino Sanudo
(Sanuto?), proposant, en 1321, une
croisade commerciale pour arracher le commerce des Indes au soudan d'Égypte,
accompagna son livre (Secreta Fidelium Crucis) d'une carte qui faisait
connaître les pays dont il parlait; elle a été reproduite par Bongars
dans ses Gesta Dei per Francos. Ce sont encore des Vénitiens, les
frères Pizigauli, qui publièrent en 1367
une grande mappemonde (aujourd'hui à Parme),
où les formes sont déjà exactes, les détails nombreux et disposés
avec sagacité. Viennent ensuite la mappemonde catalane de 1375;
puis celle de Fra Mauro, peinte au monastère
San Michèle de Murano (près de Venise),
de 1459 probablement. Cette carte nous
montre les montagnes et les fleuves de l'Ethiopie
dessinés avec une précision relative.
Carte du monde d'Après Fra Mauro (milieu du XIVe siècle). L'original de la carte de Fra Mauro a un diamètre de 0,675 m; le Sud en haut. La représentation ci-dessus est orientée suivant l'usage actuel et simplifiée. Une autre carte, d'origine catalane, construite en l'an 1375, prouve que les relations existaient déjà entre Barcelone et la Maurétanie; on y lit les noms de Biskra, du Touât, de Tombouctou et de quelques autres endroits; les routes des caravanes y sont tracées et les Touareg sont représentés à méhari et la face voilée (L'exploration du Sahara). Des écrits du temps parlent de voyages faits au delà du désert jusque dans la Soudanie. Bien supérieures en précision à ces cartes générales étaient les cartes marines, les portulans que l'on publiera en grand nombre aux XIVe et a XVe siècles. Les républiques maritimes de l'Italie et Majorque furent le centre de ces travaux; la nomenclature, l'exactitude mathématique annoncent l'âge moderne. Pour la mer Noire, les portulans n'ont été surpassés qu'en 1816. Le contraste est grand entre ces oeuvres et les traités de géographie dont les érudits puisent les matériaux dans les écrits antiques. La publication de Ptolémée (impr. 1475, les cartes en 1478), celle des autres géographes, Pline (1468), Strabon (1469), Mela (1471), etc., efface les compilations dont on s'était longtemps contenté. On revient après dix siècles d'ignorance aux cartes graduées et à la géographie mathématique. Incursions dans
l'Atlantique.
Terminons en notant qu'à cette même époque, le vieux continent est loin d'être oublié et l'on continue d'en perfectionner la connaissance, on s'emploie aussi à en décrire chacun des ports de l'Atlantique, comme en prélude au grand assaut de l'Océan qui se prépare. Tel est, par exemple ce travail du pilote Pierre Garcie qui a entrepris, à partir de 1483, la rédaction d'un ouvrage intitulé : « Grand routier et pilotage et enseignement pour ancrer tant ès portz, havres que aultres lieux de la mer [...] tant des parties de France, Bretaigne, Angleterre, Espaignes, Flandres et haultes Almaignes ».Garcie, dit Ferrande, comme son nom l'indique, évidemment d'origine espagnole, demeurait en Vendée au port de Saint-Gilles-sur-Vie, et les renseignements qui suppléèrent à sa propre expérience lui venaient surtout des pilotes des ports compris entre Honfleur et « tout Brouage ». Ce précieux document, dû aux « maistres experts du noble, très subtil, habile, courtoys, hasardeux et dangereux art et mestier de la mer-», fut réédité en de très nombreuses éditions françaises et anglaises; pendant près de deux siècles, aucun livre du même genre, en aucun idiome, ne vint le remplacer. (C.P. / E.R. / G.E.).
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