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et le Djagataï |
Tandis que les fils de Touli devenaient les souverains des vieilles monarchies de la Chine et de la Perse où les vainqueurs s'assimilaient bientôt aux vaincus, les descendants des fils aînés de Gengis Khan fondaient des empires où se conservait mieux le caractère originel des Mongols, dans ces vastes plaines qui vont des Tian-chan aux monts Karpates. Par delà le vide des steppes kirghiz et des déserts de sable, Batou devint le khan du Kiptchak au terme de ses conquêtes en Russie, et ses sanglantes incursions en Hongrie. Il fixa son quartier général sur l'Aktouba, bras de la Volga inférieure; autour de sa tente ou résidence (orda) d'or s'éleva la grande ville de Saraï qui demeura la capitale de ses descendants, les Khans de la Horde d'or. Leur histoire se confond avec celle de la Russie assujettie durant plusieurs siècles à leur soupçonneuse tyrannie. Le second et le plus remarquable des fils de Gengis, Djagataï, avait eu pour sa part l'ancien empire Kara-Khitan, avec pour annexe méridionale l'ancien apanage de Djelal-Eddin. C'était le pays de l'Irtych au Djihoun (Oxus, Amou-daria), la frontière avec le Kiptchak se trouvant vers Kayalith au Sud du lac Balkach et à l'Est du Kharezm, marquée pur de vastes déserts de sable. Cet empire comprenait en somme les bassins du Sir, de l'Amou, du Tarim et la citadelle montagneuse de l'Iran oriental avec Balkh, Ghazna, le Séistan. Sauf cette annexe, c'était la région que nous appelons encore Turkestan, le pays des Ouïgours, les Turks disciplinés (par opposition aux Kirghiz-Kazaks, vagabonds de la bande). Djagataï, qui était un administrateur énergique et habile, a exercé sur ces contrées une telle influence que longtemps elles ont conservé son nom et qu'aujourd'hui le dialecte turc qui s'y parle est appelé djagataï. Dates clés : 1224 - Batou fonde la Horde d'or. | ||
Le Khanat du Kiptchak Les khans de la Horde d'or ou khans du Kiptchak sont la dynastie mongole qui a régné pendant plusieurs siècles dans l'Est et le Sud de la Russie et dont le fondateur était Djoudji ou Tchoutchi, un des fils de Gengis khan. Djoudji (Djötchi), après la bataille de la Kalka en mai 1223, reçut de son père tout le pays au Nord de la mer Noire et de la mer Caspienne. Après sa mort, ce vaste territoire fut divisé entre ses cinq fils : Orda, l'aîné, prit le titre de chef de la Horde blanche (ak orda) dans le Kiptchak oriental où ses descendants régnèrent de 1226 à 1428, et aussi dans le Kiptchak occidental, après la branche de Batou, de 1378 à 1502. Ce sont eux que l'on appela plus tard khans d'Astrakhan (1466-1554).La Horde d'Or. Batou (Batu, le Baty des chroniqueurs russes), le vrai successeur de Djoudji, reçut en partage tout le Kiptchak occidental qui s'appelait la Horde bleue (Keuk orda), mais en réalité il était le chef suprême de toutes les tribus mongoles du patrimoine de Djoudji. C'est lui qui, entre 1224 et 1238, abbattit toute la fureur de l'ouragan mongol sur les peuples slaves, inaugurant ce qui allait être pendant près de deux siècles une terrible lutte dans laquelle allait périr la plus grande partie de la noblesse de Russie et de Pologne. Lorsque, ayant donc étendu son territoire à l'Ouest, il eut conquis la presque totalité de la Russie (prise de Moscou, pillage de Kiev), il fixa sa résidence (orda) à Seraï dans le delta de la Volga. C'est alors qu'il prit le titre de «-khan de la Horde d'or », expression mongole (sir orda) qui désignait primitivement la résidence du grand khan mongol de l'Asie. Mais nous ne nous occupons ici que de la Horde d'or du Kiptchak; c'est la seule du reste que connaissent les historiens orientaux, les voyageurs Plan Carpin, Rubruquis, etc., et les chroniqueurs russes. Les princes russes dès cette époque ne sont plus que des vassaux du grand khan soumis à l'investiture (iarlik, décret), ne pouvant ni battre monnaie ni faire la guerre sans l'autorisation du vainqueur; en outre, chaque habitant est tenu au kharadj (capitation) et au service militaire. Béréké (Berké, 1256-65), frère et successeur de Batou continuera la même politique. Le pape Alexandre IV prêche vainement une croisade contre lui; il y répond par une invasion en Pologne et s'avance jusqu'à Oppeln en Silésie, ramenant des troupeaux d'esclaves chrétiens. C'est un grand prince, en rapports suivis avec l'empire grec de Constantinople et avec l'Égypte qui lui envoient des ouvriers d'art pour construire et orner son palais; il en demande d'autres à l'Égypte. Mais sa conversion à l'islam prépara la désagrégation de l'empire national des Mongols; lui-même inaugure les conflits avec les Houlagides. En 26 années (1352-78) se succèdent 18 khans. Les princes des tribus de Sheiban, d'Orda et de Touka-Timour s'emparent du trône et règnent concurremment de 1359 à 1379 : c'est ce que les historiens appellent « la période des familles rivales ». Les plus illustres étaient les khans de la Horde blanche, issus d'un frère de Batou, campés dans les steppes orientaux, par delà le Volga; puis les descendants de Touka-Timour qui se perpétueront en Crimée. Ourous, khan de la Horde blanche, dont la capitale était Sighnak, revendique l'héritage de Berdibeg; il lui est disputé par Touli Khoja, khan de Crimée, qu'il fait périr. Le fils de ce dernier, Toktamich, se réfugie près du fameux Timour (Tamerlan), obtient son aide (1375). Ourous meurt, suivi aussitôt de son fils aîné; le cadet, Timour-Malik, est défait au Karatal, en Turkestan (1376), Toktamich le fait tuer. Le principal chef mongol de Seraï, Mamaï, vient de perdre contre les Russes du prince Dmitri Donskoï la bataille de Koulikovo (1380). Toktamich fait périr Mamaï et se porte à la rencontre des Russes autour de Moscou; la cité est pillée et brûlée (août 1382), de même que Vladimir et Kolomna; et la Russie tout entière est ravagée comme aux premiers temps de la fureur mongole, d'abord par Toktamich, puis par Tamerlan qui venait de franchir le Caucase. Mais le khan se brouille avec Timour, auquel il réclame Kharezm. Il engage ainsi une lutte à mort qui entraîna la ruine de l'empire du Kiptchak et par contre-coup prépara l'affranchissement des Russes. L'exaspération des haines s'explique aussi par la question religieuse. Timour est le champion de l'islam orthodoxe, n'admettant d'autre loi que celle de Dieu, la chariah ; les Kiptchak, qui ont laissé à leurs sujets d'origines si variées leur statut personnel, gardent le leur, le vieux droit turc. C'est la lutte du nationalisme contre l'Église. Toktamich prit l'offensive, pilla Tabriz (1387); Timour rasa Ourghendj, défit les Kiptchak sur l'Amou-daria, puis prépara une grande expédition pour les forcer chez eux par-delà le désert. Il le franchit malgré la sécheresse, la faim, le froid et débouche le 18 juin 1391 à Kandourkha, sur le fleuve Oural, où se livra la bataille décisive. Elle dura, dit-on, trois jours et se termina par le désastre total des Kiptchak. Timour les poursuivit, détruisit leurs grandes cités de Seraï, Seraïchouk, Astrakhan. Toktamich reparaît en 1395 sur le Caucase, et Timour l'écrase sur le Térek, après une héroïque résistance; il poursuit les fugitifs jusqu'à la moyenne Volga et revient détruire le grand entrepôt d'Azak, raser Seraï et Astrakhan. Cette fois le Kiptchak est bien ruiné; sa puissance à jamais brisée. Toktamich va mourir en Sibérie, à Tioumen; un protégé de Timour s'installe à Séraï : Timour Koutlough, de la famille d'Ourous, assisté d'une sorte de maire du palais, Edegou Iédigei, qui est le vrai maître jusqu'à sa mort (1431). La Horde d'or va en se désorganisant et en 1462, au moment de l'accession d'Ivan III le Grand, les nomades de l'Est de la Volga se détachent; Oulou Machmet crée un khanat autonome à Kazan en s'appuyant sur les Tchouvaches et les Tchérémisses. Les Tatars de Crimée en font autant sous les descendants de Toktamich, demeurés les irréconciliables ennemis des descendants d'Ourous qui règnent à Séraï; ils s'allient aux Russes contre les khans de la Horde d'or qui n'ont plus qu'un titre sans pouvoir. C'est par la coopération de Mengli Gheraï, khan de Crimée, et du grand-duc de Moscou que fut détruite la Horde d'or. Le dernier khan Ahmed, qui avait marché sur Moscou, vit son armée décimée par le froid dans la retraite. En son absence, les Nogaïs et le khan de la horde de Chéiban (qui nomadisait entre Perm et Tioumen) avaient détruit Seraï; ils surprirent le khan à son retour et le tuèrent à l'embouchure du Don (6 janvier 1481). Ses fils tentèrent vainement de restaurer le khanat; Mengli Gheraï les refoula au Sud du Don vers le Caucase et acheva leur ruine en 1502. Seïd Ahmed II le dernier khan est envoyé en à Kovno, en Lituanie où il meurt cette même année. Le khanat de Kazan, soumis une première fois par Ivan en 1486, est définitivement réuni à la Russie en 1552. Le dernier khan, Seid Achmet. Ainsi finit la Horde d'or. Les khanats démembrés du Kiptchak et gouvernés par des descendants des conquérants mongols furent successivement annexés à la Russie. Le khanat d'Astrakhan prolonge un peu son existence jusqu'en 1554, deux ans plus tard que ceux de Kazan et Kazimov. Le khanat de Crimée est celle des principautés d'origine mongole qui se maintint le plus longtemps. Affranchis au XVe siècle de la Horde d'or, les Tatars s'allient aux Russes contre elle et tombent sous le protectorat des Turks Osmanlis, lorsque ceux-ci occupent les villes de Crimée où s'étaient établis les commerçants génois (1475). Le khan Mengli Gheraï restauré par les Osmanlis devient leur vassal et s'allie aux Russes qui dérivent les razzias de ces infatigables maraudeurs contre les Lituaniens et les Polonais. Mohammed Gheraï impose encore un tribut perpétuel au grand-duc Vasili en 1521. A partir du XIVe siècle; les Tatars sont combattus et, à partir du XVIes., tenus en respect par les Cosaques, les aventuriers slaves de la steppe, qui leur disputent le terrain. Ils partagent les destinées de l'empire ottoman; la perte et la restitution d'Azov (1696-1710), l'expédition de 1735 où les Russes forcent les lignes de Pérékop et dévastent la capitale de Bagchi-Seraï, sont les prodromes de l'annexion définitive, consommée en 1783, lors de l'occupation de la Crimée par les troupes de Catherine II. A la même date fut incorporée à l'empire des tsars la horde des Nogaïs, débris des gens du Kiptchak refoulés au Sud entre la Caspienne et la mer Noire. Voici la liste des khans de la Horde d'or : Famille de Batou (Horde bleue). Batou (Batu), 1224; Sertak (Sartaq), 1256; Ulaqtchi, 1256; Bereke (Berké), 1256; Mangou-Timour (Mengü Temür), 1266; Tuda Mengü, 1280; Tula Buqa, 1287; Toktou (Toqtaï), 1290; Uzbeg (Özbeg), 1312; Tinibeg, 1341; Djanibeg, 1342; Berdibeg, 1357; Koulna (Kulna), 1359; Nourousbeg ( Nuruzbeg), 1359-1361.Villes principales mentionnées sur les monnaies de la Horde d'or :
Des quatre parts de l'empire mongol, celle-ci était celle du milieu, passage obligé pour aller de l'une à l'autre, passage des marchands et des soldats; c'étaient les peuples qui s'étaient le plus aisément soumis, suivant volontiers l' « irrésistible empereur » à la conquête de la Chine, de la Perse ou de la Russie; mais aussi les résistances y avaient été moins brisées qu'ailleurs, les seigneurs turcs avaient gardé avec leurs domaines leurs habitudes d'indiscipline; quand cessera la conquête, c'est là que continueront d'affluer les reîtres, sauf à se battre entre eux pour ces riches vallées et ces belles cités. L'ancien clergé musulman de la Transoxiane, si piétiste, travaille à recouvrer la domination que lui ont ravie les païens mongols; il s'efforce de les convertir, lutte contre les chrétiens nestoriens (Nestorius) du Turkestan oriental et contre les bouddhistes qui ont mis la main sur les Mongols de Chine. Aussi de tous les souverains mongols, ceux qui le plus vite furent débordés par leurs vassaux et annihilés furent ceux du Turkestan. La difficulté de la tâche apparut bien quand Djagataï fut mort (1241). Durant la période d'anarchie qui ne prit fin que par l'élection de Mangou, les fils de Djagataï se mêlent aux intrigues, guerroient au Sud de leur domaine, mais sans achever à leur profit la conquête de la Perse que l'empereur attribue à son frère Houlagou. Un mécontentement persiste, et lorsque Barak, le plus capable des petits-fils de Djagataï, reçoit de Koubilaï l'investiture des domaines de son grand-père, il émet la prétention d'y comprendre tout ou partie de ceux du fils d'Houlagou, Abaga. Il passe l'Oxus (1269), envahit le Khoraçan mais est battu (1270). Il meurt peu après et ses États sont livrés à l'anarchie; le khan de Perse pénètre à son tour en Transoxiane et détruit la grande ville de Boukhara (1273). Les khans vivent en général dans le pays ouïgour, d'Almalik ou de Kashgar, abandonnant la Transoxiane aux querelles des seigneurs. Leur autorité est intermittente; en cent années, on compte 25 souverains. Les vrais maîtres du pays ce sont les chefs des grands clans mongols d'Arlad, d'Aïberdi, de Djelaïr et de Barlass, qui imposent aux Djagataïdes des vizirs, lesquels gouvernent sous leur nom; les ordres religieux peuvent seuls balancer l'influence de cette noblesse. Le type de ces grands vizirs est Kazgan qui fit et défit cinq khans; après lui, Timour reprit ce rôle. Dans l'intervalle, un sultan plus énergique, Touklouk-Timour (mort en 1363), restaure pour quelques années sa souveraineté. Après sa mort, son fils Elie succombe contre Timour, un de ces feudataires batailleurs de la Transoxiane, nominalement Mongol du clan de Barlass, en réalité un Turk. Celui-ci est le véritable destructeur de l'ancien empire mongol, comme de la civilisation musulmane de l'Asie occidentale. Protégé des moines et du clergé musulman, il abolit le vieux droit national, le remplaçant par le droit religieux de la chariah (droit coranique). Fanatisés à son image, les Turks de Transoxiane vont devenir les pires ennemis des Mongols bouddhistes ou païens de l'Est. Ils ont laissé expulser sans bouger la dynastie mongole de Chine; Timour détruit à jamais la puissance de la Horde d'or, déblayant la route aux Slaves de Russie. La Kashgarie, jadis si florissante, ne se relèvera plus de ses ravages. Il coupe définitivement les communications entre les Turks orientaux et les Mongols d'une part, et d'autre part leurs frères occidentaux engagés dans les affaires d'Europe et des pays méditerranéens. (E. Blochet / E. Drouin). |
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