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Les
Touareg
Les Touareg constituent
la population emblématique du Sahara central. Le nom sous lesquels
ils sont connus est celui que les Arabes nomades ont donné à
ces les Berbères voilés du Sahara. Eux se désignent
sous le terme d'Imoucharh (au singulier, Amacherh).
Les Touareg (nous
continuerons à leur donner ce nom) sont une branche de la nation
berbère des Zanag ou Sanhadja, jadis répandue dans
tout le Maghreb. Plusieurs tribus nomades de cette nation, chassées
des fertiles provinces du Tell au temps de la domination carthaginoise
ou à l'époque de la conquête romaine, émigrèrent,
avec leurs troupeaux, dans le Sahara septentrional; mais, incommodés
dans leurs courses tant par l'éblouissante lumière des hamadas
que par le souffle embrasé des vents du sud, les émigrants
imaginèrent de rabattre, sur leurs yeux, en forme de visière,
un pli de leur turban, et de se couvrir d'un voile la partie inférieure
du visage. Cet usage entra bien vite dans les moeurs et, comme l'a dit
justement Hanoteau, il s'y rattache encore au. jourd'hui une idée
de dignité qui le fera longtemps respecter.
Lorsque Okba ben
Nafi pénétra dans le Maghreb-el-Aksa (VIIe
siècle), il se trouva en contact
avec des voilés établis dans le Sous; ceux-ci embrassèrent
l'islam; puis, poussés à leur tour par le prosélytisme,
ils conquirent le Sahara et une partie du Soudan (836
ap. J.-C;, 222 de l'Hégire) et
imposèrent la religion nouvelle, ou tout on moins ses formules de
profession de foi, aux peuples de ces contrées.
Ce fut d'une tribu
de voilés sahariens, les Lemtouna, que sortirent, vers le milieu
du XIe
siècle, ces fameux Marabouthinn
(Almoravides) que le plus ardent fanatisme
transforma en héros, et qui englobèrent le Maghreb et l'Espagne
dans leur immense empire. On sait qu'épuisés par les conquêtes
et corrompus, du reste, par l'exercice du pouvoir, les Almoravides furent
renversés, vers le milieu du XIIe
siècle, par les Mouahhedoun
(unitaires), autres sectaires berbères que les Espagnols nous ont
fait connaltre sous le nom d'Almohades.
Cependant, le plus
grand nombre des Sanhadja voilés étaient restés au
désert. Le lien qui les rattachait à l'empire musulman une
fois rompu (ils avaient été déclarés hérétiques
par les Almohades), ils se trouvèrent eux-mêmes divisés
en différents groupes de tribus, sortes de confédérations
dont les rivalités facilitèrent l'établissement des
Arabes nomades dans les meilleurs sites du Sahara septentrional.
Les Touareg devinrent
les maîtres de la partie du Sahara comprise de l'Est à l'Ouest
entre entre le Fezzan, le pays des Tebbous (Tibous) et l'océan Atlantique,
et du Nord au Sud entre le Soudan et le région de pâturages
occupée au Nord par les Arabes nomades, c'est-à-dire jusqu'à
une ligne courbe partant de Ghadamès, passant par le Touât
et allant aboutir vers le cap Youbi.
Dans cet immense
espace, ils ont formé quatre confédérations principales
: les Oulad Delim ou Fils de la Nuit, dont le nom berbère nous est
inconnu, à I'Ouest; les loulemedenn, au Sud-Ouest, entre le Hoggar
et le Niger; les Ahhaggarenn, qui occupent les parties centrale et occidentale
du Hoggar et rayonnent jusqu'au Touât et au Sahara algérien;
les Azgher, qui habitent le Hoggar oriental et poussent leurs, courses
jus qu'à Ghadamès, au Fezzan et au pays de l'Aïr. Les
Kel Aïr, que certains classent au nombre de Touareg, sont des Noirs
sahariens.
Échanges
Nord-Sud
Avec la période
d'expansion de l'Islam
commence un « processus » nouveau : les Arabes envahissent,
d'abord infinitésimalement le Sahara, puis en plus grand nombre;
ils entrent en lutte d'influence avec les Berbères, et c'est longtemps
un flux et un reflux continuels; enfin, dans ce combat toujours renouvelé,
la victoire demeure indécise : le triomphe reste aux Berbères,
qui sont bien toujours la population la plus solidement implantée
au Sahara, mais le triomphe social est aux Arabes, dont Ia langue, la religion,
les idées et institutions l'emportent décidément.
L'occupation arabe
du Sahara offre sans doute des caractères divers. Cependant, ses
traits essentiels ne se trouvent pas altérés par la forme
locale quelle a pu revêtir. Au début, elle s'est effectuée
par une infiltration lente. Les Arabes, jusqu'au Ve
siècle de l'hégire, ont
été surtout des missionnaires de l'Islam .
A peine ont-ils formé de petites colonies dans quelques centres.
Interrompu par le soulèvement des Berbères du Maghreb et
les conquêtes des Almoravides ,
le mouvement commencé a repris avec une intensité nouvelle,
et sous forme d'invasion, par l'exode des tribus hymiarites d'Égypte
au XIe
siècle. Lancées par les
califes fatimides
contre leurs sujets révoltés de l'Afrique du Nord, elles
s'y dispersèrent. Celles qui occupent aujourd'hui le Sahara y étaient
arrivées pour la plupart dès le XIIIe
siècle. Elles eurent à soutenir
des luttes souvent acharnées pour s'imposer à la fin aux
autochtones. En se mélangeant aux populations berbères, dont
quelques-unes à peine conservèrent leur indépendance,
elles ont formé une population nouvelle essentiellement métisse,
mais dans laquelle le premier rang appartiendra, sous le rapport politique,
aux fractions dont la descendance arabe s'est maintenue la plus intacte.
A côté des tribus ainsi constituées, et où les
familles dites Hassan, de sang pur, dominent les fractions plus
mélangées, vivront, sur un pied d'égalité,
quelques groupes berbères, descendants directs des anciennes branches
souveraines des Sanhadja sahariens ou des premiers Morabethyn (=
Almoravides ).
Les autres rameaux de la population primitive, restés rétifs
à tout métissage, formera une caste vassale de la première,
les Hassan.
En outre, contemporaine
de l'invasion arabe, il s'est produit, du XIe
au XIIIe
siècle, une immigration de Berbères
fixés d'abord sur la limite septentrionale du Sahara. Quelques fractions
maraboutiques ont gardé leur autonomie pendant que les autres se
métissaient ou subissaient à leur tour la suprématie
des maîtres du pays. Tels sont les éléments constitutifs
de la population actuelle du Sahara. Mais, indépendamment de quelques
migrations temporaires ou plus récentes qui, aux XVIIe
et XVIIIe
siècles, ont légèrement
accru l'importance numérique de l'élément arabe, il
y a lieu de faire la part d'un courant de relations très suivies,
établies pendant la même période entre l'empire du
Maroc
et la vallée du Niger septentrional. La conquête de Rouma,
faite au nom et pour le compte des sultans de Fès,
n'a pas eu d'influence durable sur les destinées politiques de la
région. Mais si momentanée qu'ait été l'occupation
marocaine, elle n'en a pas moins suffi pour déterminer des rapports
suivis entre le Maroc et la zone frontière du Soudan occidental
: ces rapports, qu'ont resserrés encore les alliances contractées
par les soldats de Djedar et leurs descendants, se sont maintenus jusqu'à
l'époque coloniale. Ils ont été assez importants pour
donner droit de cité aux Chorfa de Fès, dans tout le moyen
Niger.
Pendant que le Sahara
devenait un champ clos entre les populations d'origine arabe et celles
d'origine berbère, et que les unes et les autres agissaient dans
le Soudan septentrional, tant comme guerriers que missionnaires de l'Islam ,
et y répandaient peu à peu le domaine de la religion musulmane
et celui de la langue arabe, les Soudaniens envahissaient, eux aussi, de
temps en temps, le Sahara. De grands empires subsahariens ont ainsi dominé
certaines parties du désert : l'empire de Ghana ,
fondé par Soninké ou Asouanek, domina de vastes régions
du Soudan occidental. Plus tard, les Mandé (Mandingues, Malinkés ),
étendirent, au XIIIe
siècle, leur pouvoir sur le désert,
de Tombouctou (Mali) jusqu'au Touat (en
Algérie). Après quoi, les Songhaï ,
ayant leur capitale à Gao ,
riveraine du Niger, annexèrent aussi de grands morceaux du Sahara,
jusqu'à toucher le Maroc
et l'Algérie .
Ces invasions, ajoutées à la traite des esclaves fixa dans
les oasis sahariennes de plus en plus de populations d'origine subsaharienne
jusqu'à la fin du XIXe
siècle, pratiquement.
La
colonisation
Les rivalités
nationales entre les grandes puissances européennes à partir
des deux dernières décennies du XIXe
siècle ont trouvé dans l'Afrique
un champ de bataille privilégié. La politique d'expansion
menée ainsi par la France au Sahara à cette époque
est d'ordre stratégique : elle s'explique davantage par le souci
de damer le pion aux autres puissances en occupant le terrain que par l'idée,
par exemple, qu'il y aurait eu là des ressources à exploiter.
Il s'agissait donc d'établir une continuité de territoire
entre l'Algérie
(au Nord de Ghardaïa), où la France était présente
depuis 1830,
et les possessions françaises en Afrique Subsahariennes, au Sénégal
et dans le Golfe de Guinée. En 1890,
une convention avec l'Angleterre reconnut aux Français la possession
du Sahara entre l'Algérie-Tunisie d'une part, le Niger et le lac
Tchad, d'autre part; dès lors, et avec plus d'esprit de suite qu'auparavant,
la France s'occupa d'entrer réellement en possession des territoires
venus dans sa sphère de domination en Sahara et en Soudan. Ses tentatives,
presque toutes couronnées de succès, eurent pour lieux de
départ, au Nord l'Algérie, au Sud-Ouest le Sénégal,
au Sud le Congo. Ce grand espace prendra, à partir de 1904,
le nom d'Afrique occidentale française (A.O.F).
Le Nord.
Les expéditions
visant plus spécialement le Sahara s'organisèrent naturellement
en Algérie .
Tout d'abord, les Français avancèrent vers le Sud la ligne
des postes du Sahara d'Algérie, qui, de l'Est à l'Ouest,
étaient : El-Oued, dans le Souf; Biskra, dans les Ziban; Touggourt,
dans l'Oued-Rir; Ghardaïa, dans le pays des Béni-Mzab;
Ouargla, dans la dépression où s'unissent les bas-fonds de
l'oued Mia et de la chebka du Mzab, Laghouat, en arrière de Ghardaïa;
El-Goléa, en avant d'Ouargla, sur le chemin du Touat; Géryville
et Aïn-Sefra, au versant méridional de l'Atlas du Sud Oranais.
El-Goléa, que les Français n'avaient jamais occupé
à demeure, devint un poste réel, avec profusion d'eau, même
avec un lac, depuis le forage de puits artésiens donnant ensemble
107 à 108 litres par seconde (1891).
Le poste de Hassi-Inifel, à 400 kilomètres en droite ligne
au Sud-Sud-Est. d'El-Goléa, fut installé dans le val de l'oued
Mia, comme une précaution contre les Touatiens
du Tidikelt ,
avant de devenir une menace (1892).
De même, et la même année, comme garantie et menace
contre les Touatiens du Gourara, installation du poste de Mac-Mahon, à
180 kilomètres au Sud-Est d'El-Goléa. En 1893,
création du fort de Hassi-Mey, près de Berresof, en Sahara
de Tunisie ;
en 1894, fondation du fort Miribel, à 140 kilomètres un peu
à l'Ouest d'El-Goléa, à l'Est-Sud-Est du fort Mac-Mahon,
route du Touat; en 1894également,
le fort Lallemand s'élève dans le sillon de l'lgharghar ,
au Sud de Touggourt, au Sud-Ouest d'Ouargla. Mais, semble-t-il, c'était
une démonstration, par une sorte d'ostentation, plutôt qu'une
préparation réelle, puisque aucun départ de troupes
pour l'archipel touatien ne suivit l'établissement de ces forts
sahariens; or, à mesure que la France avait l'air de renoncer à
ces précieuses oasis, l'empereur du Maroc
les revendiquait plus que jamais.
Les Touareg
étaient entrés en relations avec la France après la
conquête de l'Algérie. Henri Duveyrier
vécut parmi les Azdjer en 1861,
et le 26 novembre 1862
fut signé un traité de commerce à Ghadamès
entre le commandant Mircher et deux cheikhs des Azdjer; mais ce traité
demeura lettre morte, quoique les Azdjer aient été moins
ouvertement hostiles à la France que les Hoggar. L'assassinat des
explorateurs Dournaux-Duperré et Joubert en 1874,
de la grande mission Flatters en 1880,
des Pères Richard et Kermabon en 1881, de Morès
en 1896,
servira de prétexte à l'usage de la force contre eux.
-
Une tribu
en voyage dans le Sahara
Ain-Mahdy, vendredi,
juillet 1853
« Les cavaliers
étaient armés en guerre et costumés, parés,
équipés comme pour un carrousel; tous avec leurs longs fusils
à capucines d'argent, ou pendus par la bretelle en tra-
vers des épaules,
ou posés horizontalement sur la selle, ou tenue de la main droite,
la crosse appuyée sur le genou. Quelques-uns portaient le chapeau
de paille conique empanaché de plumes noires : d'autres avaient
leur burnous rabattu jusqu'aux yeux, le haïk relevé jusqu'au
nez; et ceux dont on ne voyait pas la barbe ressemblaient ainsi à
des femmes maigres et basanées; d'autres, plus étrangement
coiffés de hauts kolbaks sans bord en toison d'autruche mâle,
nus jusqu'à la ceinture, avec le haïk roulé en écharpe,
le ceinturon garni de pistolets et de couteaux, et le vaste pantalon de
forme turque en drap rouge, orange, vert ou bleu, soutaché d'or
ou d'argent, paradaient superbement sur de grands chevaux habillés
de soie comme on les voyait au moyen âge, et dont les longs chelils,
ou caparaçons rayés et tout garnis de grelots de cuivre,
bruissaient au mouvement de leur croupe et de leur queue flottante. Il
y avait là de fort beaux chevaux; mais ce qui me frappa plus que
leur beauté, ce fut la franchise inattendue de tant de couleurs
étranges. Je retrouvais ces nuances bizarres si bien observées
par les Arabes, si hardiment exprimées par les comparaisons de leurs
poètes. - Je reconnus ces chevaux noirs à reflets bleus,
qu'ils comparent au pigeon dans l'ombre; ces chevaux couleur de roseau,
ces chevaux écarlates comme le premier sang d'une blessure. D'autres,
d'un gris foncé, sous le lustre de la couleur. devenaient exactement
violets; d'autres encore, d'un gris très clair, et dont la peau
se laissait voir à travers leur poil humide et rasé, se veinaient
de tons humains et auraient pu audacieusement s'appeler des chevaux roses.
Au rentre de ce brillant
état-major, à quelques pas en avant de l'étendard,
chevauchaient l'un près de l'autre et dans la tenue la plus simple,
un vieillard à barbe grisonnante, un tout jeune homme sans barbe.
Le vieillard était vêtu de grosse laine et n'avait rien qui
le distinguât que la modestie même et l'irréprochable
propreté de ses vêtements, sa grande taille, l'épaisseur
de sa tournure, l'ampleur extraordinaire de ses burnous, surtout le volume
de sa tête coiffée de trois ou quatre capuchons superposés.
Enfoui plutôt qu'assis dans la vaste selle en velours cramoisi brodé
d'or, ses larges pieds chaussés de babouches, enfoncés dans
des étriers damasquinés d'or, et les deux mains posées
sur le pommeau étincelant de la selle, il menait à petits
pas une jument grise à queue sombre, avec les naseaux ardents et
un bel oeil doux encadré de poils noirs. Un cavalier nègre,
en livrée verte; conduisait en main son cheval de bataille, superbe
animal à la robe de satin blanc, vêtu de brocart et tout harnaché
d'or, qui dansait au son de la musique et faisait résonner fièrement
les grelots de son chélil, les amulettes de son poitrail et l'orfèvrerie
splendide de sa bride. Un autre écuyer portait son sabre et son
fusil de luxe.
Le jeune homme était
habillé de blanc et montait un cheval tout noir, énorme d'encolure,
à queue traînante, la tête à moitié cachée
dans sa crinière. Il était fluet, assez blanc, très
pâle, et c'était étrange de voir une si robuste bête
entre les mains d'un adolescent si délicat. Il avait l'air efféminé,
rusé, impérieux et insolent. Il clignotait en nous regardant
de loin. Il ne portait aucun insigne, pas la moindre broderie sur ses vêtements;
et de toute sa personne, soigneusement enveloppée dans un burnous
blanc de fine laine, on ne voyait que l'extrémité de ses
bottes sans éperons et la main qui tenait la bride, une petite main
maigre ornée d'un gros diamant Il arrivait renversé sur le
dossier de sa selle en velours violet brodé d'argent, escorté
de deux lévriers magnifiques, aux jarrets marqués de feu,
qui bondissaient gaiement entre les jambes de son cheval.
Aussitôt qu'il
aperçut ce vieux grand seigneur et son fils, le petit Ali fit un
mouvement pour se jeter à terre et courir se prosterner devant eux;
mais le lieutenant lui posa la main sur l'épaule; l'enfant étonné
comprit et ne bougea pas. Pendant ce temps je regardai ce jeune cavalier
à mine impériale, au milieu de son cortège barbare,
avec des guerriers pour valets et des vieillards à barbe grise pour
pages je considérai assez tristement la tenue du lieutenant : j'imaginai
ce que devait être la mienne pour un oeil difficile en fait d'élégance,
et je ne pus m'empêcher de dire au lieutenant : - Comment trouvez-vous
que nous représentons la France?
Le vieillard passa
et nous salua froidement de la main; nous y répondîmes avec
autant de supériorité que nous le primes. Quant au jeune
homme, arrivé à deux pas de nous, il fit cabrer sa bête;
l'animal, enlevé des quatre pieds par ce saut prodigieux où
excellent les cavaliers arabes , nous frôla presque de sa crinière
et alla retomber deux pas plus loin; le petit prince s'était habilement
dispensé du salut, et son escorte acheva de défiler sans
même jeter les yeux sur nous. »
(E.
Fromentin, Un été au Sahara, III. Tadjemont-aïn-Madhy).
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Le Sud.
Mais la France faisait
des progrès immenses dans la région soudanienne voisine du
Sahara méridional et dans ce Sahara lui-même. Elle avait lentement,
mais très sûrement, imposé sa domination aux Maures
de la rive droite du Sénégal, indomptables jusque-là,
et, fait bien autrement symbolique dans l'histoire de l'Afrique, pris Tombouctou,
le 10 janvier 1895
: Tombouctou, à l'époque l'une des places fortes des Touaregs
et la plus grande porte du désert; en vain les Touaregs massacrèrent-ils
avec son état-major le colonel Bonnier, qui venait de conquérir
la célèbre ville commune au Sahara et au Soudan, elle resta
française, et de là se soumirent peu à peu les Maures
et Touaregs du moyen Niger. En 1896,
le commandant Hourst descendit le Niger jusqu'à son embouchure,
et en route il obtint des Aouellimiden la reconnaissance du protectorat
de la France.
De son côté,
Foureau convertit le gouvernement à
ses idées de pénétration « en force-»,
et il se mit en route en 1898
avec une escorte de 310 hommes et deux canons aux ordres du commandant
Lamy. Les Touareg se montrèrent sur son passage, mais ne le brusquèrent
pas d'abord; il franchit le Ahaggâr, se reposa dans l'Aïr où
il repoussa de haute lutte une attaque en force des Touaregs, et finit
par arriver dans le Damerghou, à Zinder, où il se rencontra
avec la mission Joalland-Meynier, venue du Niger, et continua sa marche
vers le lac Tchad et le Chari; là il a revu le drapeau français,
hissé sur ce fleuve par des expéditions venues du Congo,
là aussi, son compagnon, le commandant Lamy, fut tué dans
une lutte contre le sultan Rabah ( L'histoire
du Bornou ).
Ainsi se réalisa la jonction des trois grands tronçons de
l'empire français d'Afrique (Madagascar à part) : Algérie-Tunisie
et Sahara, Sénégal et Niger, Congo-Oubangui et Tchad.
Pendant que la mission
Foureau-Lamy traversait ainsi le Sahara, une
convention nouvelle avec l'Angleterre complétait celle du 5 août
1890.
Elle est à la date du 20 mars 1899.
Elle délimitait la frontière saharienne des possessions françaises
comme suit : à l'Est, la limite orientale du désert occupé
par les Français part de la frontière tripolitaine
(Fezzan) au point de rencontre du 13°
40' longitude Est avec le tropique du Cancer; elle se dirige au Sud-Est
jusqu'au 11° 40' de longitude, puis suit ce méridien vers le
Sud jusque vers le 15° parallèle Nord, d'où, longeant
vers l'Ouest la frontière du Darfour, elle va rejoindre la limite
à déterminer (de 18° 40' à 20° 40' Est) entre
cette province «-Égyptienne
» et le Ouadaï, reconnu français. Par cet arrangement,
la France entrait en possession du Tibesti, de l'Ouanyanga, de l'Ennedi,
du Bornou ,
du Kanem, de l'Ouadaï, soit de tous les pays à l'Est, au Nord-Est,
au Nord du lac Tchad.
Enfin, et c'est
avec la prise de Tombouctou ,
l'événement le plus marquant de la main-mise sur le Sahara,
les Français sont entrés à In-Salah le 29 décembre
1899,
par le fait de la mission Flamand : mission officiellement pacifique, mais
accompagnée de 140 hommes commandés par le capitaine Pein,
Saharien éprouvé. Peu de temps après, le Touat entier
fit sa soumission.
Ajoutons qu'au moment où les puissances
européennes ont commencé à s'emparer de l'empire du
Maroc ,
l'Espagne s'est octroyée de son côté deux portions
du Sahara occidental, une petite enclave autour d'Ifni, une crique de la
côte marocaine, à 30 kilomètres au Nord-Est de l'embouchure
de l'oued Noua dans l'Atlantique, et un territoire plus vaste, nommé
Rio de Oro, plus au Sud, face aux Îles Canaries![](geo.gif) .
L'Espagne légitimait l'implantation à Ifni par les travaux
des érudits espagnols, qui ont quelquefois identifié ce point
avec le port de Santa Cruz de Mar Pequeña que mentionnent les documents
du XVIe siècle
et qui faisait un grand commerce avec les Canaries. Ce fut l'opinion de
la commission envoyée en 1878,
à bord du vaisseau Blasco de Garay, pour rechercher ce point
que l'Espagne s'était réservée par le traité
de 1860 avec le Maroc. Quelques vestiges
d'un ancien établissement espagnol ou portugais existent en effet
à Ifni; mais certains auteurs pensent que Santa Cruz se trouvait
plus au Sud. Quoi qu'il en soit, le gouvernement marocain ratifia en 1883la
cession d'Ifni à l'Espagne, qui en 1884,
manda la troupe pour s'emparer aussi de la région du Rio de Oro,
qui possédait une zone de pêche très riche le long
de sa côte.
Et après...
L'implantation coloniale au Sahara a commencé
à se déliter dès le lendemains de la Seconde
guerre mondiale. Par exemple, la Mauritanie devient un territoire d'outre-mer
dès 1946; la Libye devient indépendante
de l'Italie en 1951, et la montée
des nationalisme s'exprime un peu partout dès les années
1950. La dislocation de l'AOF deviendra
effective en 1960. Entre les mois d'août
et novembre de cette année-là, de nouveaux États indépendants
sont formés, au Sud du Sahara : Tchad, Niger, Mali, Mauritanie.
L'Algérie gagne son indépendance en juillet 1962.
Comme ailleurs en Afrique, les limites de ces pays ont été
définies à partir du tracé qui leur a été
imposé à l'époque coloniale, et n'a cessé de
poser, depuis, des difficultés. Les Touaregs se trouvent partagés
entre divers États (Algérie, Libye, Mali, Niger, Burkina
Faso) qui leur ont la plupart du temps réservé un sort difficile,
d'où la révolte touareg de 1962
dans l'Adrar des Ifoghas
au Mali, ou encore la guerre des sables de mai 1990
au Mali et au Niger, recommencée l'année suivante dans l'Aïr
(Niger). De leur côté, les Toubous du Tibesti (rattaché
au Tchad) ont été portés à des revendications
séparatistes, et mêlés aux revendications libyennes
sur la bande d'Aozou.
Enfin, après la fin de la dictature
franquiste en Espagne (1975), l'ancien
Rio de Oro ou Sahara espagnol, devenu le territoire du Sahara Occidental
à l'appétit de ses voisins. La Mauritanie en revendique d'abord
une partie, puis y renonce en 1979;
le Maroc, l'annexe de fait, d'abord par une invasion pacifique (la marche
verte) dès novembre 1975,
puis par la construction d'un mur délimitant le territoire jugé
économiquement intéressant (gisements importants de phosphates,
minerai de fer). Les Sahraoui qui demandent leur indépendance, ont
quant à eux constitué un mouvement de libération,
le Front Polisario, et proclamé la formation, en 1977,
d'un État, la République arabe sahraoui démocratique
(RASD), mais restent prisonniers des rivalités entre le Maroc
et leur principal allié, l'Algérie ,
et de l'indécision internationale. (O. Reclus / A.-M.
B. / A. Le Chatelier / E. Cat.).
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