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La forme et les dimensions de la Terre
L'histoire de la géodésie

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On dĂ©signe sous le nom de gĂ©odĂ©sie la science qui traite des questions relatives Ă  la forme de la Terre, bien que les deux racines grecques dont dĂ©rivent ce mot (gĂ© = terre; daiĂ´n = je divise) n'expriment que fort mal par leur association l'objet de cette science. GĂ©omorphie (morphè = forme) serait infiniment mieux composĂ©, et cependant ce mot n'a Ă©tĂ© employĂ© que par quelques auteurs, pour dĂ©signer une certaine partie de la gĂ©odĂ©sie. Le mot gĂ©omĂ©trie, qui se traduit aisĂ©ment mesure de la Terre, conviendrait Ă©galement beaucoup mieux, s'il n'avait Ă©tĂ© depuis si longtemps rĂ©servĂ© Ă  l'Ă©tude des propriĂ©tĂ©s gĂ©nĂ©rales des figures. Il faut toutefois reconnaĂ®tre qu'Ă  l'origine, les opĂ©rations de la gĂ©odĂ©sie avaient une portĂ©e bien moins ambitieuse qu'aujourd'hui et se bornaient effectivement Ă  l'Ă©valuation des surfaces agraires ainsi qu'Ă  leur division, circonstance qui explique l'Ă©tymologie rappelĂ©e plus haut. 

Il n'est pas Ă©vident que l'on se soit prĂ©occupĂ© de la forme et des dimensions de la Terre depuis des temps immĂ©moriaux. Pendant très longtemps, semble-t-il au contraire, la question n'avait pas Ă  ĂŞtre posĂ©e, puisque la rĂ©ponse Ă©tait Ă©vidente. La Terre Ă©tait plate puisque c'est ainsi que nous la rĂ©vèle l'expĂ©rience quotidienne; et elle devait ĂŞtre bornĂ©e Ă  l'endroit de sa jonction avec le ciel. Tout au plus pouvait-on avoir des diffĂ©rences d'apprĂ©ciation sur la forme de de cette Terre plate. Etait-elle circulaire ou carrĂ©e? Les deux points de vue se dĂ©fendent. Et chaque culture aura ses rĂ©ponses en fonction de son système de reprĂ©sentations. Ici, on dira que puisque le ciel est d'Ă©vidence circulaire, la Terre auquel il s'adosse doit l'ĂŞtre aussi. LĂ , on fera valoir l'opposition entre le ciel et la Terre, et la polaritĂ© symbolique que reprĂ©sentent ces deux lieux sera traduite par une opposition de forme : puisque le ciel est rond, la Terre doit ĂŞtre le contraire, c'est-Ă -dire carrĂ©e... Il suffit de parcourir les mythes cosmologiques de toutes les sociĂ©tĂ©s archaĂŻques pour voir Ă  l'oeuvre de tels modes de raisonnement, et la manière dont il s'articules pour constituer une cosmovision. 

On doit attendre au moins le VIe siècle avant notre ère pour que l'on commence, en Grèce, Ă  tenir vĂ©ritablement des raisonnements au sujet de la forme et des dimensions de la Terre. Pour la plupart des auteurs, elle est encore plate. Mais ce qui change c'est que l'on veut justifier ses conceptions, car dĂ©sormais il n'y a plus de vĂ©ritĂ© tombĂ©e du ciel, l'opinion de chacun peut ĂŞtre objet Ă  contradiction, Ă  dĂ©bat, et c'est de lĂ  que sortira la vĂ©ritĂ©. DĂ©mocratie et spĂ©culation philosophique naissent Ă  la mĂŞme Ă©poque et participent du mĂŞme mouvement de remise en question de la parole souveraine. A partir des Ve / IVe siècles, les raisonnements des uns et des autres convaincront ainsi que la Terre ne peut ĂŞtre plate, mais qu'elle doit ĂŞtre un sphère, isolĂ©e au centre d'un cosmos sphĂ©rique. La physique Ă©laborĂ©e par Aristote procurera tous les arguments nĂ©cessaires Ă  la consolidation de pareille conception. Pendant toute la suite de l'AntiquitĂ©, et au Moyen âge encore, c'est cette vision qui l'emportera. 

A l'époque alexandrine, on ne se contentera plus de la théorie. On voudra vérifier, mesurer. C'est à ce moment qu'Ératosthène va donner une première détermination fondées sur des mesures concrètes de la mesure du globe. Il sera suivi par Posidonius. Au Moyen âge, la situation est contrastée. Dans le monde arabo-musulman les préoccupations cosmographiques initiées dans l'Antiquité continuent de se développer. Dans le monde chrétien, la conception aristotélicienne du cosmos reste encore le meilleur recours dont on dispose. Simplement, pour la plupart des auteurs, le monde physique n'est plus matière à pensée. La question de la forme et des dimensions de la Terre devient hors-sujet. Elle ne deviendra pertinente qu'à la Renaissance, à l'époque des grands voyages trans-océaniques, et de la première circumnavigation. De plus, l'adoption progressive du système héliocentrique, la libère du fardeau cosmologique que sa position au centre du monde lui faisait porter. Devenue un astre parmi d'autres, la Terre peut alors devenir en soi un objet de science en soi. De nouveaux outils et de nouvelles méthodes sont élaborés. Il servirons à partir du XVIIe siècle.

Au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle on va se prĂ©occuper non seulement des dimensions de la Terre, mais aussi de sa forme exacte - de sa Figure, comme on dit alors -, car la physique de Newton laisse prĂ©voir que notre planète n'est pas une sphère parfaite, mais qu'elle devrait ĂŞtre lĂ©gèrement aplatie aux pĂ´les. De plus les premières mesures laissent penser qu'au contraire, elle est allongĂ©e aux pĂ´les... De quoi justifier l'envoie de grandes expĂ©ditions Ă  diverses latitudes, pour y mesurer Ă  fin de comparaison, la longueur d'une portion d'arc de mĂ©ridien. Une Ă©quipe dirigĂ©e par Bouguer et La Condamine part au PĂ©rou, une autre, conduite par Maupertuis, en Laponie. Elles ne viendront pas immĂ©diatement Ă  bout de toutes les controverses, mais peu Ă  peu les idĂ©es newtoniennes s'imposent Ă  tous. La Terre est bien aplatie aux pĂ´les. A quelques dĂ©tails près, au demeurant : les mesures de plus en plus prĂ©cises et complètes montrent que le globe n'a pas exactement la forme d'un ellipsoĂŻde de rĂ©volution. De nouvelles mesures sont donc nĂ©cessaires. Elles se poursuivront au XIXe siècle, et mĂŞme au XXe siècle. Chemin faisant, de nouvelles approches s'avèrent nĂ©cessaires. La dimension de la Terre, par exemple, est requise dans la dĂ©finition d'un nouveau système d'unitĂ©s, le système mĂ©trique. Par ailleurs, au XIXe siècle, on prend conscience du rĂ´le des variations de la pesanteur selon le lieu, et de ce que l'on appelle les "attractions locales". La gravimĂ©trie devient l'une des branches de la gĂ©odĂ©sie, rejointe au siècle suivant, pour d'autres motifs, par l'Ă©tude du gĂ©omagnĂ©tisme. 


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L'Antiquité

Les Anciens ont d'abord cru que la Terre Ă©tait plane, conformĂ©ment . Cette conception, attestĂ©e chez la plupart des PrĂ©socratiques (Anaximène, Anaximandre, ParmĂ©nide, HĂ©raclite,EmpĂ©docle, etc.) a durĂ© assez longtemps dans l'ancienne Grèce. Cependant, Pythagore et peut-ĂŞtre Thalès, Ă  qui l'on attribue d'avoir connu le mĂ©canisme des Ă©clipses, ont reconnu prĂ©cocement que la Terre Ă©tait ronde, ou plutĂ´t sphĂ©rique. Progressivement, plusieurs arguments (Argumentation) ont Ă©tĂ© avancĂ©s dans ce sens. Le plus classique, Ă  dĂ©faut d'ĂŞtre le plus probant, puisqu'il n'a qu'une portĂ©e locale, est celui qui fait noter que lorsqu'un navire apparaĂ®t en mer Ă  l'horizon, on n'aperçoit d'abord que la bout des mâts; Ă  mesure qu'il approche, on commence Ă  apercevoir ses basses voiles, et enfin le corps du bâtiment; l'inverse a lieu quand le navire s'Ă©loigne. De mĂŞme, les personnes placĂ©es sur un navire qui s'approche d'un port aperçoivent d'abord le sommet des Ă©difices, puis la partie moyenne, puis enfin le bas, etc. Plus dĂ©cisif est l'argument qui consiste Ă  remarquer que, lorsqu'on s'avance vers le Nord, on voit l'Ă©toile polaire (Petite Ourse) s'Ă©lever de plus en plus au-dessus de l'horizon, ce qui n'aurait pas lieu si la Terre Ă©tait plate. Enfin, comme on vient de le laisser entendre Ă  propos de Thalès, une explication correcte du phĂ©nomène des Ă©clipses de Lune conduit Ă  reconnaĂ®tre la forme de la Terre dans celle de l'ombre qu'elle projette sur la surface lunaire. 

A l'Ă©poque classique, c'est-Ă -dire au temps de Platon, d'Aristote, d'Eudoxe, etc, tous ces Ă©lĂ©ments, ajoutĂ©s Ă  des conceptions mĂ©taphysiques allant dans le mĂŞme sens,  ont fini par convaincre la plupart des penseurs de la rotonditĂ© de la Terre. Celle-ci devait ĂŞtre un globe sensiblement sphĂ©rique, libre de toutes parts dans l'espace. Pour Aristote, le plus "raisonneur" de tous, cette conclusion s'ancre dans une conception gĂ©nĂ©rale de la nature, autrement dit dans sa physique. Sa conception du mouvement, en particulier, le conduit en effet Ă  la thĂ©orie des lieux naturels : chaque corps concourt vers le lieu qui lui est propre; Terre, immobile, doit donc se trouver naturellement au centre du cosmos, et ses parties, Ă©galement concernĂ©es par cette logique, s'organiser de sorte qu'elle lui donnent la forme d'un globe parfait.

Si l'on excepte les Atomistes et les Épicuriens, dont la physique se veut le contre-pied de celle d'Aristote, tous les courants de pensée de l'Antiquité vont à partir de ce moment admettre l'idée de la Terre sphérique. Un pas reste encore à faire : en donner les dimensions, et ce sont les Alexandrins qui l'accompliront. A commencer par Ératosthène. Celui-ci compare la direction verticale de deux lieux distants (Syène et Alexandrie), situés à peu près sur le même méridien, à partir de la taille de l'ombre projetée par le Soleil au même moment et peut ainsi en déduire le rayon de courbure de la surface terrestre, et, partant, son périmètre. Le résultat obtenu, très proche de la réalité, est surtout l'effet de la chance. Mais la méthode et l'effort intellectuel qui y a conduit sont remarquables. Après Ératosthène, quelques autres tentatives seront encore faites. La plus sérieuse est celle de Posidonius. Il faudra ensuite attendre le renouveau de la géodésie du XVIIe siècle pour de véritables progrès soient accomplis dans ce domaine.

Le Moyen âge

Contrairement aux idées reçues, on ne s'est pas soudain mis, au Moyen âge, à croire de nouveau à une Terre plate. D'abord parce que l'on n'a pas cessé d'y croire dans l'Antiquité, même après Ptolémée, et ensuite parce que le meilleur de l'héritage de la science antique continue de fructifier dans la monde arabo-musulman, où l'on admet volontiers la sphéricité de la Terre. Une mesure du degré terrestre est même entreprise au IXe siècle par ordre du calife Almanon, dans les plaines de Sennâar en Nubie. La situation est sans doute bien différente chez les chrétiens. Sans doute aussi, dans les premiers siècles de cette période, quelques théologiens y adoptent-ils à la lettre la cosmologie biblique, avec sa Terre en forme de disque et son ciel étendu au-dessus d'elle comme une tente. C'est le cas de Lactance, de Jean Chrysostome, Saint Augustin, et même de Bède, encore ces-derniers s'expriment-ils moins sur la sphéricité de la Terre que sur l'existence des antipodes. Pour eux, la question est surtout de savoir s'il peut y avoir des humains qui vivent la tête en bas, et ils rejettent cette éventualité comme une absurdité. Encore convient-il de noter ici que le rejet des antipodes n'implique pas celui de la sphéricité, et qu'il doit s'entendre en terme d'oekumène : dans une Terre sphérique, il peut ne pas y avoir de lieu habitable aux antipodes, à cause d'une chaleur trop élevée (théorie des climats), ou simplement parce qu'il ne s'y trouve pas de continent. Le seul cosmographe "de métier" à considérer que la Terre est plate est Cosmas Indicopleustès, pour qui elle est une sorte de boite rectangulaire. Mais, à cette exception, tous les auteurs qui se préoccupent un peu de la question, astronomes ou physiciens, admettent la cosmographie et la cosmologie aristotélicienne ou ptoléméenne : le Terre est sphérique et placée au centre d'un cosmos formé lui-même d'un emboîtement de sphères. Citons, pour l'Europe latine : Sacrobosco, Gautier de Metz, Vincent de Beauvais, Roger Bacon, Oresme, Buridan, etc; et parmi les chrétiens d'Orient, on peut mentionner, par exemple, Théodore Métochite, Michel Psellos, Isaac Argyros et Gémiste Pléthon. Simplement, si un malentendu s'est répandu sur la conception des Médiévaux latins ou byzantins, à propos de la figure de la Terre, c'est qu'à cette époque, on ne s'intéresse pas - et c'est le vrai changement - à la forme du monde, mais à son sens.


Carte T-O du manuscrit de Lambertus (XIIe s.).
(Bibliothèque de Gand).

Dès le début du Moyen âge, des auteurs tels que Grégoire le Grand, et surtout Isidore de Séville, ont promu une image du monde dans la quelle la géographie (comme le reste des sciences) est inféodée à la réflexion théologique. Ils remettent au goût du jour le thème grec de l'oekumène, c'est-à-dire de l'espace occupé par les humains. Car la question désormais est de définir la place de l'humanité au centre de la Création. A la suite d'Isidore vont ainsi fleurir d'étranges cartes du monde, dite carte T.-O ("T dans l'O"). à cause de leur aspect : la répartition des trois continents (Asie, Europe, Afrique) dessine la lettre T inscrite dans la lettre O, des initiales qui peuvent se lire "orbis terrarum". Au XIIe siècle, le Manuscrit de Lambertus (Lambert de saint-Omer) (ci-dessus) fournit l'exemple extrême d'une telle carte. Le monde n'y est plus que mots. Un tel monde, aussi saturé de signes, est un monde que l'on interprète; ce n'est pas un monde que l'on mesure. Il n'a a donc pas de place pour la géodésie.

La Renaissance

Il faut donc attendre la Renaissance pour que les prĂ©occupations sur la figure de la Terre s'expriment de nouveau. La transformation des modes de pensĂ©es qui s'opère alors transparaĂ®t dans de nombreux domaines. Cette Ă©poque est aussi celle des grandes dĂ©couvertes maritimes. On voyage dĂ©sormais "au-delĂ  de l'horizon", et l'on songe mĂŞme qu'en allant ainsi on pourrait accomplir le tour de la Terre. Mais avant cela, on imagine pouvoir atteindre l'Asie en naviguant vers l'Ouest. Et toute la question devient alors de savoir quelle devra ĂŞtre la longueur de pareille navigation. L'erreur de Christophe Colomb, en 1492, qui se croit dĂ©jĂ  aux portes du Japon quand il frĂ´le Ă  peine l'AmĂ©rique, montre bien tout le travail qui reste encore Ă  accomplir dans ce domaine. L'expĂ©dition dirigĂ©e par Magellan, puis del Cano accomplit entre 1519 et 1521 le premier tour du monde et donne aux dimensions de notre planète de plus exactes proportions. Mais il devient de plus en plus impĂ©ratif de connaĂ®tre les dimensions du globe, et d'apprendre Ă  y disposer les diffĂ©rents continents. 

Mercator, en 1569, publie un nouveau type de projection cartographique, spécialement destinée à faciliter son utilisation par les navigateurs. C'est que, parallèlement aux préoccupations purement géographiques on se met aussi à appréhender tout l'espace d'une façon nouvelle. La projection de Mercator défini en relation particulière entre le volume et le plat. A leur manière, les peintres de la Renaissance, qui découvrent l'art de la perspective, ne font pas autre chose. Et, entre les deux, entre les artistes et les géographes, il y aura les arpenteurs. Le métier d'arpenteur, en fait, est déjà attesté depuis le XIIIe siècle. Mais les travaux effectuées ne relèvent que du cadastre. Pour l'essentiel, on mesure des champs en vue du prélèvement de l'impôt. Au XVIe siècle, le nouvelles façons de penser suscitent de nouvelles approches et de nouvelles techniques. Il devient envisageable d'arpenter la Terre tout entière, et quand on se lancera concrètement dans l'entreprise, un siècle plus tard, c'est sous le nom d'arpenteurs que l'on connaîtra les savants lancés dans l'entreprise...

On mentionnera ici, Ă  titre de curiositĂ©, un tout premier essai rĂ©alisĂ© 1525 par Fernel, mĂ©decin de Henri II, qui compta le nombre de tours de roues exĂ©cutĂ©s par sa voiture, pendant un voyage sur la route d'Amiens, puis fit des corrections assez arbitraires pour tenir compte des dĂ©viations de la route et, par un hasard heureux, obtint 56 746 toises pour le degrĂ© de France, nombre assez voisin de la vĂ©ritĂ©. En fait, le personnage clĂ© de cette Ă©volution est Gemma Frisus. DĂ©jĂ  en 1530, il a proposĂ© une mĂ©thode pour dĂ©terminer la longitude d'un lieu Ă  partir de la diffĂ©rence des heures donnĂ©es Ă  un moment par des horloges, rĂ©glĂ©s sur  des astres. En 1533, dans la deuxième Ă©dition de son Cosmograficus liber Petri Appiani (Apianus), il donne en annexe un Libellus de locorum describendorum ratione, qui, en seize pages, fonde la gĂ©odĂ©sie moderne. Il y explique comment des rĂ©seaux de triangles permettent d'arpenter des espaces aussi vaste qu'on le dĂ©sire. En somme, il dĂ©crit les principes de la triangulation moderne. Quatre ans, plus tard,  en 1537, Gemma Frisius ajoutera encore une nouvelle pierre Ă  son Ă©difice en dĂ©crivant la construction de l'instrument dĂ©rivĂ© de l'astrolabe destinĂ© Ă  ces mesures de terrain, le goniomètre, que son neveu Gualterus Arsenius perfectionnera en y ajoutant une boussole. 

Les mĂ©thodes de triangulation proposĂ©es par Gemma Frisius (et perfectionnĂ©es en 1556 par Tartaglia) ont d'abord Ă©tĂ© mises en pratique par Jacob van Deventer, qui les utilise pour rĂ©aliser des cartes des Pays-Bas - les plus prĂ©cises qu'il y ait eu jusque lĂ . Puis, d'autres arpenteurs suivront, en Angleterre, en Allemagne, en France. Kepler lui-mĂŞme appliquera ces nouvelles approches, qui peuvent aussi bĂ©nĂ©ficier dĂ©sormais des progrès continus en matière d'instruments de mesure gĂ©odĂ©sique : le cercle hollandais de Jan Pietersz Dou et  le graphomètre de Philippe Danfrie voient successivement le jour, en attendant,  le thĂ©odolite, inventĂ© en Angleterre peut-ĂŞtre dès le XVIe siècle (et perfectionnĂ© ensuite par Ramsden au XVIIIe siècle).


Planche du De Radio astronomico
et geometrico liber (Anvers, 1545),
de Gemma Frisius.
Les XVIIe et XVIIIe siècles

Ce sont donc les méthodes de triangulation, initiées au siècle précédent par Gemma Frisius, qui vont permettre au XVIIe siècle de mesurer avec précision la longueur d'un arc de méridien terrestre. A la suite des travaux de Snellius (1617) aux Pays-Bas, reposant sur la méthode de triangulation proposée au siècle précédent par Gemma FrisiusPicard, en 1669, mesure l'arc de méridien compris entre Malvoisine (Essone) et Sourdon, près d'Amiens (Somme), et trouve pour la longueur du degré 57 060 toises. Quelques années après, en 1683, J. Dominique Cassini, et plus tard encore, en 1700, Jacques Cassini, aidé de Philippe Maraldi, son neveu, prolongent le méridien jusqu'au midi de la France; enfin, en 1718, Jacques Cassini, Dominique, Maraldi, et La Hire le fils, le prolongeront encore depuis Amiens jusqu'à la frontière du nord.

Entre-temps, des raisons théoriques ont suggéré que la forme de la Terre ne devrait pas être exactement celle d'une sphère. Huygens et Newton, partant de l'hypothèse où notre globe aurait été primitivement à l'état fluide, ont démontré en effet que la surface de la Terre devait être un ellipsoïde de révolution autour de la ligne des pôles, cette forme étant celle qu'une masse fluide doit prendre sous l'action conjuguée de l'attraction et de la force centrifuge. Le rayon qui va au pôle devant être un peu moindre que le rayon équatorial; dans ce cas le globe doit présenter un léger aplatissement aux pôles et un léger renflement à l'équateur

Encore fallait-il vérifier cet considérations théoriques. Il suffisait d'étudier la forme d'un méridien terrestre, et pour cela d'en mesurer quelques arcs à différentes latitudes. Le débat fut alors d'autant plus vif, et la nécessité de décider d'autant plus opportune, qu'en France, où l'on refusait toute science venue d'Angleterre, au début du XVIIIe siècle, plusieurs décennies après la parution des Principia de Newton, on se raccrochait toujours à l'inopérante physique de Descartes. Et cela avec d'autant plus de conviction que les mesures du méridien, (entachées de quelques erreurs qui ne furent reconnues que plus tard), semblaient établir que la longueur du degré allait plutôt en diminuant de l'équateur au pôle, au lieu d'aller en augmentant comme on s'y attendait. Certes, on disposait déjà en France de données expérimentales allant dans le sens de l'aplatissement aux pôles, indépendantes des considérations tirées de la figure d'équilibre d'une masse fluide. Richer avait observé qu'une horloge astronomique réglée à Paris retardait à Cayenne (Guyane) de 2 minutes par jour, et que le pendule simple qui bat la seconde est plus court à Cayenne qu'à Paris, ce qui semblait s'accorder avec l'hypothèse d'un renflement à l'équateur, puisque l'intensité de la pesanteur y était moindre. Cependant, un raisonnement sur les variations de pesanteur n'est pas aussi probant qu'une mesure directe.

Les gĂ©omètres et les astronomes se partagèrent donc en deux camps : les uns, les Anglais Ă  leur tĂŞte, soutenaient les idĂ©es de Newton sur l'aplatissement; les autres, surtout ceux qui en France subissaient l'influence des Cassini, concluaient Ă  un allongement. Des philosophes, Ă©trangers aux sciences, prirent parti dans la querelle. Mais, pour dĂ©cider la question, il importait d'opĂ©rer sur une Ă©tendue plus considĂ©rable que la France, parce que, sur un arc de quelques degrĂ©s, de lĂ©gères erreurs peuvent avoir assez d'influence pour masquer la vĂ©ritable marche des rĂ©sultats. L'AcadĂ©mie des sciences prit donc, en 1734, le parti de faire mesurer un arc de mĂ©ridien près de l'Ă©quateur et un autre près du pĂ´le. Une première Ă©quipe, conduite par Godin et La Condamine fut chargĂ©e d'une  mesure qui fut exĂ©cutĂ©e au PĂ©rou Une seconde Ă©quipe, menĂ©e par Maupertuis exĂ©cuta l'autre mesure en Laponie. Vers la mĂŞme Ă©poque, en 1739, Cassini de Thury et La Caille reprirent les mesures exĂ©cutĂ©es en France, et leur travail confirma les rĂ©sultats trouvĂ©s par Picard.

D'autres arcs de mĂ©ridien, mesurĂ©s par la suite, aussi bien au XVIIe qu'au dĂ©but du XVIIIe siècle, par divers observateurs, ont encore confirmĂ© l'hypothèse de l'aplatissement; tels sont : un arc de près de 10° mesurĂ© dans l'Inde par Lambton et Everest, un arc d'un degrĂ© et demi mesurĂ© en Pennsylvanie par Mason et Dixon, un arc d'un peu plus de 2° mesurĂ© en Italie par Boscovich et Le Maire, un arc de près de 4° mesurĂ© en Angleterre par Roy, un arc d'un degrĂ© et demi environ mesurĂ© en Suède par Melanderhjelm et Svanberg; il convient d'ajouter Ă  cette liste l'arc d'un peu plus d'un degrĂ© mesurĂ© dès 1750 par La Caille au cap de Bonne EspĂ©rance. Par l'ensemble de ces travaux, l'aplatissement fut mis dĂ©finitivement hors de doute. L'idĂ©e que la Terre a la forme d'un ellipsoĂŻde de rĂ©volution aplati aux pĂ´les Ă©tait dĂ©jĂ  acceptĂ©e par tous Ă  la fin du XVIIIe siècle. Mais, Ă  cette Ă©poque, d'autres dĂ©fis Ă©taient Ă  relever qui relancèrent  les triangulations Ă  grande Ă©chelle. C'est ainsi qu'Ă  l'occasion de la rĂ©forme des poids et mesures. Delambre et MĂ©chain effectuèrent, de 1792 Ă  1798, la mesure de l'arc de mĂ©ridien compris entre Dunkerque et Barcelone, mesure qui a Ă©tĂ© prolongĂ©e au siècle suivant jusqu'Ă  l'Ă®le de Formentera (BalĂ©ares) par Biot et Arago.

Le XIXe siècle

On considĂ©rait gĂ©nĂ©ralement au XIXe siècle comme dĂ©montrĂ© expĂ©rimentalement que la forme de la Terre est un ellipsoĂŻde de rĂ©volution autour de l'axe des pĂ´les; les Ă©lĂ©ments qui semblaient le mieux satisfaire aux diverses mesures gĂ©odĂ©siques sont, d'après, d'après Bessel (1841) : 6 356 080 mètres, pour le petit rayon (demi-axe des pĂ´les); 6 377 898 mètres pour le demi-diamètre de l'Ă©quateur; et donc, pour l'aplatissement, ou la diffĂ©rence des deux axes divisĂ©e par l'axe le plus grand : 1/299. Airy en 1848, trouve Ă  peu près les mĂŞmes nombres. De son cĂ´tĂ© James Clarke donnera en 1858 un rayon Ă©quatorial  de 6 378 249,2 m, un  rayon polaire de 6 356 515,0 m, soit une aplatissement de 1/293,46. Des chiffres dĂ©sormais  proches de ceux qui sont adoptĂ©s aujourd'hui. Tout n'Ă©tait pas rĂ©glĂ© pour autant. 

Par exemple, Puissant, dans un mémoire lu à l'Académie des Sciences, avait déclaré en 1836 que Delambre et Méchain avaient commis une erreur dans la mesure de la méridienne de France; c'est pourquoi l'Observatoire de Paris fut conduit à déléguer Villarceau, de 1861 à 1866, pour vérifier les opérations géodésiques en huit points de la méridienne de France, au moyen de déterminations astronomiques de longitudes, de latitudes et d'azimuts. Quelques-unes des erreurs dont étaient entachées les opérations de Delambre et Méchain furent alors corrigées; en 1870, Perrier fut chargé de reprendre la triangulation entre Dunkerque et Barcelone. Il employa pour mesurer les angles des instruments plus parfaits, construits par E. Brunner, avec des microscopes au lieu de verniers; il remplaça la méthode de répétition par celle de réitération; il détermina les différences de longitudes au moyen de l'électricité; il supprima les sources d'erreurs sur la mesure des angles en se servant de signaux qu'il faisait construire, au lieu d'employer des signaux naturels, en modifiant d'une manière heureuse l'héliotrope de Gauss, en faisant de nombreuses vérifications. De 1870 jusqu'à sa mort, il dirigea les opérations. En 1879, celles-ci étaient terminées entre Perpignan et Melun.

Ces corrections et ses affinement ne constituent cependant pas l'essentiel des soucis de l'Ă©poque. T.-F. de Schubert Ă©mit l'idĂ©e que la Terre avait la forme d'un ellipsoĂŻde Ă  trois axes inĂ©gaux. Mais on comprit vite que les donnĂ©es disponibles Ă©taient  insuffisantes pour rĂ©soudre dĂ©finitivement le problème. II Ă©tait nĂ©cessaire d'Ă©tendre le rĂ©seau des triangulations Ă  la Terre entière, alors que jusque lĂ , la plupart des mesures avaient concernĂ© l'Europe. L'effort international nĂ©cessaire fut coordonnĂ© par le biais de l'Association gĂ©odĂ©sique internationale, fondĂ©e Ă  Berlin en 1864 / 67, et au sein de laquelle se dĂ©rouleront ensuite tout les grands dĂ©bats gĂ©odĂ©sique. Il fallait aussi mesurer non seulement la longueur des arcs mĂ©ridiens aux diffĂ©rentes latitudes, mais aussi mesurer les arcs de parallèles. Tâche, devenue thĂ©oriquement possible grâce, notamment aux progrès de l'horlogerie, qui permettaient dĂ©sormais une bien meilleure connaissance des longitudes, mais que la gĂ©ographie mĂŞme de notre globe rendait en pratique bien difficile. 

Enfin, pour des raisons qui intéressaient aussi les militaires, désireux de posséder des cartes précises, il devenait opportun de déterminer les différentes irrégularités à la surface de la Terre (les variations d'altitude par rapport à l'ellipsoïde de référence, ou plutôt au géoïde, qui définit la forme moyenne de notre planète) à partir de mesures appelées des nivellements. Un programme d'autant plus compliqué, on avait remarqué qu'en certains endroits le fil à plomb était dévié de la position qu'il devrait occuper si la Terre avait été un corps homogène, et que cette déviation n'était pas toujours l'effet des masses montagneuses. Ce constat a conduit à l'idée de rechercher si les anomalies constatées n'étaient pas dues à des dépôts en ces endroits de métaux plus denses que la Terre ou à l'absence de matières dans de grandes cavités. Les préoccupations de la géodésie rejoignaient celles de la géologie. C'est ainsi d'ailleurs qu'en 1862, H. Faye signala au Bureau des Longitudes l'importance des travaux géodésiques anglais et russes dans ces domaines, et lui a proposé des conclusions tendant surtout à réunir les nivellements et les reconnaissances géologiques, afin de calculer les déviations produites par les attractions locales dans la direction de la pesanteur.

Le XXe siècle

Le raffinement auquel Ă©tait parvenue la gĂ©odĂ©sie Ă  la fin du XIXe siècle a aussi suscitĂ© de nouvelles insatisfactions. Et l'on s'est dit qu'il serait nĂ©cessaire en particulier de reprendre avec un soin accru les mesures effectuĂ©es au PĂ©rou au XVIIIe siècle. En  1899, l'Association internationale de gĂ©odĂ©sie envoie ainsi dans les Andes, une nouvelle Ă©quipe d'arpenteurs, dĂ©tachĂ©s du service gĂ©ographique de l'armĂ©e française, et dirigĂ©es par  R. Bourgeois et G. Perrier. Pendant sept ans, ils parcourront les cordillères pour aboutir au final Ă ... une dĂ©ception. C'est qu'entre-temps, aux États-Unis, J. F. Hayford a mis au point une mĂ©thode, qui ne repose plus sur la mesure d'arcs, mais d'aires, et qui permet d'obtenir de bien meilleurs rĂ©sultats. De nouveaux progrès seront accomplis grâce Ă  elle dans la dĂ©termination de la forme de la Terre. En particulier Hayford va proposer une formulation du principe d'isostasie (qui concerne l'Ă©quilibre des masses  des continents et celle de l'Ă©corce ocĂ©anique), dĂ©jĂ  proposĂ© par G. B. Airy en 1855 et indĂ©pendamment par J.-H. Pratt en 1856, Ă  titre d'hypothèse, mais qui deviendra dĂ©sormais un des fondements de la gĂ©ophysique.

Au XIXe siècle, on s'était préoccupé des jonctions géodésiques entre les principaux réseaux de triangulations existants. Dès les premières décennies du XXe siècle, le problème change d'échelle, et il ne s'agira plus seulement d'interconnections, mais plus globalement d'unification des modes de représentation géodésiques. Chaque pays développé s'est ainsi déjà constitué ou achève son propre système géodésique. Il y a celui du Japon, de l'Europe, des États-Unis, de la Russie, de l'Afrique, de l'Australie, de l'Inde, de l'Amérique du Sud, etc. Quelques unifications ont lieu très tôt. Le Canada et le Mexique décident d'adopter en 1913 le système des États-Unis, pour constituer en 1927 le système nord-américain. Mais l'essentiel du travail sera accompli au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Il aboutira vers la fin des années 1960, mais sans qu'une unification complète ne soit obtenue. Aujourd'hui cohabitent ainsi trois quatre systèmes géodésiques globaux, utilisés en fonction soit des habitudes, soit de critères techniques définis par la tâche qui les requiert.


Le patatoĂŻde terrestre
(source de l'image : Site de Michael Anzenhofer).

Au début des années 1970, la géodésie était encore fortement dépendante des techniques terrestres traditionnelles comme la triangulation, la trilatération et le nivellement. Ces méthodes, bien que précises localement, étaient lentes, coûteuses et limitées en portée, rendant difficile l'établissement de systèmes de référence globaux cohérents et précis. Les systèmes de référence eux-mêmes étaient souvent nationaux et peu interconnectés, ce qui entravait les études à grande échelle, notamment la compréhension des phénomènes globaux.

L'arrivée des satellites artificiels dans les années 1960 avait déjà ouvert de nouvelles perspectives, mais c'est dans les années 1970 que les techniques de géodésie spatiale ont commencé à se démocratiser et à montrer leur plein potentiel. Le développement du Doppler Orbitography and Radiopositioning Integrated by Satellite (DORIS) en France, et surtout du Global Positioning System (GPS) aux États-Unis, a marqué un tournant majeur. Le GPS, initialement conçu à des fins militaires, a vu ses applications civiles se développer rapidement à partir des années 1980 et surtout 1990. La disponibilité de récepteurs GPS de plus en plus précis et abordables a révolutionné la géodésie. Soudain, il est devenu possible de déterminer des positions tridimensionnelles avec une précision centimétrique, voire millimétrique, en n'importe quel point du globe, et ce, de manière relativement rapide et efficace.

Parallèlement au GPS, d'autres techniques spatiales ont continué à se perfectionner et à jouer un rôle crucial. La Very Long Baseline Interferometry (VLBI), technique utilisant des radiotélescopes pour observer des quasars lointains, a permis d'établir des repères spatiaux extrêmement précis et stables, servant de fondation au Système International de Référence Terrestre (ITRF). Le Satellite Laser Ranging (SLR), consistant à mesurer avec une grande précision le temps de trajet d'impulsions laser vers des réflecteurs sur des satellites, a contribué à la détermination précise des orbites satellitaires et à l'étude de la rotation de la Terre. Le développement de missions satellitaires dédiées à la géodésie, comme LAGEOS (Laser Geodynamics Satellite) lancé en 1976, a permis d'améliorer la précision de ces techniques et de fournir des données essentielles pour l'étude de la dynamique terrestre.

Les années 1980 et 1990 ont vu une explosion de l'utilisation du GPS et des techniques spatiales. Les campagnes de mesure géodésiques sont devenues plus globales et plus précises. La surveillance des mouvements tectoniques, la détection des déformations crustales, l'étude des variations du niveau des mers, et la cartographie à grande échelle ont bénéficié de ces avancées. L'établissement de réseaux géodésiques globaux, comme le réseau IGS (International GNSS Service), a permis de standardiser les mesures et de garantir la cohérence des résultats à l'échelle mondiale. L'amélioration de la puissance de calcul des ordinateurs a également joué un rôle essentiel, permettant de traiter les volumes massifs de données générées par les techniques spatiales et de développer des modèles géodésiques de plus en plus sophistiqués.

Le premier quart du XXIe siècle

Le début du XXIe siècle a été marqué par le développement de missions spatiales dédiées à la détermination du champ de gravité terrestre. Les missions CHAMP (Challenging Minisatellite Payload for Geophysical Research and Application), GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment) et GOCE (Gravity field and steady-state Ocean Circulation Explorer) ont révolutionné notre compréhension du champ de gravité terrestre. GRACE, en particulier, en mesurant les variations de distance entre deux satellites en orbite basse, a permis de cartographier les anomalies de gravité avec une précision sans précédent et de suivre les variations temporelles du champ de gravité, ouvrant de nouvelles perspectives pour l'étude du cycle de l'eau, de la dynamique des glaciers, des mouvements de masses dans la Terre solide et de la circulation océanique. GOCE, avec son gradiomètre embarqué, a fourni un modèle du géoïde (surface équipotentielle du champ de gravité terrestre coïncidant approximativement avec le niveau moyen des mers) d'une résolution et d'une précision inégalées.

Aujourd'hui, la géodésie est une science hautement technologique et multidisciplinaire. Elle repose sur un ensemble de techniques spatiales (GNSS, VLBI, SLR, DORIS), terrestres (nivellement de précision, gravimétrie, inclinométrie) et aéroportées (gravimétrie aéroportée, LiDAR). Les systèmes GNSS se sont diversifiés avec le développement de GLONASS (Russie), Galileo (Europe), BeiDou (Chine) et d'autres systèmes régionaux, offrant une redondance et une précision accrues. L'intégration de ces différentes techniques, combinée à la puissance des outils de modélisation numérique et au développement de l'informatique spatiale, permet de construire des modèles de la Terre toujours plus précis et détaillés.

Les applications de la géodésie moderne sont vastes et en constante expansion. Elles couvrent de nombreux domaines scientifiques et sociétaux, notamment :

• La géophysique et la géodynamique. - Etude des mouvements tectoniques, de la déformation de la croûte terrestre, de la rotation de la Terre, des marées terrestres, de la structure interne de la Terre et de ses variations temporelles.

• L'océanographie. - Etude du niveau des mers, de la circulation océanique, des marées océaniques, de la dynamique des glaces polaires.

• L'hydrologie. - Suivi des variations des masses d'eau continentales (nappes phréatiques, lacs, rivières, glaciers), bilans hydriques, prévision des inondations.

• La glaciologie. - Surveillance de la dynamique des glaciers et des calottes glaciaires, étude de leur contribution à l'élévation du niveau des mers.

• La météorologie et la climatologie. - Contribution à la compréhension des changements climatiques, suivi des variations de la masse atmosphérique, étude des interactions entre l'atmosphère, l'océan et la Terre solide.

• La cartographie et les systèmes d'information géographique (SIG). - établissement de systèmes de référence précis et cohérents pour la cartographie à toutes les échelles, production de données géographiques de haute précision pour les SIG.

• L'ingénierie et les travaux publics. - Contrôle des déformations des ouvrages d'art (ponts, barrages, tunnels), guidage de précision pour la construction, surveillance des risques naturels (glissements de terrain, éruptions volcaniques, séismes).

• La navigation et la localisation. - Systèmes de navigation par satellite, applications de localisation pour les transports, l'agriculture, la gestion des ressources naturelles, les services d'urgence.

Les défis futurs de la géodésie résident dans l'amélioration continue de la précision et de la résolution des mesures, dans le développement de nouvelles techniques, comme la gravimétrie quantique, et dans l'intégration de la géodésie dans des systèmes d'observation de la Terre de plus en plus complexes et multidisciplinaires, afin de répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux du siècle.
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