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Charlemagne

Aperçu Le règne de Charlemagne L'Empire de Charlemagne La légende de Charlemagne*
Charles Ier, dit Charlemagne, c.-à-d. Charles le Grand, est un roi des Francs et empereur germanique, né probablement le 2 avril 742, ou, d'après d'autres données, en 747 ou 748, mort le 28 janvier 814. Il était le fils aîné de Pépin, dit le Bref, et de Bertrade, fille du comte Charibert de Laon. On ignore où il naquit; la tradition qui fixe cet événement à Liège ne date que du XIIe siècle. Il reçut une éducation guerrière mais peu lettrée, ainsi que le prouvent les efforts qu'il fit plus tard pour apprendre à écrire. Lorsque le pape Etienne III vint en France et sacra Pépin roi à Saint-Denis (28 juillet 754), Charles et son frère Carloman reçurent aussi l'onction. Plus tard, Charles accompagna son père dans des expéditions en Aquitaine, en 761-762. Au mois de septembre 768, Pépin partagea ses Etats entre ses deux fils : Charles reçut I'Austrasie et une partie de l'Aquitaine; quelques jours après (24 septembre) Pépin mourait; le 9 octobre les deux frères étaient couronnés rois à Noyon. Mais Charlemagne demeura seul possesseur de tout le royaume à la mort de Carloman, en 771. 

Le règne de Charlemagne commence avec ses expéditions en Italie contre Didier,  roi des Lombards, de qui Charlemagne avait répudié la fille, nommée sans doute Desiderata. Charlemagne avait été appelé par le pape Adrien Ier. Sa première expédition se place en 773. Didier fut bloqué dans Pavie, qui capitula, et devint moine à Corbie, pendant que Charles prenait à son tour le titre de roi des Lombards. Cette expédition fut suivie de trois autres (776, 780, 786); Charlemagne "francisa " le royaume lombard et soumit le duché de Bénévent.

Les guerres de Charlemagne, en Espagne, ont été illustrées par les chansons de geste. Le prince franc, profitant des rivalités entre les chefs arabes, entra en Espagne en 778 et prit Pampelune. C'est au retour de cette expédition que, selon la tradition, Roland, comte de la Marche de Bretagne, fut massacré à Roncevaux, avec l'arrière-garde de l'armée. Cet échec fut suivi de quelques succès en Catalogne : les îles Baléares furent acquises en 799, la ville de Barcelone fut prise en 801.

Charlemagne fit, à partir de 772, une guerre acharnée aux Saxons, qui lui opposèrent une vigoureuse résistance. La première expédition se place en 772; les Ostphaliens et les Westphaliens font leur soumission en 775. En 777 commencent les premiers baptêmes des Saxons. En 778 les Saxons surgissent de nouveau, sous le commandement de Witikind (Widukind). Charlemagne pousse jusqu'à l'Elbe en 780; en 781, il organise la Saxe. Les soulèvements reprennent en 752; Charlemagne emploie des moyens de répression de la plus extrême rigueur. Quatre mille cinq cents Saxons sont égorgés à Verden. L'insurrection devient alors générale. Charlemagne et ses lieutenants triomphent encore; en 785. Witikind fait sa soumission et reçoit le baptême à Attigny. Les soulèvements n'en continuent pas moins; en 804, Charlemagne passe au delà de l'Elbe. Il peut croire alors les avoir soumis, mais il se voit contraint encore, pour prévenir leurs révoltes, d'en transplanter les habitants. 
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Charlemagne.
Charlemagne. Vitrail (fin du XIXe siècle) de l'église
de Chatou (Yvelines), © Serge Jodra.

Après les Saxons ce sont les Bavarois. Ils sont commandés par Tassilo, cousin de Charlemagne. En 787, Augsbourg est pris : Tassilo s'humilie devant son vainqueur. Mais il se soulève de nouveau, est vaincu une seconde fois et devient moine au monastère de Jumièges. Les Avars enfin continuent contre Charlemagne des luttes sanglantes. Ils étaient établis dans les plaines de la Hongrie. La campagne de 791 fut terrible. En 790 leur chef, Toudam, se soumit et reçut le baptême à Aix-la-Chapelle. Il se révolta de nouveau et fut définitivement vaincu en 804.

Dans ces luttes, Charlemagne ne cessa d'être soutenu par le pape Adrien Ier, puis, après la mort de celui-ci (795), par Léon III. Le jour de Noël de l'année 799, Léon III couronna Charlemagne empereur dans la basilique de Saint-Pierre. Charlemagne voulait être l'empereur unique, chef des hommes d'armes, comme le souverain pontife était le chef de l'Eglise. Mais l'empereur d'Orient, celui de Constantinople, n'entendait pas se laisser dépouiller de son titre resplendissant. Charlemagne songea à faire la guerre ; mais Constantinople était bien loin, et les Vénitiens, qui seuls auraient pu transporter les forces du prince franc, pratiquaient déjà leur politique ondoyante et habile. On négocia. Finalement, sur la fin du règne, Charlemagne fit reconnaître son titre par l'empereur de Constantinople, mais à la condition qu'il reconnaîtrait le titre de ce dernier. A ces négociations se rattachent les rapports de Charlemagne avec l'impératrice de Constantinople, Irène. Celle-ci, tutrice de son fils Constantin VI, avait songé à lui faire épouser une des filles de l'empereur franc, Rothrude. Le mariage n'aboutit pas. D'après le chroniqueur byzantin' Théophane, il aurait même été question d'un mariage entre Charlemagne et Irène; le pape aurait favorisé le projet qui aurait amené l'unité réelle de l'Empire par la fusion des Couronnes de Rome et de Constantinople. Le projet ne réussit pas. Irène fut renversée, dès octobre 802.

On connaît les fameuses relations de Charlemagne avec le calife de Bagdad, Haroun-er-Raschid. La première ambassade de Charlemagne date de 797. Ces relations furent l'origine première des établissements francs en Palestine. Charlemagne y fonda des monastères et un hôpital pour les pèlerins. L'ambassade de Haroun, qui amena un éléphant, une horloge à roue, les clefs du saint sépulcre, date de 801.

Le gouvernement de Charlemagne.
Quand on parle du gouvernement de Charlemagne, il faut bannir toute idée moderne. Dans les champs de mai, assemblées tenues au printemps, où venaient les grands du royaume, clercs et laïques, on avisait aux mesures urgentes. Ces réunions eurent surtout de l'importance pour l'organisation des expéditions guerrières, et les chefs militaires s'y rendaient. En réalité, Charlemagne ne gouvernait ni n'administrait; il exerçait une simple suprématie militaire et religieuse. Charlemagne, après avoir écrasé les Saxons, les avoir fait baptiser, avoir, en apparence, réduits sous sa domination, fait rédiger leurs us et coutumes en présence de leurs délégués, et ces coutumes, qui sont les leurs, deviennent leur loi. Il en fut partout ainsi. La société s'organisait et s'administrait elle-même, sous la multitude des petits pouvoirs, rigoureusement localisés, qui s'étaient constitués par le développement de la famille. Ce sont les origines de la féodalité. Ces pouvoirs locaux sont la négation du gouvernement de Charlemagne, et Charlemagne lui-même était réduit à les favoriser et les fortifier. 

Charlemagne avait pour représentants les comtes et les évêques, nommés à vie, les comtes devenant déjà héréditaires, c'est-à-dire ayant vis-à-vis de Charlemagne lui-même la plus grande indépendance. Et Charlemagne, cédant aux nécessités de l'organisation sociale, recommande à son fils de ne dépouiller personne de son "honneur" sans cause sérieuse. Il avait ses capitulaires; mais ceux-ci n'eurent guère d'importance effective que dans les domaines personnels de l'empereur. Il faisait visiter chaque année toutes les provinces de son vaste empire par des missi dominici hauts commissaires chargés d'en assurer l'unité et de faire respecter partout le pouvoir central; mais il faut comprendre combien, avec l'étendue du territoire, la lenteur et la difficulté des communications, le défaut de rouages administratifs, leur action était embryonnaire. On s'est étonné de la rapidité avec laquelle s'est désorganisée l'oeuvre de l'empereur; c'est que cette oeuvre était toute de surface; c'était le pouvoir d'un simple chef militaire.
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Couronnement de Charlemagne. Couronnement de Charlemagne.
Deux visions du couronnement de Charlemagne, par le pape et par les anges.

Charlemagne épousa successivement cinq femmes et il eut un grand nombre de maîtresses, qui lui donnèrent une multitude d'enfants, dont vingt sont connus. Hildegarde, d'origine souabe, qui fut sa femme de 771 à 782, lui donna Louis, dont il fit son successeur et qu'il associa  en 813  à l'empire. Il mourut peu après, en 814. 

Le vaste empire de Charlemagne était borné à l'Ouest par l'Océan Atlantique, au Sud par l'Ebre, en Espagne, par le Volturno, en Italie à l'Est par la Saxe, la Theiss, les Carpates et l'Oder; au Nord par la Baltique, l'Eyder, la mer du Nord et la Manche; l'empereur résidait le plus souvent à Aix-la-Chapelle

L'histoire de Charlemagne a été écrite en latin par Éginhard, qui avait été son secrétaire; en français par Gaillard, 1785, en allemand par Hegewisch, 1791.

La "renaissance" carolingienne.
Le règne de Charlemagne fut marqué par une sorte de renaissance des lettres et des arts, due à l'impulsion énergique de l'empereur. Le grand Alcuin, né à York, envoyé en mission sur le continent, y rencontra Charlemagne. Celui-ci en fit le directeur de l'académie installée dans son propre palais, et dont membres prenait les noms tirés de l'Antiquité. Ce fut la première institution de cette sorte qu'on eût vue dans les Gaules, l'École palatine. Charlemagne s'honora d'en être membre lui-même (il y avait pris le nom de David). Les murs des palais furent couverts de fresques, comme en témoigne la description d'Ildesheim par Ermold le Noir; les parties anciennes de l'église d'Aix-la Chapelle, le plan de l'abbaye de Saint-Gall montrent l'importance que prit l'architecture. C'est à Charlemagne que la France et l'Allemagne durent ses premiers progrès dans la marine; il fit creuser plusieurs ports. Il favorisa aussi l'agriculture.

On retient encore de Charlemagne qu'il établit des écoles où l'on enseignait la grammaire, l'arithmétique, la théologie et les humanités (Quadrivium). On trouve dans les capitulaires de Charlemagne cette disposition étonnante pour l'époque : 

"Tout père de famille doit envoyer son fils à l'école et l'y laisser jusqu'à ce qu'il soit bien instruit. " 
Alcuin, de son côté, exerça une grande influence sur le mouvement théologique, scientifique et littéraire, et l'école de scribes et d'enlumineurs fondée par lui au monastère de Tours produisit des oeuvres remarquables, qui nous ont été conservées.

L'empereur et la postérité. La légende de Charlemagne.
L'époque qui suivit le règne de Charlemagne vit le commencement du grand mouvement épique qui marqua les débuts de la littérature française : on a donné le nom de cycle carolingien à cet ensemble de poèmes français du Moyen âge, où sont retracées les entreprises et les conquêtes de Charlemagne et des autres chefs de la dynastie carolingienne; la plus connue de ces oeuvres est, aujourd'hui, la Chanson de Roland, mais il y en eut bien d'autres. Chaque génération amplifia et embellit la légende, en y ajoutant ses regrets et ses espérances. Le sentiment populaire effaça l'histoire, et Charlemagne devint, pour ainsi dire, la personnification d'un christianisme triomphant de la religion musulmane. C'est à lui seul que les romanciers rapportent tous les exploits de sa famille; Charles Martel figure à peine dans les poèmes carolingiens; encore n'y paraît-il qu'avec un caractère odieux, et comme contemporain de Charles le Chauve

Cette transformation du caractère de Charlemagne n'a rien qui doive étonner, quand on songe au fanatisme chrétien forgé contre la puissance médiévale la plus avancée. Si à cette cause on joint l'entraînement des peuples de l'Occident vers la Palestine, on comprendra sans peine comment, dans les traditions populaires, tous les peuples non chrétiens furent transformés en musulmans, et toutes les expéditions de Charlemagne en guerres contre les Infidèles. Chose singulière, ses luttes contre les Saxons, qui remplirent la plus grande partie de son règne, paraissent avoir été oubliées de bonne heure : un seul poème, Guiteclins de Sassoigne (la Chanson des Saxons), les célèbre; mais on y retrouve la même altération de l'histoire; les Saxons y sont musulmans. Cet oubli des Saxons et même des Vikings s'explique assez facilement : ces barbares s'étant convertis au christianisme étaient devenus les ennemis des musulmans et les défenseurs de la foi chrétienne; leurs guerres, leurs invasions, leurs pillages, tout fut attribué aux sectateurs de Mahomet. Les Huns eux-mêmes, que la Chanson des Lohérains appelle Wandres, sont transformés en Sarrasins.

Les romanciers allèrent bientôt plus loin que l'imagination populaire. Quand l'ardeur des Croisades eut échauffé tous les coeurs, ils firent de Charlemagne le héros de ces expéditions. Un poème, dont l'auteur est inconnu, représente cet empereur allant en Palestine pour conquérir les reliques de la Passion de Jésus. Ces précieux restes, déposés à Rome, sont enlevés par les musulmans et portés en Espagne : Charles entreprend de les reconquérir; ainsi est expliquée son expédition au delà des Pyrénées. La Chronique latine de Turpin assigne à cette guerre un motif analogue. 

Dans tous les romans où il s'agit de célébrer le triomphe des chrétiens sur les musulmans, le caractère de Charlemagne est noble, imposant et chevaleresque. II est l'image d'une royauté forte et grande, qui se soutient par sa propre majesté et par le respect qu'elle inspire aux peuples. Mais l'époque même où les romans carolingiens furent composés, époque où la royauté était chaque jour attaquée par les prétentions féodales, devait imposer aux poètes l'obligation de chanter les exploits des seigneurs contre le roi. Dans les ouvrages de cette classe, le caractère de Charlemagne est indécis, dissimulé, odieux. Il a encore la majesté de son nom; mais il est brutal, despote, sottement crédule, souvent embarrassé, et trop heureux d'avoir pour conseillers des seigneurs plus habiles que lui. Il a hérité de la gloire de ses devanciers; mais, par une singulière compensation, les romanciers lui attribuent toutes les faiblesses de ses successeurs en face de la féodalité naissante. Cette transformation d'un souverain plein d'activité et d'une mâle énergie en un monarque indolent tient sans doute, comme l'a remarqué Schlegel, à ce que les Vikings, qui sont les principaux auteurs des poèmes carolingiens, se sont représenté Charlemagne dans des circonstances analogues à celles où se trouvaient les rois de leur temps.

Les romans carolingiens paraissent avoir été composés entre le XIIe et le XIVe siècle. Quelques-uns sont postérieurs à l'an 1300; mais tout porte à croire qu'ils sont des versions et des paraphrases de romans plus anciens. On n'y trouve pas les moeurs du VIIIe et du IXe siècle, mais celles du XIIe, avec des tableaux plus ou moins exacts de la vie chevaleresque. Ils sont généralement en vers, soit alexandrins, soit de dix syllabes, et en strophes monorimes de longueur inégale. Les vers de dix et de douze syllabes y sont quelquefois mélangés, et la strophe se termine souvent par un vers plus court que les précédents. Quant à la rime, elle est fort libre; elle est souvent constituée par le son d'une voyelle, sans tenir compté des consonnes suivantes : par exemple; bocage rime avec regarde, fille avec empire. Un très petit nombre de ces romans sont en prose, comme celui de Fierabras : les critiques supposent que ce sont des traductions d'anciens poèmes. Les poèmes allemands du cycle carolingien ne sont que des traductions du français ou du provençal. 

La vogue de ces récits épiques a été telle qu'on les a souvent acceptés comme des documents authentiques et que plusieurs fois on a cherché à fondre dans des oeuvres d'ensemble, d'un caractère soi-disant historique, les données des chansons de geste avec celles des chroniques et des annales. C'est ce qu'essayèrent, dès le XIIIe siècle, Philippe Mousket dans sa Chronique rimée, dont dix mille vers sont consacrés à Charlemagne, Girard d'Amiens dans son Roman de Charlemagne, écrit de 1285 à 1314. Au XVe siècle, David Aubert composa pour Philippe le Bon, duc de Bourgogne, ses Conquestes de Charlemaine; Jean Bagnyon, légiste de Lausanne, écrivit en prose le fameux roman de Fierabras ou la Conqueste que fit le grand roi Charlemaigne en Espaigne, dont la vogue fut immense. Ces compilations, ainsi que certaines chroniques comme celle d'Albéric des Trois Fontaines (XIIIe siècle), ont quelque intérêt parce qu'elles nous ont conservé des résumés de chansons de geste aujourd'hui perdues (La littérature française au Moyen Âge). 

Au XVIe siècle, les épopées du Moyen âge relatives à Charlemagne subirent une nouvelle transformation; on les mit en prose, et l'imprimerie répandit ces romans. Avec la Renaissance, la littérature classique en France abandonna Charlemagne et les quelques essais soi-disant épiques qu'on peut mentionner sont sans valeur Le Laboureur, Charlemagne (1666); Courtin, Charlemagne ou le rétablissement de l'Empire romain (1666); Charlemagne pénitent (1668); Dufresne de Francheville, Histoire des premières expéditions de Charlemagne [...], composée pour l'instruction de Louis le Débonnaire, ouvrage d'Angilbert, mis au jour et dédié au roi de Prusse (1741, façon de poème en prose dans le goût du Télémaque); Lucien Bonaparte, Charlemagne ou l'église délivrée (1815); Millevoye, Charlemagne à Pavie. Victor Hugo, dans une des belles pièces de la Légende des siècles, Aimeri de Narbonne, s'est inspiré des poèmes du Moyen âge. En Allemagne, les poètes modernes, Wieland, Alxinger, Uhland, Simrock, ont traité, souvent avec succès, les légendes carolingiennes.

Charlemagne dans les arts. Les reliques.
Quant aux artistes, dès le Moyen âge, ils se sont attachés, comme les poètes, aux souvenirs de Charlemagne. Une statuette équestre, conservée à Paris au musée Carnavalet, passe pour représenter l'empereur. Une mosaïque de la même époque, au Triclinium du Latran à Rome, groupait autour du Christ d'une part Constantin et Sylvestre, d'autre part Léon III et Charlemagne; malheureusement on a voulu la déplacer au XVIIIe siècle, l'original a disparu dans cette opération et il n'en reste plus qu'une médiocre copie. 
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Saint-Pierre remet un étendard à Charlemagne.
Mosaïque du Triclinium de Léon III.

Par la suite, l'empereur est sans cesse représenté par les peintres, les verriers, les miniaturistes, avec les traits que lui attribuent les chansons de geste. On s'inspire aussi des légendes qui se rattachent à lui. Sur la châsse dans laquelle ses restes furent renfermés à Aix-la-Chapelle, sur des vitraux de la cathédrale de Chartres, qui datent de la fin du XIIe siècle ou du commencement du suivant, plusieurs emprunts sont faits à ces sources. Plus tard, on s'inspire des mêmes données pour décorer des tentures; des inventaires du XIIIe, du XIVe, du XVe siècle mentionnent des tapis sur lesquels est, représentée « l'histoire de Charlemagne ». Il passe de là sur les cartes à jouer. A la Renaissance, Dürer imagine son portrait; Raphaël, dans la fresque des stances da Vatican qui représente Léon III, lui donne la figure de François Ier. Au XIXe siècle, P. Delaroche le montre passant les Alpes (musée de Versailles), Ary Scheffer traite la soumission de Witikind (musée de Versailles); Hippolyte Flandrin, dans une de ses compositions de Saint-Vincent-de-Paul, exalte sa sainteté; un des chefs de l'école allemande, Kaulbach, dans une fresque à Berlin, glorifie l'empereur assis sur son trône, tenant d'une main l'épée et de l'autre le globe. En sculpture, à Liège, qui revendique d'après des traditions peu sûres l'honneur de lui avoir donné naissance, la statue équestre de Charlemagne se dresse sur une des places publiques; en France, Rochet l'a représenté sur un cheval que conduisent Olivier et Roland. 

Dans plusieurs endroits, on conserve précieusement des objets qui passent pour lui avoir appartenu, sa couronne et son épée à Vienne, son olifant à Aix-la-Chapelle, à Conques un reliquaire, représentant un A, qu'il aurait donné à l'abbaye, etc. Toutes ces attributions sont, les unes manifestement fausses, les autres plus que suspectes. Il ne faut pas moins se défier des traditions qui, en bien des pays, non seulement en France, mais en Italie, en Espagne, en Allemagne, font remonter jusqu'à Charlemagne des églises et des tours de date bien plus récente; ces attributions ne sont du reste, en bien des cas, ni traditionnelles ni populaires, plus d'une n'a d'autre origine que l'amour-propre d'un faux savant local. 
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Epée de Charlemagne.
Epée dite "de Charlemagne" ayant servi 
au sacre des rois de France.

Charlemagne et la légitimation politique.
En politique, le souvenir de Charlemagne n'a pas été moins puissant. C'est sur ce souvenir que s'est fondé, qu'a vécu le Saint-Empire romain germanique; les empereurs du Moyen âge se proposent Charlemagne comme idéal ; aussi bien les faibles que les vaillants veulent l'imiter, reprendre son oeuvre. En France, les successeurs de Charlemagne, malgré leur faiblesse, bénéficièrent longtemps de la popularité de son nom. Lorsqu'en 987, Hugues Capet devint roi, tout un parti, dont quelques chroniques expriment les sentiments, le considéra comme un usurpateur et resta fidèle à l'ancienne dynastie. Pour combattre ces scrupules, on eut recours à des légendes : on raconta que le descendant de Charlemagne, Louis V, avait donné sa fille Constance à Robert, le fils de Hugues Capet, avec le royaume de France pour dot. Dans la chanson de geste d'Huon Capet, c'est Hugues Capet lui-même qui épouse la fille de Louis, et devient roi de France. Plus tard, quand Philippe-Augusteépousa Isabelle de Hainaut, qui descendait de la famille carolingienne, on remarqua avec soin que « en lui fut recouvrée la lignée de Charlemagne ». 

On proposa le grand empereur comme modèle aux rois du XIIIe siècle; de 1195 à 1200, Gilles de Paris compose un poème latin sur Charlemagne, le Carolinus, pour l'instruction de Louis VIII. A un de ses barons qui l'interroge, Philippe-Auguste répond : 

« Je pense à une chose, c'est à savoir si Dieu accordera à moi ou à l'un de mes héritiers la grâce d'élever la France à la hauteur où elle était du temps de Charlemagne. » 
De même, le légiste Pierre Du Bois, dans les écrits qu'il adresse à Philippe le Bel sur l'Abrégement des guerres et sur la Recouvrance de la Terre-Sainte, lui vante Charlemagne qui régna, dit-on, cent vingt-cinq ans, l'engage à se faire élire empereur, à partir pour l'Orient comme Charlemagne. Le souvenir de Charlemagne empereur hante dès lors l'imagination des Capétiens, les pousse parfois aux équipées dangereuses : c'est pour l'imiter que Charles VIII entreprend les guerres d'Italie, songe à passer de là à Constantinople
« Je vous aiderai à vous faire plus grand que ne fut jamais Charlemagne, » lui disait Ludovic le More.
Il est question de l'empire de Charlemagne et dans les Oeconomies royales de Sully et dans les Mémoires de Louis XIV. Sous Louis XV, le Dauphin, hostile à l'alliance autrichienne, après avoir examiné les moyens de combattre l'Autriche, écrit : 
« L'on se souvient de ce qu'était la France sous Charlemagne. »
Enfin même les parvenus de la Révolution se réclament de lui et l'on rencontre dans les décrets de Napoléon Ier cette formule : 
« Attendu que Charlemagne notre prédécesseur... »
(B. / H. D. / / NLI /  C. Bayet).
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