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L'histoire de l'Ethiopie
Le nom d'Ethiopie fut donné par les anciens Grecs aux pays du Sud, c.-à-d. de façon assez vague à tous ceux de l'Afrique; le mot d'Ethiopiens signifiait en grec quelque chose comme hommes brûlés par le soleil (aithô = brûler, ops = visage). Il se localisa pour désigner spécialement les populations du Sud de l'Egypte, du bassin supérieur du Nil, habitant entre le Sahara(Libye) et la mer Rouge (golfe Arabique). Tandis qu'Homère appelle les Ethiopiens les plus éloignés des habitants de la Terre, résidant depuis l'extrême Orient jusqu'aux régions du couchant, Hérodote applique ce nom aux gens du haut Nil. II discerne des Ethiopiens orientaux à cheveux lisses et des Ethiopiens occidentaux à cheveux crépus; cette division est exacte les premiers sont les Nubiens et autres peuples bruns que l'on réunit dans le groupe Chamites; les autres, sont, pour faire court, les Noirs subsahariens. A partir du moment où les Grecs entrent en relations régulières avec l'Egypte, leurs connaissances s'étendent. Pour Homère, les Éthiopiens étaient un peuple largement mythique; Hésiode parle déjà de leur roi qu'il appelle Memnon.

Démocrite était, dit-on, venu sur le Nil jusqu'à Méroé; Hérodote nous donne des détails sur les Ethiopiens, particulièrement sur ceux de l'Orient; il est vrai que ces détails sont en partie fabuleux; il cite parmi leurs tribus les Macrobiens (= qui vivent longtemps), les Ichtyophages et les Troglodytes, habitants des cavernes. Il connaît la capitaie du royaume d'Ethiopie (ou, en l'occurence, de Nubie), Méroé. Les écrivains grecs ultérieurs sont de mieux en mieux informés. Ptolémée énumère un grand nombre de tribus éthiopiennes; il cite, comme capitale de l'Ethiopie, Auxumis (Aksoum). Pline affirme que le Nil forme la limite entre l'Ethiopie orientale et l'Ethiopie occidentale. En somme, ses renseignements sont encore un peu vagues. Mais les modernes ont précisé le sens du mot Ethiopie et lui ont donné, au lieu de son acception ethnographique, une acception géographique et politique plus déterminée. Jusqu'au début du XXe siècle, on appelle Ethiopie la région du Nil moyen et du Nil bleu, correspondant à la Nubie et aussi à l'Abyssinie, et le royaume qui se constitua dans cette région et fut en rapports réguliers avec l'Égypte. Le centre de ce royaume d'Ethiopie s'est d'ailleurs déplacé, au cours des siècles, de la Nubie (à laquelle on se réfère d'abord lorsque ce mot est utilisé à propos de l'Antiquité) vers l'Abyssinie, mais toujours l'élément prépondérant y fut celui des populations dites chamitiques. C'est principalement à l'histoire de la région dont le coeur est Abyssinie 'histoire de l'Ethiopie.

Jalons chronologiques

Les Premières civilisations (avant le Ier siècle av. J.-C.)
L'histoire ancienne de l'Éthiopie est souvent associée à la légendaire terre de Pount, mentionnée dans les inscriptions égyptiennes. Il y a aussi en Abyssinie des traces archéologiques évidentes d'une influence de l'ancien empire égyptien (IIIe millénaire avant notre ère). La région nord de l'Éthiopie et l'Érythrée actuelles furent surtout les lieux d'une civilisation florissante avec le royaume de D'mt (vers le Xe au Ve siècle av. JC), centré autour de la ville de Yeha.

La Terre de Pount (ou Pwenet) est mentionnée dans les textes égyptiens anciens comme une région riche en ressources précieuses telles que l'or, l'encens, l'ébène, l'ivoire, et des animaux exotiques. Les Égyptiens la considéraient comme une terre mythique, mais aussi comme un partenaire commercial stratégique. Les expéditions vers Pount, comme celle bien documentée sous le règne de la reine Hatchepsout au XVe siècle avant notre ère, montrent des échanges commerciaux intenses entre l'Égypte et cette région. Pount est généralement localisé dans la région de la Corne de l'Afrique, avec des théories suggérant qu'il se trouvait quelque part dans l'actuelle Érythrée, Somalie, ou dans la région côtière du Soudan.
Le royaume de D'mt (ou Da’amat) est un ancien royaume situé dans la région du Tigré, dans le nord de l'Éthiopie et en Érythrée. Il a prospéré entre le Xe et le Ve siècle avant notre ère. D'mt est considéré comme l'un des premiers royaumes organisés de la région et précurseur de l'empire aksoumite. Ce royaume était centré autour de la ville de Yeha, où l'on trouve encore aujourd'hui des vestiges, dont un temple dédié à la divinité Almaqah. D'mt a tiré parti de sa position stratégique pour le commerce avec l'Arabie du Sud (notamment le royaume de Saba) ainsi qu'avec d'autres régions de la Corne de l'Afrique.
Le royaume d'Aksoum.
Le royaume d'Aksoum (Ier - Xe siècles) est l'une des civilisations les plus puissantes de l'Afrique antique. Situé dans le nord de l'Éthiopie et l'Érythrée, ce royaume devint un acteur important du commerce entre l'Afrique, l'Arabie et l'Empire romain. Les historiens grecs racontent que Ptolémée Evergète a fait la conquête d'Aksoum, ce qui est confirmé par une inscription qu'un voyageur dit avoir vue dans cette ville. Cette conquête dura peu, mais l'influence grecque se montre dans les ruines d'Aksoum et par le fait qu'un roi nommé Aizenas ou Ezana laissa une inscription en grec pour commémorer sa victoire sur une tribu Bogos révoltée. C'est sous ce prince que Frumentios ou Fromence introduisit le christianisme, à l'époque de Constantin (début du IVe siècle). Le terrain, a-t-on pu dire, avait été préparé par les missionnaires bouddhistes (?) et la conversion de tout le pays paraît avoir été chose facile. A l'époque de Justinien, l'impératrice Théodora envoya des missionnaires qui introduisirent le schisme d'Eutychès, et dès lors l'Église d'Abyssinie n'a pas cessé d'être monophysite. Le VIe siècle paraît avoir été une époque de prospérité : les rois d'Aksoum s'emparèrent d'une grande partie du Yémen; mais bientôt les Arabes, devenus musulmans, reprirent l'avantage et portèrent la guerre en Afrique même, sans pouvoir escalader les montagnes. 

 Le déclin d'Aksoum et l'émergence des Zagoué.
Le royaume d'Aksoum décline progressivement à partir du VIIe siècle, en partie en raison de l'essor de l'Islam et des changements des routes commerciales. La dynastie des Zagué ou Zagoué  prend le relais au XIIe siècle. Cette dynastie (vers 1137 - 1270) tire son nom de la région montagneuse d'Agaw, où elle est née. Les rois Zagoué étaient d'origine Agaw, un groupe ethnique du nord de l'Éthiopie, distinct des anciens souverains aksoumites. Le premier roi Zagoué est parfois identifié comme Mara Takla Haymanot, mais l'histoire de cette dynastie reste en partie légendaire. La dynastie Zagoué est particulièrement connue pour son attachement au christianisme orthodoxe éthiopien.  L'un des rois les plus célèbres de cette dynastie est Gebre Mesqel Lalibela (vers 1181-1221), qui a ordonné la construction des églises de Lalibela. Ces églises, taillées dans la roche, sont conçues pour symboliser une Nouvelle Jérusalem et ont joué un rôle central dans la préservation du christianisme en Éthiopie. La dynastie Zagoué perd progressivement de l'influence à cause de la montée de prétentions au trône par les descendants de l'ancienne dynastie aksoumite, les Salomonides.

La dynastie Salomonide.
En 1270, la dynastie des Zagoué est renversée par Yekouno Amlak, qui fonde la dynastie salomonide (XIIIe - XVIIe siècles), affirmant descendre du roi Salomon et de la reine de Saba.  Yekuno Amlak est soutenu par l'Église éthiopienne orthodoxe, renforçant ainsi le lien entre religion et pouvoir en Éthiopie. 

Une tradition maintenue dans le pays prétend que celui-ci était celui de la reine de Saba, qui alla visiter le roi Salomon, dont elle aurait eu un fils, ancêtre de la dynastie royale, et que les Juifs, qui voulaient échapper aux persécutions de Nabuchodonosor, seraient venus se réfugier en Abyssinie. Mais il est probable que les Falashas d'Éthiopie, qui pratiquent à l'époque moderne une religion assimilée au judaïsme, sont arrivés à une époque moins reculée. Quoi qu'il en soit, en 925, une juive, nommée Sague, mais qui prit le nom d'Esther, aidée de ses coreligionnaires, s'empara du trône par un coup de main et établit une monarchie juive, qui se maintint jusqu'en 1255; le moine Técla Haimanout, à cette époque, persuada le descendant d'Esther d'abdiquer en faveur du roi Jean (Johannès) Amlac, qui régnait à Choa, où s'était réfugiée, en 925, l'ancienne famille royale. Dès lors, tous les efforts des Abyssins se tournèrent contre les musulmans, toujours appuyés par les Falashas, qui avaient vu la restauration des rois chrétiens avec regret. 
Les Salomonides unifient l'Éthiopie et mènent des campagnes pour étendre leur contrôle sur des régions périphériques.

Le Moyen Âge Éthiopien.
Du XIVe au XVIe siècle,  l'Éthiopie est confrontée à des menaces internes et externes. 
Sous le règne de Amda-Siou (1301-1331), les musulmans sont chassés de la côte et presque exterminés. Les chrétiens ne jouissent pas longtemps de leur victoire; en 1538, l'Imam Ahmed ibn Ibrāhīm al-Ghazī, dit Gragne (« le Gaucher »), prince de Zéïla, bat les chrétiens, s'empar d'Aksoum qui est brûlée; cette ville ne se relevera jamais de cette destruction. La capitale est transportée à Gondar. La lutte n'en devient que plus acharnée, mais les chrétiens ne paraissaient plus capables de résister aux musulmans. En 1402, le roi Isaac  accueille les chrétiens fuyant l'Égypte pour échapper au sabre des musulmans. Parmi ces réfugiés se trouve un copte, Fakhr-el-Daoulet, personnage d'un rare talent, qui obtient bientôt la faveur royale; il réforme l'administration, répartit mieux les impôts et donne un nouvel essor à l'industrie; mais, malgré ce développement, les Abyssins, comprenant qu'ils ne peuvent plus, seuls, résister aux musulmans, appellent à leur aide les Portugais et le sultan de Harrar est battu. 

L'influence européenne et les conflits internes.
L'aide des Portugais est chèrement achetée; car les  missionnaires jésuites qui les accompagnent, en s'efforçant d'attirer les rois vers l'Église romaine, sèment la discorde dans le pays. Les rois abyssins se laissèrent persuader, mais le peuple ne veutt pas les imiter et reste fidèle à l'Église copte. Enfin, sous le règne de Sertza-Denghel, une révolte éclate et, en 1632, le roi Socinios abdique, ce qui met fin aux discordes religieuses; les missionnaires catholiques sont expulsés. La lutte entre les chrétiens et les musulmans dure toujours; mais ceux-ci, ayant perdu leur enthousiasme, ne peuvent regagner le terrain perdu. Les Abyssins, de leur côté, toujours dans l'anarchie, ne peuvent que garder la défensive. Vers la fin du XVIIe siècle, les rois de Choa se déclarent indépendants; par la suite cette province va constituer un royaume indépendant beaucoup plus solide que celui d'Abyssinie, sans doute parce que le pouvoir y estplus centralisé.

Le Zemene Mesafint.
À partir du milieu du XVIIIe siècle, l'Éthiopie entre dans une période de décentralisation et de fragmentation connue sous le nom de Zemene Mesafint ou Ère des Princes. Le négus d'Abyssine (Negousa-Nagast  = roi des rois) voit son autorité décroître, tandis que des seigneurs de guerre locaux et des chefs régionaux dominent. Le pays est plongé dans des conflits incessants entre les divers princes (ras), notamment ceux du Tigré, du Godjam, et de Choa (Shewa).

Tewodoros et l'expédition d'Abyssinie.
Telle est la situation vers 1850, quand Râs-Ali, qui administrait l'Amhara au nom du négus, est attaqué et renversé par un gouverneur de ville, du nom de Kâsa. Ce dernier conquiert successivement l'Amhara (1852), le Tigré et le Choa (1855). Il se fait couronner empereur d'Éthiopie sous le nom de Tewodoros  ou Théodoros II (1855). Il établit sa capitale à Ankober, occupe Magdala et vainc les Galla. A l'apogée de sa carrière, Tewodoros forme les plus vastes projets; il veut refouler les musulmans, créer un grand empire éthiopien. Il réunit jusqu'à  150 000 soldats. Le consul anglais Powden lui prêtae un concours efficace; mais il périt assassiné et son successeur, le capitaine Cameron, ne peut s'entendre avec l'empereur africain. Aigri contre les Européens par une série de déconvenues, les accusant d'intelligences avec les Égyptiens, Tewodoros finit par les emprisonner, y compris le consul d'Angleterre. Il ne tarde pas à les maltraiter, les fait conduire à Magdala et charger de chaînes. Le gouvernement anglais, n'ayant pu obtenir la délivrance des prisonniers, résout d'employer la force. La guerre est décidée en juillet 1867 et sir Robert Napier chargé du commandement des troupes anglaises.


Abyssins sur une ancienne photo.

L'expédition d'Abyssinie.
L'expédition d'Abyssinie est préparée avec un grand soin. Le colonel Merewether, envoyé pour reconnaître le terrain, indique comme point de débarquement la baie d'Adulis ou d'Annesly. On accepte son plan : 16 189 combattants, accompagnés d'un nombre égal de gens de service, 45 éléphants, un bagage et un attirail énormes sont débarqués, en janvier 1868, dans la baie d'Adulis; choisie comme base d'opérations. Il s'agit, pour arriver à Magdala, de faire 600 kilomètres dans un pays de hautes montagnes. L'armée anglaise s'y engage hardiment; Tewodoros, qui a à combattre sur bien des points des rébellions, résiste cependant avec énergie; il brûle sa capitale et concentre ses forces à Magdala. Il ne cesse pas de harceler l'armée anglaise, et fait preuve de qualités militaires et d'une habileté qui frappe les Anglais d'admiration. Mais, favorisés par un grand nombre des chefs locaux, ils triomphent des difficultés. L'occupation des villes d'Addigrat et d'Antalo leur permet de couper par deux étapes cette marche. Enfin, au bout de trois mois, le 9 avril 1868, 3500 Anglais paraissent devant le rocher qui porte la forteresse de Magdala. Ils sont assaillis par 5000 Abyssins, dans la plaine d'Arogié, et les repoussent en leur infligeant des pertes énormes. 

Tewodoros mande alors deux de ses prisonniers pour offrir de traiter. On exige la délivrance immédiate des autres captifs et sa soumission à la reine Victoria. Tewodoros envoie tous les Européens au camp anglais; mais la paix lui est refusée. Il tenta alors de s'échapper et ne peut y réussir. La ville de Magdala est prise d'assaut le 13 avril; l'empereur s'est donné la mort. Sa forteresse est brûlée, ses fortifications détruites; le fils de Tewodoros est emmené en Angleterre. Le prince du Tigré, Kâsa, allié dévoué des Anglais, reçoit des armes et des munitions, et au mois de juin 1868 l'armée anglaise se rembarque.
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L'ère de Ménélik II.
Après une période d'instabilité, Yohannes IV, un chef du Tigré, prend le pouvoir en 1872. Il poursuit les efforts de centralisation et de modernisation de l'État. Son règne est marqué par des guerres incessantes contre les Mahdistes soudanais et les tentatives d'invasions de l'Égypte. Yohannes meurt au combat lors de la bataille de Metemma en 1889, luttant contre les forces mahdistes.

Le négus du Choa, Sahle Maryam, parvient alors à se faire couronner à Aksoum roi d'Abyssinie, sous le nom de roi Jean Menilek (Ménélik II) .  Il conquiert plusieurs régions du sud, de l'est et de l'ouest, consolidant ainsi l'État éthiopien moderne. Ménélik modernise l'armée et établit la capitale à Addis-Abeba. Attaqué par les Égyptiens, Ménélik  leur inflige de sanglantes défaites; leur armée a été exterminée à Goura (avril 1876). En 1879, la paix a été signée, et les Égyptiens achètent la tranquille possession de la province de Keren, moyennant un tribut annuel de 8000 dollars. En 1893, Ménélik, qui avait jusque là reçu l'aide l'Italie, en échange notamment de son installation en Erythrée, dénonce le traité qui lie son pays, ce qui suscite, en 1895, l'envoi  en Abyssinie d'un corps expéditionnaire italien. Ce dernier est balayé par l'armée éthiopienne le 1er mars 1896 à Adoua. Cette victoire permet à Ménélik d'imposer désormais ses propres conditions aux puissances européennes, qui en 1906 reconnaissent l'intégrité de l'Éthiopie, à laquelle le négus a ajouté par ses conquêtes le pays des Galla et l'Ogaden.

Ménélik II introduit des réformes pour moderniser le pays : il développe les infrastructures, notamment la construction du chemin de fer Addis-Abeba - Djibouti, introduit de nouvelles technologies, et établit des relations diplomatiques avec les puissances européennes.
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Photo d'un march  Addis-Ababa.
Un jour de marché à Addis Abeba au début du XXe siècle.

L'Éthiopie sous Hailé Sélassié.
Ménelik vit jusqu'en 1913, mais en 1907, diminué par une hémiplégie, il a déjà cédé la réalité du pouvoir à un Conseil du trône. Après sa mort, ce pouvoir est exercé par une régence composée par sa veuve, Zaouditou, un général, Habta Gyorgis, et son neveu, le ras Tafari Makonnen. Celui-ci s'appropriera progressivement tout le pouvoir, et à la mort de Zaouditou, en 1930, se fera couronner négus d'Éthiopie sous le nom d'Haïlé Sélassié. Celui-ci modernise les institutions politiques, adopte une nouvelle constitution en 1931 qui limite le pouvoir des nobles et introduit un parlement. Son règne se caractérise par une tentative de centralisation accrue et l'intégration des régions semi-autonomes au sein de l'État impérial.

L'invasion italienne et la Seconde Guerre italo-éthiopienne. 
En 1935, l'Italie fasciste de Mussolini envahit l'Éthiopie, cherchant à venger la défaite d'Adoua et à établir un empire colonial en Afrique de l'Est. Malgré une résistance héroïque, l'Éthiopie est occupée en 1936. Hailé Sélassié s'exile et plaide pour son pays devant la Société des Nations, mais la communauté internationale reste en grande partie passive.

Le retour de Hailé Sélassié.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, avec l'aide des forces britanniques et des résistants éthiopiens (les arbegnoch), Hailé Sélassié retourne au pouvoir en 1941. L'Éthiopie recouvre son indépendance et Hailé Sélassié entreprend de reconstruire le pays. Il s'approprie l'Erythrée ont l'Italie avait conservé l'administration, consolide son autorité, rétablit l'ordre, et initie de nouvelles réformes. A partir de ce moment, Hailé Sélassié renforce les relations diplomatiques de l'Éthiopie, notamment avec les puissances occidentales. Le pays devient membre fondateur de l'Organisation des Nations unies en 1945. 

Les réformes et la modernisation.
Hailé Sélassié met en place plusieurs réformes éducatives et économiques pour moderniser le pays, notamment en attirant des investissements étrangers. Il joue un rôle majeur dans la politique panafricaine, contribuant à la fondation de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) en 1963, avec Addis-Abeba comme siège.

Malgré ces efforts, l'Éthiopie reste largement féodale, avec des inégalités sociales criantes. Les paysans, qui représentent la majorité de la population, vivent dans des conditions précaires. Les étudiants, les militaires et les intellectuels critiquent de plus en plus l'immobilisme du régime impérial.

La famine de 1973 dans la province du Wollo, qui tue des centaines de milliers de personnes, met en lumière l'incapacité du régime à répondre aux crises. Ce désastre déclenche des protestations massives et affaiblit considérablement le régime. En 1974, une révolte militaire éclate, soutenue par des mouvements révolutionnaires marxistes-léninistes. Hailé Sélassié est assassiné en septembre 1974, marquant la fin de l'empire éthiopien.

La dictature du Derg et Mengistu Hailé Mariam.
Après la chute de Hailé Sélassié, le pouvoir est pris par un comité militaire marxiste-léniniste, et appelé le Derg. Dirigé par Mengistu Hailé Mariam, ce régime impose un programme de réformes radicales et instaure un État autoritaire.

Le nouveau régime parvient à se gagner le soutien de l'Union soviétique, un renversement d'alliance spectaculaire qui a pour corollaire le passage de la Somalie jusque-là soutenue par Moscou, dans le camp des États-Unis. La Somalie, qui d'ailleurs a trouvé dans l'agitation éthiopienne depuis le renversement du négus une occasion  en 1977, de tenter de conquérir par les armes l'Ogaden, province peuplée majoritairement de Somali. Les troupes de Mengistu repousseront l'invasion. 

Le Derg lance une campagne de répression massive connue sous le nom de Terreur Rouge (1977-1978) pour éliminer ses opposants politiques. Des milliers de personnes sont tuées ou emprisonnées. Mengistu devient le chef incontesté du pays après avoir éliminé ses rivaux au sein du Derg.

Mengistu met en oeuvre des réformes économiques basées sur le collectivisme, nationalisant les terres et les industries. Cependant, ces politiques échouent à améliorer la production agricole et entraînent des pénuries chroniques. La politique étatique du négus rouge consacre le désastre économique d'un pays déjà déchiré par mille dissensions. L'Éthiopie est plongée dans une guerre civile prolongée contre des mouvements de libération dans différentes régions, notamment en Érythrée et au Tigré. La famine dévastatrice de 1983-1985, exacerbée par la guerre et les politiques gouvernementales, cause la mort de près d'un million de personnes. Cet événement attire l'attention internationale et montre l'incapacité du régime à répondre à la crise.

L'ère de Meles Zenawi.
Le régime de Mengistu ne survit pas à l'effondrement de l'Union soviétique. En 1991, après des années de guerre civile, le Derg est renversé par une coalition de forces rebelles menée par le Front de libération des peuples du Tigré (FLPT), au sein du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE). Mengistu fuit en exil au Zimbabwe. Le FDRPE, dirigé par Meles Zenawi, prend le pouvoir et instaure un nouveau gouvernement.

Meles Zenawi devient le président, puis le Premier ministre de l'Éthiopie. Sous son leadership, l'Éthiopie adopte une nouvelle constitution en 1995, créant une république fédérale basée sur le principe d'autonomie ethnique. Le gouvernement met en place des réformes économiques libérales qui conduisent à une croissance rapide. Des investissements massifs sont faits dans les infrastructures, l'agriculture et l'éducation, transformant l'Éthiopie en l'une des économies à la croissance la plus rapide d'Afrique.

Malgré les succès économiques, le système fédéral basé sur les ethnies crée des tensions. Les groupes ethniques non représentés ou marginalisés par le pouvoir central expriment leur mécontentement. Le régime est critiqué pour son autoritarisme, la répression des opposants politiques et le contrôle des médias.

Une guerre éclate en 1998 entre l'Éthiopie et l'Érythrée, principalement à cause de différends frontaliers. Le conflit fait des dizaines de milliers de morts et conduit à un cessez-le-feu en 2000, mais les tensions persistent.

L'ère de Abiy Ahmed.
En août 2012, Meles Zenawi, est décédé en fonction et a été remplacé par son vice-premier ministre Hailemariam Desalegn, marquant la première transition pacifique du pouvoir depuis des décennies. Suite à une vague de dissidence populaire et de protestation anti-gouvernementale qui a commencé en 2015, Hailemariam a démissionné en février 2018. Deux mois plus tard Abiy Ahmed Ali prend ses fonctions en tant que premier premier ministre ethnique oromo d'Éthiopie. Il lance un programme de réformes politiques et économiques ambitieux. Il libère des prisonniers politiques, engage des pourparlers de paix avec l'Érythrée (qui lui valent le prix Nobel de la paix en 2019), et promeut l'unité nationale. En novembre 2019, près de 30 ans coalition au pouvoir à base ethnique (le FDRPE) a fusionne en un seul parti d'unité appelé le Parti de la prospérité, mais l'un des quatre partis constitutifs (le Front de libération du peuple du Tigré ou FLPT) refuse d'adhérer.

En novembre 2020, un conflit militaire éclate entre les forces alignées sur le  FLPT et l'armée nationale éthiopienne, la Force de défense nationale éthiopienne. Le conflit qui se poursuit tout au long de 2021, exacerbe la violence ethnique, se concentre largement  dans les États régionaux du Tigré, d'Amhara et d'Afar et provoque une crise humanitaire majeure et mettant en lumière les fragilités de l'État fédéral éthiopien. La crise ouverte se termine en 2022 par un accord de paix, mais laisse le pays divisé. Aujourd'hui, l'Éthiopie continue de faire face à des défis liés à l'instabilité politique, aux tensions ethniques et aux pressions économiques. Malgré une croissance économique soutenue, les inégalités régionales et les rivalités ethniques demeurent des obstacles à la stabilité.

Culture

La numismatique.
Le monnayage de l'Ethiopie dans l'antiquité prouve dans ce pays l'existence d'une civilisation avancée et des contacts avec la civilisation méditerranéenne. Ce monnayage comprend des pièces en or, en argent et d'autres en cuivre, qui forment deux groupes distincts : les pièces à légendes grecques que l'on considère comme antérieures à l'introduction du christianisme en Ethiopie, vers la fin du IVe siècle de notre ère; les pièces à légendes en guez, qui sont plus récentes et descendent peut-être jusqu'au VIIe et même au VIIIe siècle, Les monnaies éthiopiennes sont, au point de vue des types, du poids, du module, en un mot de la forme extérieure, imitées des monnaies romaines et byzantines contemporaines. 

Les noms des rois qu'on lit sur ces pièces sont très précieux pour l'histoire, car ils se présentent naturellement sous une forme plus authentique et plus correcte que dans les chroniques éthiopiennes où les copistes successifs les ont plus on moins défigurés. Sur les monnaies à légendes grecques, on lit les noms des rois Aphilas, Bakhasa, Gersem, Ouzas, Nezana ou Aizana, Oulzeba, Azaël, Okhsas, Esbaël et Aiêb. Nous citerons, à titre de spécimen, le bel aureus d'Aphilas; d'un côté le buste du roi, la tête couverte d'une couronne radiée, avec les mots BASILEGS AFILAS et le croissant emprunté aux monnaies sassanides, qui indique que le pays n'était pas encore chrétien. Au revers, un autre buste, la tête ceinte d'une tiare hémisphérique, et en légende le même croissant suivi de AXWMITWN BISIDIMHLH.

Les monnaies à légendes éthiopiennes sont toutes en cuivre et à une seule effigie; on voit une grande croix au revers. La lecture des légendes présente les plus grandes difficultés à cause du mauvais état et du petit nombre des pièces connues. La plupart des pièces ont, au revers, la même légende en ghez qui paraît signifier : « Joie au peuple ». 

La littérature.
En Ethiopie, les musiciens, comme les poètes, sont attachés aux seigneurs,  suivent les armées et sont inviolables; la musique est la même que parmi les Coptes, avec addition de tambours.  Il n'y a pas véritablement d'architecture "savante" proprement abyssine; tous les monuments, dont il reste beaucoup de ruines, sont l'oeuvre d'étrangers. Les habitations et même les églises sont construites comme des huttes et couvertes de chaume; les églises ont une forme circulaire, un autre cercle intérieur contient le tabôt ou chasse sacrée où les profanes ne pénètrent jamais. Dans certaines occasions le tabôt est promené en procession.

La littérature éthiopienne est assez riche, elle est exclusivement chrétienne et ne remonte par conséquent pas au delà du IVe siècle ap. J.-C. Elle est écrite  en langue éthiopienne ou guez (ghez ou guèze), une langue couchitique (Les langues Afrasiennes) parlée jadis en Abyssynie. Elle a été d'abord étudiée par Ludolf au XVIIe siècle et Dillmann au XIXe. Les deux plus anciens textes connus en guez sont deux inscriptions trouvées à Aksoum, qui datent du Ve ou du VIe siècle. Il en existe aussi à Adulis. La littérature théologique est abondante; de fort bonne heure la Bible fut traduite en éthiopien. Les manuscrits nombreux que nous en possédons ont été répartis par Dillmann en trois classes :

1°) la traduction originale d'après le texte grec de l'Eglise d'Alexandrie
2°) la traduction revisée d'après le texte grec; 
3°) la traduction revisée d'après un texte hébreu. 
Ces versions éthiopiennes renferment à côté des livres canoniques ordinaires et des apocryphes ordinaires (sauf les livres des Macchabées), un certain nombre de livres de la littérature apocalyptique, Livre des Jubilés, Livre d'Enoch, Ascension d'Isaïe. Le Nouveau Testament est aussi surchargé d'apocryphes. Ainsi ont été conservés plusieurs écrits dont l'original grec est perdu. La version éthiopienne de l'Evangile fut éditée à Rome en 1548 (2 vol.) et depuis, à plusieurs reprises, principalement par Platt (Londres, 1830). Dillmann a entrepris la publication de l'Ancien Testament et fait paraître l'Octateuque (Leipzig, 1853), les Rois (1864-1874), le Livre d'Enoch (1851), le Livre des Jubilés (1859); R. Lawrence avait édité l'Ascension d'Isaïe (Oxford, 1819), l'Apocalypse d'Esdras (Oxford, 1820). D'Abbadie a publié et traduit le Pasteur d'Hermas (Leipzig, 1860).

Il existe encore, en éthiopien, de nombreux traités ecclésiastiques, dont ceux de Cyrille d'Alexandrie, le Synode réunissant les canons des apôtres et des premiers conciles, le Testament de Jésus, le Synaxar, collection formée de vies de saints abyssins, de martyrologes, d'hymnes, etc. L'Antiphonaire (Mavaseet) est intéressant surtout par sa notation musicale. 

La littérature profane, en langues tigré, amharique et agaou, n'a pas la même importance, même si l'on suppose qu'il a dû exister une grande abondance de poésies, tous les chefs ayant eu des poètes à leur service. Ses principaux ouvrages sont : le Keber za Negeste, histoire légendaire du royaume d'Axoum; le Tarek Negushti, chronique des rois; un traité de médecine, Physiologus, publié par Rommel (Leipzig, 1877); un recueil épistolaire publié par Praetorius (Leipzig, 1869), etc. 

L'imprimerie n'a pas pénétré en Ethiopie avant le XXe siècle; jusque là, tout est écrit à la main; les missels sont enluminés avec art.

Religion et modes de vie.
La plupart des Abyssins sont Chrétiens monophysites: leur évêque appelé abouna ( = notre père), leur est envoyé par le patriarche copte d'Alexandrie. C'est le chef suprême de l'Eglise, mais il est gardé comme un prisonnier à Aksoum par ses subalternes. Sans doute dans un but politique, a été créé à une époque incertaine, mais probablement vers 1255, par Técla Haimanout, le tchégui ou etchagué, qui est choisi par le ras et réside à Gondar; il possède  un pouvoir égal à l'abouna. Au-dessous de ces deux concurrents se trouvent les alikas ou chefs des cités de refuge. Les cités de refuge ou gueddam sont les villes déclarées inviolables et que tous les partis respectent dans les guerres civiles. Les alikas gouvernent les gueddam et administrent la justice. Viennent ensuite les prêtres et les docteurs ou aspirants, enfin les moines de toutes sortes qui abondent. 

La religion chrétienne est fortement imprégnée de judaïsme; certains de ses traits rappellent aussi le bouddhisme. Les Falashas ou juifs d'Abyssinie, qui se rencontrent en plus grand nombre dans les monts Sémèn, professent une espèce de judaïsme, mais ils parlent un dialecte agaou. Les Kamant sont restés attachés à un culte particulier; ils n'ont pas de temple et pratiquent leurs cérémonies sous les arbres, ce qui les a fait appeler, très improprement d'ailleurs, adorateurs des bois. Sur les rives du Tacazzé et de l'Abaï on rencontre des (supposés) adorateurs des fleuves. Les Galla et les Changalla ont aussi pour la plupart résisté aux tentatives des missionnaires chrétiens et musulmans. On rencontre quelques musulmans, mais principalement des marchands. Le clergé chrétien donne l'exemple de l'intempérance et même du libertinage, qui est imité par la plupart des habitants.

Les prêtres peuvent se marier une fois, excepté l'abonna et le tchégui qui observent le célibat; mais les Abyssins prennent autant de femmes qu'ils ont les moyens d'en entretenir. La prostitution néanmoins est inconnue, excepté à Gondar et à Adoua, où elle a été introduite par les Portugais. Les mariages sont rarement célébrés à l'église, et semblent être une espèce de concubinage légal, les deux parties se quittant aisément; à moins d'adultère flagrant, la femme reprend sa dot. Les femmes sont en général plus fidèles et plus dévouées que leurs maris; ce sont elles qui ont tous les soins du ménage et. de la maison, ramassent le bois, tirent l'eau, filent et tissent toutes les étoffes, etc. Les Abyssins de condition aisée  ont, en outre, à leur suite, une nuée de serviteurs de toutes sortes. Ceux-ci reçoivent des gages réguliers et peuvent quitter leur maître quand ils le désirent. (Bertin / A19).

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