Aperçu |
Le XVe
siècle est une époque mémorable dans l'histoire de la géographie .
Le Normand Béthencourt conquiert les Canaries
pour la couronne de Castille ,
et les Portugais
explorent les cĂ´tes de l'Afrique
occidentale. Le cap de Bonne Espérance, atteint en 1486,
fut doublé 11 ans plus tard par Vasco de Gama.
En mĂŞme temps l'Espagne
marchait sur les traces du Portugal, et le génie de Christophe
Colomb révélait véritablement à l'ancien monde un nouveau continent
(1492).
Dans les 30 années qui suivirent la découverte de l'Amérique ,
toute la côte orientale de l'Amérique, depuis le Groenland
jusqu'au cap Horn, fut explorée et des navires espagnols sillonnèrent
l'océan Pacifique. En 1520,
Magellan passa le détroit qui porte son nom,
traversa le Pacifique, et le dernier vaisseau de son expédition revint
en Europe par la route du cap de Bonne-Espérance, après avoir accompli
la première circunmnavigation.
Cependant, beaucoup restait encore à découvrir.
Tandis que la côte occidentale d'Amérique
(sauf la portion qui s'étend au nord de la baie de San-Francisco) était
explorée, les Anglais et les Hollandais naviguèrent intrépidement vers
le pĂ´le Nord ,
cherchant de ce côté le détroit entre l'Atlantique et le Pacifique,
que Magellan avait trouvé dans l'hémisphère
opposé. Ainsi, dès 1553, l'Anglais
Willoughby, renouvelant la navigation du Scandinave
Other, double le cap Nord, et parvient au port russe d'Arkhangel au fond
de la mer Blanche. En 1596-1597,
les Hollandais Barentz et Hemskerk pénètrent
jusqu'au nord de la Sibérie ,
hivernent Ă la Nouvelle-Zemble
et au Spitzberg ,
par 80° de latitude nord. Repoussés au Nord-Est, les marins anglais cherchent
vers le nord-ouest ce passage que leurs successeurs ont trouvé seulement
au XIXe siècle.
Un si prodigieux mouvement de découvertes
devait influer sur la cartographie. Les globes et les cartes du XVe
siècle sont-ils bien supérieurs à ceux de l'âge précédent;
il suffit de citer la mappemonde d'Andrea Bianco de 1436,
celle du Vénitien Fra Mauro de 1459,
le fameux globe de l'Allemand Martin Behaim, compagnon
du portugais Diego Cam, en 1484,
globe construit en 1492, enfin la précieuse
mappemonde que Juan de la Cosa, pilote de Christophe
Colomb dans son deuxième voyage, composa en 1500.
Quant à la circumnavigation, elle avait enfin renseigné sur la vraie
grandeur de la Terre
et sur celle du Grand Océan, l'Océan Pacifique, sur la distance réelle
des îles des Epices
et de l'Inde .
On sut, non plus par conjecture, mais positivement, qu'il n'y avait rien
de commun entre l'Asie, le Cathay ,
Cipangu ,
et les terres découvertes par Christophe Colomb.
Les grandes découvertes maritimes accomplies à partir de 1486
et pour suivies au XVIe
siècle renouvelèrent la face du monde. Elle produisirent une
immense révolution économique. |
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Jalons |
Le
contournement de l'Afrique
Dans l'océan Atlantique on avait, dés
la fin du XIIIe
siècle, retrouvé les îles Canaries, colonisées en 1402;
dès le milieu du XIVe,
les Açores
et Madère
( La géographie médiévale ).
Puis les Portugais
entreprirent l'exploration méthodique de la côte occidentale d'Afrique .
Longtemps on ne put dépasser le cap Bojador; une galère génoise des
Vivialdi avait pourtant été jusqu'au Sénégal en 1291.
En 1415 commencent les expéditions
dirigées par le prince Henri. En 1434,
Gil Eanes atteint le Rio de Oro; en 1443,
Nuño Tristan franchit le cap Blanc; en 1446,
le cap Vert; en 1447, il périt au
Rio Grande; l'année suivante, Alvaro Fernandez
atteint enfin les parages ou s'était possiblement arrêté Hannon,
l'explorateur carthaginois .
Cadamosto ne put arriver aussi loin, mais reconnut
l'archipel du cap Vert (1456). Én
1462, on est au cap Mesurado par 6°
N. Le prince Henri avait, en un demi-siècle, fait connaître 20 degrés
du rivage africain. La lenteur des progrès s'explique par le fait que
chaque capitaine, dès qu'il avait été un peu plus loin que les précédents,
revenait à Lagos se vanter du succès et prendre de nouvelles instructions.
En fait, dès 1364,
les Dieppois étaient allés plus loin, fondant
le Petit-Dieppe Ă mi-chemin entre Sierra Leone
et le cap de Las Palmas ( Histoire
de l'Afrique
: le long du Golfe de Guinée ).
Seulement, ces navigations restées inconnues n'avaient en rien profité
à la géographie. En 1471, João de
Santarem et Petro de Escalone explorent la côte de Guinée et atteignent
le Gabon, l'équateur
était franchi. On commerce et on maraude dans ces riches contrées. Diego
Cam reprend la marche en avant (1484-1485),
reconnaît le Congo et approche de l'extrémité des continent. Le cartographe
Martin Behaim l'accompagnait et a retracé son
voyage sur le fameux globe terrestre qu'il construisit Ă Nuremberg en
1492, conformément au système de
Ptolémée, indiquant comme pays nouveaux l'Irlande,
la Norvège, la Russie, les Açores, la côte occidentale d'Afrique, et
complétant la géographie
de l'Alexandrin par la relation de Marco
Polo ( La géographie médiévale ).
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L'Ancien
Monde selon le globe de Martin Behaim.
(On
a reporté sur une carte mondiale Mercator le dessin du globe de
Behaim
en superposant le méridien de Greenwich aux deux tracés.)
Dans l'intervalle, entre le retour de Behaim
et l'exécution de sa carte, Bartholomeu Diaz avait
doublé le cap de Bonne-Espérance (1486).
Le dernier pas fut fait par Vasco de Gama, qui relia
les découvertes portugaises aux côtes de l'Afrique orientale, connues
des Arabes. Covilham venait de les visiter,
allant d'Aden Ă Canassor et Goa, en Inde ,
et de lĂ Ă Sofala .
Avant de se rendre en Abyssinie ,
où le négus le retint, il avait informé le roi Jean des résultats de
son voyage. Vasco de Gama, chargé de vérifier une conclusion désormais
certaine, partit de Lisbonne le 8 juillet
1497, gagna facilement Mélinde (Malindi)
par 3° de latitude Sud et de là Calicut .
En quelques années, les pilotes portugais établirent l'hydrographie des
côtes méridionales de l'Asie, depuis la mer Rouge jusqu'à la mer de
Chine ,
reconnurent les îles de la Malaisie jusqu'à la Nouvelle-Guinée.
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Vasco
de Gama double le cap de Bonne Espérance (1498).
En 1506,
Tristan da Cunha releva les côtes de l'équateur
au cap Gardafoui et Ă Socotora, puis celles de Madagascar .
L'occupation de Malacca par Albuquerque
(1511) mit en relations régulières
l'Europe avec l'extrême Orient; les Moluques furent visitées en 1512,
Canton en 1516, Pékin
en 1520, les îles Lieou-Khieou en
1518, le Japon
seulement en 1542, Bornéo
en 1523, Célèbes en 1525,
la Nouvelle-Guinée en 1527.
La relation de l'ambassade portugaise en Abyssinie (1520)
est resté jusqu'au début du XXe
siècle un des meilleurs documents sur ce pays.
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L'hémisphère
atlantique selon le globe de Martin Behaim.
Le
Nouveau Monde
La découverte de l'Amérique
ne fut pas, comme les explorations portugaises
d'Afrique
et de l'océan Indien, le résultat d'un plan méthodique, mais d'un heureux
hasard qui dépassa de beaucoup les résultats espérés par le génie
de Christophe Colomb. On lira, dans les pages
consacrées à sa biographie, l'exposé complet de ses idées géographiques
et des théories de Toscanelli qui lui marqua
l'Asie, les Indes et Cipangu
( = le Japon )
dans la région où il trouva l'Amérique. Nous savons que le mérite de
cette heureuse erreur revient à Ptolémée
( La géographie antique
: les accomplissements alexandrins ).
Comme on ne l'avait pas reconnue et qu'on continuait Ă se tromper sur
la véritable grandeur de la Terre ,
tout en constatant que les terres qu'on venait de découvrir, et auxquelles
on conservait pourtant le nom d'Indes, n'étaient pas celles décrites
par Marco Polo ( La
géographie médiévale ),
on ne se rendait pas bien compte de leur emplacement; ce point ne fut fixé
que par le voyage de Magellan. Colomb lui-mĂŞme
explora la région de la mer des Antilles. En peu de temps, le rivage oriental
du nouveau continent fut visité dans presque toute sa longueur, parce
que l'on espérait toujours trouver en quelque point un passage vers Cathay
(c'est-Ă -dire la Chine )
et l'Inde .
Les principales expéditions qui reconnurent
presque toute la côte du continent méridional furent celle d'Ojeda
(1499-1500,
Guyane et Venezuela); celle de Vincente Yañez Pinzon
(1499-1500,
de 8° S, jusque vers le Costa Rica); celle de Cabral,
jeté par hasard sur la côte du Brésil qu'il appela terre de Santa Cruz.
Le traité de démarcation, promulgué par le pape Alexandre
VI dans la bulle du 2 mai 1493,
donnait aux Portugais les pays à l'Est du méridien ,
tracé à 100 lieues des Açores; le roi du Portugal ,
trouvant que la nouvelle terre rentrait dans sa part, arma une nouvelle
expédition qui longea la côte jusqu'aux abords de La Plata ou peut-être
au delĂ (1501-1502);
puis une autre, confiée à Coelho, sans arriver davantage à trouver la
route par l'Ouest vers les îles des Epices. Ce passage, que Colomb n'avait
pas trouvé au centre de l'Amérique ,
ni les Portugais au Sud, d'autres le cherchèrent au Nord, s'appuyant sur
le fait cosmographique que de ce côté l'intervalle entre les degrés
de longitude
était moindre et la route plus courte.
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Christophe
Colomb prend congé des Rois catholiques
avant
son départ de Palos, le 3 août 1492, vu par un
dessinateur
imaginatif du milieu du XVIe siècle.
Les Cabot, au service
des Anglais, cinglèrent donc vers le Nord-Ouest; ils découvrirent la
côte de Labrador (1497), puis le détroit
de Davis, l'île de Terre-Neuve, et longèrent le littoral des États-Unis
actuels (1498). Les Portugais firent
la même tentative, et les Cortereal trouvèrent
le détroit d'Hudson (1500). A ce moment,
la dĂ©couverte faite par Cabral les dĂ©cida Ă
concentrer leurs efforts vers la route mĂ©ridionale. Ils aboutirent Ă
l'immortel voyage de Magellan, qui résolut
ces problèmes et donna enfin une idée approximative de la forme et de
la distribution des terres et des mers. C'est Magellan qui réalisa l'entreprise
conçue par Colomb. Il en résulta que le but
primitif du hardi navigateur génois était manqué, puisque, pour aller
de l'Europe Ă l'Asie par l'Ouest, il fallait parcourir les deux tiers
de la circonférence terrestre. L'erreur de Ptolémée
fut reconnue, mais Christophe Colomb avait trouvé bien plus qu'il ne cherchait
: un nouveau monde. On s'en aperçut rapidement, et, quinze ans après
la découverte, les gens du métier, les géographes, l'affirmaient expressément.
Sur ce nouveau monde, les renseignements
furent d'abord rares; on verra dans les pages consacrées à la biographie
de Christophe Colomb comment se propagea la nouvelle
de sa découverte. L'excellente mappemonde dressée par Juan
de La Cosa (1500) atteste l'étendue
des changements faits Ă la carte du monde, mais elle ne se vulgarisa pas
vite. Ce qui fut le plus répandu, ce furent les relations écrites par
Amerigo Vespucci qui avait figuré en sous-ordre
dans plusieurs expéditions. Il leur dut l'honneur imprévu de donner son
nom à ce nouveau monde; le géographe de Saint-Dié ,
Waldseemüller (Hylacomylus), fut l'auteur de ce déni de justice (1507).
La mappemonde dressée en 1520 par
Apianus, celle de Gemma Frisius
(1522) le consacrèrent. L'appellation
d'Amérique finit par prévaloir sur celles d'Indes occidentales
qu'on limita peu à peu à la région centrale. Cette injustice a d'ailleurs
peu d'importance. Le nom de Colomb n'en reste pas moins attaché à la
plus grande des découvertes géographiques, et à un événement qui est
parmi les plus considérables de l'histoire de l'humanité. Ces autres
mondes habités que les anciens Grecs avaient devinés, qu'Eratosthène
eut presque marqués à leur place sur la sphère ( La
géographie antique ),
les voici . Des trois continents inconnus, deux sont trouvés d'un coup,
celui du Nord-Ouest, et celui du Sud-Ouest soudés ensemble; pour le dernier,
celui du Sud-Est (l'Australie), on mettra plus de temps, et c'est seulement
Ă la fin du XVIIIe
siècle qu'on sera fixé sur son étendue. Il fallut d'ailleurs
bien des années pour compléter la connaissance, même générale, du
Nouveau Monde.
Le
contournement de l'Amérique
Au centre, il fallut décidément renoncer
Ă trouver un passage maritime vers l'Asie. En 1513,
Balboa avait trempé ses pieds dans le Grand Océan
( = l'Océan Pacifique). Après avoir pris Cuba
pour une presqu'île, le Yucatan
pour une île, on avait reconnu leur vrai caractère ; le fond de la mer
des Antilles avait été longé sans trouver d'ouverture; on se reliait
ainsi aux explorations du continent méridional également infructueuses.
Solis, chargé de contourner celui-ci pour remonter
jusqu'au lieu vu par Balboa (golfe de Panama), mourut en route après avoir
découvert le Rio de la Plata (1515).
Au Nord, Ponce de Léon découvrait la Floride,
en cherchant la fontaine de Jouvence (1512).
En 1520, fut achevé le pourtour du golfe du Mexique ,
du Rio del Norte Ă la Floride. Dans cette direction, on rejoignait les
itinéraires des Cabot. Donc, vers 1518,
un géographe suffisamment informé pouvait tracer la carte de la côte
orientale du Nouveau-Monde. depuis le 20° degré de latitude Nord. jusqu'au
40° degré de latitude Sud; la mer des Caraïbes ou des Antilles et le
golfe du Mexique étaient bien connus, leurs îles en partie colonisées.
On savait donc qu'une immense barrière fermait vers l'Ouest l'océan Atlantique
et qu'au delà de l'Amérique
s'ouvrait un autre océan. Mais quelles étaient les dimensions de ce continent,
de cet océan? On les ignorait complètement. Il y avait donc un intérêt
géographique primordial à découvrir ce passage vers l'Ouest que faisaient
rechercher aussi des espérances commerciales illusoires. Cette seconde
route vers l'Inde
fut; comme la première, trouvée par un Portugais ;
mais il était, comme Colomb, au service de l'Espagne .
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L'Amérique
centrale d'après Maiollo (1512).
D'après
l'Atlas de Kretschmer, Entdeckung Amerika's, cette carte serait
une des dernières indiquant le « détroit douteux » entre l'Amérique
du Nord
et du Sud
: pourtant il en existe une de date postérieure, 1532. D'autre
part, une carte de 1512 par Joannes de Stobnicza représente une
terre continue du 40° sud au 50° nord et détachée du continent asiatique
et de l'île de Zipango.
Les premières
circumnavigations.
Magellan (Fernao
da Magelhanes), qui avait visité Malacca, offrit à Charles-Quint
de renouveler l'entreprise de Solis. Il partit
de Séville le 20 septembre 1519, passa
par Rio de Janeiro, le Rio de la Plata, longeant
soigneusement la côte pour ne laisser passer l'ouverture d'aucun détroit,
hiverna au port Saint-Julien, et au printemps austral (octobre 1520)
repartit ; il trouva le détroit auquel il a laissé son nom; mais, après
l'avoir franchi, quand il se lança avec confiance dans l'Océan, convaincu
qu'il allait aborder aux Moluques, au Nord, puis au Nord-Ouest, puis Ă
l'Ouest, il ne trouva rien; au bout de quelques jours il touchait aux îles
des Larrons (Mariannes); dix jours après (mars 1521)
aux Philippines; il avait parcouru vers l'Ouest 22° de plus qu'il ne croyait.
Il périt à l'îlot de Matan, mais Sébastien d'El
Cano ramena son navire amiral Victoria en Espagne
(6 septembre 1522) par le cap de Bonne-Espérance,
achevant le premier voyage de circumnavigation du monde.
Les explorations maritimes se poursuivaient
aussi dans la région océanique révélée par Magellan.
Le second voyage autour du monde fut fait par le corsaire Francis
Drake (1577-1581),
qui vit le Sud de la Terre de Feu
et constata l'absence de toute terre australe de ce côté. Mais la relation
de ce voyage ne fut publiée qu'en 1652,
bien après que Lemaire et Schouten
eurent reconnu et dénommé le cap Horn (1616).
Le troisième fut fait par Thomas Cavendish,
dont les relevés astronomiques furent souvent utilisés; le quatrième,
par de Noort. Ces voyages et d'autres avaient signalé un certain nombre
des îles du Grand Océan, mais sans grande exactitude. |
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