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Massoudi

Aboul-Hasan-Ali Massoudi, Mas'oudy, Masoudi ou Maçoudi est un célèbre écrivain arabe, né à Bagdad au début du Xe siècle, mort au Vieux-Caire en 956. Il fit de nombreux voyages dans tout le monde islamique, depuis la Malaisie et la Chine, jusqu'à Madagascar et en Espagne. Il a consigné une multitude de renseignements et d'observations dans ses ouvrages, qui sont des sortes d'encyclopédies historico-géographiques (La géographie médiévale). Le principal était Akhbar-al-Zeman, dont nous n'avons que des fragments, et l'abrégé fait par Massoudi lui-même sous le titre Moroudj-al-Dsahab ( = Prairies d'Or; éd. et trad.. fr. de Barbier de Meynard et Pavet de Courteille; Paris, 1861-77, 9 vol.); la première partie est cosmographique et géographique; la seconde, plus développée, est une histoire du monde depuis Mohammed jusqu'à la fin du IXe siècle. On a conservé aussi le Kitab-al-Tanbih (éd. par de Goeje; Leyde, 1894). On attribue encore à Massoudi le Kitab-al-Adjaïb, autre recueil d'anecdotes géographiques d'un caractère beaucoup plus fabuleux.

Un historien unique.
Le peu que nous avons de ses écrits suffit pour donner la plus haute idée de la solidité et de l'étendue de ses connaissances ; et nous ne craignons pas de dire que son Moroudj-al-Dsahab (Moroudj-eddhehb), dont il existe des copies dans la plupart des grandes bibliothèques de l'Europe, est un véritable trésor historique et littéraire.

La liste des ouvrages que Massoudi a consultés, et qui, à peu d'exceptions près, nous sont tous inconnus, suffirait seule pour faire connaître l'immensité de ses recherches. Il ne se borne pas, ainsi que la plupart des auteurs musulmans de son temps, à compiler des légendes. L'histoire de Mahomet, de ses compagnons et de ses premiers successeurs, n'est pas non plus, comme chez eux, l'unique objet de l'attention de Massoudi. Il embrasse toutes les parties des connaissances historiques; il examine et il compare les opinions des anciens philosophes grecs, des indiens et des Sabéens, sur l'origine du monde, discute les divers systèmes chronologiques, nés de la différence des textes ou des versions de l'Écriture, celui des Persans aussi bien que les hypothèses des astronomes et des philosophes. La forme et les dimensions de notre globe l'occupent ensuite, et les systèmes de Marin de Tyr et de Ptolémée, dont il avait les ouvrages entre les mains, lui fournissent matière à de lumineuses observations; il décrit ensuite toutes les régions célèbres de l'ancien monde; fait connaître les nations, les villes, les montagnes, les fleuves, etc., qui s'y trouvent; il ne néglige rien de remarquable, devis le pays de Djelalekah (la Galice) et de Beskounes (la Gascogne), jusqu'au vaste empire de la Chine et aux grandes îles de l'océan Indien, qui, de son temps, étaient fréquemment visitées par les navigateurs arabes, et depuis la mer des Varanges et Noukirad; ou Novogorod la Grande, jusqu'à Sofala, et à l'île de Kambalou, ou Madagascar, baignée par la mer de Barbara (le Sinus Barbaricus de Ptolémée). La plupart des régions qu'il décrit, il les a vues.

Beaucoup de contrées, peu ou mal connues des Européens, lui fournissent le sujet de longs chapitres; tels sont les pays montagneux qui avoisinent les rives de l'Indus, le Sedjestan, le Kaboulistan, le Zawelistan, l'Ilestan et le Tokharistan; là existaient de son temps une foule de tribus persanes qui, pour fuir le joug et l'intolérance des Arabes, étaient allées chercher un asile dans ces régions sauvages. On y trouve aussi d'intéressants détails sur les tribus turques, sur les populations blondes et sur les sectateurs de Manès, habitant les régions qui séparent la Perse de la Chine. Comme les historiens chinois, il fait mention de l'origine arabe des souverains du Tibet. La description du Caucase et de la mer Caspienne offrirait un ample sujet aux commentaires d'un savant également versé dans les lettres grecques et orientales; il connaît les Bulgares du Danube et leurs frères de la Volga. Sa description de l'empire de Constantinople est fort curieuse, et elle vaudrait la peine d'être comparée à celle de l'empereur Constantin Porphyrogénète; les deux auteurs se prêteraient mutuellement de grandes lumières. Quelle abondante moisson ne trouverait-on pas dans l'ouvrage de Massoudi pour la connaissance de l'antique histoire des religions, des langues, des alphabets cunéiformes ou autres, du calendrier et des monuments des anciens persans! 

Tout ce qu'il rapporte est le résultat de ses conversations avec les mobeds et les destours les plus habiles, ou de ce qu'il a trouvé soit dans les livres originaux des sectateurs de Zoroastre, soit dans les ouvrages qui avaient été traduits en arabe, du temps des Omeyyades et sous les premiers califes Abbassides. Un chapitre sur un ancien empire syrien, antérieur à celui de Ninive, et puisé dans des livres sabéens et syriens que nous n'avons plus, pourrait donner lieu à plus d'une observation importante. En faisant l'histoire des souverains de Ninive, il offre le récit des conquêtes de Sémiramis en Arménie; ce fait ne se trouve pas dans les auteurs grecs que nous possédons, mais il est d'accord avec ce qu'on lit dans Moïse de Khorène, dont la véracité est attestée par le témoignage des Arméniens modernes, qui donnent encore à l'antique ville de Van le nom de cité de Sémiramis, et celui de ruisseau de Sémiramis à un torrent qui coule dans le voisinage. Massoudi n'est pas moins exact quand il traite de l'histoire politique et ecclésiastique de l'Empire romain; il parle avec connaissance de cause des conciles et des hérésies; il n'est pas jusqu'à l'histoire de Clovis dont il ne fasse mention dans son ouvrage, ainsi que des sanglants démêlés de ses successeurs, aussi bien que des invasions de Charlemagne et de son fils Louis en Espagne. Ce long détail ne donne qu'une bien faible idée de toutes les choses intéressantes qui se trouvent dans le livre de Massoudi. 

Ce savant historien se nommait Abou'lhasan Ali; son père s'appelait Housaïn et son aïeul Ali. De Guignes lui donne le surnom de Kothb-eddyn; nous croyons qu'il se trompe, car nous n'avons rencontré ce surnom dans aucun des écrivains orientaux que nous avons consultés; et du temps de Massoudi, l'usage de cette sorte de surnom ne faisait que de commencer et n'était pas encore fort répandu; d'ailleurs, l'auteur lui-même ne le prend pas dans la préface de son ouvrage. Il appartenait à une famille illustre chez les Arabes, et descendait d'un célèbre jurisconsulte de Médine, mort en l'an 102 de l'hégire  (721 de notre rère), nommé Obeïd-Allah, et appelé ordinairement Ibn-Mas'oud, du nom de son bisaïeul, dont le fils aîné, Abd-Allah, avait été l'un des compagnons du prophète lorsqu'il se réfugia de la Mecque à Médine. Ce Mas'oud appartenait à la tribu de Hodzaïl, et c'est de lui que tous ses descendants reçurent le surnom de Massoudi. 

La vie de Massoudi.
Notre historien naquit à Bagdad, nous ignorons en quelle année; mais nous savons par les témoignages de Mesihy et d'Abou'Imahasem qu'il n'atteignit pas un âge avancé, et qu'il mourut en Egypte en l'an 345 de l'hégire (956). Les circonstances de sa vie ne nous sont guère plus connues que l'époque de sa naissance; tout ce qu'on en sait, c'est qu'il portait le titre de cheik, ou docteur, et qu'il était attaché à la doctrine des Motazalites, ou sectateurs du libre arbitre, que les musulmans regardent comme des hérétiques. Cependant on peut voir, par un grand nombre de passages de ses écrits, qu'il passa la plus grande partie de sa vie en voyages, ainsi qu'il le dit lui-même en s'appliquant des vers du poète arabe Abou-Temam, dont le sens est : 

« Je me suis tellement éloigné vers le couchant, que j'ai perdu jusqu'au souvenir du levant; et mes courses se sont portées si loin vers le levant que j'ai oublié jusqu'au nom du couchant; je me suis vu exposé à une multitude de dangers, dont je suis sorti couvert de blessures comme si j'eusse été rencontré par des cohortes ennemies. » 
On ne peut guère douter effectivement qu'il n' ait parcouru toute la Perse, les régions limitrophes de l'Inde et la Transoxiane; qu'il n'ait été chez les Khazars, dans le Caucase, en Arménie, aussi bien que dans l'empire grec, en Espagne, et dans diverses portions de l'Afrique. Il est impossible de tracer la succession de ses voyages, qui ont dû commencer à peu près avec le IVe siècle de l'hégire. En l'an 303 (915 et 916 de notre ère), il était à Isthakhar, dans le Farsistan, l'ancienne Persépolis, où il vit un livre qui contenait le portrait et l'histoire de tous les rois Sassanides. Ce livre, sans doute très pré cieux, avait été composé sur des matériaux tirés des archives royales, et traduit du persan en arabe en 113 de l'hégire (732). Le même ouvrage est fréquemment cité par l'auteur anonoyme du Modjmel-Altewarikh, livre persan composé vers le XIIe siècle de notre ère. Il semble que peu après Massoudi fit un voyage en Inde, sur les côtes orientales de l'Afrique, et à l'île de Madagascar; car, en l'an 304 (916 et 917, il partit de cette île, qu'il nomme Kambalou, pour retourner à Sandjar, capitale du pays d'Oman. 

C'est sans doute avant son départ pour l'Afrique qu'il se lia, à Bassorah, avec le célèbre cadi de cette ville, Abou-Khalifah, ainsi que l'atteste Abou'Imahasen; ce ne put pas être plus tard que l'époque de son retour d'Afrique, car Abou-Khalifah mourut le 13 de reby 1er de l'an 305 (1er septembre 917); c'était un homme fort habile dans la connaissance des généalogies arabes et dans l'histoire des anciens poètes arabes. Il était important pour Massoudi, qui n'a pas négligé cette partie intéressante de la littérature et de l'histoire, de connaître ce savant homme. Il est à observer que dans le cours de ses voyages, Massoudi avait donné une attention particulière aux Juifs, et que partout il avait cherché à connaître personnellement leurs plus habiles docteurs, soit pour s'instruire, soit pour les combattre; il en fait connaître un grand nombre; il semble qu'il avait été dans la Palestine avant l'an 320 de l'hégire (932), puisqu'il y avait vu le célèbre rabbin de Tibériade, Jean, fils de Zacharie. 

En l'an 332 (943 et 944); il était à Bassorah, où il composa son Moroudj-al-Dsahab; et il avait alors terminé ses grands voyages. Il fixa ensuite son séjour à Bagdad, mais peu avant sa mort il fut obligé d'abandonner cette ville qu'il aimait et où il était né. Aussi, après en avoir fait l'éloge dans son dernièr ouvrage, il dit avec amertume :

« Ce pays nous est devenu d'autant plus cher, par l'infortune qui nous a obligés de quitter cette capitale qui nous a vus naître, où nous avons été élevés, mais dont les coups du sort nous ont éloignés. » 
On ignore pour quel motif il fut obligé de fuir son pays; mais il est à croire que ce fut à cause de ses opinions religieuses. Il alla chercher un asile en Egypte, où il mourut à Fostath au mois de djoumady 2° de l'an 345 (septembre ou octobre 956). (Michaud).
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Dictionnaire biographique
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