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Les épices
sont des substances aromatiques tirées de certains végétaux
(écorces, racines,
feuilles, fleurs, gousses,
graines, fruits), originaires
de l'Inde, de l'Afrique
tropicale, de l'Amérique.
On les emploie comme condiments pour relever
la saveur des mets, pour parfumer les boissons ou stimuler les fonctions
de l'estomac. La médecine
y a eu recourt de longue date pour en faire des cordiaux, des toniques.
Elles ont une odeur prononcée et plus ou moins suave, une saveur
ordinairement chaude et piquante et parfois une certaine amertume. Leur
arôme tient à des huiles ou à des sucs gommeux ou résineux
qu'on extrait pour en user dans les préparations dont on ne veut
pas altérer l'apparence. Les épices diffèrent donc
peu des aromates dont quelques-uns toutefois
sont des substances animales, par exemple le musc et l'ambre,
très employés comme condiments au Moyen
âge, et qui jouent, encore aujourd'hui, un rôle si considérable
pour fixer les arômes dans la distillerie et la confiserie.
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Une
épicerie à l'ancienne, à Amman (Jordanie).
Source : The World Factbook.
Les principales épices d'origine
exotique sont : le poivre, les piments, le gingembre, la badiane ou anis
étoilé, la muscade, la cannelle, le girofle, la vanille,
le curcuma ou safran des Indes. Par analogie, on a étendu le nom
d'épices aux produits aromatiques de provenance européenne
: anis, aspic, moutarde, sauge, angélique, cumin, carvi, coriandre,
fenouil, laurier, thym, paradis, etc.
L'ancienne division en épices simples
et épices préparées a encore cours en langage administratif.
Les épices préparées sont les extraits à l'état
liquide ou les pâtes, les jus, les sauces, les sucs épicés.
Les quatre épices ou fines épices sont le mélange
de plusieurs aromates pulvérisés et combinés dans
de certaines proportions, ordinairement : poivre, girofle, muscade, cannelle,
gingembre.
L'emploi des épices est général;
mais le goût en est plus on moins développé, suivant
les pays et les habitudes alimentaires. Tandis que l'ancienne cuisine
en abusait, la nouvelle les ménage. Un régime trop épicé
est loin d'ailleurs d'être inoffensif pour la santé et, au
point de vue gastronomique, il faut également veiller à ne
pas émousser le sens du goût.
L'excessive cherté des épices
en a fait longtemps un article de haut luxe, et les préparations
où elles entrent ont joui d'une faveur spéciale. Dans un
sens actuellement perdu, les épices ont donné leur nom à
ce moment du repas qui est représenté aujourd'hui par la
dégustation du café et des liqueurs. Dans la salle à
manger ou dans une pièce voisine, l'amphitryon offrait des dragées,
de la confiserie, des liqueurs, et la présentation de ces épices
devenait une sorte de cérémonie quand elle s'adressait à
un convive de marque. L'usage conservé par les Orientaux d'honorer
leurs visiteurs en faisant apporter des confitures et des sirops semble
se rattacher à une tradition de ce genre. Les épices furent
toujours bien accueillies comme cadeau (par exemple sous forme de dragées).
La
recherche des plantes à épices
Les végétaux
jouent un rôle immense dans la vie des peuples. On ne peut mieux
le prouver qu'en rappelant que l'Amérique
a été découverte par Christophe
Colomb parce qu'il voulait trouver un chemin plus court pour arriver
aux pays producteurs d'épices : pendant tout le Moyen
âge, ces produits précieux de plantes rares de l'Inde
et des archipels voisins arrivaient en Europe,
après mille difficultés, par l'Égypte
et l'isthme de Suez, et c'est à Alexandrie
que les Vénitiens allaient les chercher.
L'Italie a donc été, pendant tout
le Moyen âge, la pourvoyeuse de l'Europe pour tous les produits de
l'Extrême-Orient. Marco Polo, dont les voyages
en Chine ont été si célèbres,
était Italien, comme devait l'être le Génois
Christophe Colomb. Grâce à ce dernier, l'Amérique fut
découverte, mais il ne devait pas y trouver les épices; dès
son retour en Europe, l'illustre Génois rapporta des échantillons
variés de la flore américaine; cette vue émerveilla
les Espagnols et bientôt un certain nombre
de plantes remarquables du Nouveau Monde se répandirent en Europe
et sur tout le globe : l'Ananas, le Maïs, la
Pomme de terre,
le Haricot, pour ne citer que les plus importantes, dont la propagation
a amené des révolutions si profondes, puisque la Pomme de
terre a fait disparaître la famine de l'Europe.
Le but primordial visé par Colomb
n'avait pas été atteint, mais il était réservé
au Portugais Vasco de Gama de parvenir au pays des
épices en doublant le cap de Bonne-Espérance et en gagnant
ainsi l'Inde. C'est donc l'appât prodigieux de la découverte
de plantes rarissimes qui a suscité les deux plus grands voyages
des temps modernes. D'ailleurs la possession de la terre aux épices
a continué à faire l'objet des convoitises de nombreux pays
européens engagés dans cette économie de prédation
qui a servi de socle à leurs antreprises coloniales. Après
l'écroulement de Venise, la Hollande
ne tarda pas à ravir au Portugal sa conquête
et, pendant deux siècles, par des moyens étranges, garda
le monopole de ces plantes à épices en concentrant leur culture
et leur exploitation dans quelques îles et en organisant de véritables
expéditions guerrières pour les détruire partout ailleurs.
Cette situation prit fin quand, au XVIIIe
siècle, une expédition fut organisée par Poivre
pour aller à la découverte des pays aux épices, dont
les espèces furent alors propagées à la Réunion
et ailleurs.
Les épices se s'étaient vendues
d'abord chez les apothicaires à un prix élevé. C'est
au XIVe siècle que s'établirent
les boutiques d'épiciers à Paris,
et le prix de ces denrées devint un peu moins élevé.
Un ancien
éloge de l'épicerie
"Presque toutes les
épices sont des denrées coloniales, mais toutes les denrées
coloniales ne sont pas des épices; cependant les unes et les autres
ont été confondues sous le nom commun d'épicerie.
Il y a donc une première distinction à faire entre épices
et épicerie; mais il ne faut pas même s'en tenir là.
Le commerce de l'épicerie ne comprend pas uniquement en effet la
vente des épices et des denrées coloniales (sucre, café,
thé, cacao, tapioca, sagou, fruits exotiques, etc.), il s'est étendu
à une foule de substances naturelles, d'articles fabriqués,
comestibles ou non, de toute nature et de toute provenance : confiturerie,
confiserie, sirops, fruits secs, amandes, noix, noisettes, conserves, viandes
et poissons salés ou fumés, thon mariné, sardines,
anchois, olives, fromages, beurre salé ou frais, huile et vinaigre,
légumes secs, farines, riz, pâtes alimentaires, huiles éclairage,
bougies, chandelles, savon de ménage, potasse, cristaux, eau de
javelle. En un mot, l'épicier a profité de ce qu'il avait
la clientèle sous la main pour empiéter sur les autres métiers.
Le papetier, le parfumeur, le quincaillier, le mercier ont eux-mêmes
à compter avec sa concurrence; heureusement pour eux, une épicerie
ne petit, comme les maisons spéciales, offrir un assortiment complet,
et, surtout pour les articles de haut goût et de grand luxe, l'épicier
ne saura jamais conquérir la vogue et décider la mode : il
s'en tient aux qualités communes ou moyennes.
Il n'en est pas moins
vrai que l'épicier est devenu une sorte de pourvoyeur universel
à qui l'on peut s'adresser à tout hasard pour une foule d'emplettes.
Souvent, il représente à lui seul tout le commerce d'un village;
là où il n'y a ni boucher, ni même boulanger, s'est
installée une épicerie. Une petite ville bretonne, jalouse
du chef-lieu son voisin, se vante d'avoir possédé un épicier
bien des années avant lui et, par suite, de l'avoir jadis primé
en importance et en civilisation. L'argument est plus sérieux qu'il
n'en a l'air : selon que les denrées de l'épicerie se répandent
plus ou moins dans un pays, on y a la mesure du bien-être et de l'aisance.
Pour peindre l'état misérable des campagnes [autrefois],
il suffit de dire que le sucre y pénétrait uniquement pour
l'usage des malades. Le prestige qu'exerçaient les épices
sur l'imagination des peuples occidentaux, à l'époque où
ils les recevaient si difficilement, peut à peine se concevoir.
Sous quelles couleurs ne nous représentons-nous pas nous-mêmes
les pays qui les produisent? On a appelé fièvre de l'or cette
fascination qui a attiré tant d'émigrants sur les placers
californiens. La même fièvre saisit l'Europe à la fin
du XVe siècle; mais elle ne fut pas la seule fièvre de l'or.
Lorsque Vasco de Gama et Colomb voulaient, par des routes nouvelles, atteindra
les rivages de l'océan Indien, ces contrées leur apparaissaient
comme la terre promise, l'Eden où la nature prodiguait les épices,
les aromates, les baumes, les dictames. Libre aux moralistes grondeurs
de ne pas compter parmi les bienfaiteurs de l'humanité quiconque
améliore son régime alimentaire; ils se font de plus en plus
rares, aujourd'hui, les rigoristes qui se passionnent pour les vieilles
vertus romaines, parfumées à l'ail et à l'oignon.
On regarde avec raison comme déshéritées les générations
réduites à l'eau de source, ne connaissant que l'aiguillon
de la faim pour stimuler leur estomac et privées de toute douceur,
de toute boisson tonique. La terre est un domaine dont chaque âge
a le droit et même le devoir d'exploiter et de multiplier les ressources.
Nous ne sommes pas pourvus de sens perfectibles pour les laisser sommeiller
dans leur état rudimentaire. Puisque l'humanité se voit condamnée
à ses deux repas quotidiens le mieux à faire est d'y vaquer
en créatures intelligentes, au lieu de réduire cette opération
à un travail fastidieux ou à un assouvissement bestial. Pourquoi
d'ailleurs ravaler certains sens et idéaliser les autres? Les jouissances
de l'ouïe ont été presque divinisées; en quoi
serait-il absurde de supposer quelque portée esthétique aux
sensations de l'odorat et du goût?
Quoi qu'il en soit,
le service des estomacs civilisés a toujours compté pour
beaucoup dans le mouvement commercial et industriel. Les républiques
italiennes durent une grande partie de leur prospérité au
commerce des épices, dont leurs armateurs eurent le transit tant
qu'elles arrivèrent par l'Orient. La fortune des Médicis
n'eut pas d'autre origine, et lorsque leur enseigne commerciale, devenue
écusson princier, s'allia aux armes des Capétiens, les trois
pilules de leur blason, figurant à côté des fleurs
de lis, rappelèrent leurs débuts comme épiciers-droguistes.
Tant que les épices ne suivirent pas d'autre voie, elles furent
aussi rares que hors de prix. Mais lorsque le cap de Bonne-Espérance
fut doublé et l'Amérique découverte, le commerce de
l'épicerie prit un essor tout nouveau et le centre des affaires
se déplaça. Les Portugais, puis les Hollandais et les Anglais
furent d'abord en possession presque exclusive du négoce; mais le
champ était si vaste que la plupart des marines en vinrent à
l'exploiter. Lisbonne, Londres, Anvers, Hambourg, Bordeaux, La Haye entassèrent
dans leurs magasins chacune plus d'épices que n'en recevait jadis
toute la vieille Europe. Aux envois de l'Inde s'ajoutèrent progressivement
toutes les richesses naturelles de l'Amérique, toutes celles que
les colons surent y créer. Ce fut pour tous l'élargissement
de la vie, la participation au bien-être, une transformation du goût
et du régime alimentaire, une révolution dans l'économie
privée et publique. Pour suffire au transit, il fallut créer
un matériel énorme et, le besoin croissant toujours, recourir
à des forces nouvelles afin de multiplier et d'abréger les
traversées. Le monde entier est mis à contribution au profit
de nos tables, sans que nous nous prenions pour des Lucullus, et la petite
bourgeoise qui va aux emplettes ne soupçonne guère que, contre
un peu de monnaie, son épicier va lui livrer des denrées
apportées des Moluques, de la Martinique, du Mexique, de Bourbon
[île de la Réunion]; ce qu'il ne saurait y ajouter, c'est
une leçon de géographie commerciale". (Marcel Charlot, ca.
1900). |
Le
monde des épices
Les substances aromatiques qui définissent
les épices résident ordinairement dans ce qu'on appelle une
huile essentielle ou essence produite,
soit par des organes spéciaux, glandes
ou canaux sécréteurs, comme cela a lieu dans les Aurantiacées,
les Rutacées, les Myrtacées,
les Lauracées, les Ombellifères,
etc., soit par les tissus non différenciés de la plante.
Souvent aussi les odeurs sont associées à des substances
diverses, les résines, les gommes, les fécules,
etc. Les aromates sont parfois très fugaces et disparaissent par
la dessiccation; d'autres fois, au contraire, ils persistent indéfiniment
sur la plante desséchée.
Tantôt toutes les parties d'une
plante sont odoriférantes, tantôt ce sont seulement certains
organes, les racines, les tiges,
les feuilles et surtout les fleurs.
On présentera ici les épices selon les organes dans lesquels
sont sont localisés les aromates : 1 ° les boutons floraux ;
2° les fruits et les graines ; 3° les écorces; 4° les
rhizomes.
Épices
provenant de boutons floraux.
Le Giroflier vient des Moluques ou îles
à épices. C'est d'Amboine que Poivre
le rapporta à la Réunion en
1770, malgré les efforts des Hollandais, qui voulaient garder le
monopole de cette culture. Dans une deuxième expédition,
Poivre fut assez heureux pour découvrir de nouveaux pieds de cette
plante précieuse à Guéby, port inconnu des Hollandais.
En 1772, il donnait à un créole de la Réunion cinq
pieds de Giroflier : quatre périrent et c'est le cinquième
qui devint la souche de tous les Girofliers qui se sont propagés
dans les régions chaudes du globe. C'est un arbre
dont les fleurs ont quatre lobes calicinaux épais, persistants,
rouges. Les clous de girofle sont les fleurs encore en bouton qui sont
cueillies au moment où le calice prend sa coloration rosée.
On les emploie comme condiment et leur goût très fort et très
caractérisé est dû à une huile essentielle,
l'essence de girofle, qui est employée dans les préparations
microscopiques. Par fraude, on mélange souvent aux clous les griffes
de girofle, qui sont les pédicelles floraux, et les mères
de girofle ou anthofles, qui sont ses fruits, mais ces parties sont beaucoup
moins riches en essence que les boutons ou clous. C'est vers la septième
année que le Giroflier est susceptible de donner une récolte;
à dix ans il est en plein rapport et peut produire jusqu'à
soixante-dix ans. Les clous, après la récolte, sont desséchés
au soleil, étendus sur des nattes et rentrés le soir; au
bout de cinq jours de ce traitement, la dessiccation est suffisante. Un
arbre produit de 5 à 10 kilogrammes.
Épices
provenant de fruits et de graines.
Les fruits d'une autre Myrtacée,
le Piment officinal ou tout-épice, ou quatre-épices, se trouvaient
eu début du XXe siècle chez
les épiciers en France : ce sont des baies
rondes rugueuses, de la grosseur d'un pois; elles renferment l'essence
de piment. On les cueille avant la maturité et on les sèche
au soleil en six à dix jours; elles sont brun rougeâtre, d'une
saveur chaude et poivrée, et le nom de quatre-épices rappelle
que leur goût évoque celui de la cannelle, de la girofle,
du poivre et de la muscade. Chaque arbre peut fournir 10 à 15 kilogrammes;
à partir de sept ans la récolte commence.
Le Piment proprement dit ou Poivre de Cayenne
est un arbuste tout à fait différent de l'arbre précédent
: c'est une Solanacée du genre Capsicum; ses fruits sont des baies
légèrement pulpeuses, blanches, jaunes ou rouges, de formes
et de dimensions très variables. Dans le Piment fastigié
elles sont conico-cylindriques et atteignent 2 à 4 centimètres
de long, mais cette espèce présente des variétés
sphériques plus petites qu'un grain de poivre, ou aussi petites,
mais de forme conique; il s'emploie pulvérisé sous le nom
de Poivre de Cayenne.
Le Piment enragé est une autre forme
(Piment frutescent); c'est le Chillee (Chili pepper) des anglo-saxons;
ses fruits sont coniques. Dans le Sud de l'Europe et dans les pays tempérés,
c'est le Piment onnuel, sous la forme de piment. doux, qui est ordinairement
cultivé.
Le Poivre proprement dit est produit par
une liane, le Poivrier noir, de port tout à fait différent;
elle atteint une dizaine de mètres de long avec des tiges souples;
les inflorescences sont des épis et
les fruits des baies presque sphériques,
serrées les unes contre les autres, d'abord vertes, puis rouges,
de vingt à quarante par épi. Ce fruit est cueilli un peu
avant la maturité et simplement desséché, et il donne
ainsi le poivre noir du commerce; il renferme 2 à 3 pour 100 d'un
alcaloïde, la pipérine, une huile essentielle très odorante
et des résines à saveur brûlante. Pour obtenir le poivre
blanc, on cueille le fruit mûr, puis on le laisse tremper quelque
temps dans une eau de chaux ou dans de l'eau de mer, et le péricarpe
ainsi gonflé est ensuite enlevé par frottement entre les
mains : le produit obtenu n'est que la graine et non plus le fruit. C'est
à partir de trois ans, quand la plante vient de bouture, que la
récolte commence, et elle peut atteindre de 1,75 kg à 3 kilogrammes,
de six à quinze ans, pour diminuer à un âge plus avancé,
et à partir de trente-cinq ans la plante doit être remplacée,
car elle ne produit plus suffisamment. On peut faire, en général,
deux récoltes par an.
Le Poivre long entre en Inde dans la composition
de divers médicaments. On connaît enfin d'autres Poivriers
donnant le poivre long de Java (Poivrier des officines) et le poivre des
Achantis (Poivrier de Guinée). Le Poivre de Kissy fut jadis été
adopté pour la consommation des troupes coloniales en Afrique. On
désigne souvent encore, sous le nom de Poivrier de Guinée,
une Anonacée, le Xylopia d'Éthiopie, dont les fruits allongés
sont en bouquets de huit à dix baies, avec une série d'étranglements.
Une autre plante à épices
utilisée pour ses graines est le Muscadier, longtemps cultivé
exclusivement aux Moluques, surtout aux îles de Banda. Poivre,
avec Provost et d'Etcheverry, l'introduisit à Maurice
et à la Réunion. C'est un petit
arbre ressemblant aux Poiriers; à feuilles
entières, à fleurs jaunâtres, à fruit constitué
par une capsule charnue jaunâtre en forme de prune, qui s'ouvre en
deux valves et laisse apercevoir de jolies graines
recouvertes d'une arillode charnue se détachant par sa couleur rouge
sur la graine brune : cette partie superficielle constitue le macis du
commerce, utilisé surtout dans la fabrication de liqueurs et médicaments,
et comme condiment. En cassant le tégument dur de la graine, on
retire l'amande, qui est la noix de muscade, formée surtout par
l'albumen ruminé; elle est de saveur âcre,
d'odeur aromatique; par pression à chaud, on en extrait les corps
gras, surtout la trimyristine, qui entraînent les hydrocarbures de
composition complexe formant l'essence, et l'ensemble est le beurre de
muscade. La Muscade de calebasse est fournie par le Monodora muscadier
(Anonacée), dont les graines donnent une essence rappelant celle
du macis de la muscade; on l'emploie surtout en Afrique
: au Gabon, c'est le poussa.
Les graines de Cardamome (Elettaria Cardamomum),
une Zingibéracée, sont également utilisées
à cause de leur essence aromatique, poivrée, qui les fait
employer comme le poivre et la girofle. C'est surtout en Inde
et au Sri Lanka qu'on les récolte; on
expose au soleil le fruit pour le faire sécher. C'est un produit
important exploité à l'état sauvage au Vietnam
(Haut-Tonkin).
Les graines de paradis, ou maniguette ou
meliguette, sont très consommées en Angleterre;
elles ont la saveur du poivre ou des Cardamomes; elles sont dues aux Amomes
Meleguelles du Sierra-Leone et du bassin
du Congo. Le maniguette bâtard est dû
à l'Amomum Clusii, à saveur moins forte, qui vient également
de l'Afrique occidentale, ainsi que le dadi-gogo
du Congo (Ceralanthera Beaumetzi).
La Vanille
peut être rattachée aux aromates employés par leurs
fruits. C'est une Orchidée dont le fruit
allongé se fend en deux valves, aux tissus fortement chargés
de vanilline que l'on sait reproduire par synthèse. C'est une plante
d'origine mexicaine, et qui a été introduite dans les régions
africaines et à la Réunion par
Marchand en 1822, de boutures venant du Muséum
de Paris, mais l'insecte qui la féconde
dans son pays natal manquant, l'opération de la fécondation
artificielle est nécessaire; cette pollinisation, qui peut s'étendre
à plus d'un million de fleurs dans une seule
exploitation de la Réunion, par exemple, est une opération
agricole de la plus haute importance. Le fruit n'est mûr que six
à sept mois après la fécondation. Les gousses coupées
sont soumises à une série de manipulations en vue de développer
leur parfum et de permettre leur conservation; elles consistent en des
immersions courtes dans l'eau bouillante, puis fermentation et séchage
: les fruits récoltés ne dégagent l'odeur recherchée
de la Vanille que sous l'influence d'une oxydase; de verts et durs qu'ils
étaient au moment de la cueillette, ils deviennent bruns et bien
souples. On emploie,
depuis 1897, une nouvelle méthode
de préparation dite « par le chlorure de calcium ».
Signalons une autre Orchidée, le
Sélénipède chica, qui fournit une vanille de qualité
inférieure.
Épices
provenant d'écorces.
Le Cannellier (Cinnamome) de Ceylan est
une autre plante à épice. Les écorces de cette Laurinée
sont enlevées, au Sri Lanka (anc. Ceylan),
par des cueilleurs appartenant à une caste spéciale, celle
des Chaliyas; ils pratiquent, sur les jeunes tiges coupées, des
incisions circulaires et longitudinales, et, avec un morceau de bois renflé
à une extrémité, ils tapotent l'écorce de manière
à la détacher à l'aide d'un couteau serpette en cuivre,
métal ne s'altérant pas, car le fer noircit au contact du
tanin de l'écorce. Ces écorces
sont mises à sécher, débarrassées du liège
par grattage. Elles se présentent dans le commerce sous forme de
cylindres fendus en long. La culture de cette plante est surtout importante
au Sri Lanka.
La cannelle blanche est fournie par une
plante voisine des Magnoliacées; elle a longtemps eu un emploi médicinal.
A ce groupe nous pourrons également rattacher la cannelle de Winter
(Drimys Winteri).
Épices
provenant des rhizomes.
Il est enfin plusieurs plantes
dont les rhizomes fournissent également
des épices ou des aromates, en particulier le Gingembre officinal,
à port de roseau, à rhizome tubéreux, qui renferme
une huile essentielle, jaune pâle, à odeur vive, à
saveur douce, aromatique, puis amère, légèrement brûlante.
Cette plante, probablement originaire de l'Asie,
n'a pas été trouvée à l'état sauvage.
On l'emploie surtout en Angleterre comme condiment; elle sert également
dans la fabrication d'une bière spéciale dite gingerbeer
ou ginger-ale; elle a le même emploi en Afrique, notamment au Sénégal,
où on l'utilise pour assaisonner le couscous et, au Sierra-Leone,
pour faire une bière; en Chine, les rhizomes
sont râpés et vendus en poudre; en Amérique, l'essence
de gingembre até utilisée comme médicament énergique
dans les remèdes calmants qui portaient le nom de « pain expeller
». Une autre espèce, le Gingembre Zerumbel, employé
de la même manière, est surtout commun en Inde et en Nouvelle-Calédonie.
Le Gingembre a une odeur un peu poivrée,
agréable; sa saveur aromatique et brûlante est très
forte.
Le Curcuma long ou Safran des Indes, Safran
bâtard ou Souchet des Indes, est également importé
en Europe parce que son rhizome est un condiment apprécié;
il est utilisé en Inde pour la préparation du carry ou curry;
il sert à la Guadeloupe à la
préparation du mets créole appelé colombo.
La poudre de curcuma ou turmeric est formée d'amidon, lequel
est associé à une matière colorante jaune orangé,
la curcumine, et à une huile essentielle volatile, aromatique, de
saveur brûlante.
Epices
et parfums
La parfumerie
est redevable aux épices de quelques essences à odeur très
forte: les essences de cinnamome, de cardamome, de girofle, de toute épice,
de muscade, de macis, de cannelle; cette dernière s'obtient au Sri
Lanka et en Chine par la distillation des débris d'écorce.
De l'essence de girofle on extrait l'eugénol, employé pour
fabriquer la vanilline artificielle. La série des graines comprend
le fenouil, le carvi, la coriandre, le cumin, l'anis, la badiane de Chine
ou anis étoilé, qui entrent dans la fabrication de certains
dentifrices, dans celle de l'anisette, etc., et aussi les graines d'ambrette
(Hibiscus musqué) ou musc végétal des Antilles
et de la Guyane, et l'amande amère, qu'on
obtient en distillant le tourteau d'amande dont on a exprimé l'huile
grasse. (J. Constantin, F. Faideau / M. Charlot).
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Epices, dragées
et confitures : un point de droit
Le mot épice
appartient aussi au vocabulaire de l'ancien droit
français qui désigne les présents que les plaideurs,
et spécialement celui qui avait gagné son procès,
faisaient au juge qui avait été chargé du rapport.
Cet usage existait
déjà à Rome où
les menus cadeaux offerts aux magistrats s'appelaient xenia; il
fut aboli par Constantin, mais Justinien,
dans sa novelle 15, chap. VI, permit aux defensores civitatis de
percevoir 4 écus pour chaque sentence définitive, et par
sa novelle 82, chap. IX, il accorde aux judices pedanei, magistrat
d'ordre inférieur, 4 écus pour chaque procès. Ces
présents s'appelaient encore sportulae, du nom de la corbeille
dans laquelle on les recevait, ou aussi pulveratica, mais ils n'étaient
dus que si le procès présentait une certaine importance pécuniaire.
On trouve dans des
textes la preuve que le même usage s'était perpétué
en France, et c'est ainsi que les anciennes coutumes
de Bourgogne, par leurs articles 127 et
130, interdisent aux gens de justice et notamment aux prévôts
de rien accepter des plaideurs; mais ces défenses restèrent
lettre morte, car la vénalité des charges engageait les magistrats
à élever autant que possible leurs profits afin de rentrer
dans les dépenses que leur avait occasionnées l'achat de
leur office. Au début, il leur fallait, pour recevoir des cadeaux,
une autorisation spéciale; ainsi des lettres de Charles
VI, de 1395, permettent au président du Parlement d'accepter
des présents qui, dans l'espèce, comprenaient un certain
nombre de mesures de vin. D'autres arrêts permettent d'une manière
générale, et dans tout le royaume, de donner aux rapporteurs
deux ou trois boîtes de dragées. Le mot épices vient
en effet de ce que ces dragées ou confitures s'achetaient chez les
épiciers, car, ainsi que le fait remarquer Denisart, avant la découverte
des Indes, les fruits se confisaient avec des épices, et non avec
le sucre fort rare et fort cher à cette époque. Peu à
peu, ces épices qui se donnaient volontairement, changèrent
de caractère, devinrent obligatoires et furent converties en argent.
C'est ce que Loyseau explique de la manière suivants :
«
Les épices que nous donnons maintenant ne se donnaient anciennement
par nécessité. Mais celui qui avait obtenu gain de cause,
par forme de reconnaissance ou regraciement de la justice qu'on lui avait
. gardée, faisait présent à ses juges de quelques
dragées et confitures [...]. Ces épices se donnaient donc
au commencement par forme de courtoisie à leurs juges par ceux qui
avaient obtenu gain de cause, ainsi que je disais ores. Néanmoins
le malheur des temps voulut tirer telles libéralités en conséquence;
si que d'une honnêteté on fit une nécessité.
Pour laquelle cause, le dix-septième jour de mai 1402, fut ordonné
que les épices, qui se donneraient pour avoir visité les
procès, viendraient en taxe. Depuis, les épices furent changées
en argent, aimant mieux les juges toucher deniers que dragées. Tout
de même façon que nous voyons qu'aux doctorandes la plupart
de nos maîtres de tribune aiment mieux choisir vingt sous qu'un bonnet.
»
Dès lors, les
épices eurent droit de cité et devinrent officiellement une
partie du traitement des magistrats; on créa même dans plusieurs
tribunaux, en 1581 et 1586, des offices de receveurs des épices
qui ne furent supprimés que par l'édit d'août 1716.
Enfin l'édit d'août 1669 contient
un règlement spécial sur les épices. Elles n'étaient
dues, en principe, que pour les procès contradictoires qui s'instruisaient
par écrit, sur mémoires et sur rapport : ainsi on ne percevait
aucune épice sur les jugements par défaut et sur les jugements
rendus sur plaidoiries orales à l'audience; les causes des pauvres
en étaient aussi exemptes.
Au début,
les magistrats exigeaient le paiement de leurs épices avant la lecture
du rapport et le prononcé du jugement; faute de cette consignation,
l'affaire n'était pas mise au rôle : non deliberetur donec
solvantur species. Un arrêt de 1437 tenta de faire disparaître
cette exigence abusive, en décidant que, malgré l'absence
de consignation d'épices, les rapporteurs devaient expédier
les affaires qu'ils avaient entre les mains. Les magistrats prirent un
détour : pour se conformer à la lettre de cet arrêt,
ils expédiaient l'affaire, mais le greffier avait ordre de ne restituer
aux parties leurs sacs, pièces et productions, et de ne leur délivrer
la grosse de leur jugement qu'après s'être assuré que
les épices avaient été payées au rapporteur.
C'est qu'en effet les juges n'avaient pas d'action pour le paiement des
épices. II leur était aussi interdit de les recevoir directement
des plaideurs, de la main à la main, mais seulement par l'intermédiaire
du greffier qui les taxait.
Il paraît que
la magistrature de ce temps montrait une grande âpreté dans
la perception des épices, et chacun connaît l'épigramme
suivante que Saint-Amand lui décocha, au XVIIe siècle, à
l'occasion d'un incendie qui avait détruit une partie du Palais
:
Certes,
ce fut un triste jeu
Quand à Paris,
dame justice,
Pour avoir mangé
trop d'épice
Se mit le Palais
tout en feu.
De son côté,
Petit-jean, dans les Plaideurs (acte II, scène VII), dit
de son maître, en jouant sur les mots :
Il me redemandait
sans cesse ses épices,
Et j'ai tout bonnement
couru dans les offices
Chercher la boîte
au poivre....
Cependant cet usage,
qui était devenu une règle de droit, persista jusqu'à
la Révolution. Les épices
ne furent supprimées que par les lois des 4 août 1789 et 24
août 1790 qui déclarèrent que les juges rendraient
la justice gratuitement. (F. Girodon). |
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