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Venise (lat.
Venetia,
ital. Venezia) est une ville maritime de l'Italie![]() ![]() La Giudecca, au Sud, est assez isolée; les deux autres îles principales, au centre, constituent la Venise proprement dite. Ces îles sont divisées elles-mêmes par des canaux en 117 petites îles et îlots naturels et artificiels, formés au fil des siècles par l'accumulation de sédiments. Elles sont séparées par un réseau extrêmement dense de canaux, véritables rues liquides, et sont reliées entre elles par 430 ponts. Le coeur de la ville
est structuré autour du Grand
Canal, la principale voie d'eau qui serpente
sur près de 4 kilomètres à travers la cité en forme de S inversé,
la divisant en deux grandes parties. Ce canal est bordé de palais historiques
et est le théâtre d'une intense circulation de vaporetti (bus
nautiques), de taxis nautiques et de gondoles,
aujourd'hui dévolues aux touristes ( ![]() Plan de Venise en 1900 (cliquez sur l'image pour l'agrandir). La ville historique est traditionnellement divisée en six quartiers administratifs, les sestieri : Cannaregio, San Polo, Dorsoduro, Santa Croce, San Marco et Castello. L'île de la Giudecca, située au sud du centre historique et séparée par le canal de la Giudecca, est souvent considérée à part ou comme un septième sestiere informel. • Le sestiere de Cannaregio est le plus septentrional et le plus peuplé des quartiers de Venise. C'est souvent le premier contact avec la ville pour les visiteurs arrivant par le train ou le bus, ce qui lui confère une atmosphère vivante, notamment le long de la Lista di Spagna menant vers le centre. Il abrite l'historique Ghetto Ebraico, le plus ancien au monde, avec ses synagogues et son musée, témoignant d'une riche histoire culturelle. Le quartier est traversé par le canal de Cannaregio, le seul canal traversé par deux ponts fixes avant de rejoindre le Grand Canal. On y trouve des artères animées comme la Fondamenta della Misericordia et la Fondamenta degli Ormesini, réputées pour leurs bars à cicchetti et restaurants fréquentés par les locaux et les étudiants, et qui offrent un aperçu de la vie vénitienne authentique. Le reste du sestiere, plus à l'est, devient plus résidentiel et tranquille, avec de charmantes petites rues et des églises moins connues mais magnifiques. Le Casino de Venise est également situé dans ce quartier, dans le palais Loredan Vendramin Calergi.La lagune elle-même est une vaste étendue d'eau salée peu profonde, d'environ 550 km², incluant la ville de Venise, d'autres îles importantes comme Murano (célèbre pour son verre), Burano (connue pour ses maisons colorées et sa dentelle), et Torcello (un des plus anciens foyers de peuplement de la lagune), ainsi que des zones de marais salés (barene) et de vasières (velme). Cette lagune est séparée de la pleine mer Adriatique par une série d'îles-barrières ou cordons littoraux, dont les plus connus sont le Lido, Pellestrina et Sottomarina. Ces îles protègent la lagune des tempêtes de haute mer, mais laissent passer les marées par des passes (les porti), permettant le renouvellement de l'eau. La ville historique de Venise est reliée au continent uniquement par un long pont routier et ferroviaire, le Ponte della Libertà , qui arrive à la Piazzale Roma (pour les véhicules) et à la gare Santa Lucia (pour les trains), situées à l'extrémité ouest du centre historique. À partir de là , tous les déplacements à l'intérieur de la ville se font à pied ou par voie d'eau. Cette géographie unique, issue de la nécessité historique de s'installer dans un lieu difficile d'accès pour des populations fuyant les invasions, a nécessité des techniques de construction spécifiques. Les fondations des bâtiments ont été réalisées en enfonçant des millions de pilotis de bois dans les couches d'argile et de sable de la lagune, sur lesquels reposent des plates-formes de bois et de pierre d'Istrie. L'eau des canaux est souvent à marée basse, révélant les murs et les fondations, tandis qu'à marée haute, elle peut monter considérablement. Cependant, cette configuration géographique présente des défis majeurs pour la ville. Venise est particulièrement vulnérable au phénomène de l'acqua alta, des marées hautes exceptionnelles qui surviennent principalement en automne et en hiver, inondant les parties basses de la ville, en particulier la Place Saint-Marc. Ce problème est aggravé par le phénomène de subsidence (l'affaissement progressif du sol de la lagune) combiné à l'élévation globale du niveau marin due au changement climatique. Des travaux considérables, comme le système de digues mobiles MOSE (Modulo Sperimentale Elettromeccanico), ont été mis en place aux passes de la lagune pour tenter de protéger la ville et l'environnement lagunaire des marées les plus hautes. La fragilité de l'écosystème lagunaire, menacée par la pollution, l'érosion et le trafic maritime, est également une préoccupation géographique et environnementale majeure pour Venise. Le climat, du reste, malgré les préjugés contraires, est excellent. Si l'air y est souvent humide, il est, par contre, absolument pur des poussières qui chargent celui des villes continentales. De plus, le voisinage immédiat de la mer adoucit les écarts atmosphériques et tempère les transitions. La moyenne annuelle de température est de +13 °C, celle du mois le plus chaud est de + 23,9 °C, celle du mois le plus froid est de + 1,8 °C; l'écart annuel n'est donc que de 22,10 °C. -- ![]() Gondoles sur le quai de la Piazzetta. Au fond, l'île de San Giorgio Maggiore, avec sa basilique. Photo : © Thierry Labat, 2010. Le port, après avoir été le plus important
du monde, était complètement déchu pendant la période autrichienne;
après que Venise ait été rendue à I'Italie |
Les monuments de VeniseMais Venise attire surtout le voyageur par sa beauté. Après le gigantesque pont de 3603 mètres avec 222 arches sur lequel passe le chemin de fer, le touriste va d'abordau centre de la ville, à l'admirable place Saint Marc, entourée de constructions à arcades, les Procuratie Vecchie et Nuove, la basilique de Saint-Marc. On y admire le Campanile dominant le bijou de sculpture qu'on appelait la Loggetta. Ce campanile, haut de 98 m, qui datait des XIIIe et XIVe siècles, s'est écroulé en 1902 et a été reconstruit ensuite à l'identique. La place, dallée de pierres unies et polies qui n'ont jamais été frappées par le pied des chevaux, est animée par le vol d'innombrables pigeons. En retour d'équerre, la Piazzetta, bornée par le palais ducal. Deux colonnes de granit supportent l'une le lion ailé de saint Marc, l'autre un Saint Théodore terrassant un dragon. Le Grand Canal, bordé de plus de cent cinquante palais du style byzantin du XVe siècle, enjambé par le magnifique pont du Rialto, attire aussi les visiteurs. - ![]() Partie supérieure de la façade Nord de la basilique Saint-Marc. Les monuments sont dignes de leur renom.
Des quatre-vingt-dix églises de Venise,
la basilique byzantine de San
Marco (Saint-Marc) est la plus intéressante. Parmi les autres églises,
citons San Zanipolo (Santi Giovanni
e Paolo), panthéon où sont ensevelis la plupart des grands hommes dont
s'enorgueillit Venise; Santa Maria della
Salute, somptueuse, du XVIIe siècle;
Santa
Maria dei Miracoli, écrin de marbre, San Salvatore, véritable musée,
etc. Parmi les édifices civils, le palais
des Doges (palais ducal), reconstruit au XVe
siècle, restauré après deux incendies, en 1483 et 1574, est une merveille
un peu étonnante au premier abord. Le musée et la bibliothèque de Saint-Marc,
riche de plus de 200 000 volumes et de 10 000 manuscrits précieux, s'y
trouvent. Le palais communique avec les célèbres prisons, autrefois appelées
les Plombs et les Puits, par le pont des Soupirs. L'opéra de la Fenice,
construit au XVIIIe siècle, initialement
appelé Teatro San Benedetto, doit son nom actuel à ce que, comme l'oiseau
mythologique (le Phénix), il a survécu
à plusieurs incendies. Le dernier en janvier 1996 a obligé a le reconstruire
entièrement; sa réouverture n'a eu lieu qu'en novembre 2003.
![]() Le Grand canal, à la tombée de la nuit. Plans de Venise.
L'Histoire de VeniseVenise tire son nom de celui d'une tribu de la Gaule![]() ![]() ![]() - ![]() Venise en 1493 (gravure de Hartmann Schedel). Dans le partage des dépouilles, Venise obtint plus du quart de l'Empire grec et, notamment la Crète et la Morée (Péloponnèse). Ayant ainsi développé leur puissance, les Vénitiens commencèrent au siècle suivant à s'étendre sur le territoire italien. En 1336, leur alliance avec Florence contre les della Scala leur valut Trévise et Castelfranco. Deux guerres contre Gênes (1350-1354 et 1378-1381 ou guerre de Chioggia); le procès de Marino Faliero (1355); d'autres luttes contre les Carrare, auxquels elle enleva Vérone et Padoue (1405-1406), les Visconti (1426), les Sforza (14361450); le procès de Carmagnola (1432) marquèrent l'histoire agitée de la république au début du XVe siècle. En 1453, Venise, qui vient, la première des Etats chrétiens, de traiter avec les Turcs, est à l'apogée de sa grandeur. Son territoire, peuplé d'environ 3 600 000 habitants, se composait alors de trois parties distinctes : 1° le Duché (DogadoLe développement du luxe et des arts répond à cette prospérité. Les Bellini commencent l'école vénitienne et Alde Manuce établit ses presses à Venise en 1480 ( ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Venise perd la Crète
en 1669, et, si les victoires de Morosini lui
reconquièrent la Morée à la paix de Carlowitz
(1699), elle la perd définitivement à Passarowitz (1718). Elle n'est
plus, dès lors, qu'une cité de luxe et de plaisir. Sa conduite hésitante
sous la Révolution amena sa chute et
sa cession à l'Autriche La vie culturelleLa vie culturelle à Venise est d'une richesse inouïe, tissée dans la trame même de cette ville où chaque pierre, chaque canal, chaque campo résonne de siècles d'histoire, d'art et de traditions. Plus qu'une simple collection de musées ou de théâtres, la culture à Venise est une expérience immersive qui imprègne l'atmosphère et le quotidien.Au coeur de cette effervescence se trouve un héritage artistique exceptionnel. La peinture vénitienne, avec ses maîtres tels que Bellini, Titien, Tintoret et Véronèse, a marqué l'histoire de l'art par sa richesse chromatique et son usage novateur de la lumière. Leursoeuvres ornent encore aujourd'hui les églises et les palais, mais c'est aux Gallerie dell'Accademia qu'on peut apprécier l'étendue de ce patrimoine. L'architecture elle-même est une œuvre d'art constante, un mélange fascinant de styles gothique, renaissance et baroque, reflétant les influences orientales et occidentales qui ont forgé la République Sérénissime. Le Palais des Doges, la Basilique Saint-Marc, les palazzi le long du Grand Canal témoignent de cette splendeur passée. Mais la culture vénitienne
n'est pas figée dans le passé. La ville est un carrefour international
de l'art contemporain, accueillant la prestigieuse Biennale de Venise,
l'un des événements majeurs sur la scène mondiale de l'art et de l'architecture,
qui attire artistes, critiques et amateurs du monde entier tous les deux
ans. Des institutions comme la collection Peggy Guggenheim ou la Punta
della Dogana (collection François Pinault) complètent ce tableau en présentant
desoeuvres majeures du XXe et XXIe
siècle, et créent un dialogue stimulant entre l'ancien et le nouveau.
![]() Vue de Venise depuis le Campanile. En haut, l'église des Frari; en bas à gauche, le palais Contarini del Bovolo, avec son escalier en colimaçon. La musique occupe également une place de choix. Berceau d'Antonio Vivaldi, Venise continue de faire vibrer ses murs au son de la musique classique. Des concerts sont régulièrement donnés dans des lieux historiques, offrant une acoustique et un cadre incomparables. Le théâtre de La Fenice, l'un des opéras les plus célèbres et les plus beaux du monde, propose une programmation lyrique et symphonique de premier plan. Il perpétue ainsi une tradition vénitienne de l'opéra qui remonte au XVIIe siècle. Les traditions artisanales constituent une autre facette essentielle de la vie culturelle. Le soufflage de verre de Murano, avec ses techniques séculaires et ses créations éblouissantes, est mondialement reconnu. La fabrication de masques, intrinsèquement liée au célèbre Carnaval, est un art qui se pratique encore dans de nombreux ateliers, tout comme la production de textiles précieux ou l'imprimerie, une tradition qui remonte à l'époque d'Aldus Manutius et qui a fait de Venise un centre majeur de l'édition européenne. Les festivals et
événements rythment l'année vénitienne et sont des moments clés de
sa vie culturelle. Le Carnaval, bien sûr, transforme la ville en un immense
théâtre à ciel ouvert, où les masques et les costumes d'époque créent
une atmosphère féerique et intemporelle. La Regata Storica célèbre
le passé maritime de Venise avec un défilé de bateaux traditionnels
et des courses effrénées sur le Grand Canal. La Festa del Redentore,
avec son spectaculaire feu d'artifice au-dessus du bassin de Saint-Marc,
et la Festa della Sensa, commémorant le mariage symbolique de Venise avec
la mer, sont d'autres temps forts qui ancrent la vie contemporaine dans
les rituels ancestraux.
La vie culturelle s'exprime aussi dans les gestes du quotidien : le simple fait de naviguer en gondole, de se perdre dans le dédale des calli, de prendre un caffè sur une place, d'observer la lumière changeante sur l'eau – tout cela participe à cette atmosphère si particulière qui nourrit l'imaginaire et continue d'inspirer écrivains, cinéastes et artistes du monde entier. Les librairies indépendantes, les galeries d'art discrètes cachées dans les ruelles, les bacari où l'on déguste des cicchetti (tapas vénitiennes) et du vin, les marchés locaux comme celui du Rialto – tous ces lieux sont des foyers de vie et d'échanges qui enrichissent le tissu culturel de la ville. Le
Carnaval de Venise.
Le but initial et persistant du carnaval était de permettre à la population de se libérer des contraintes sociales rigides de la République, de se déguiser et de se mélanger, abolissant temporairement les différences de rang, de richesse et de statut. C'était une période de « pani e vino » (pain et vin), de jeux, de spectacles de rue, de musique et de danse. L'élément central et le plus emblématique de ce carnaval était la maschera. Le port du masque n'était pas seulement autorisé, il était encouragé, devenant presque obligatoire pendant la saison du carnaval. Il conférait un anonymat quasi total, permettant toutes sortes d'audaces et de libertés, parfois jusqu'à l'excès. On pouvait être qui l'on voulait derrière un masque, courtiser n'importe qui, fréquenter n'importe quel lieu, et même critiquer le gouvernement sans risquer d'être reconnu. Des masques classiques comme la Bauta (un masque blanc couvrant le visage, souvent porté avec une cape noire et un tricorne) ou la Moretta (un masque ovale noir porté par les femmes, muet car tenu par un bouton à mordre) sont devenus indissociables de cette époque. La période d'apogée du Carnaval de Venise s'étendit sur plusieurs siècles, atteignant son faste aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le carnaval durait alors une période exceptionnellement longue, s'étalant parfois de la mi-octobre à la fin du Carême en février-mars, ou au moins pendant les semaines précédant le Mardi Gras. La ville entière se transformait en un immense théâtre à ciel ouvert. Les activités étaient multiples : bals masqués somptueux dans les palais aristocratiques, représentations théâtrales dans les nombreux théâtres de la ville, ouverture des célèbres ridotti (salons de jeu) où l'on jouait et socialisait en masques, parades nautiques sur le Grand Canal, spectacles de rue sur les places (campi), et une ambiance générale de fête, de jeu et de transgression. Malgré cette liberté apparente, le gouvernement Vénitien tenta à plusieurs reprises, mais avec un succès limité, de réglementer le port du masque et les activités excessives, signes que le carnaval jouait un rôle puissant, voire déstabilisant, dans la vie sociale. Ce faste prit fin brutalement avec la chute de la République de Venise en 1797, conquise par Napoléon. Le nouveau régime, puis la domination autrichienne qui suivit, ne virent pas d'un bon oeil ces manifestations de liberté et d'anarchie déguisée, symboles d'un passé révolu et potentiellement subversive. Le Carnaval fut progressivement limité puis formellement interdit en 1798 par l'Empereur François II d'Autriche. La tradition du port du masque et des grandes fêtes publiques disparut presque entièrement pendant près de deux siècles, réduite à quelques fêtes privées et familiales et aux traditionnelles fêtes populaires locales dans les îles de la lagune, loin de l'éclat d'antan. L'idée de faire revivre le Carnaval de Venise émergea dans la seconde moitié du XXe siècle, portée par une volonté de revitaliser les traditions vénitiennes, de stimuler le tourisme et de redonner à la ville une partie de son âme festive. Après des initiatives sporadiques, le Carnaval fut officiellement relancé en 1979 par l'État Italien, la municipalité de Venise et quelques associations locales. Le succès fut immédiat et dépassa toutes les attentes. Le nouveau carnaval, bien que plus court que son ancêtre (se concentrant généralement sur les dix jours précédant le Mardi Gras), a rapidement retrouvé sa popularité. Le carnaval moderne s'inspire largement de l'âge d'or, mettant l'accent sur les masques et les costumes d'époque, souvent d'une grande richesse et d'une grande originalité. Il est devenu un événement d'envergure mondiale, attirant des centaines de milliers de visiteurs chaque année. Si l'aspect de nivellement social et d'anonymat total a quelque peu disparu au profit de la mise en scène et du spectacle visuel (les plus beaux costumes défilent et sont photographiés, participant à des concours), l'esprit de transformation et de fête reste présent. La Piazza San Marco redevient le coeur des célébrations avec des scènes, des événements et des défilés, tandis que des bals privés, des spectacles et des événements culturels animent la ville. Le Carnaval de Venise d'aujourd'hui est une combinaison d'héritage historique, d'artisanat (la fabrication des masques et des costumes est un art à part entière), de performance artistique et de phénomène touristique majeur. La
Biennale de Venise.
La première Esposizione Internazionale d'Arte della Città di Venezia ouvrit ses portes le 30 avril 1895, dans un bâtiment construit spécifiquement pour l'occasion dans les Giardini di Castello, aujourd'hui le Pavillon Central. Le succès fut immédiat. Il attira un public nombreux et l'attention de la critique. Initialement conçue comme une exposition principalement centrée sur l'art italien, elle s'ouvrit très vite aux artistes étrangers, ce qui contribua à son caractère international dès les premières éditions. Le concept des Pavillons Nationaux émergea dès 1907 avec la construction du pavillon belge, bientôt suivi par d'autres pays. Cette structure, où chaque nation gère et finance son propre espace et choisit ses artistes, est devenue l'une des caractéristiques de la Biennale. Elle permet une confrontation directe des scènes artistiques nationales. Au fil des décennies, la Biennale a traversé les turbulences de l'histoire, notamment les deux guerres mondiales qui provoquèrent des interruptions. Après la Seconde Guerre Mondiale, elle redémarra en 1948 sous la direction de Rodolfo Pallucchini, avec une volonté de renouveau et d'ouverture. Cette période vit l'introduction d'artistes de l'avant-garde internationale qui n'avaient pas pu être présentés auparavant en raison du contexte politique. Les années d'après-guerre furent essentielles pour l'affirmation de la Biennale comme plateforme des mouvements artistiques les plus novateurs, présentant l'expressionnisme abstrait, le Pop Art, l'Arte Povera, et bien d'autres. L'une des évolutions majeures de la Biennale fut son expansion à d'autres disciplines. La Mostra Internazionale d'Arte Cinematografica (la Mostra de Venise, ci-dessous) fut créée en 1932, devenant le premier festival de cinéma au monde. Suivirent la Biennale Musica (1930, réorganisée en 1937), la Biennale Teatro (1934), la Biennale Architettura (fondée en 1980 en tant que section autonome après avoir été intégrée à la section Arts plastiques depuis 1975), et la Biennale Danza (1999). Cette diversification fit de la Biennale une institution multidisciplinaire unique, couvrant la plupart des champs de la création contemporaine. Aujourd'hui, la Biennale des Arts Visuels et la Biennale d'Architecture alternent chaque année impaire et paire. L'organisation repose sur la coexistence de l'exposition internationale principale, curatée par un directeur artistique nommé pour chaque édition, et des expositions des pavillons nationaux, gérés indépendamment par les pays participants. À cela s'ajoutent les nombreux événements collatéraux organisés dans toute la ville. La Biennale est devenue un baromètre des tendances artistiques, un lieu de découverte pour les jeunes artistes comme un podium pour les figures établies, un marché important et un rendez-vous incontournable pour les critiques, les collectionneurs et le public du monde entier. Malgré les critiques occasionnelles sur sa taille, sa commercialisation ou sa pertinence face aux nouvelles formes d'exposition, la Biennale de Venise conserve un rôle central dans le paysage de l'art et de la culture contemporaine. La
Mostra de Venise.
La première édition, qui ne se voulait pas encore une compétition formelle, se déroula du 6 au 21 août 1932, principalement sur la terrasse de l'hôtel Excelsior Palace sur l'île du Lido. Elle fut un succès populaire immédiat. Des films comme Dr. Jekyll and Mr. Hyde de Rouben Mamoulian, Grand Hotel d'Edmund Goulding, The Champ de King Vidor, ou encore le film français À nous la liberté de René Clair, furent projetés. Il n'y avait pas de jury ou de récompenses officielles décernées par l'organisation du festival cette année-là , mais un référendum d'opinion du public et des critiques désigna des films et des acteurs "méritants", posant les bases des futurs prix. L'accueil enthousiaste confirma la pertinence de l'événement, qui fut intégré durablement au calendrier de la Biennale. Les éditions suivantes virent l'organisation se structurer. En 1934, la Mostra devint une manifestation annuelle (à l'exception de quelques interruptions ultérieures) et introduisit les premières récompenses officielles, la Coppa Mussolini pour le meilleur film italien et le meilleur film étranger, ainsi que des prix d'interprétation (les Coupes Volpi furent créées plus tard, en 1938). Ces premières années furent marquées par une sélection éclectique et l'affirmation de Venise comme un carrefour majeur pour le cinéma mondial. Cependant, l'ombre du régime fasciste italien, qui avait vu dans le cinéma un outil de propagande et de prestige, commença à peser sur l'événement. Dès la fin des années 1930, le contrôle gouvernemental se fit plus pressant, influençant la sélection des films et l'attribution des prix. L'édition de 1938 fut particulièrement controversée, les jurés étrangers ayant protesté contre l'attribution de la Coppa Mussolini ex aequo à un film italien et un film allemand, perçue comme une décision politique forcée par Rome et Berlin. Cette politisation croissante entraîna le retrait de plusieurs pays et réduisit la portée internationale de la Mostra. Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la Mostra poursuivit son activité, mais dans un contexte de plus en plus isolé et politisé, servant ouvertement les intérêts de l'Axe. Les éditions de 1940, 1941 et 1942 furent tenues loin du Lido, à Venise, avec une participation internationale très limitée et des sélections reflétant les alliances militaires. L'édition de 1943 fut annulée en raison de l'intensification du conflit et de la chute du régime fasciste. Il fallut attendre la fin de la guerre pour que la Mostra puisse renaître. Le renouveau eut lieu en 1946, marquant le retour à la normale et une volonté de réaffirmer son caractère international et indépendant. L'édition se déroula de nouveau au Lido et retrouva rapidement sa place parmi les grands rendez-vous cinématographiques. Les années d'après-guerre, en particulier les années 1950, furent l'âge d'or de la Mostra. Elle rivalisait alors avec le Festival de Cannes, créé en 1946, pour attirer les plus grands films, réalisateurs et stars. C'est pendant cette période que le Leone d'Oro (Lion d'Or) fut officiellement établi comme la plus haute récompense pour le meilleur film (le Grand Prix International de Venise fut décerné dès 1947, remplacé par le Lion d'Or en 1949, puis sa dénomination et son statut évoluèrent légèrement avant de revenir à l'appellation actuelle et au statut définitif en 1980). Des chefs-d'oeuvre du cinéma mondial furent primés ou révélés à Venise, contribuant à forger la légende du festival et à lancer des carrières. Des figures majeures du néoréalisme italien aux maîtres européens et américains, tous aspiraient à présenter leur film sur la scène du Lido. Le Palazzo del Cinema, construit en 1937 pour accueillir l'événement, devint le coeur du festival. Cependant, les turbulences sociales et politiques de la fin des années 1960 n'épargnèrent pas la Mostra. En 1968, dans le sillage des mouvements contestataires mondiaux, le festival fut la cible de manifestations. Des cinéastes, des critiques et des étudiants protestèrent contre la structure institutionnelle, les règles de la compétition et le rôle perçu du festival dans l'industrie. Ces événements entraînèrent une crise profonde. À partir de 1969, la Mostra cessa d'attribuer des prix compétitifs. Pendant une décennie, de 1969 à 1979, elle fonctionna sous une forme non compétitive, présentant des films mais sans jury ni palmarès officiel. Cette période vit le festival perdre une partie de son prestige et de son attractivité par rapport à Cannes, Berlin ou d'autres festivals qui continuaient à fonctionner sous forme compétitive. Le besoin d'un renouveau se fit sentir. En 1979, Carlo Lizzani fut nommé directeur de la Mostra avec la mission de la relancer. Sous sa direction, en 1980, la compétition fut officiellement rétablie, ainsi que l'attribution du Lion d'Or. Ce fut un tournant décisif. Les années 1980 virent la Mostra retrouver progressivement sa place parmi les festivals majeurs. La sélection s'orienta de plus en plus vers le cinéma d'auteur de qualité, cherchant à découvrir de nouveaux talents et à programmer des œuvres audacieuses. Des réalisateurs comme Wim Wenders, John Cassavetes ou Hou Hsiao-Hsien furent primés durant cette décennie de reconstruction. Sous la direction de Gian Luigi Rondi (1983-1987) puis de Guglielmo Biraghi (1987-1991), la Mostra continua de se consolider. Les années 1990 et 2000 confirmèrent son statut de festival de "Catégorie A", au même titre que Cannes et Berlin. Les directeurs successifs, comme Gillo Pontecorvo, Peter Cowie, Felice Laudadio, Moritz de Hadeln, Marco Müller, puis Alberto Barbera, qui a dirigé le festival sur plusieurs périodes et continue de le faire aujourd'hui, ont cherché à maintenir l'équilibre entre la tradition et l'innovation. La Mostra est devenue une plateforme privilégiée pour le cinéma d'auteur international, mais aussi un tremplin majeur pour les films américains "artistiques" ou indépendants cherchant à lancer leur campagne pour les Oscars (de nombreux films primés à Venise ont ensuite triomphé aux Academy Awards, comme Brokeback Mountain, Gravity, Birdman, La La Land, The Shape of Water, Roma, Joker, Nomadland). Aujourd'hui, la Mostra de Venise conserve son aura. Son cadre vénitien incomparable, l'élégance du Lido, la richesse de sa sélection qui allie grands noms et découvertes, et son rôle historique en font un événement incontournable du calendrier cinématographique mondial. Elle continue de servir de vitrine à la diversité du cinéma contemporain, explorant de nouveaux formats et genres tout en célébrant son héritage, et reste un lieu de débat, de rencontre et, bien sûr, de glamour sur le tapis rouge, perpétuant ainsi sa légende initiée en 1932 sur la terrasse de l'Excelsior. |
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