| Innocent IV, Sinibaldo de Fieschi, est le 185e,pape. Il a été élu le 25 juin 1243, et est mort le 10 décembre 1254. Il était né à Gênes, de la famille des comtes de Lavagna. A cause de sa grande science en droit (il était doctor utriusque et avait professé à Bologne), Grégoire IX l'avait nommé auditor litterarum contradictarum, puis l'avait créé cardinal-prêtre au titre de Saint-Laurent in Lucina. Célestin IV, qui est inséré sur la liste officielle des papes comme son prédécesseur, était mort le 18 décembre 1241, quelques semaines après son élection, avant d'être consacré. L'interrègne dura près de vingt-deux mois, les cardinaux ne pouvant ni ne voulant s'entendre pour une élection. La plupart désiraient la tiare pour eux-mêmes; ils se dispersèrent en différentes villes, pour ne point être enfermés en conclave, prétextant de la captivité des cardinaux retenus par Frédéric Il. L'empereur et le roi de France les prièrent en vain de mettre fin au long veuvage de l'Eglise de Rome. Frédéric mit en liberté les deux cardinaux qui étaient restés ses prisonniers; puis voyant l'inutilité de cette concession, il marcha sur Rome, mit les cardinaux au ban de l'Empire et permit à ses soldats de ravager leurs terres et celles de l'Eglise. Enfin les cardinaux s'exécutèrent et élurent Sinibaldo de Fieschi. Il avait figuré jusqu'alors parmi les amis de Frédéric, et ce fait avait été un de ceux qui déterminèrent son élection. Mais comme on félicitait l'empereur de ce choix, il répondit : « J'ai perdu un ami; un pape ne peut être gibelin. » Dès son avènement, Innocent IV dirigea contre Frédéric et contre la dynastie des Hohenstoffen une attaque à outrance, qu'il poursuivit jusqu'à la mort de son ennemi, avec une animosité et des procédés que les sentiments d'un pape et d'un Guelfe ne motivent pas suffisamment, et qui semblent ne pouvoir être complètement expliqués que par la haine qu'inspirent de longs ressentiments dissimulés sous le masque de l'amitié. Pour lui, Frédéric était le serpent qu'il fallait écraser; et l'épitaphe de son tombeau a consacré et perpétué l'expression de cette pensée de son règne : Stravit inimicum Christi, Fredericum colubrum. Dans cette lutte, il reprit, mais formula d'une manière plus hautaine et plus violente les maximes d'Innocent III : « Le pape est le légat de Jésus-Christ; les deux glaives appartiennent à l'Eglise; l'empereur se lie par des serments de fidélité et de soumission au pape, duquel il reçoit l'Empire et la couronne. Le Christ a élevé le siège apostolique comme une monarchie pontificale et royale à la fois, et il a confié à saint Pierre et à ses successeurs les rênes de l'empire terrestre en même temps que du royaume des cieux. » Sous ce rapport et sous plusieurs autres, c'est à Boniface VIII qu'il ressemble le plus. Contre son ennemi, il employa, sans scrupule, tous les moyens qui pouvaient lui nuire : les armes, la ruse et la corruption; pour se procurer des alliés, il fit appel aux vices comme aux vertus, à la félonie des sujets comme à la foi des chrétiens; au zèle religieux en même temps qu'à l'ambition et à la cupidité, achetant tous ceux qui consentaient à se vendre; en décrétant la croisade contre Frédéric, il fit un tort irréparable à la croisade de saint Louis. L'histoire des événements de ce pontificat, se rapportant au combat de la papauté et de l'Empire, est inséparablement liée à celle de Frédéric et de Conrad; nous y renvoyons pour le détail des faits : Frédéric II; Conrad IV. Frédéric mourut (décembre 1250), au moment où un retour de fortune semblait lui promettre la revanche des revers qu'il venait de subir. Alors Innocent déclara à jamais déchue du pouvoir larace maudite des Hohenstaufen. Le testament de Frédéric laissait à son fils Conrad l'Allemagne et l'Italie. En Allemagne, Conrad fut défait par l'anticésar Guillaume de Hollande (1251); il passa en Italie pour y prendre possession de son héritage, et il s'affermit dans son royaume de Sicile, mais Innocent renouvela l'excommunication prononcée contre lui (jeudi saint 1254); il mourut quelques semaines après, de fièvre ou de poison. Le 16 avril 1246, un concile tenu à Béziers donna, par ordre du pape, aux frères prêcheurs, chargés de la recherche des hérétiques dans les provinces ecclésiastiques de Narbonne, Arles, Aix, Embrun et Vienne, trente-sept articles qui sont devenus les fondements de la procédure suivie depuis dans les tribunaux de l'Inquisition. En 1248, un concile de Breslau en Silésie attribua au pape la cinquième partie des revenus ecclésiastiques. 21 novembre1254, bulle interdisant aux religieux, de quelque ordre qu'ils fussent, de recevoir dans leurs églises les paroissiens d'autrui, les dimanches et les fêtes, et de les admettre à la pénitence, sans la permission du curé. Cette bulle fut abrogée par le successeur d'Innocent. Les autres événements de ce pontificat peuvent ainsi être résumés : Innocent IV envoya un frère mineur pour connaître et juger des démêlés survenus au Danemark; il enleva au roi de Suède la nomination des évêques, pour l'attribuer aux chapitres; il se fit reconnaître comme chef de l'Eglise par Daniel, duc de Russie; il permit aux prêtres grecs de se servir de pain levé pour la communion; il excommunia le roi d'Aragon, qui avait maltraité un évêque; il fit nommer Alphonse, comme roi du Portugal, à la place de son frère Sancho Capel; il envoya un légat en Arménie et des missionnaires en Tartarie et il leva des contributions sur tous les Etats de l'Europe. (E.-H. V.). | |