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L'histoire du commerce
Le commerce au Moyen Âge
Aperçu Byzance Arabes Italie Europe du Nord
La désagrégation de l'Empire romain, et la constitution à l'Ouest de l'Europe d'Etats germaniques (les invasions Barbares) firent succéder à la centralisation romaine un état politique tout autre. Elles eurent aussi pour résultat d'isoler presque l'Occident de l'Orient. L'histoire commerciale du Moyen âge comprend donc, comme l'histoire politique médiévale, deux groupes de faits bien distincts, ceux qui sont relatifs au commerce de l'Orient, et ceux qui sont relatifs au commerce de l'Occident. Nous les exposerons tour à tour dans l'ordre suivant : en premier lieu, nous parlerons de l'Empire byzantin qui prolongeait l'Empire romain en Orient; puis des Arabes qui s'étendirent jusqu'en Occident, mais restèrent un peuple oriental; puis des Italiens dont les grandes villes commerciales servirent d'intermédiaires entre l'Orient et l'Occident; viendront ensuite les nations franchement occidentales; les Pays-Bas qui furent au Moyen âge le centre économique de l'Europe occidentale, la France, l'Allemagne, qui par la Hanse centralisa le commerce de la mer du Nord (Angleterre) et de la Baltique (pays scandinaves).

Commerce des Byzantins. 
Après la chute de Rome, l'empire d'Orient conservait, à l'est, les traditions antiques et le commerce (Le commerce dans l'Empire Romain, le commerce des Byzantins). Constantinople, qui, grâce à son admirable situation, avait déjà joui d'une grande prospérité commerciale sous le nom de Byzance, remplaça Rome, comme métropole non seulement politique, mais commerciale. Non que l'activité commerciale animât sa population; sans les étrangers, Constantinople ne fut pas devenue un grand entrepôt. Le commerce des denrées les plus nécessaires à la vie fut déclaré monopole de l'État, et les autres branches du commerce intérieur ne furent pas moins entravées. Mais sur ce grand marché les Italiens et les Arabes, les Allemands et les Slaves, se donnèrent rendez-vous et déterminèrent un mouvement d'affaires considérable. Le commerce byzantin peut se diviser, d'après les routes qu'il suivait, en trois branches : le commerce de l'Orient, celui de l'Occident et celui du Nord. Les relations avec l'Orient offrent un fait de grande importance. Sous le règne de Justinien, deux moines apportèrent de l'Inde à Constantinople des oeufs de ver à soie soigneusement enfermés dans une canne, et introduisirent en Grèce la nouvelle industrie qui ne tarda pas à prospérer. La fabrication de la soie s'établit à Constantinople, à Athènes et à Corinthe, d'où elle allait passer en Italie.

Commerce des Arabes.
A cette époque, un peuple, composé d'une grande partie de nomades, mais sur le littoral duquel florissaient depuis longtemps la navigation et le commerce, étendait, avec une rapidité inouïe, sa domination, d'un côté jusqu'à l'océan Atlantique, de l'autre jusqu'aux frontières de la Chine. Il étendit en même temps son commerce sur cet immense espace (Le commerce des Arabes au Moyen Âge). Le Coran recommande le commerce et l'industrie comme des occupations agréables à Dieu. Aussi chacune des conquêtes des Arabes en était une aussi pour le commerce : partout où ils pénétraient, ils portaient la vie et le mouvement. Les caravanes voyageaient sans obstacles au milieu de leurs armées. Un fait qui avait existé pendant l'Antiquité, notamment chez les lndiens et chez les Égyptiens (L'Egypte antique et le monde extérieur), l'association de la religion avec le commerce, se retrouve chez les Arabes sur une plus grande échelle. Dans les chefs-lieux des provinces, on éleva des mosquées, on fonda des écoles. Par là, ces localités virent augmenter leur population, et devinrent des centres religieux et commerciaux. Les pèlerins venaient de loin tant pour remplir leurs devoirs de piété que pour échanger leurs marchandises. Le plus célèbre des pèlerinages était celui de La Mecque. Diverses dispositions pleines de sagesse prêtaient assistance aux caravanes, nécessaire en Asie et en Afrique, principal théâtre du commerce des Arabes. Ainsi le gouvernement affectait des sommes considérables à la construction et à l'amélioration des routes. Il fait creuser des puits, établir des hôtelleries et poser des pierres milliaires pour marquer les distances.
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Comerçants berbères en route vers Tombouctou.
Commerçants berbères en route vers Tombouctou.

La plus belle période des Arabes est celle de la puissance des Abbassides, du VIIIe au Xe siècle. Tel est à peu près le temps que dure leur vaste commerce, c'était à peu près tout le commerce dans l'Ancien monde. L'Espagne, la Sicile, la Sardaigne, et une partie de la côte méridionale de l'Italie sont alors soumises aux Arabes. En Afrique ils dominent, plus loin qu'aucun peuple avant et après eux. Ils en explorent l'intérieur avec plus de soin et de suite que les Carthaginois et les anciens Égyptiens. En Asie, l'étendard du Prophète ne s'était arrêté que devant la barrière naturelle des grandes steppes habitées par les nomades. S'étendant , en remontant l'Indus, vers l'Himalaya et au delà de la mer d'Aral et de la mer Caspienne, l'empire des califes embrassait, à part les provinces grecques de l'Asie mineure, toute la zone historique de cette partie du monde. Sur cet immense domaine, il existait une grande diversité dans les productions du sol, comme dans les facultés, les goûts et les besoins des habitants. Autant de conditions favorables pour les échanges. Lien entre les deux extrémités de l'Ancien monde, les Arabes ont apporté la boussole, de Chine en Occident.

Les Juifs. 
Avant d'aborder l'histoire du commerce des différentes régions de l'Europe , il faut dire un mot des Juifs que le commerce du Levant avait amenés et dispersés dans tous les pays privés de leur nationalité propre et, répandus partout, depuis la Chine et l'Inde jusqu'en Espagne et aux îles Britanniques, ils ont joué un grand rôle dans l'histoire du commerce  (La Diaspora juive); sans insister ici sur les raisons qui leur firent conserver leur caractère spécial , nous constaterons qu'une des plus efficaces fut le mépris où on les tenait; mis à l'écart, privés de droits politiques, ils furent contraints de tourner leurs activités vers le commerce et les affaires financières. Confinés dans cette fonction d'intermédiaires, et d'autant plus villipendés, ils s'adonnèrent en particulier au prêt de l'argent, très lucratif à cause de la rareté du numéraire. Protégés par les princes à qui ils servaient de banquiers, leur sort fut très variable selon les temps et les pays. 

Dès l'époque mérovingienne ils sont répandus partout; ceux des ports français de la Méditerranée, s'adonnant au commerce du Levant, étaient riches, presque aussi heureux que leurs coreligionnaires d'Espagne sous les Maures; ceux de l'intérieur, confinés dans le petit commerce, l'étaient bien moins. Dans toutes les villes ils habitaient un quartier spécial : à Paris autour du Petit-Pont; en Bourgogne ils faisaient le commerce des vins, mais ne possédaient que rarement la terre. Maudits comme usuriers, en France, en Allemagne, en Angleterre, ils furent souvent persécutés et dépouillés par les rois et finalement expulsés; en 1290 d'Angleterre; en 1306 et 1396 de France, en 1492 d'Espagne. On sait que les papes les toléraient à Rome, qu'ils se maintinrent au Portugal, en Allemagne et en Hollande où on les traita avec tolérance. 

On leur attribue de grands progrès dans l'organisation du crédit, notamment des lettres de change. L'extrême variété des monnaies du Moyen âge, les altérations constantes, donnaient au change et aux banques, banques d'escompte et de prêt, une importance vitale. 

Commerce en Europe de l'Ouest et du Nord.
En Europe occidentale, les artisans vivaient dans l'horizon étroit de leur ville natale et travaillaient sous les ordres des marchands, qui leur fournissaient la matière première et exportaient les produits fabriqués. Ce furent leurs commandes qui allaient stimuler l'activité de toute l'économie européenne.

Jusqu'au XIe siècle, il n'y eut guère d'autre commerce que le commerce local, et il était sans importance. L'écrasant fardeau de l'anarchie féodale paralysait la vie économique. Chacun vendait sur place les produits de son champ et de son atelier. On avait une véritable horreur pour le regrattier, l'intermédiaire, et l'on regardait comme une sorte de vol le bénéfice qu'il ne pouvait manquer de s'attribuer en revendant plus cher les denrées. Quand les villes grandirent, il fallut bien admettre l'ouverture de boutiques de regrattiers. Dans l'intervalle des marchés, les citadins avaient besoin d'acheter des oeufs, du beurre, des légumes. Les merciers qui vendaient toutes sortes d'objets venus des pays étrangers, les changeurs qui faisaient le commerce des monnaies n'étaient pas des fabricants. Le commerce local, malgré ses progrès, resta d'ailleurs bien secondaire.

Les entraves au commerce.
Le commerce interurbain se heurtait à des obstacles qui avaient été presque infranchissables dans les premiers siècles du Moyen Age et qui restèrent très gênants jusqu'à la fin : les routes étaient fort mal entretenues, les ponts très rares tombaient en ruines.

Il se forma des associations de moines et de laïques charitables pour la construction et l'entretien des ponts (ainsi fut édifié à la fin du douzième siècle le fameux pont d'Avignon). Mais que pouvaient les efforts des « Frères pontifes » contre l'incurie générale des rois et des seigneurs? Les auberges étaient très espacées et les régions montagneuses en étaient totalement dépourvues. L'Église remédia en partie au mal en établissant dans ces contrées déshéritées des hospices, comme celui du Grand-Saint-Bernard et des refuges.

Le banditisme féodal était une entrave plus dangereuse encore. Au XIIIe, le roi de France rendait les seigneurs responsables des vols à main armée commis sur leurs territoires, du moins entre le lever et le coucher du soleil. Mais il ne pouvait complètement empêcher le banditisme (La criminalité au Moyen Âge). Joinville se plaint de la multitude des « malfaiteurs et larrons » qui infestaient Paris. En Allemagne, les Raubritter (chevaliers-brigands) avaient beau jeu. Sur les côtes bretonnes se pratiquait, dit-on, la sinistre industrie des naufrageurs, qui attiraient les vaisseaux sur les rochers en allumant des feux trompeurs.

Les seigneurs faisaient peut-être plus de mal encore en arrêtant à tout moment ceux qui transportaient des denrées pour leur faire payer un droit de passage, appelé péage ou coutume. Même quand ces droits n'étaient pas élevés, la manière dont ils étaient perçus les rendait vexatoires et parfois ruineux. Les péages mettaient le vin en perce ou fouillaient les paniers de marée fraîche pour choisir quelques beaux poissons et détérioraient ainsi la marchandise. La royauté et l'Église elles-mêmes entravaient le commerce, l'une en faisant varier fréquemment la valeur des monnaies, l'autre en interdisant le prêt à intérêt, sauf le prêt en commandite. Le commerce de l'argent fut ainsi abandonné aux juifs, à qui toute autre profession était interdite. De leur côté, les Cahorsins ou gens de Cahors trouvèrent d'ingénieux artifices pour échapper aux prescriptions de l'Eglise et ne montrerent pas moins d'âpreté dans le négoce que les Juifs.

Les progrès du commerce autour de la Méditerranée et des mers du Nord.
Malgré tant de difficultés et d'entraves, le commerce fit de rapides progrès aux XIe XIIe et XIIIe siècles. Il se produisit alors une véritable renaissance de la civilisation dans l'Europe occidentale. Les pèlerinages et les croisades la mirent en contact avec l'Orient, qui était alors plus instruit et plus riche. La Méditerranée devint un grand foyer d'affaires Venise, Gênes, Pise établirent des comptoirs dans les ports de la Méditerranée orientale et de la mer Noire (Le commerce des Italiens Moyen Âge). Marseille, Montpellier, Narbonne, Barcelone suivirent le mouvement. Les marchands européens allèrent chercher à Alexandrie, à Trébizonde, en Syrie, les produits de l'Orient et de l'Extrême-Orient : soieries, mousselines, parfums, médicaments, plantes tinctoriales, ivoire, pierres précieuses, et surtout les épices, clous de girofle, cannelle, muscade, poivre, si recherchées alors pour relever le goût des mets et des boissons. Ils fournissaient aux Orientaux des draps de Flandre, des armes, du vin. Au XIIIe siècle, les Européens se mirent à fabriquer des tissus de luxe, des tapis, des glaces, du sucre, à l'imitation des Orientaux. En même temps l'ordre rétabli par les princes facilitait les progrès de l'activité commerciale  (La géographie au Moyen Âge).
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Venise : greniers publics et fondaco dei Turchi.
Les anciens greniers publics (deposito del Megio) de Venise et, à droite, la fondaco dei 
Turchi, qui accueillait la maison de commerce des Turcs dans la Cité des doges.
© Photo : Serge Jodra, 2012.

Tandis que le commerce des marchandises de luxe enrichissait les ports méditerranéens, un autre foyer commercial se formait dans les mers du Nord. Il ne devint important qu'au XIIIe siècle (Le commerce des pays du Nord au Moyen Âge). Les ports de la mer du Nord et de la Baltique, Bruges, Amsterdam, Londres, Lubeck, Brême, Hambourg, Bergen, Riga, échangeaient les lainages de Flandre, la laine et les peaux d'Angleterre, les bois de Norvège, les minerais de Suède, les fourrures et les cuirs de Russie. Les harengs de la Baltique nourrissaient les peuples en carême. Bruges était le grand port du Nord. Elle eut jusqu'à 150.000 habitants, et le luxe de ses bourgeoises humilia une reine de France, la femme de Philippe le Bel.

Les courants commerciaux transcontinentaux.
Entre les deux groupes de mers intérieures, s'établissaient plusieurs courants transcontinentaux : le principal partait de Venise, passait les Alpes au col du Brenner et descendait la vallée du Rhin, un autre suivait la voie naturelle que dessinent à travers la France les vallées du Rhône, de la Saône, de la Seine ou de la Marne. Les marchands suivaient autant que possible les voies fluviales, mais ils prenaient aussi les routes de terre. Ils se formaient en caravanes, pour mieux résister aux brigands, et au besoin achetaient aux seigneurs des sauf-conduits. Des marchés importants se formaient aux croisements des routes, à Lyon, Toulouse, Orléans, Paris, Reims, Bâle, Cologne. Enfin l'Océan Atlantique mettait Bayonne, Bordeaux, Nantes en relations avec Londres et Bruges

Les guildes.
Au XIVe siècle, les vaisseaux vénitiens allèrent directement y porter les épices. Pour s'entraider et lutter ensemble contre les ennemis du commerce, les marchands formèrent des associations. Dans le Nord c'étaient des corporations appelées ghildes ou guildes et hanses. Elles étaient plus riches, plus libres, plus hardies que les corporations d'artisans ou de petits boutiquiers. C'est d'elles que vint d'ordinaire l'initiative du mouvement communal. Elles se faisaient donner le monopole du commerce dans une certaine région. Ainsi la hanse des marchands de l'eau, à Paris, était seule maîtresse de la navigation de Montereau à Mantes, la hanse des Bourguignons regnait de même sur la haute Seine, et la guilde de Rouen sur le cours inférieur du fleuve. La hanse parisienne tenait dans la vie de la cité une telle place qu'elle constitua la municipalité de Paris; son chef, le prévôt des marchands, acquit sur le peuple parisien l'autorité d'un maire, et l'emblème de la hanse, un vaisseau, figure sur les armoiries de la Ville de Paris. Dans les villes du midi, se formèrent entre les marchands des associations plus étroites de véritables compagnies de commerce.
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Marinus Claezsz van Reymerswaele : les changeurs.
Les Changeurs, par Marinus van Reymerswaele (Ecole hollandaise, XVIe s.).

Des sociétés italiennes les Anguisciola (Angoiselles), les Perruzzi (Perruches), les Frescobaldi (Frescombaux), avaient en France, en Allemagne, en Angleterre, des bureaux et des magasins. Ces puissantes maisons, pour éviter les transports de numéraire, toujours dangereux se servirent de lettres de change, On a trouvé trace d'une lettre de change du 15 février 1200, et tirée de Messine sur Marseille, Les marchands du Midi, quand ils se retrouvaient dans une ville lointaine, y formaient des groupes régionaux et se donnaient un chef, un représentant qui pût parler en leur nom aux autorités locales. On appelait cet élu des négociants le capitaine dans les villes du Nord, le consul de mer dans le Levant. C'est l'origine des consulats d'aujourd'hui. 

Enfin il se forma des associations beaucoup plus larges, qui groupaient non des marchands, mais des villes marchandes. Toutes celles qui envoyaient des produits aux foires de Champagne constituèrent au XIIIe siècle la Hanse des dix-sept villes, qui finit par en comprendre soixante. Les villes de Flandre, - Gand et Douai exceptées, - formèrent, pour le commerce en Angleterre, la Hanse de Londres, qui avait Bruges pour chef-lieu. Beaucoup plus importante encore fut la Hanse teutonique ou Ligue Hanséatique, qui devait jouer au XIVe siècle un si grand rôle dans les pays du Nord.

Les foires.
Les marchands se donnaient rendez-vous dans des marchés ou dans des foires. Le type du marché permanent était celui de Paris, installé aux Halles. Presque toutes les corporations y avaient leurs places réservées et un jour spécial de vente : le vendredi pour les merciers, le samedi pour les drapiers. Ce jour-là les boutiques du métier devaient se fermer dans Paris. Des marchands de tout le nord de la France fréquentaient ces Halles, dont les chroniqueurs ne peuvent assez admirer l'animation et la richesse.

Les foires étaient des marchés périodiques qui se tenaient à date fixe, marquée par des fêtes religieuses (foire vient de feria qui veut dire fête religieuse). Chaque pays avait les siennes, l'Allemagne à Francfort-sur-le-Main, le Midi à Beaucaire au point de rencontre de la navigation fluviale sur le Rhône et de la navigation méditerranéenne, l'Angleterre près de Cambridge. Près de Paris, dans la plaine Saint-Denis, se tenait pendant quinze jours, à partir du 11 juin, la foire du Lendit, où chaque ville de France était représentée. L'Université de Paris ouvrait la foire en y allant processionnellement, recteur en tête, faire sa provision de parchemins. Mais les plus fameuses de toutes étaient les foires de Champagne. Ce pays était bien placé pour commercer avec la région parisienne et normande, la Flandre, les pays rhénans, la vallée du Rhône et l'Italie. Les comtés de Champagne prenaient de grandes précautions pour assurer la sécurité des commerçants; ils châtiaient les seigneurs qui ne voulaient pas ou ne savaient pas les protéger au passage, en écartant des foires leurs sujets jusqu'à ce que les coupables fussent punis.

Le maître des foires et divers agents rendaient la justice, assuraient l'ordre, veillaient à la bonne qualité des marchandises, à la justesse des poids, au paiement des effets de commerce. Les débiteurs insolvables étaient dépouillés de leurs marchandises et ne pouvaient reparaître sans s'être acquittés. La foire se tenait successivement à Lagny, à Bar-sur-Aube, à Provins, à Troyes, puis une fois encore à Provins et à Troyes. Chacune d'elles durait six ou sept semaines : la première semaine était consacrée au déballage et à l'installation; sur le champ de foire s'alignaient en longues files les hangars et les tables où devaient s'étaler les marchandises. Puis on vendait des tissus pendant dix jours, c'étaient les jours de draps : lainages de Flandre, tapis sarrasinois, toiles de France, cotonnades, soieries, mousselines du Midi et de l'Orient. A la fin du dixième jour, les agents du comte criaient : Hare! Hare! et c'était le tour des cuirs et des fourrures, puis des épices. Enfin les changeurs juifs et lombards dressaient leurs tables et leurs balances et chacun venait demander la monnaie de son pays. Pendant toute la durée de la foire, c'était une agitation, un vacarme incessants; on entendait parler toutes les langues de l'Europe. Les jongleurs, bateleurs, musiciens et prostituées pullulaient. Très brillantes au XIIIe siècle, les foires de Champagne eurent beaucoup à souffrir des mauvaises mesures financières des derniers Capétiens et la guerre de Cent ans les fit disparaître.

L'Europe occidentale et en particulier la France, étaient donc arrivées au XIIIe siècle à un degré élevé de prospérité et d'activité économiques. Il y avait une grande différence entre l'animation de la vie commerciale au temps de saint Louis de Philippe le Bel, et la sombre époque d'anarchie, de misère, de famine, que les pays occidentaux avaient vécue pendant les trois siècles précédents. (E. Petit / M. Block / A.-M. B.).

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