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Turks, Mongols, Toungouses |
On
aborde dans cette section le passé des populations de la «
Haute-Asie », qui parlent des langues classées dans la famille
altaïque,
c.-à-d. les Turks, les Mongols
et les Toungouses. Ces populations,
jadis appelées abusivement tatares ou "tartares", le plus souvent
nomades - pasteurs, commerçants, guerriers -, mais parfois sédentarisées
dans les oasis, ont été de longue date au contact des grandes
civilisations de la Chine,
de l'Inde
et de l'Europe, et, par cela même ont été un des pivots
autours desquels s'est jouée l'histoire
du continent eurasiatique. Ces populations, dont certaines dynasties
ont régné sur la Chine, sur l'Inde, la Perse (Iran),
et même sur les ruines de l'empire byzantin,
se sont constituée en entités politiques de formes, de dimensions
et de durées diverses. Réunies en confédérations
ou "hégémonies", dans lesquelles pouvaient se rencontrer
des composantes de diverses origines, commandées tantôt par
des Mongols, tantôt par des Turks (et parfois aussi par des Toungouses),
ces entités ont ainsi pu s'ériger en puissances continentales.
Ce fut, par exemple, le cas de la confédération
hunnique, de l'empire de Gengis Khan,
celui de Tamerlan,
ou, plus près de nous de l'Empire ottoman.
Le cadre géographique.
On peut passer au Nord ou au Sud de ceux-ci; le passage du Nord (Pé-lou des Chinois) mène par la vallée de l'Ili à la steppe aralo-caspienne, aux fleuves qui la coupent au Sud (Sir et Amou-daria) et par eux à l'Iran. Le passage du Sud (Nan-lou) aboutit au bassin du Tarim qui, derrière Yarkand et Kashgar, finit presque en cul-de-sac, séparé par de pénibles défilés des hautes vallées du Sir-daria (Ferghana) et de l'Amou-daria (Badakchan); par celles-ci la route du Sud débouche aussi sur l'Iran. Dans celui-ci on retrouve les agriculteurs abrités par les murailles montagneuses vaillamment défendues. Vers l'Occident, la steppe se prolonge au Nord de la Caspienne, de la mer Noire, jusqu'au pied des Carpates. Des monts Khingan aux Carpates, sur 100° de longitude, les nomades voguaient autrefois, subjuguant quand ils pouvaient les vallées plus fertiles et les gras pâturages du Midi, refoulés, s'ils étaient plus faibles, vers les plaines glacées du Nord ou les steppes sans eau. Vivant non seulement des produits directs de ses troupeaux, mais de l'échange de ceux-ci avec les populations sédentaires qui leur vendaient les objets manufacturés, ils étaient les intermédiaires obligés du commerce terrestre entre l'empire de l'Est, la Chine, et celui de l'Ouest, Rome, aussi bien qu'avec la Perse. D'autre part, les princes de l'Asie orientale ou de l'Asie antérieure recrutaient volontiers des mercenaires parmi les farouches cavaliers des steppes; à ce titre, ceux-ci s'infiltraient et souvent se substituaient au maître. |
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Turks
et Mongols se sont très souvent trouvés réunis sous
la même bannière quand ils ont constitués leurs empires.
Qu'ils aient été placé sous la conduite d'un groupe
ou de l'autre justifie que l'on évoque ici une empire mongol,
là un empire turk. On voit ainsi par un passage assez curieux
de la Chronique de Rachid-ed-Dîn
que Gengis Khan ne savait pas le turc et ne
parlait que le mongol. Mais en même temps, beaucoup des tribus qu'il
mena à la conquête du monde étaient turques et non
mongoles. Il semble même par l'onomastique et par d'autres détails
sur lesquels il serait trop long de s'appesantir ici, que dans les
armées les Mongols étaient en minorité et en quelque
sorte noyés dans l'élément turc. Il est non
moins certain qu'à la cour de Koubilaï
Khan on se servait couramment, à côté de la langue
mongole,
du turc
ainsi que du chinois et du persan, peut-être même de l'arabe.
La situation rappelle d'une certaine façon celle qu'à connue
la Grèce à l'époque classique, quand on parlait de
l'hégémonie de telle ou telle cité, à un moment
donné. Simplement, dans le cas présent les cités sont
des hordes; les campements de tentes viennent à la place des palais
de pierre, et les "empires" sont à l'occasion nomades.
Les Turks ont formé au cours de leur longue histoire de nombreux États. Les plus anciens que l'on connaisse sont ceux des Hioung-nou (IIIe et IIe s. av. J. C.), chez qui se rencontrent probablement certaines des composantes de ce que seront par la suite les confédérations hunniques. De ces ensembles assez hétérogènes feront partie les Huns proprement dits (c.a. 375), mais aussi d'autres groupes tels que les Avars, qui viendront menacer l'empire romain finissant. En Asie centrale, les Turks forment également des États tels que le Kharezm, ou divers États turkmènes (celui des Petchenègues, des Kiptchaks, des Ghaznévide, etc.). C'est également aussi de l'ensemble turkmène que grandiront les puissances seldjoukide et ottomane (à partir du XIVesiècle), de laquelle est issue la Turquie moderne (1923). Des anciens États d'Asie centrale naîtront, avec la disparition de l'Union Soviétique, en 1991, plusieurs États Turks indépendants : Turkménistan, Ouzbekhistan, Kirghiztan, Kazakhstan, Azerbaïdjan. Les
Huns.
Le nom de Huns est ancien : on le trouve pour la première fois dans Ptolémée, qui place les Chounoi entre les Bastarnes et les Rhoxolans, dans le Sud de la Russie; Denys le Périégète mentionne également les Ounnoi, près la mer Caspienne. Le savant allemand Zeuss a contesté ces lectures qu'il regarde comme des interpolations, mais nous verrons, par l'histoire chinoise, que les Huns, dès le IIesiècle de notre ère, étaient en réalité établis entre la mer Noire, la Caspienne et l'Oural; ils commencent seulement à se faire connaître comme dévastateurs au milieu du IIIe siècle, lorsqu'ils franchirent le Tanaïs. D'où venaient-ils? On a regardé les Huns comme d'origine chinoise ou d'origine mongole. Nous croyons que ce sont en réalité des Turks, la plupart du temps. Mais dans certains cas, des populations décrites comme des Huns ne le sont sans doute pas véritablement : c'est en particulier le cas des Avars, possibles descendants de certains Jou-Jouen, et dans lesquels ils conviendrait donc de voir plutôt des Toungouses. Si donc tous les Huns des IIIe, IVe, et Ve siècles ne sont pas identifiables comme on l'a cru dans le passé, aux Hioung-nou, ni même à des populations exclusivement proto-turques, du moins pourraient-ils correspondre à une fraction de ceux-ci, probablement mêlée à d'autres peuples. De fait, outre l'analogie entre les deux noms, les mouvements et les migrations des Hioung-nou à différentes époques dans la Haute-Asie concordent assez bien avec les diverses invasions des Huns en Europe et en Asie. De fait, outre l'analogie entre les deux noms, les mouvements et les migrations des Hioung-nou à différentes époques dans la Haute-Asie concordent assez bien avec les diverses invasions des Huns en Europe et en Asie. Avant d'entrer dans l'histoire de ces invasions, nous croyons devoir exposer sommairement ce que nous savons aujourd'hui des Huns d'Asie, ainsi que la succession des révolutions et migrations des différents peuples tartares dans leurs rapports avec la Chine, avec l'Europe orientale, l'Asie byzantine et l'Iran. C'est aux historiens chinois qu'il faut avoir recours pour être renseigné sur cette période ancienne de l'histoire de l'Asie. La nation des Hioung-nou joue une grand rôle dans l'ancienne histoire de la Chine. Ce peuple était d'origine turque, comme plus tard les Ouïgours, les Sien-pi, et les Tou-kioué; il venait de l'Asie orientale, entre l'Orkhon et la Mandchourie, et il se divisait en plusieurs tribus dont la désignation était probablement tirée des noms des lieux d'origine ou d'habitat : c'étaient les Houn (un des noms de la rivière Orkhon), les Houn-yé, les Hou-yen. L'ensemble de ces diverses tribus constituait la nation des Hioung-nou et il est très vraisemblable que c'est de l'un de ces vocables Houn, Hioung qu'est dérivé le mot Hun, prononcé Hounn par les premiers envahisseurs qui furent en contact avec les Romains et dont la transcription exacte est restée sous les diverses formes Hunni, Chuuni, Ounnoi, etc . Le
Kharezm et les khanats ouzbeks.
Les
Turkmènes.
Les Seldjoukidesétaient de leurs parents très proches; les Osmanlis aussi par conséquent, et ils se rattachent sans doute, comme les Seldjoukides, aux Oghouz (Ghouzz) que les conquérants arabes ont trouvés dans le Kharezm. Les Oghouz, probablement sous la poussée des Arabes, ont remonté vers le Nord de la Caspienne. ils se sont mêlés entre les rives de l'Oural inférieur et celles de la basse Volga, à d'autres Turks, les Petchénègues, mentionnés par les auteurs byzantins en 834. De ce mélange, accompli à la fin du XIe siècle, sont sortis les Koumanes (Polovtsy des archéologues russes). Mais Petchénègues et Oghouz ont pu se fondre aussi, au moins en grande partie, dans l'empire des Khazars, car il n'est plus question d'eux après le XIIIe siècle. L'Empire
Ottoman.
Il n'y eut, à
vrai dire, d'histoire et de nationalité mongoles qu'à partir
du kouriltaï de 1206,
cette grande assemblée générale où Temoutchin
se fit reconnaître pour souverain absolu (gengis khan) par
les tribus et clans mongols ainsi centralisés en nation. Ces tribus
qui nomadisaient le long de la Keroulen et de l'Onon ne constituaient pas
une personnalité historique bien définie. Entre les Turks
Ouïgour (sédentaires) ou Kiptchak (nomades du désert)
du Sud et de I'Ouest, les Toungouses de l'Est, ils fraternisaient plutôt
avec les premiers, tantôt à la solde de l'empire chinois,
tantôt en lutte avec lui. Ils se confondent donc dans le grouillement
des peuples turcs de l'Asie intérieure jusqu'à la fin du
XIIe
siècle. Jusque là, les empires
fondés dans l'Asie intérieure n'avaient généralement
pas réussi à soumettre directement les grands empires tels
que la Chine,
l'Iran
ou l'Inde.
Cet exploit allait donc réalisé que par les Mongols, et c'est
ce qui leur donne leur immense importance distorique.
Gengis Khan (Temujin) sur un manuscrit persan du XIVe siècle. A la fin du XIIe siècle, voici quelle était à peu près la situation politique en Asie. La Chine était divisée entre la dynastie nationale des Song, dans le bassin du Yang-tse et les Kin, dynastie toungouse, qui dominaient de l'Amour au Hoaï, Les Song résistaient avec l'appui des aventuriers turcs et mongols embauchés dans l'intérieur. Depuis la chute de l'empire khitan, les États secondaires et les tribus nomades étaient indépendants. Sur le coude du Hoang-lia, l'État de Hie; entre Keroulen et Selenga, les tribus mongoles; au Nord autour du Baïkal, les Mergued (toungouse); à l'Ouest des Mongols, les Kéraïtes, dont Karakoroum était la capitale; plus loin, dans le Pé-lou, maîtres des montagnes saintes de l'Altaï et du val de l'Irtych, les Naïmans; dans le Nan-lou, un groupe de Ouïgours, vassaux des Kara-Khitans, qui étendaient leur pouvoir sur la Transoxiane (Turkestan), que leur disputaient les Turks iranisés ou arabisés de l'Asie antérieure, ralliés autour de Mohammed le Kharezmien (Le Kharezm), qui succédait au pouvoir effondré des Seldjoukides. C'était en Transoxiane que les seigneurs turcs possessionnés dans l'ancien empire arabe recrutaient leurs forces, parmi les Turks occidentaux, Kankli, Kalatch. Au Nord de la Transoxiane et du Caucase, étaient encore des Turks, les Kiptchaks, sur le Kouban et sur le Don. Au Nord de ceux-ci, sur la Kama, les Bulgares, une population voisine. Tous ces Turks conservaient confusément le souvenir de leur communauté d'origine et celui du grand empire du VIe siècle (celui des Tou-Kioue) qui avait, sous l'il-Khan Mokan, réuni tous les peuples turcs. Ce sentiment favorisa l'unification entreprise par le conquérant mongol. Les clans mongols semblaient pourtant bien inégaux à une pareille tâche, faibles et divisés en face des monarchies des Kéraïtes, des Naïmans, des Khitans. Rien dans leur passé n'autorisait de semblables espoirs. Leur nom apparaît dans les auteurs chinois à partir de l'époque des Tiou-Kioue; il semble probable que les pasteurs de la lande mongole, établis de longue date sur l'emplacement où nous les trouvons, subirent sans résistance appréciable la domination des divers empires turcs Hioung-nou (Les Huns), Tiou-Kioue du VIe au VIIIe s, Ouïgours du VIIIe au IXe, Hakas ou Kirghis du IXe au Xe, Khitans du Xe au XIIe, alternant avec celle des Chinois et des Toungouses, Sien-pi, Jou-Jouen, Niou-tchen, etc. Toutefois, depuis que les grandes nations des Ouïgours se sont portées vers la Transoxiane où la destruction des empires iraniens sassanide et abbasside ouvre de brillants débouchés, les Mongols commencent une existence autonome, groupés autour des familles Niroun, descendants d'Alankava; coopérant à l'occasion avec les chefs turcs qui n'ont pas cherché fortune vers l'Ouest. Au XIIe siècle, les clans mongols sont installés sur la Keroulen, l'Onon, l'Orkhon, vivant assez misérablement et s'embauchant volontiers au service des Chinois. Leur centre était la colline sacrée de Deligoun-Bouldak, aux sources de l'Onon, où ils plantaient l'étendard à neuf queues blanches, symbole du peuple mongol, et l'étendard à quatre queues noires, symbole des Niroun; parmi celles-ci, la plus notable était celle des Bordjiguène (les yeux pairs), descendants du plus jeune des trois fils de la Vierge Alankava, Puis venaient les Arlad, les Djouirat. Au milieu du XIIe siècle, se distingue un des Bordjiguène, Yésouguéi Bahatour (le Batailleur). Associé à un chef kéraïte, il guerroie à la solde des Song contre les Kin. On ne sait s'il eut part à la grande victoire de l'an 1147, à la suite de laquelle l'empereur Kin, Hi-tsong, dut céder une partie de ses territoires aux Mongols; mais en 1162, les Mandchous prirent leur revanche, et Mongols et Kéraïtes rentrent dans leur dépendance nominale. C'est probablement en cette année que naquit Temoutchin. Yésouguéi continua de se distinguer, et à sa mort 13 hordes ou clans mongols se groupaient sous son autorité. C'était le premier noyau de l'Etat mongol que son fils allait étendre de la mer du Japon à l'Adriatique. L'Empire
gengiskhanide.
En peu d'années, Témoudjin agrandit prodigieusement ce faible héritage. S'étant fait proclamer en 1206 souverain de tous les Mongols (autrement dit Gengis Khan, ou puissant Khan), il conquit le pays des Ouïgours (1209) et la Chine septentrionale (1213); soumit la Corée (1219), la Transoxiane (1221), le Khoraçan et l'Irak-Adjémi (1222), Ie Kharezm et plusieurs provinces, de la Perse orientale, le Kandahar et le Moultan (1224), et enfin une partie de la Russie méridionale. Tout au long de cette vaste entreprise, Gengis Khan se montra souvent un conquérant inhumain et barbare. Les villes de Boukhara, de Samarcande, de Ferganah, de Ballk furent détruites par ses ordres, et une foule de monuments des arts et des lettres furent anéantis dans Pékin; cependant; il donna à ses sujets un code de lois, qui était encore ne vigueur au début du XXe siècle. A la mort de Gengis, son immense puissance s'exerçait à l'Ouest, au delà de la mer Caspienne et de la mer Noire, jusqu'à la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et la Russie; à l'Est, jusqu'à la mer, y compris la Corée; au Sud, ses territoires étaient bornés par les débris de l'empire des Kin, le Tibet, l'empire de Delhi et ce qui restait de l'empire kharezmien. L'empire fut divisé entre ses quatre fils qui lui avaient servi de lieutenants dans ses conquêtes. L'aîné, Djoutchi (Touchi-Khan), étant mort, fut remplacé dans la répartition par son fils Batou (Batu-Khan), qui occupa les pays à l'Ouest de la mer Caspienne, et eut le Kiptchak et la Russie méridionale; le second fils, Djagataï, eut l'Asie centrale et le Turkestan, c. -à-d. tout le pays qui s'étend depuis le Lob-nor jusqu'à Boukhara; Ogotaï (Oktaï-Khan) eut l'Asie orientale composée principalement de la Chine; enfin, Touli obtint le Khoraçan et l'Asie jusqu'à l'Indus. Koubilaï
et les Khaqans de Chine.
Houlagou
et l'Ilkhanat de Perse.
La
Horde d'Or et le Djagataï.
Le second et le plus
remarquable des fils de Gengis, Djagataï, avait eu pour sa part l'ancien
empire Kara-Khitan, avec pour annexe méridionale
l'ancien apanage de Djelal-Eddin. C'était le pays de l'Irtych au
Djihoun (Oxus, Amou-daria), la frontière avec le Kiptchak se trouvant
vers Kayalith au Sud du lac Balkach et à l'Est du Kharezm,
marquée pur de vastes déserts de sable. Cet empire comprenait
en somme les bassins du Sir, de l'Amou, du Tarim et la citadelle montagneuse
de l'Iran oriental avec Balkh,
Ghazna, le Séistan.
Sauf cette annexe, c'était la région que nous
appelons encore Turkestan,
le pays des Ouïgours, les Turks disciplinés (par opposition
aux Kirghiz-Kazaks, vagabonds de la bande). Djagataï, qui était
un administrateur énergique et habile, a exercé sur ces contrées
une telle influence que longtemps elles ont conservé son nom et
qu'aujourd'hui le dialecte turc qui s'y parle est appelé djagataï.
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