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Histoire de l'Auvergne
jusqu'à la Révolution
L'Auvergne, Arverni, est une ancienne province de France, située entre le Bourbonnais, le Forez, le Vélay, le Limousin, le Quercy et la Marche. Elle avait pour capitale Clermont-Ferrand. L'Auvergne historique correspond  aujourd'hui aux départements du Puy-de-Dôme et du Cantal et l'arrondissement de Brioude dans celui de la Haute-Loire. Quant à la région Auvergne, division administrative formée à partir de 1955-1960, elle a compris quatre départements : le Cantal, la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme et l'Allier. La réforme territoriale de 2015 a fait fusionner la région Auvergne avec la région Rhône-Alpes, reconstituant ainsi l'ancienne igamie de Lyon (regroupement des départements qui a existé entre 1948 et 1964).

Les Arverni ou Arvernes, qui ont donné leur nom à l'Auvergne, furent un des peuples les plus puissants de la Gaule Transalpine et les rivaux redoutables des Eduens avant la conquête des Romains. C'est de l'Arvernie que sortit Vercingétorix, le plus opiniâtre adversaire de César, et dont la soumission entraîna, celle de la Gaule entière; la capitale du pays était la célèbre Gergovie. Sous les Romains, l'Auvergne fut longtemps florissante, et les lettres y furent cultivées avec succès. 

En 475, les Wisigoths s'en emparèrent; Clovis l'enleva à ces derniers en 507. Sous les rois mérovingiens, l'Auvergne devint un comté dépendant de l'Aquitaine. Au VIIIe siècle, l'histoire fait mention d'un comte d'Auvergne, nommé Blandin, qui soutint le duc Waïfre contre Pépin le Bref. Après lui diverses maisons occupèrent successivement ce comté. En 979, il devint héréditaire dans celle des vicomtes d'Auvergne, vassaux des ducs d'Aquitaine, et passa, avec l'Aquitaine, sous la domination des Anglais. En 1155 il fut divisé en deux parties : comté d'Auvergne (appartenant à la branche cadette de la maison), et Dauphiné d'Auvergne (à la branche aînée). Le comté fut confisqué par Philippe-Auguste au comte Guy II, qui s'était révolté; mais peu d'années après il fut rendu à son fils Guillaume XI. 

Charte aux Auvergnats. On désigne sous ce nom deux documents datés tous deux de juin 1319 et qui confirment, en les complétant, les privilèges généraux de la province d'Auvergne. Par eux étaient fixées les limites du pouvoir royal, particulièrement en matière judiciaire. L'un s'applique à tout le pays. L'autre concerne uniquement la haute Auvergne. (L. F.).
Le Dauphiné (qui comprenait une partie de la Limagne et la moitié de la ville de Clermont) passa par mariage, en 1428, à la maison de Montpensier, branche de la maison de Bourbon. A la fin du XIIIe siècle, le comté d'Auvergne échut par mariage à l'ancienne famille de La Tour, dite dès lors de La Tour-d'Auvergne. En 1524, la comtesse Anne légua ce comté à Catherine de Médicis, et celle-ci le transporta en 1589 à Charles d'Angoulême, fils naturel de Charles IX, qui se le vit enlever en 1606 par Marguerite de Valois, fille de Catherine; il fut enfin cédé par cette dernière à Louis XIII encore dauphin, qui le réunit à la couronne en montant sur le trône (1610). L'Auvergne forma dès lors un des 32 grands gouvernements de l'Ancien régime.

Préhistoire

L'Auvergne est l'une des parties de la France qui ont été le plus anciennement habitées. Les découvertes  au Puy Courny, près Aurillac (Cantal), ont permis de constater la présence de silex taillés analogues à ceux recueillis près de Lisbonne, et l'existence de I'humain à l'époque tortonienne. A Chilhac (Haute-Loire) on a même découvert des vestiges qui pourraient être les plus anciens témoignages d'une présence humaine en Europe.

Depuis cette époque, l'humain n'a pas cessé d'habiter le sol de l'Auvergne, et il a laissé des traces de son industrie primitive dans presque toutes les parties de la région. La plupart des types connus et décrits des instruments préhistoriques s'y retrouvent, depuis les grossiers éclats de silex des premiers âges, jusqu'aux haches de pierre admirablement façonnées et polies (hache en trachyte porphyroïde trouvée à Tournemire (Cantal) en 1842, au musée d'Aurillac), jusqu'aux épées et aux poignards de bronze, qu'un peuple mystérieux maniait de ses mains fines et d'une remarquable petitesse, si l'on en juge par la dimension de ses bracelets et de la poignée de ses armes, jusqu'aux instruments de fer qui nous mènent au seuil des âges historiques. Les populations qui s'en servaient devaient être en effet en possession d'une civilisation déjà assez avancée et antérieure de fort peu à celles sur lesquelles on a des notions plus précises et des données certaines.

Antiquité et Moyen âge

Période celtique.
Quels qu'aient été les peuples qui ont habité le sol de l'Auvergne aux époques préhistoriques, il n'est pas douteux que ceux qui occupaient l'ancienne région de ce nom avant la conquête romaine comptaient parmi les plus puissants et les plus riches de la Gaule celtique. Les Arvernes proprement dits avaient rangé sous une sorte de vasselage les autres peuples établis autour d'eux sur les pentes du Massif central. César mentionne particulièrement les Cadurques Eleuthères, les Gabales, les Velaunes, populations des régions qui seront le Quercy, le Rouergue, le Gévaudan et le Velay, parmi ceux qui leur reconnaissaient cette sorte de suprématie. Lorsque, par l'entremise des Massaliotes, les Eduens contractèrent avec Rome cette alliance dirigée contre les Allobroges qui devait être si funeste à la liberté gauloise, les Arvernes se rangèrent contre eux. Leur roi Bituit, vaincu, fut fait prisonnier par trahison et exilé à Albe (123-121 av. J.-C.). Pour se venger des Eduens, les Arvernes unis aux Séquanes appelèrent alors Arioviste

Les Eduens furent écrasés, mais leur chef ou vergobret Divitiac, en invoquant le secours de César et de ses légions, lui fournit l'occasion tant désirée de tenter la conquête de toute la Gaule (100-63 av. J.-C.). On sait au prix de quels efforts il y arriva; les Arvernes, ralliant sous leur chef Vercingétorix toutes les populations de la Gaule, parvinrent un moment à balancer la victoire. César avait successivement vaincu les Helvètes, les Belges, les Armoricains et les Aquitains, c.-à-d. les populations de I'Est, du Nord, de I'Ouest et du Sud de la Gaule; la conquête paraissait assurée, quand, en l'an 53 av. J.-C., à un signal parti du pays des Carnutes, toute l'Arvernie se souleva. Autour de son chef Vercingétorix, fils de Celtill, se rangèrent successivement toutes les peuplades de la Gaule. Les Eduens eux-mêmes abandonnèrent les Romains. L'Arvernie fut envahie, mais César fut obligé de lever le siège de Gergovie et ce ne fut qu'après deux ans d'une campagne pénible et acharnée et après une bataille dans laquelle César laissa son épée aux mains des cavaliers arvernes, que la prise de Vercingétorix dans Alésia acheva la conquête définitive de la Gaule.
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Vercingétorix.
Vercingétorix
tel qu'on le voyait au XIXe s.

Période romaine
Sous la domination romaine, les Arvernes furent considérés comme un peuple libre. Nous n'avons pas à entrer ici dans l'examen des différentes opinions qui se sont fait jour au sujet de la manière dont on doit interpréter ce mot. Il faut probablement l'entendre en ce sens qu'au moins dans les premiers temps qui suivirent la conquête, les populations de l'Auvergne durent conserver en droit, sinon en fait, une sorte d'autonomie administrative. Au point de vue des divisions politiques de la Gaule, l'Arvernie fit partie de la première Aquitaine comprise entre le Tarn, les Cévennes, la Loire et une ligne qui, partant de Blois, serait allée aboutir au confluent du Tarn et de la Garonne. La civilisation supérieure des Romains s'imposa rapidement et profondément aux vaincus. La vieille capitale arverne, Gergovie, toute pleine encore des souvenirs de l'indépendance, fut abandonnée pour Augusto-Nemetum, située plus au Nord dans la plaine, et qui devait devenir Clermont-Ferrand.

Les Romains tracèrent des routes dont l'une passait au pied même de la butte qui forme le sommet du Plomb du Cantal. Attirés par les eaux thermales et minérales du pays, ils y répandaient les bienfaits de leur administration savante. On retrouve des traces de leur séjour auprès de toutes les villes un peu importantes, à Clermont, à Aurillac (plaine d'Arpajon), à Saint-Flour (Pré de Pâques), à Chaudesaignes, etc. Le temple du Mercure arverne du Wasso couronna le sommet du Puy-de-Dôme. Grégoire de Tours nous a décrit « ses doubles murs de trente-deux pieds d'épaisseur, ses marbres précieux, ses mosaïques, sa toiture de plomb ». 

L'Auvergne, riche et prospère, jouissait donc « de la majesté de la paix romaine » quand saint Austremoine vint, vers l'an 250 ou 260 ap. J.-C., y prêcher le christianisme. De l'église d'Issoire fondée par lui, d'autres apôtres rayonnèrent sur toute l'Auvergne. Saint Nectaire évangélisa le Mont Dore, saint Flour et saint Mamet allèrent prêcher dans le massif du Cantal. Quand, sous Constantin, le christianisme devint la religion officielle de l'Empire romain, l'Arvernie presque entière était soumise aux nouvelles croyances.
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Auvergne : Sarcophage gallo-romain, à Clermont.
Sarcophage gallo-romain du Ve siècle (Clermont).

Période germanique.
L'établissement de la religion nouvelle précède de peu la chute de l'Empire romain et le moment où l'Auvergne allait avoir à subir les invasions successives des Wisigoths et des Francs. Déjà vers le milieu du IVe siècle, un chef de bandes germaniques, que Grégoire de Tours appelle Chrocus, était arrivé en Auvergne après être entré dans les Gaules par les Vosges et avoir pris Langres d'assaut. Il s'empara de Clermont, puis « brûla, ruina et renversa » le temple de Mercure arverne qui se dressait au sommet du Puy-de-Dôme. Les ruines de cet édifice portent encore les traces du violent incendie qu'il alluma, et confirment le récit de Grégoire de Tours. Mais l'expédition de Chrocus ne fut qu'une course dévastatrice, et après lui l'Auvergne redevint romaine pour quelque temps. 

Les premiers qui la soumirent définitivement furent les Wisigoths. Le mariage de leur roi Ataülf avec Placidia, soeur d'Honorius, avait semblé en faire des alliés de l'Empire romain, mais, après la mort de ce prince, son successeur, Wallia, obtint du patrice Constance la seconde Aquitaine et la Novempopulanie (417 ap. J.-C.). De là ils se répandirent dans tous les pays compris entre la mer, les Pyrénées le Rhône et la Loire. En 472 les Romains n'y conservaient plus que le Berry et l'Auvergne. Cette province resta la dernière fidèle à l'Empire croulant, comme elle avait soutenu l'effort suprême de l'indépendance gauloise. Son gouverneur Séronatus, conspirant avec le chef des Wisigoths Euric, fut livré par ses subordonnés à l'empereur Anthémius qui le fit périr. Mais Euric, après avoir conquis le Berry, vint ravager les riches plaines de la Limagne et mettre le siège devant Clermont. 

L'héroïsme des habitants, admirablement dirigé par Ecdicius, fils ou beau-fils de l'empereur Avitus, et par l'évêque Sidoine Apollinaire, força le roi Goth à abandonner la place. Cette belle résistance devait rester inutile. L'année suivante l'empereur Julius Nepos céda à Euric l'Arvernie avec tout le territoire situé à l'Ouest du Rhône. Bien traités par les Wisigoths, les Arvernes se rattachèrent franchement à eux, et le fils même de Sidoine Apollinaire commandait un corps de ses compatriotes à la bataille de Vouglé, qui fit passer toute la Gaule sous la domination de Clovis. Après la mort de ce prince (511), dont la fille Théodechilde avait fondé l'abbaye de Mauriac, l'Auvergne échut à son fils Thierry contre lequel elle se révolta deux fois, d'abord sous Basolus, puis sous Arcadius qui projetait de la céder à Childebert déjà possesseur du Berry. Pour la punir, Thierry l'envahit en 532 et y exerça les plus grands ravages, « n'y laissant, dit Grégoire de Tours, que le sol qu'il ne put emporter ». Les châteaux de Volvic et d'Olliergues lui avaient cependant longtemps résisté. 

Après la mort de Théodebald, petit-fils de Thierry (553), l'Auvergne passa sous la domination de Clotaire qui envoya son fils Chramne pour la gouverner. Echue à Sigebert après la mort de Clotaire ler (567), elle fut rattachée à l'ensemble de la monarchie franque sous Clotaire II et Dagobert. La décadence mérovingienne relâcha les liens qui unissaient l'Arvernie aux rois francs. Le duc d'Aquitaine, Eudes, petit-neveu de Dagobert, la joignit à ses Etats et elle prit part aux luttes sanglantes que soutinrent Hunald et Waïfre contre les Carolingiens. L'Auvergne fut alors un des théâtres de la guerre. Pépin le Bref assiégea et prit Clermont (760), et ce fut probablement lui qui détruisit à la même époque les forteresses du Puy-Chateix et de Mont-Rodeix. Après la défaite et la soumission du dernier duc d'Aquitaine, l'Auvergne partagea le sort de cette partie de la Gaule. Elle cessa de jouer un grand rôle politique, et fut gouvernée successivement par les ducs et rois d'Aquitaine. Louis le Débonnaire qui avait régi ce pays du vivant même de Charlemagne, eut pour successeur son second fils Pépin, puis Pépin II. L'histoire de ces princes, presque complètement assimilés aux populations qu'ils gouvernaient, se résume dans une lutte continuelle pour se rendre indépendants. Ils finirent à peu près par y réussir et déjà Charles le Chauve ne fut plus que de nom roi des Aquitains.

L'Auvergne féodale.
A la fin du IXe siècle cette indépendance pouvait donc être déjà considérée comme un fait accompli. Déjà, en 892, Hugues, un des lieutenants du roi Eudes au Sud de la Loire, avait été battu et tué par le comte d'Auvergne, Guillaume le Pieux. Mais à partir de la déposition de Charles le Simple (922), les habitants de l'Auvergne, qui avaient soutenu Charles de Lorraine jusqu'à ce qu'il eût été fait prisonnier par la trahison de l'évêque de Laon, ne reconnurent pas la nouvelle dynastie des Capétiens et se considérèrent en droit comme tout à fait indépendants. Une charte de l'évêque de Clermont, Etienne III, citée par Baluze, porte la mention : regnante Domino nostro, Jesu-Christo. - On trouve d'autres exemples du même genre (V. Cartulaire de Sauxillanges).

II est assez difficile de dire quelles étaient à cette époque les divisions territoriales de l'Auvergne. Indépendamment du comté d'Auvergne, qui semble dans les textes du temps désigner tantôt l'ensemble du pays d'Auvergne, tantôt les possessions des comtes d'Auvergne proprement dits, il y avait certainement d'autres comtés, ceux de Brioude, de Clermont, de Tallende, d'Aurillac, dont saint Géraud était comte (fin du IXe siècle). 
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Saint Géraud, comte d'Aurillac.
Saint Géraud, comte d'Aurillac.

Malgré l'état de guerre habituel qui existait entre les seigneurs de ces diverses circonscriptions, malgré les invasions des Vikings (855 et 915), qui brûlèrent deux fois Clermont, malgré celles des Sarrasins de la vallée du Rhône et peut-être des Magyars du Danube, de nombreux monastères furent fondés. Une culture intellectuelle relative y fleurissait, entretenue par les relations de la province avec le Midi, où certains restes de la civilisation romaine avaient résisté à la barbarie, et avec l'Espagne
musulmane. C'est ainsi que le monastère d'Aurillac donna au monde chrétien Gerbert, la plus grande intelligence de son temps, qui, après avoir été étudié à Saragosse et à Cordoue, fut, sous le nom de Silvestre ll, le premier pape français.

Parmi les établissements religieux fondés à cette époque, on peut encore citer ceux de Thiers, d'Issoire, de Mozat, de Pauliac. Quelques-uns furent détruits à l'époque des incursions sarrasines, d'autres subirent l'assaut des Vikings, qui après avoir ravagé tout le pays de 851 à 925, en furent enfin chassés par les comtes d'Auvergne.

Après la mort de Guillaume le Pieux (918) et de ses deux neveux et successeurs Guillaume le Jeune (mort en 927) et Acfred (mort en 928), l'Auvergne passa sous la domination du comte de Toulouse, Raymond Pons, et après lui (950) sous celle du comte de Poitiers, Guillaume Tête d'Etoupe, pour revenir ensuite comme fief à la famille de Guillaume le Pieux par la cession à Guy, vicomte de Clermont, des deux comtés d'Auvergne et de Vélay (979). 

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Auvergne : pierres tumulaires médiévales.
Pierres tumulaires dans des églises du Cantal (Villedieu, Joursac, Sénezergues).

A partir de ce moment l'histoire de l'Auvergne se résume dans une lutte obscure et continuelle dont la suzeraineté de la province, que se disputent les ducs d'Aquitaine et les rois de France, est l'enjeu. Guillaume VI assista au sacre de Philippe Ier, à Reims, et, après que son petit-fils Robert eut échoué dans la revendication du Rouergue et du Gévaudan contre les comtes de Toulouse, son petit-fils Guillaume VII partit pour la croisade que le pape Urbain II était venu prêcher dans Clermont même (1095); il resta en Palestine jusqu'en 1114. Son absence, en occasionnant les premiers démêlés entre les comtes et les évêques de Clermont, permit aux rois Capétiens dont la puissance grandissait chaque jour de s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Auvergne et de mettre la main sur cette province. A son retour, en effet, Guillaume s'empara de la cathédrale de Clermont et, tandis que l'évêque allait implorer le secours du roi de France, il se reconnut vassal du duc d'Aquitaine pour avoir sa protection. Forcé de capituler dans Montferrand par Louis le Gros en personne, Guillaume dut se soumettre en partie aux prétentions de l'évêque et lui restituer l'église. Mais la question de suzeraineté n'était pas complètement tranchée et d'autres querelles vinrent la compliquer. 

Après la mort de Guillaume VII (1136), son fils et successeur Guillaume VIII fut dépouillé par son oncle Guillaume le Vieux. On lui laissa cependant une partie de la Basse-Auvergne avec Vodable (Puy-de-Dôme) pour capitale sous le nom de Dauphiné d'Auvergne. C'est l'origine des comtes-dauphins d'Auvergne (1155). La lutte n'en continua pas moins entre les deux Guillaume, le neveu se réclamant du roi d'Angleterre, suzerain de l'Auvergne comme duc d'Aquitaine; l'oncle, Guillaume le Vieux, se reconnaissant le vassal direct du roi de France, Louis le Jeune. Après la mort de Guillaume le Vieux et de ses deux successeurs, Robert II et Guillaume X, les querelles de Guy II et de son frère Robert, évêque de Clermont, qui se prétendait sous la suzeraineté immédiate du roi de France, fournirent à ce dernier l'occasion d'intervenir de nouveau, et cette fois d'une manière décisive. En 1209, à la suite d'une expédition dirigée par Guy de Dampierre, sire de Bourbon, le comté d'Auvergne fut confisqué par Philippe-Auguste. Guy lutta en vain jusqu'à sa mort (1214) pour conserver ses domaines. Son fils, Guillaume XI, dut reconnaître, au traité conclu avec saint Louis en 1229, la validité du testament de Louis VIII par lequel ce prince avait conféré à son fils Alphonse la terre d'Auvergne à titre d'apanage. Tout ce qu'il put garder de l'héritage des anciens comtes fut une partie de la Basse-Auvergne, avec Vic-le-Comte pour capitale, et qui releva directement des rois de France. C'est là l'origine du comté d'Auvergne proprement dit. En 1241, Alphonse prit en fait possession de son apanage et quand il mourut en 1271, après avoir doté plusieurs villes d'Auvergne de chartes de coutumes et administré sagement la province, l'Auvergne fut réunie à la couronne.

L'ancien territoire d'Auvergne se trouva donc à ce moment divisé en quatre parties :

1° la terre ou duché d'Auvergne qui avait pour « chef » Riom et faisait partie du domaine de la couronne depuis la mort d'Alphonse de Poitiers;

2° le dauphiné d'Auvergne, aux mains des descendants de Guillaume VIII le Jeune;

3° le comté d'Auvergne qui de la postérité de Guillaume IX le Vieux passa à la maison de la Tour;

4° le comté de Clermont, qui avait pour suzerains les évêques de cette ville.

Le dauphin d' Auvergne, les comtes d'Auvergne et de Clermont, étaient vassaux immédiats du roi de France.

Du XIIIe au XVe siècle.
Nous ne suivrons pas séparément l'histoire de ces différentes divisions du pays d'Auvergne ou plutôt des familles qui ont régné sur elles. Après la mort d'Alphonse de Poitiers (1271)), le duché d'Auvergne fut réuni à la couronne. 

En vain le roi de Sicile, Charles d'Anjou, réclama contre cet acte. L'arrêt de 1283 maintint les droits du roi de France « en vertu de la loi des apanages, suivant laquelle, défaillans tous mâles du corps, les apanages retournaient au roi et non au plus prochain lignager ». (Rivière d'après Chabrol.) En 1332, le roi d'Angleterre Edouard III réclama également l'Auvergne comme faisant partie de l'Aquitaine et du douaire de la reine Aliénor, femme de Louis VII. L'Auvergne, devenue ainsi un des enjeux de la guerre qui allait désoler la France pendant un siècle, eut beaucoup à souffrir pendant cette Guerre de cent ans et fut, à différentes reprises, ravagée par les bandes de pillards qui se réclamaient de l'un ou de l'autre parti. Au traité de Brétigny (1360), Jean le Bon l'érigea en un duché-pairie dont Riom fut la capitale et qui devint l'apanage de son troisième fils Jean, duc de Berry.
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Auvergne : émaux d'un reliquaire de l'église d'Ally.
Emaux d'une reliquaire du XIIIe siècle (église d'Ally, Cantal).

L'entrée de l'Auvergne dans le domaine royal coïncide avec le mouvement communal dans ce pays. Déjà au XIIe siècle l'abbé d'Aurillac avait demandé contre les bourgeois de sa ville révoltés, le secours du comte de Toulouse, Raymond V (1180), et Philippe-Auguste avait donné aux habitants de Nonette les coutumes de Lorris (1188). Depuis, d'autres seigneurs féodaux s'étaient vus forcés d'accorder des chartes de coutumes à certaines villes de leur domaine. C'est ainsi que Maringues et Cusset en avaient obtenu en 1225, Montaigut en 1230, Montmorin en 1238, Ambert en 1239, Tournon en 1244. Mais dès 1248, Alphonse de Poitiers accorda à la ville de Riom des privilèges qui, renouvelés et modifiés en 1270, furent la source des chartes de Pont-du-Château (1270), Cebazat (1271), Salmeranges-Ravel (1280), et de la plus grande partie de celles de Gerzat (1292), et de Vic-le-Comte (1387). Cet exemple fut suivi et environ quatre-vingts villes ou bourgs de l'Auvergne obtinrent ainsi soit du roi, soit de leurs seigneurs directs, des chartes municipales. Les stipulations n'en varient guère et on peut les classer sous quatre chefs principaux : 

1° Les villes d'Auvergne sont administrées par des consuls en nombre variable, élus en général par un suffrage restreint et assistés de conseillers. 

2° Le seigneur y est représenté par un fonctionnaire spécial appelé châtelain, bayle ou bailli. 

3° Les villes doivent à leur suzerain le servitium in campo et il exerce sur elles une partie des droits féodaux (cens, taille aux quatre cas, corvées, banalités, droit sur les ventes, etc.). En échange il accorde protection à la cité et à ses franchises, et des garanties pour la sûreté personnelle des habitants et celle de leurs biens. 

4° La juridiction reste toujours au suzerain. Tout ce que peuvent obtenir les villes les plus favorisées, c'est pour leurs consuls le droit d'assister aux enquêtes. Cette absence de pouvoir judiciaire fait que les villes d'Auvergne n'arrivent jamais au rang de communes proprement dites. Elles restent des communautés d'habitants se rapprochant davantage des cités du centre que de celles du midi. Ce développement des institutions municipales de l'Auvergne devait coïncider avec une prospérité matérielle qui se trouva arrêtée, là comme dans le reste de la France, par la Guerre de Cent ans. Cet état florissant de la province est attesté par Froissart. Parlant de l'expédition que conduisit dans l'Auvergne le prince Noir en 1356, il nous dit que les ennemis « chevauchoient à leur aise, trouvant le pays moult gras et rempli de tous biens ». Cette expéditions qui devait être suivie de bien d'autres fit sentir à l'Auvergne la nécessité de prendre des mesures de défense.

Le 29 décembre 1356, les Etats provinciaux se réunirent à Clermont. Ils répartirent la taxe votée par les Etats-Généraux et la même année votèrent et répartirent en outre une seconde taxe spéciale à la province et consacrée à sa défense. De plus, ils choisirent un « capitaine et gouverneur du pays et des troupes qui seraient levées par l'ordre des Etats. » Ce chef militaire fut Jean de Boulogne, comte de Montfort, lieutenant du roi en Auvergne, que le bailli d'Auvergne fut chargé provisoirement de remplacer. Les Etats choisirent en outre dans chaque ordre deux personnes chargées d'assister ces deux personnages et peut-être de les surveiller. Les événements qui suivirent montrèrent la sagesse de ces prévisions. 

En 1359 en effet, après plusieurs courses des routiers anglais et gascons en Auvergne, le pays fut de nouveau envahi par les bandes anglaises que commandait le fameux partisan Robert Knolles, mais elles se retirèrent devant la levée en armes des habitants, et la ferme attitude du dauphin d'Auvergne, Beraud Il. Knolles parti et la paix faite avec l'Angleterre au traité de Brétigny (1360), les grandes compagnies continuèrent d'exercer leurs ravages, et ce fut en vain qu'en 1362 le maréchal d'Audrehem, lieutenant du roi en Languedoc, conclut avec elles une convention pour l'évacuatien de la province moyennant 40,000 florins. Leurs principaux chefs s'étaient fortifiés dans les places et les châteaux les plus solides de l'Auvergne, et de là rançonnaient et dévastaient continuellement le pays. C'étaient Seguin de Badefol, établi à Brioude (1367), Geoffroy Tête-Noire, à Ventadour, Perrot le Béarnais à Chalucet, Louis Raimbaud, Limousin, Chancel, et le plus fameux de tous, Aymerigot Marchez, qui de son repaire d'Alleuze, au Sud de Saint-Flour, courait dans toute la Haute-Auvergne. En 1369 le duc Jean de Berry s'établit lui-même à Nonette pour diriger la défense de son apanage. Du Guesclin fit capituler en personne le château d'Usson, et le comte d'Armagnac envoya dans la province des secours en hommes et en argent. La mort du roi d'Angleterre Edouard Ill et les succès de Charles V déterminèrent la trêve de 1377, mais quelque temps après Du Guesclin dut revenir en Auvergne. Il passa à Saint-Flour, dont les consuls l'aidèrent de vivres et de munitions, et s'empara de la forteresse de Chaliers, au Sud-Est de cette ville, avant d'aller mourir devant Châteauneuf-de-Randon (1380). 
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Mort de Du Guesclin.
Du Guesclin mourant donne son épée à Clisson et reçoit les clefs
de Châteauneuf-du-Randon. (Manuscrit de la Chanson de Bertrand Du Guesclin).

De leur côté les paysans de la Basse-Auvergne, exaspérés à la fois par les ravages des grandes compagnies et par les exactions du duc de Berry, se soulevèrent sous la conduite d'un des leurs, Pierre Brugère de Limagne. Ils eurent le sort qu'avaient eu les Jacques peu de temps auparavant et furent écrasés par le duc. Cependant la continuation de la trêve avec l'Angleterre permit de poursuivre la lutte contre les routiers. La Roche-Sanadoire fut enlevée à Chancel par Louis Il de Bourbon, le gendre du dauphin d'Auvergne Béraud (1385), et si Seguin de Badefol mourut en paix à Riom, si Perrot le Béarnais s'empara par surprise de Montferrand (1387), du moins Geoffroy Tête-Noire fut mortellement blessé à Ventadour, et ses successeurs Alain et Pierre Roux pris dans ce château fort. Raimbaud fut trahi par Limousin, qui le mit entre les mains des gens du roi, et ce fut aussi le sort d'Aymerigot Marchez. Après avoir vendu son château d'Alleuze, ce dernier s'était établi à la Roche-Vendeix. Assiégé dans cette place, il s'en échappa et alla demander asile à son cousin le sire de Tournemire, mais celui-ci le livra au roi qui le fit écarteler (1390). Ce succès et le voyage de Charles V, en Auvergne, qui mit fin aux exactions du duc de Berry (1391), permirent à la province de respirer.

L'Auvergne jouit ensuite de quelque tranquillité jusqu'au moment où le roi d'Angleterre Henri V reprit la lutte contre la France (1415). La mort du duc de Berry lui avait fait faire retour à la couronne (1416). 

Aussi voyons-nous les Etats provinciaux du pays depuis 1419 jusqu'en 1450 prêter aide et assistance à Charles VIl (gouvernant comme régent jusqu'en 1422), par des secours en hommes et en argent, en même temps qu'ils se défendent contre les bandes des routiers et des Anglais, soit en traitant directement avec eux comme ils firent pour Rodrigue de Villandrando (1432), soit en s'alliant avec les provinces voisines. L'Auvergne eut du reste moins à souffrir pendant cette seconde période de la guerre des Anglais que durant la première, et si Charles VII y vint en 1440, ce ne fut que pour une promenade militaire au cours de laquelle il soumit les places, telles que Chambon, Ebreuil, Montaigut, Saint-Pourçain, dans lesquelles Chabannes, le chef auvergnat de la Praguerie, avait mis garnison.

L'Auvergne du XVe siècle à la Révolution

Au moment où mourut CharlesVII (1461), l'Auvergne était dans la maison de Bourbon depuis 1425, date à laquelle le duc Jean de Bourbon, gendre du duc de Berry, l'avait reçue en don du roi. Elle y resta jusqu'à la mort de Louise de Savoie (1531), qui l'avait eue après la confiscation des biens du connétable de Bourbon. A ce moment le duché et le dauphiné d'Auvergne furent définitivement réunis à la couronne. Des quatre grands fiefs du Moyen âge restaient seuls le comté d'Auvergne et celui de Clermont. Le premier apporté en dot (1505) à Jean Stuart, duc d'Albany, par Anne de la Tour, héritière de la puissante maison de la Tour qui avait succédé elle-même à la postérité de Guillaume le Vieux, passa par héritage à Catherine de Médicis en 1534 et resta dans la famille royale jusqu'en 1610 où l'avènement au trône de Louis XIII le réunit complètement à la couronne. 

Le second fut également adjugé à Catherine de Médicis en 1551 à la suite d'un procès fameux avec, l'évêque de Clermont, Guillaume Duprat, et suivit le sort du premier.

Pendant cette période qui marque la réunion définitive de l'Auvergne à la couronne et qui va de la fin de guerre de Cent ans au commencement des Guerres de religion, cette province jouit d'un calme relatif et son histoire se confond à peu près avec l'histoire générale. On ne saurait cependant oublier l'expédition que Louis XI y conduisit en 1465 pour combattre la ligue du Bien Public. Après avoir enlevé Gannat, il vint camper à Mozat près de Riom, et traita dans cette dernière ville avec les princes. Pour résister aux prétentions des sires de la maison de Bourbon qu'il trouvait trop puissante, il soutint les bourgeois de Clermont contre leur évêque Charles de Bourbon et leur accorda des lettres de consulat (1479-1480). La forteresse de Bonnevie fut rasée (1477). Enfin pour surveiller la province il y laissa comme bailli de Montferrand, un de ses agents les plus énergiques et les plus dévoués, Jean Doyat. Ce dernier, en dirigeant l'enquête de Cusset (1477) et les Grands-Jours de Montferrand (1481), souleva contre lui les haines de la noblesse qui, après la mort du roi, lui fit expier ses rigueurs par une condamnation à un supplice infamant auquel, du reste, il survécut (1483). Nous devons mentionner également la première rédaction des coutumes d'Auvergne (1510). Quant à la révolte du connétable de Bourbon sous François Ier, elle appartient à l'histoire de France bien plus qu'à l'histoire provinciale.

Les Guerres de religion.
Si l'Auvergne avait joui de quelques années de tranquillité durant la première moitié du XVIe siècle, les guerres de religion furent pour elle le signal d'une nouvelle période de dévastation et de malheurs. Dès 1540 un jacobin venu d'Allemagne avait prêché la Réforme à Issoire et converti aux nouvelles doctrines les consuls Bonnel et Vial. Deux notables de la ville; Duprat et Florat, firent venir de Clermont un cordelier pour le réfuter, et il s'en suivit une rixe dans l'église Saint-Paul, au cours de laquelle plusieurs personnes furent blessées. Cet événement n'empêcha pas les progrès du protestantisme dans la ville. Le supplice de Jean Brugière en 1547 et celui du conseiller au parlement de Paris, Anne Dubourg, qui était natif de Riom (1559), n'effrayèrent pas les religionnaires. Tandis que Monier, de Saint-Amand-Tallende et Magne d'Aurillac étaient suppliciés, tandis que Pegot, d'Auzances et de Fierville étaient exécutés pour avoir volé la custode de l'église d'Issoire, cette ville devenait sous le gouverneur Guy de Moranges le foyer de la Réforme qui y faisait de précieuses recrues telles que le marquis de Chavagnac. Aussi, dès la première guerre de religion, la lutte à main armée éclata-t-elle en Auvergne. 

En 1562, tandis que les troupes catholiques de Brezons prenaient deux fois Aurillac, les protestants pillaient la Chaise-Dieu, et les troupes royales occupaient Issoire où les horreurs de la peste vinrent se joindre à celles de la guerre (1562-1564). Le voyage de Charles IX en Auvergne (1566) ne pacifia pas la province. En 1567 la bataille de Cognat près Gannat, gagnée par les huguenots de Poncenac, vengea le supplice d'un protestant brûlé vif à Clermont, pour avoir refusé d'orner sa maison de tentures au passage de la procession, et deux ans après Aurillac, surpris par les capitaines protestants Laroque et Bessonie, qui firent sauter la porte Saint-Marcel à l'aide d'un pétard, fut horriblement saccagé. Le gouverneur de la province, Saint-Hérem, accourut au secours de la ville et vint assiéger les protestants dans leur conquête. Les mouvements de l'armée des princes et de Coligny qui franchit la Dordogne aux environs de Bort le forcèrent à lever le siège de la ville aux environs de laquelle se livra encore, quelque temps après, le furieux combat de Carbonnat. 

Le chancelier Michel de l'Hôpital (né près d'Aigueperse vers 1505), qui s'était retiré après sa disgrace dans son château natal de la Roche, put voir avant sa mort (1573) ces guerres civiles et assister à la Saint-Barthélemy en Auvergne. Soit que le gouverneur Saint-Herem ait eu le courage d'enfreindre les ordres de Charles IX, soit, comme on l'a prétendu, que le messager ayant perdu la lettre royale, il n'ait pas osé exécuter le massacre sur la simple parole d'un envoyé, elle y fut moins terrible qu'ailleurs. La lutte n'en recommença pas moins en 1573. 

Tandis que dans la Haute-Auvergne, la protestante Madeleine de Saint-Nectaire se défendait en héroïne au château de Miremont, près Mauriac, et qu'Henri de Bourbon, vicomte de Lavedan, prenait cette dernière ville (1574), dans la Basse-Auvergne le fameux capitaine huguenot, Merle, s'emparait d'lssoire (1573). Faisant de cette ville sa place d'armes, it courait de là les environs et surprit même Ambert. 
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Le capitaine Merle et le siège d'Ambert.
Auvergne : le siège d'Ambert.

Les Etats-Provinciaux de 1574, qui avaient demandé l'aide du roi contre lui, durent attendre trois ans ce secours. Cependant en 1577 les ducs d'Anjou et de Guise vinrent mettre le siège devant Issoire où commandait le marquis de Chavagnac en l'absence de Merle, et s'en emparèrent après vingt-deux jours de résistance. Mais les protestants ne se laissèrent décourager ni par l'échec de leur tentative sur Saint-Flour, que sauva l'énergie du bourgeois Jean Brisson anobli par le roi pour ce fait d'armes (1578), ni par la mort de Merle. Ils tenaient toujours la campagne quand la Ligue acheva de diviser la province (1585). Sous la présidence de François de Larochefoucauld-Randan, évêque de Clermont, elle tint en 1588 les Etats de Billom où l'on vota des subsides pour soutenir la lutte. Le comte de Lastic, dans la Haute-Auvergne, et Jean-Louis de Larochefoucauld, comte de Randan, dans la Basse, en étaient les chefs. Le marquis d'Allègre était à la tête des royalistes.

Les rivalités de ville à ville et de famille à famille se mêlaient aux querelles politiques et religieuses. Riom, dont Randan avait fait sa place d'armes, était ligueur parce que Clermont était royaliste, et dans cette dernière ville même, les Mauguin, partisans de la Ligue, s'opposaient aux Enjobert attachés au roi. A Issoire c'étaient les Aulteroche, royalistes, qui luttaient contre les Chauveton, ligueurs. Cette malheureuse ville déjà ruinée au siège de 1577 fut prise et reprise cinq fois, en dernier lieu par les royalistes (1589), et Randan en voulant la reprendre fut vaincu et tué à Cros-Rolland (1590). Sa mort fut en Auvergne le signal de la ruine de la Ligue. Les protestants se maintinrent dans le château de Buron, près Vic-le-Comte, et dans Herment et Maringues dont ils s'étaient emparés, tandis que les royalistes, sous d'Allègre, poursuivaient leurs succès. La mission du marquis d'Effiat, envoyé en Auvergne par Henri IV pour pacifier la province, contribua à l'apaisement, et ce fut en vain que le duc de Nemours, devenu chef de la Ligue. se rendit dans le pays pour tenter de ranimer la lutte. Riom se soumit en 1593, et après l'édit de Nantes (1598), qui donna Maringues comme place de sûreté aux réformés, l'ère des guerres civiles fut définitivement close en Auvergne.
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Marguerite de Valois et Catherine de Médicis.
Marguerite de Valois et Catherine de Médicis.

Le XVIIe siècle.
A partir de ce moment, la développement de plus en plus grand du pouvoir central et la position géographique de l'Auvergne, que sa situation au centre de la France a mise depuis les époques barbares à l'abri des invasions, tendirent de plus en plus à confondre l'histoire de cette province avec l'histoire générale. Il faut cependant rappeler au XVIIe siècle le séjour de la reine Marguerite de Valois à Carlat, près d'Aurillac, le rôle joué par Jean Savaron de Clermont aux Etats-Généraux de 1614, la démolition des châteaux-forts, que les guerres religieuses avaient laissés intacts, sur l'ordre de Richelieu; l'insurrection des paysans qui éclata en 1631, à l'occasion de la perception d'un impôt sur les bêtes à cornes, et qui est connue sous le nom de Guerre des Sabots; enfin les fameux Grand-Jours de 1665 dont Fléchier nous a laissé le récit.
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Les Paysans durant les Grands jours

 « On remarqua dans la poursuite de cette affaire que les paysans étaient fort hardis, et qu'ils déposaient volontiers contre les nobles lorsqu'ils n'étaient point retenus par la crainte. Si l'on ne leur parle avec honneur et si l'on manque à les saluer civilement, ils en appellent aux Grands jours, menacent de faire punir et protestent de violence. Une dame de la campagne se plaignait que tous ses paysans avaient acheté des gants et croyaient qu'ils n'étaient plus obligés de travailler, et que le roi ne considérait plus qu'eux dans son royaume. Lorsque des personnes de qualité, d'esprit et de fort bonnes moeurs, qui ne craignaient point la plus sévère justice, et qui s'étaient acquis la bienveillance des peuples, venaient à Clermont, ces bonnes gens les assuraient de leur protection, et leur présentaient des attestations de la vie et moeurs, croyant que c'était une dépendance nécessaire, et qu'ils étaient devenus seigneurs, par privilège, de leurs seigneurs mêmes. Ils étaient encore persuadés que le roi n'envoyait cette compagnie que pour les faire rentrer dans leurs biens, de quelque manière qu'ils les eussent vendus, et sur cela ils comptaient déjà pour leur héritage tout ce que leurs ancêtres avaient vendu, remontant jusqu'à la troisième génération. Ces simplicités, qui faisaient rire ceux qui ne s'y trouvaient point intéressés, donnaient une fâcheuse contrainte à ceux qui y avaient quelque part, parce qu'il fallait souffrir des insolences auxquelles ils n'étaient pas accoutumés et réprimer des promptitudes qu'ils n'avaient pas accoutumé à réprimer, lorsqu'ils voyaient la justice plus éloignée. Celui qui s'en trouva le plus incommodé fut M. de Chazeron, qui est un homme assez considérable dans la province, et dont on n'a pu faire aucune plainte. Un de ses sujets, fort avare et fort mutin, se souvenant qu'il avait appris par tradition dans sa famille que son bisaïeul ou trisaïeul avait autrefois vendu quelque pré ou quelque vigne au grand-père de ce gentilhomme, le vint trouver dans sa maison, et lui demanda la restitution de son bien. Ces demandes ne sont jamais agréables; mais quand elles sont injustes et sans fondement, elles excitent la colère des plus modérés. Il lui représenta que le temps de la restitution était venu, qu'après en avoir joui injustement, le roi envoyait des gens qui ne le craignaient pas et qui rendraient bonne justice. On lui répondit qu'il se trompait; que ce qu'il demandait n'était pas juste, et que si ses ancêtres avaient vendu leur champ, les siens aussi l'avaient payé. Cette raison ne parut pas trop convaincante à ce bonhomme, qui se mit sur sa rustique fierté, et enfonçant son chapeau, et s'approchant avec emportement, et mettant sa main gauche à son côté, et faisant un geste menaçant de la droite : « Vous me le rendrez, disait-il, et les Grands jours... » Le paysan aurait été plus sage en un autre temps, et le seigneur l'aurait été moins, mais la peine où l'on voyait ceux qui étaient accusés faisait craindre ceux qui ne l'étaient pas. Aussi toute la punition qu'il osa faire de cette hardiesse fut de lui jeter son chapeau par terre, et de l'avertir de se tenir dans le respect. Mais ce misérable, entrant en fureur, lui commandait de lui ramasser son chapeau, ou qu'il lui en coûterait la tête. La chose en vint au point que le gentilhomme, craignant de s'emporter et se méfiant de sa patience, en un temps où il fallait éviter toute sorte de reproche, lui releva son chapeau, et lui en ayant donné quelques coups, trouva à propos de monter à cheval et de venir faire ses plaintes à M. le président. Tant le peuple se flatte ici des Grands jours, et tant la noblesse les craint!. »
 

(Fléchier, Mémoires sur les Grands-Jours d'Auvergne).

La Révolution.
Quand éclata la Révolution, l'Auvergne se montra favorable aux idées nouvelles qui s'y manifestèrent sans beaucoup de troubles. On eut cependant à déplorer quelques assassinats isolés et le pillage de quelques châteaux. En 1790 la Constituante partagea la province en trois tronçons principaux. La Haute-Auvergne forma le département du Cantal; la Basse-Auvergne, sauf les environs de Cusset et d'Ebreuil, qui furent joints au département de l'Allier, forma, avec une portion du Bourbonnais et du Forez, le département du Puy-de-Dôme; on joignit le Brivadois et le Langhadois au Velay pour en faire le département de la Haute-Loire. L'histoire de cette province est alors celle de ceux de ses enfants qui, soit dans la vie civile, soit dans les camps, jouèrent un rôle dans les événements de la Révolution. Elle envoya aux assemblées des hommes tels que Montlosier, Dulaure, Carrier, Coffinhal, Maignet, Couthon, qui en 1793 vint dans son pays chercher 20,000 montagnards pour les conduire contre les révoltés de Lyon et des Cévennes, Romme, Soubrany, etc., et aux armées des généraux comme Desaix, Delxons, etc. (GE).

Les Auvergnats dans la culture

Littérature. 
Nous avons vu plus haut quel avait été au déclin de l'Empire romain le rôle politique important joué par l'évêque de Clermont, Sidoine Apollinaire (430 ou 431-488), dans la résistance de l'Auvergne aux Wisigoths. Son rôle littéraire ne fut pas moindre et nous pouvons saluer en lui un des derniers représentants de la culture latine. Par ses Lettres comme par ses Poésies, il peut être considéré comme le trait d'union entre le gallo-romain Ausone et un autre poète de même origine qui, pour chanter les premiers mérovingiens, plia les formes savantes du vers latin à la rudesse des noms germaniques, Venance Fortunat. Après lui nous pouvons citer Grégoire de Tours (544-595) ainsi nommé du nom de la ville dont il était évêque, mais qui était né dans la ville qui deviendra Clermont-Ferrand. On connaît l'influence qu'il a eue sur les négociations du traité d'Andelot et la fermeté dont il a fait preuve vis à vis de Chilpéric et de Frédégonde. Il a écrit : Historia ecclesiastica Francorum; Da gloria martyrum; De gloria confessorum; De miraculis sancti Andreae; De miraculis sancti Martini; Vita patrum, etc.

Pendant la période des luttes contre les conquérants francs la vie littéraire s'éteignit en Auvergne comme dans le reste de la France. Mais nous la voyons reparaître avec Charlemagne et aux siècles suivants, dans son asile habituel à cette époque, les couvents. C'est de celui d'Aurillac que sortit Gerbert (mort en 1003) qui eut cela de commun avec Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours, d'être à la fois homme d'action et écrivain. Nous n'avons pas à parler ici de la part des plus importantes qu'il prit au changement de dynastie qui marqua la fin du Xe siècle. Ce qu'il y a de sûr c'est que « ce grand clerc dont le mérite brillait dans le monde entier » a certainement été la plus grande intelligence de son temps. Ses oeuvres nous montrent en lui, non seulement un littérateur, mais surtout un savant qui avait su mettre à profit les traditions antiques conservées dans l'université arabe de Cordoue. Ses contemporains furent constamment partagés entre l'admiration et la méfiance pour cet homme qu'ils regardaient comme un sorcier. 

Presque à la même époque que Gerbert, un autre Auvergnat, Odilon (962-1049), que l'Eglise a canonisé, fut à la tête de l'abbaye de Cluny. Il nous a laissé des poésies, des lettres, des sermons, des vies de saints, entre autres celles de sainte Adélaïde et de saint Mayeul. Pierre de Montboissier (1092-1156), plus connu sous le nom de Pierre le Vénérable, fut aussi abbé de Cluny en 1122. On sait la part importante qu'il prit à la réforme intérieure de l'Eglise aux conciles de Pise (1134) et de Latran (1138). Dans ses voyages en Espagne il avait fait faire une traduction du Coran afin d'en réfuter les doctrines. Au siècle suivant l'Auvergne fut représentée dans les lettres sacrées par l'évêque de Paris, Guillaume d'Auvergne, mort en 1248. En même temps cette province prenait sa part au mouvement poétique des troubadours avec Peyre d'Alvernhe (mort en 1214), Peyre Rogier, Astorg d'Orlhac qui vivait à la fin du XIIIe siècle et quelques autres moins connus.

En 1391, le chanoine de Notre-Dame, Pierre Fortet, qui s'était rendu célèbre par sa science en droit civil et en droit canon, fonda à Paris le collège qui porta son nom et fut plus tard réuni à celui de Louis-le-Grand. Des bourses y étaient réservées aux étudiants pauvres de l'Auvergne. En même temps que lui avait vécu le cordelier visionnaire Jean de Roquetaillade, dont Froissart a raconté la vie étrangement accidentée et qui, enlevé du couvent d'Aurillac par ordre du pape Innocent VI, fut enfermé au château de Bagnols. Pendant tout la XVe siècle, l'Auvergne, comme le reste de la France, resta à peu près stérile au point de vue purement littéraire. Les esprits alors étaient ailleurs. Il faut aller jusqu'à Michel de l'Hôpital (1505 ou 1507-1573), dont nous n'avons pas à examiner ici le rôle politique, pour trouver trace d'un réveil de l'étude des lettres dans ce pays. Ses oeuvres comprennent des harangues, des poésies latines et le Traité de la réformation de la Justice. L'esprit que l'on a si justement appelé politique et dont l'Hôpital avait été le précurseur revit sous une forme plus légère dans les poésies de Gilles Durant (né à Clermont vers 1550), l'un des auteurs de la Satire Ménippée. Il faut également citer à la même époque les curieux mémoires du président Jean de Vernyes, une des sources les plus importantes pour l'histoire de la Ligue en Auvergne. 

Parmi ceux qui au XVe siècle suivirent la même ligne politique que l'Hôpital, Gilles Durant et Jean Vernyes, nous devons compter Antoine Arnauld qui, après avoir été procureur du roi au présidial de Riom, mourut conseiller du roi en 1585. Il fut le père d'Antoine Arnauld (1550-1619), célèbre par le plaidoyer qu'il prononça contre les jésuites pour l'Université de Paris. On peut dire que c'est de cette famille que sortit le jansénisme, avec la mère Angélique Arnauld et celui qu'on a appelé le grand Arnauld. Le même milieu de bourgeoisie parlementaire devait produire Blaise Pascal, né à Clermont le 19 juin 1623. L'Académie française a compté parmi ses premiers membres Amable de Bourzeïs (1606-1672), né à Volvic, qui fut abbé de Saint Martin de Cores et auquel on attribua un moment le Testament politique de Richelieu. Après lui, Danchet (1671-1748) fut également membre de l'Académie française et aussi de celle des inscriptions et belles-lettres. Bien qu'il ait fait représenter quatre tragédies, Cyrus, les Héraclides, les Tyndarides et Nitétis, il est surtout connu par un grand nombre de livrets d'opéras. Louis de Boissy (1694-1758), auteur comique, né à Vic-sur-Cère, collabora au Mercure de France et fit représenter entre autres pièces : le Babillard, le Français à Londres, l'Impatient. Ses oeuvres de théâtre ont été recueillies (Paris, vol. in-8). 

Un autre auteur dramatique, né en Auvergne, Pierre-Laurent Buyrette de Belloy (1727-1775), après avoir été d'abord acteur en Russie, obtint un immense succès avec sa tragédie du Siège de Calais (1759). Dans ses oeuvres complètes (Paris, 1779 et 1787, 6 vol. in-8), on peut encore citer Titus (1759), Zelmire, Gaston et Bayard (1771), Gabrielle de Vergy, Pierre le Cruel (1775). De Boissy et de Belloy avaient été tous deux de l'Académie française. Antoine-Léonard Thomas (1732-1785) fit couronner par elle ses éloges de Sully, de Descartes, de Marc-Aurèle, etc., avant d'y prendre place. Ses différents éloges précédés d'un essai sur le genre ont été publiés en six volumes in-8 (Paris, 1825). Vers la même époque, l'Auvergne donna encore aux lettres l'abbé Delille, né à Clermont (1738-1813), dont les oeuvres bien connues ont été souvent réimprimées, et Chamfort (1741-1794) dont on ne connaît plus guère les tragédies la Jeune Indienne et Mustapha et Zéangir, mais dont on lit toujours les amères et piquantes Maximes. A peu près en même temps que Chamfort était né à Riom Malouet (1740-1810), connu surtout par son rôle politique et ses publications sur les questions maritimes et coloniales, mais cependant auteur d'un poème sur les quatre parties du jour à la mer. Il nous serait impossible d'énumérer ici toutes les brochures, pamphlets et publications diverses dus à la plume fertile de l'abbé Dominique Dufour de Pradt, né à Allanche dans la Haute-Auvergne (1759-1837). Successivement grand-vicaire à Rouen, député à la Constituante, aumônier du premier consul, archevêque de Malines, ambassadeur à Varsovie et publiciste libéral sous la Restauration, il a, dans ses écrits, touché à la plupart des questions qui on agité son temps. 

Les travaux laissés par de Ribier du Châtelet (1779-1844), né à Layre, ont été moins brillants, mais plus spécialement consacrés à l'Auvergne. Son Dictionnaire statistique du Cantal (Aurillac, 1828, 5 vol. in-8) est une oeuvre qui manque de critique et dont les parties ont une valeur très inégale, mais elle n'en reste pas moins une source féconde de renseignements que pour la plupart on ne trouverait pas ailleurs. Prosper Brugière de Barante, né à Riom (1782-1866), s'est fait connaître, comme la plupart de ses compatriotes, autant par son rôle politique que par ses écrits. Parmi les écrivains du XIXe siècle qu'a produits l'Auvergne, on peut citer Eugène Marchand-Gerin, né à Thiers (la Nuit de la Toussaint, roman); le poète Gabriel Marc (Poèmes d'Auvergne); H. d'Ideville (Vieilles maisons et jeunes souvenirs); le maréchal Bugeaud; Bardoux, historien et orateur apprécié le docteur J. Rengade, qui a signé du pseudonyme d'Aristide Roger le Voyage sous les flots, des chroniques et plusieurs volumes de vulgarisation scientifique, etc. Quelques poètes, au XIXe siècle, se sont exercés dans le dialecte auvergnat de la langue d'oc

La Basse-Auvergne a eu Bathol; ils sont plus nombreux dans le Cantal, où J.-B. Veyre publia, en 1860, les Piaoulats d'un Reïpetit (Aurillac, 1 vol. in-8). D'autres Cantaliens, Brayat (1779-1838),et son ami, l'abbé Bouquier, Dupuy de Grandval (1802-1859), A. Bancharel (la Grammaire et les Poètes de la langue patoise d'Auvergne; Aurillac, 1886, 4 vol. in-12), A. Vermenouze, l'abbé Courchinoux (la Pousco d'or; Aurillac, 1884, 4 vol. in-12), l'abbé Geraud, ont publié des vers disséminés la plupart dans les journaux locaux.

Sciences. 
Durant toute la période du Moyen âge, les couvents furent le refuge des sciences, comme ils l'étaient des lettres, et Gerbert qui écrivit des ouvrages de mathématiques, comme Roquetaillade qui s'occupa d'alchimie, ont autant de droit à être comptés parmi les savants que parmi les littérateurs. Dans les temps modernes il en fut de même de Pascal. Au XVIIIe siècle, l'abbé Jean Chappe d'Auteroche (1722-1769), né à Mauriac, fut membre de l'Académie des sciences. Il fut envoyé, pour observer le passage de Vénus, d'abord en Sibérie (1762), puis en Californie où il mourut (1769). Le médecin Brieude, né à Laroquebron en 1728, mort à Paris en 1812, écrit, en 1783, son mémoire de la topographie médicale de la Haute-Auvergne

Le commencement du XIXe siècle a vu naître en Auvergne un mouvement scientifique important appliqué surtout à l'étude de l'histoire naturelle de cette province, que ses volcans éteints, ainsi que la variété géologique et botanique de son sol, rendent particulièrement intéressante. Tandis que Dubuisson étudiait le bassin tertiaire d'Aurillac et découvrait le fossile qui porte son nom (Paludina Dubuissonii), J.-B. Bouillet et H. Lecocq attiraient l'attention du monde savant sur les curiosités naturelles du pays. Le premier publiait, en 1832, son Itinéraire minéralogique et historique de Clermont-Ferrand à Aurillac (Clermont-Ferrand, in-8) et, deux ans après, il donnait dans sa Description historique et scientifique de la Haute-Auvergne (Paris, 1834, 2 vol. in-8) un travail resté longtemps une référence. Le second ne se contentait pas de résumer dans ses Epoques géologiques de l'Auvergne (Paris, 1867, 5 vol. in-8) l'ensemble des études faites alors sur la constitution du sol de l'Auvergne, il fondait encore le jardin botanique de Clermont-Ferrand.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle ce mouvement s'est accentué de plus en plus. Nous citerons particulièrement dans la Basse-Auvergne la fondation d'un observatoire météorologique au sommet du Puy-de-Dôme, les recherches faites à la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand par Julien et Roujou; dans le Cantal, les travaux de J.-B. Rames et Fouqué sur la botanique et la géologie du département; les vaccinations charbonneuses du bétail d'après la méthode Pasteur et les recherches scientifiques sur la chimie du lait et la fabrication des fromages de E. Duclaux. 

C'est également au XIXe siècle que sont nés aux environs d'Aurillac les médecins Giviale, inventeur de la lithotritie (mort à Paris en 1867), et Suquet, connu par ses procédés d'embaumement.

Erudits et savants.
Pierre Jacobi, né à Aurillac, composa, en 1311, sa Pratique dorée imprimée sous le titre : Solempnis et practicabilis tractatus libellorum clarissimi legum doctoris Petri Jacobi de Aureliaco gallici (Lyon, 1492). Durand de Saint-Pourçain (mort en 1333), successivement évêque de Limoux, du Puy et de Meaux et connu sous le nom de Docteur résolutif, écrivit, en 1320, son traité : De jurisdictione ecclesiastica. Jean Masuer (mort vers le milieu du XVe siècle) fut l'auteur de la Pratique du barreau, première rédaction du coutumier d'Auvergne. Pierre Lizet, né à Salers (1482-1554), qui fut premier président au parlement de Paris et que ses ouvrages de polémique théologique firent ridiculiser par T. de Bèze, a laissé : Pratique judiciaire pour l'instruction et décision des causes criminelles et civiles (Paris, 1603 et 1613, in-8). L'orientaliste Cinq-Arbres, né à Aurillac, mort à Paris en 1587, fut nommé, en 1554, professeur d'hébreu et de syriaque au Collège de France. Il a écrit Opus de grammatica Ebraeorum (1546, in-8). Jean Amariton (1525-1590) fut l'ami de Cujas. Il publia des Commentaires sur Ulpien, sur les lettres de Cicéron et les épîtres d'Horace. Jean de Basmaison-Pougnet (1530-1600), deux fois député aux Etats de Blois (1576 et 1588), a écrit : Sommaire discours des fiefs et rière fiefs (1579) et Paraphrase sur les coutumes du haut et bas pays d'Auvergne (1590).

Le fougueux ligueur Gilbert Genebrard, né à Riom (1537-1597), auquel son De sacrarum electionum jure (1593) occasionna une condamnation au bannissement perpétuel de la part du parlement d'Aix, mérite d'être cité à côté de Cinq-Arbres, comme un savant orientaliste et helléniste. On lui doit une édition d'Origène et une traduction de Josèphe, un livre sur l'alphabet hébreu (1587, in-8) et l'Isagoge rabbinica. Le jésuite Jacques Sirmond (1559-1651), confesseur de Louis XIII, a laissé des éditions de Flodoard, de Sidoine Apollinaire, des capitulaires de Charles le Chauve et le recueil des Concilia antique Galliae (1629, 3 vol. in-fol.). Ses opuscules ont été publiés, en 1696, en cinq volumes in-folio. Son neveu Jean Sirmond (1589-1649) fut historiographe de France et membre de l'Académie française. Nous avons parlé plus haut de Jean Savaron (1567-1622) et de son rôle aux Etats-Généraux de 1614. Parmi ses nombreux ouvrages, on peut citer : Origines de Clairmont (1604, in-fol.); l'Epée française (1610); le Traité contre les duels (1610); enfin la Chronologie des Etats-Généraux qui fut réimprimée à la veille de 1789. Jean Domat, né à Clermont en 1625, publia deux ans avant sa mort (1696) les Lois civiles dans leur ordre naturel (Paris, 1694, 3 vol. in-4). Le père Dominique de Jésus (Géraud Vigier) fait paraître, en 1635, son Histoire parenétique des trois saints protecteurs du Haut-Auvergne (Paris, in-8). 

L'oratorien Pierre-Valentin Faydit, mort en 1709, a donné : Mémoires contre les mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique de M. de Tillemont (1695); la Télémachomanie (1700). Jean Soanen (1647-1740), le janséniste évêque de Séez, auteur de divers opuscules de théologie, fut condamné au concile d'Embrun pour son instruction pastorale de 1726. Guillet de Saint-Georges, né à Thiers, fut le premier historiographe de l'Académie de peinture et l'auteur d'Athènes ancienne et moderne. Claude-Ignace Prohet publia en 1695 : les Coutumes du haut et bas pays d'Auvergne, conférés avec le droit civil et avec les coutumes de Paris, du Bourbonnais, de la Marche, du Berry et du Nivernais (Paris, in-4). Jean-Aymar Piganiol de la Force (1673-1753), né à Aurillac, Nouvelle description de Versailles (1702, in-12); Nouvelle description géographique et historique de la France (1715, 5 vol. in-12); Nouveau voyage en France (1724, 2 vol. in-12); Description de Paris et ses environs (1742, 8 vol. in-12). Guillaume-Michel Chabrol donne une édition définitive de la Coutume d'Auvergne dans ses Coutumes générales et locales de la province d'Auvergne (1784 et 1786, 4 vol. in-4). Il était né à Riom et y mourut en 1792. 

Gauthier de Biauzat (1739-1815), né à Vodable. Ses Doléances sur les surcharges que les gens du peuple supportent en toute espèce d'impôts le firent nommer député du tiers-état à la Constituante. Grenier (1753-1841); on a de lui : Commentaire sur l'édit des hypothèques de 1771; Traité des donations (1807); Traité des hypothèques (1822). François-Dominique de Reynaud, comte de Montlosier (1755-1838), l'auteur du fameux Mémoire à consulter contre les Jésuites (1827). Chabrit (1755-1805) a publié : Du luxe dans la Limagne (1779); De la monarchie française et de ses lois (Bouillon, 1783, 2 vol. in-8). Le conventionnel Dulaure, né à Clermont en 1755, mort en 1835, a écrit sur une foule de sujets. Les fonctions administratives de Chabrol de Volvic (1773-1843) lui ont permis d'écrire : Moeurs et Usages des Egyptiens modernes; Statistique du département de Montenotte (2 vol. in-4); Recherches statistiques sur la ville de Paris et le département de le Seine (1823-1829, 3 vol. in-4). De Sistrières-Murat publia, en 1782, les préliminaires d'une Histoire d'Auvergne (Paris, in-12). L'abbé Jacques-Paul Migne a mené à bien la colossale entreprise de la Patrologie grecque et latine et de l'Encyclopédie ecclésiastique. Un peu plus tard, de nombreux érudits se sont occupés de l'Histoire d'Auvergne. A. Tardieu, Mège, Rivière, Vernière, Jaloustre, etc., ont publié d'intéressants ouvrages sur l'histoire du Puy-de-Dôme. Dans le Cantal, on ne trouve guère à citer que H. Durit et Gaillard.

Arts.
Dès l'époque romaine, l'architecture fut pratiquée avec succès en Auvergne, et les nombreuses ruines de cette période qui se retrouvent dans le pays en sont la preuve. C'est sans doute à cette influence des souvenirs encore vivants de l'Antiquité que cette province dut de voir fleurir au Moyen âge une des plus remarquables écoles d'architecture religieuse qu'ait eues la France, l'école romane auvergnate. Clermont, Issoire, Brioude furent ses centres. Elle s'étend au Nord jusque vers Moulins et Nevers; à l'Est jusqu'aux bords de la Loire dans le Berry; à l'Ouest dans le Limousin; au Sud sur les bords du Lot, de l'Aveyron et même de l'Ardèche. 
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Dans le Velay, l'école secondaire du Puy qui en était dérivée s'étendit jusqu'aux bords du Rhône. Ce furent les architectes auvergnats qui eurent les premiers l'idée d'épauler la voûte centrale de la nef par les voûtes latérales des tribunes situées au-dessus des bas-côtés. Parmi les principaux édifices qu'ils ont laissés, on peut mentionner : Notre-Dame-du-Port à Clermont (XIe siècle), Saint Julien de Brioude (XIe et XIIe siècle), Saint-Austremoine d'Issoire (XIIesiècle), les églises de Saint-Nectaire et d'Orcival dans le Puy-de-Dôme, celles de Roffiac et de Thiézac dans le Cantal.

L'Auvergne offre également dans le style gothique des édifices remarquables, tels que la cathédrale de Clermont, commencée en 1248, consacrée en 1346 et achevée au XIXe siècle; l'église de Montferrand (XIVe et XVe siècle), la Sainte-Chapelle de Riom (XIVe siècle), etc. 

Comme monuments de l'architecture militaire, on peut citer le château de Tournoëlle ou Tournoël (Puy-de-Dôme), dont certaines parties datent du XIe siècle, tandis que d'autres ont été ajoutées à la fin du XVIe siècle; celui d'Anjony-Tournemire (Cantal), type admirablement conservé des petits manoirs féodaux du XIVe siècle, et bien d'autres. 
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Auvergne : le château de Tournoel.
Ruines du château de Tournoël (Puy-de-Dôme).

La Renaissance aussi a laissé sa trace en Auvergne, mais plus particulièrement dans l'architecture civile. Nous nous bornons à rappeler ici la maison consulaire d'Aurillac et le château d'Oyès, près de la même ville, la fontaine Jacques d'Amboise à Clermont-Ferrand (1515), les curieuses maisons de Thiers, de Riom, de Salers et de Saint-Martin-Valmeroux (Cantal). 

Au XVIIe siècle, le peintre François Lombard naquit près de Saint-Flour en 1607, et Pierre Vidal d'Aurillac se distingua comme sculpteur. Il mourut à Paris dans la première moitié du XVIIIe siècle et ce n'est guère qu'au XIXe siècle que l'Auvergne a produit des artistes remarquables. Le peintre orientaliste Prosper Marilhat (1811-1847), dont le Louvre et le musée de Lyon ont plusieurs tableaux, naquit à Vertaizon (Puy-de-Dôme). Parmi ses contemporains, nous citerons comme sculpteurs Coulon, Mombur, Mouly; comme peintres Eloy Chapsal, Charbonnel, Berthon, Franck Lamy, de Vergèses, J.-B. Doumayrou et le dessinateur Raoul Etienne. 

L'Auvergne a vu naître peu de musiciens. Nous ne trouvons guère d'autres noms que ceux d'Antoine d'Auvergne (1713-4797), né à Clermont-Ferrand, directeur de l'Académie de musique, auteur de plusieurs opéras et du premier opéra-comique français, les Troqueurs (1753),de Georges Onslow (1784-1852), né à Clermont, qui a laissé des opéras-comiques (l'Alcade de la Vega, le Colporteur, le Duc de Guise), des symphonies, des quintettes et de la musique de chambre, et de Pierre Grémont, né à Aurillac. Emmanuel Chabrier et Georges Alary ont fait exécuter, plus tard, dans les concerts des oeuvres musicales remarquables.

II serait injuste de ne pas citer comme des oeuvres artistiques les bijoux d'Auvergne tout à fait différents, selon qu'ils sont faits à Clermont ou à Aurillac, les premiers
plus fins et plus délicats; les seconds plus éclatants et à coup sûr plus originaux. (Louis Farges).



Marie-Claire Ricard, Hervé Monestier (Photographies) , Les plus beaux villages d'Auvergne,  Sud Ouest editions, 2010.
2817700562
L'Auvergne est une terre d'accueil et de liberté, avec ses grands espaces, ses lacs et ses volcans et ses villages. C'est à travers les plus attachants d'entre eux que cet ouvrage invite à la visiter, ou la revisiter, et à l'aimer. (couv.).
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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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