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Blaise Pascal est un mathématicien, physicien et écrivain français né à Clermont-Ferrand le 19 juin 1623, mort à Paris le 19 août 1662. Son père, qui s'était chargé lui-même du soin de son éducation. Comme son père, dans la crainte de le fatiguer, différait de l'appliquer à la géométrie, il résolut d'étudier cette science par lui seul et parvint, sans le secours d'aucun livre, à trouver la démonstration des 32 premières propositions d'Euclide : il n'avait alors que 12 ans. Il composa à 16 ans un traité des Sections coniques, inventa à 18 ans une machine arithmétique qui exécutait les calculs les plus compliqués, trouva en 1654 le Triangle arithmétique, moyen ingénieux et facile de résoudre un grand nombre de problèmes; posa vers le même temps les bases du calcul des probabilités, et donna en 1658 la théorie de la cycloïde ou roulette. Blaise Pascal (1623-1662). En physique, il compléta les recherches barométriques de Torricelli, publia en 1647 ses Expériences touchant le vide, fit exécuter peu après la célèbre expérience du Puy-de-Dôme (La découverte de l'atmosphère) qu'il répéta à Paris sur la tour Saint-Jacques la Boucherie, et qui mit hors de doute la pesanteur de l'air, composa un traité de l'Équilibre des liqueurs (publié après sa mort), qui fit faire un grand pas à l'hydrostatique, fit plusieurs applications usuelles de la mécanique. Pascal s'était étroitement lié avec les chefs du parti janséniste et il allait souvent les visiter à Port-Royal; il embrassa chaudement leur cause. A propos d'une censure que la Sorbonne se proposait de faire d'un écrit d'Arnauld, il publia en 1656 et 67 les fameuses Lettres de Louis de Montalte et un provincial de ses amis et aux RR. PP. jésuites, connues sous le nom de Provinciales : il y discutait avec éloquence les questions théologiques qu'on débattait alors et y combattait la morale relâchée des Jésuites, tantôt avec une verve comique, tantôt avec une vigueur de dialectique et une élévation de style inconnues jusque-là, mais souvent aussi avec la passion qu'engendre l'esprit de parti. Ces Lettres furent censurées à Rome et même condamnées en France par l'autorité civile; mais, si l'on doit contester quelques-unes des assertions quelles contiennent, on ne peut nier leur valeur littéraire: elles sont le modèle du pamphlet. Dans les dernières années de sa vie, Pascal méditait un grand ouvrage où il devait rassembler toutes les preuves de la religion, mais il ne put l'achever; on n'en a que des fragments détachés, qui ont été rassemblés dans le recueil intitulé les Pensées. Ces deux ouvrages ont suffi pour placer Pascal au premier rang des écrivains : ils ont puissamment contribué à figer la prose française et leur publication forme comme une nouvelle ère dans l'histoire de la littérature française.
La vie de PascalIl était fils d'Etienne Pascal (mort en 1651) et d'Antoinette Begon (morte en 1626). Etienne Pascal était président à la cour des aides de Montferrand. Il quitta sa charge en 1631 pour venir s'établir à Paris, et, après avoir été quelque temps dans la disgrâce de Richelieu, fut nommé avec M. de Paris intendant de la généralité de Rouen; il occupa cotte fonction de la fin de l'année 1639 jusqu'en 1648, où le Parlement supprima les intendants. C'était, nous dit sa fille, un homme savant dans les mathématiques, et il avait habitude par là avec tous les habiles gens en cette science, qui étaient souvent chez lui, le P. Mersenne, Le Pailleur, Roberval, Carcavi, etc.; il correspondait avec Fermat. Une lettre qu'il écrivit au P. Noël, jésuite, avec qui son fils Blaise était en dispute, nous est parvenue; on y voit que ce père de Pascal avait l'esprit exact, logique à outrance, beaucoup de confiance en la méthode et beaucoup d'assurance de la bien posséder; il malmène son adversaire avec une gravité hautaine et une âpre ironie, qui rendent son raisonnement plus écrasant; il le prend de haut avec lui et lui fait la leçon. Il faillit se faire mettre à la Bastille pour avoir parlé d'un ton un peu trop ferme et violent à M. le chancelier dans une assemblée de rentiers mécontents; ce fut ce qui l'obligea de se cacher pour échapper à la colère du cardinal. Même avec ses enfants, il était impérieux, très exigeant sur l'obéissance et la déférence, et la paix de la maison, en était parfois troublée. Intelligence, ordre, fermeté, âpreté même et rudesse, voilà ce qu'on entrevoit chez celui qui fut le père de Pascal.Il s'occupa très sérieusement de l'éducation de ses enfants. Outre son fils, il avait deux filles, Gilberte, née en 1620, et Jacqueline, née en 1625. Il enseigna à Gilberte les mathématiques, la philosophie et l'histoire; et si la plus jeune eut des goûts littéraires, il ne paraît pas que le père y ait été pour quelque chose. L'éducation que reçut Blaise fut surtout philosophique et scientifique; elle n'ont rien de commun avec l'enseignement littéraire et formel des collèges. Etienne Pascal fit de son fils tout l'opposé d'un humaniste. Il lui apprit le latin, qui était la langue des savants; mais on ne voit nulle part, dans les écrits de Pascal, les traces d'un commerce intime avec les Anciens; la plupart de ses citations sont prises de Montaigne ou de quelque ouvrage qui lui a passé fortuitement sous les yeux. Il semble avoir regardé avec dédain les belles pensées, non susceptibles de démonstration. C'est, avec Descartes, le premier exemplaire que l'on rencontre en France du savant pour qui la littérature, ce sont des pensées vagues et des généralisations arbitraires. On l'instruit surtout à chercher la vérité et à y employer une sévère méthode; ce sera là le bonheur que plus tard il ne pourra assez reconnaître, et qu'il dira devoir à des soins plus que paternels. Il apprend les langues par principes, en commençant par les principes généraux de la grammaire universelle, et venant ensuite aux grammaires particulières des langues latine et française. « Durant tout ce temps-là, nous dit sa soeur, il continuait toujours d'apprendre le latin, et il apprenait aussi le grec, et outre cela, pendant et après le repas, [mon] père l'entretenait tantôt de la logique, tantôt de la physique et des autres parties de la philosophie, et c'est tout ce qu'il en a appris, n'ayant été jamais au collège ni eu d'autres maîtres pour cela non plus que pour le reste. »Quoique la maladie l'eût arrêté presque dès ses premiers pas, le jeune Pascal se mit bien vite au premier rang des savants. En 1642, il inventa une machine arithmétique, afin, dit-il, de se soulager dans les grands calculs où il s'employait pour venir en aide à son père dans les affaires de son intendance. Cette invention, où concouraient les mathématiques, la physique et la mécanique, l'occupa plusieurs années. Mais sa principale étude, et ce qui le fit surtout connaître, ce furent les expériences sur le vide. Ayant été informé d'une expérience faite en Italie par Torricelli en 1644, et qui contrariait l'opinion commune que la nature a horreur du vide, il la répéta à Rouen en 1646, et il y en ajouta d'autres de son invention, d'où il conclut que la nature admettait le vide, sans se croire autorisé à nier qu'elle eût, dans une certaine mesure, répugnance à l'admettre. La publication de ces résultats l'engagea dans une assez vive polémique contre le P. Noël, jésuite, défenseur de la physique aristotélicienne, qui soutenait l'impossibilité du vide. En 1647, Pascal, informé d'une hypothèse de Torricelli, imagina pour la vérifier la fameuse expérience que son beau-frère Périer exécuta en 1648 au sommet du Puy-de-Dôme et dans divers endroits de la ville de Clermont. Des variations de la hauteur de la colonne de mercure aux diverses altitudes, il induisit qu'il fallait rapporter à la pesanteur de l'air les effets autrefois attribués à l'horreur du vide. Dans toutes ces recherches, les traits de l'intelligence scientifique de Pascal se découvrent nettement. Il fait de la science, et non de la philosophie, au lieu que pour Descartes, la science n'est encore qu'une partie de la philosophie. Il procède par une méthode rigoureuse, la choisissant selon l'objet, distinguant soigneusement celle qui convient aux mathématiques et celle qui convient à la physique, très attentif à ne demander là que l'évidence de la raison et à n'employer ici que l'observation des sens, rejetant tous les systèmes de philosophie et les idées métaphysiques, ne reconnaissant que des problèmes déterminés, qui se traitent selon leur nature par des méthodes spéciales, très différent encore en ceci de Descartes, qui ne connaît qu'une méthode universelle. Il est très prudent en physique, multipliant les expériences, les interprêtant sans y rien ajouter de soi, défiant également du préjugé consenti et de l'hypothèse nouvelle, décidé à ne croire qu'après avoir vu, et combinant des moyens de bien voir. Il ne se cantonne pas dans la science pure, et les applications l'intéressent, comme nécessitant des synthèses de vérités d'ordre divers, comme posant quantité de problèmes restreints qu'il faut résoudre pour réussir; il invente la machine arithmétique, la brouette ou vinaigrette, le haquet... Tous les besoins de la vie pratique lui sont matières d'exercice de l'esprit scientifique; il y détermine des problèmes à données précises et constantes, dont il cherche la solution par méthode; c'est ainsi qu'il a l'idée des omnibus (les carrosses à 5 sols) en 1662; précédemment il a inventé une méthode pour apprendre à lire aux enfants que Jacqueline utilisa à Port-Royal.
En même temps, le caractère de l'homme se fait jour. Ses écrits scientifiques sont d'un accent très personnel; il sait se faire sa part et n'entend pas qu'on la lui dispute; il est superbe, dédaigneux, ironique, violent sous la politesse étudiée, dès que l'on conteste ses découvertes ou qu'on lui en dénie l'honneur. Il eut même presque querelle avec Descartes, qui réclamait l'idée de la grande expérience du Puy-de-Dôme; il semble que Descartes avait seulement garanti le résultat, d'après les principes de sa De son père, Pascal tenait un fonds solide de religion, son exaltation, qu'il accordait sans peine avec la recherche scientifique; il se détournait de l'examen des choses de la foi, et se livrait à la science avec d'autant moins de scrupule qu'il n'y cherchait pas une philosophie. Mais au début de l'année 1646, M. Pascal, le père, s'étant démis une cuisse, se mit entre les mains de deux gentilshommes, MM. Deslandes et de La Bouteillerie, qui « avaient un don naturel pour remettre les membres rompus et démis » (Marguerite Périer), et qui de plus étaient jansénistes, du petit troupeau que menait M. Guillebert, curé de Rouville. Leurs entretiens convertirent le jeune Pascal, puis Jacqueline; le père, une fois guéri, fut gagné, et à la fin de l'année M. et Mme Périer, qui vinrent d'Auvergne, se laissèrent aussi donner à Dieu. Dans la ferveur de leur nouvelle foi, Jacqueline renonce à un mariage, et Blaise dénonce à l'archevêque de Rouen un frère Saint-Ange qui enseignait diverses propositions bizarres et suspectes, et qui dut les désavouer (1647). Par M. Guillebert, Jacqueline et Blaise eurent accès auprès de la mère Angélique, de M. Singlin et de M. de Rebours. Dès ce premier contact avec le jansénisme, Pascal nous découvre une disposition curieuse à mettre au service de sa foi les forces de son raisonnement et de sa méthode (Lettre du 28 janvier 1648). Il est alors toute ferveur; il écrit avec Jacqueline à leur soeur Gilberte de longues lettres qui sont des homélies jansénistes. Vers ce temps aussi (1648), il passe par une crise douloureuse, et il écrit la Prière pour le bon usage des maladies : la souffrance physique l'a affermi dans sa foi. La douleur morale produit le même effet; après qu'il aura perdu son père (le 24 septembre 1651), il écrira le 17 octobre à M. et Mme Périer une longue lettre qui est une méditation janséniste sur la mort. Ainsi, Pascal depuis 1646 est fermement, ardemment janséniste. Mais alors une difficulté se présente : Comment n'a-t-il pas renoncé à la science, à la curiosité qui la fait et à la gloire qui la suit? Il y a si peu renoncé que ses plus beaux travaux se placent entre ces années, 1648 et 1651. Or, il est certain que Jansénius condamnait la science comme inutile à l'homme; les jansénistes admettaient mieux l'exercice d'une profession régulière, ayant quelque utilité sociale, que la passion désintéressée et universelle de savoir. Pascal, sans doute, n'était pas encore parfaitement réformé; il était gagné à la doctrine de Jansénius, sans en voir encore ou sans en vouloir regarder toute la portée pratique. On peut-être croyait-il se tenir dans la mesure en se cantonnant dans les problèmes restreints de la science, évitant la métaphysique où la raison si facilement se dresse contre la foi. Toujours est-il que de 1646 à 1651, il fut simultanément et paisiblement croyant et savant, poursuivant ses travaux de mathématique et de physique sans un scrupule, et donnant cours à sa ferveur janséniste, chaque fois que son corps ou son coeur souffrait. Ce bel équilibre cessa en 1651. Il était travaillé par des maladies continuelles et qui allaient toujours en augmentant. Les médecins lui conseillèrent de quitter toute application d'esprit et de se divertir. Il s'y décida lorsque son père fut mort et que Jacqueline se fut retirée à Port-Royal; les Périer habitaient l'Auvergne; il était seul. Il fit tout pour retenir Jacqueline à la maison, puis pour l'y ramener; il éleva toutes les difficultés qu'il put pour retarder sa profession (1653); il s'opposa aux arrangements pécuniaires par lesquels elle pouvait, sur l'héritage paternel, se constituer une dot; et il ne céda que lorsqu'il fut certain que la maison la prendrait sans dot. Ce n'était pas l'intérêt qui le menait, mais une tendresse impérieuse et jalouse. Ces Pascal, père et enfants, avaient des âmes ardentes et entières, des affections exclusives et orageuses.
Demeuré seul, Pascal se mit dans le monde. Il se lia avec des libertins fameux, Méré, Miton; il vécut dans une étroite intimité avec le duc de Roannez, et avec sa soeur, sur qui il prit un grand ascendant. Il fréquenta chez Mme de Sablé. Loret nous le montre, en avril 1652, au petit Luxembourg, chez Mme d'Aiguillon, faisant devant une grande compagnie une sorte de conférence sur la règle des partis et sur l'équilibre des liqueurs. Mais il serait intéressant de savoir ce que fut la vie mondaine de Pascal. On n'en peut juger par les paroles vagues et sévères des jansénistes; qu'on n'ait plus espoir de miracle pour lui, qu'il ait été enfoncé dans le bourbier, ces mots peuvent ne signifier qu'une vie très honnête au point de vue du monde. Si l'on extrait des relations de Mme Périer et de sa fille ce qu'elles contiennent de précis, Pascal a joué mais fut-il joueur? Il a visité des dames : fut-il débauché? Il a songé à prendre une charge et à se marier; est-ce désordre? Fléchier (Mémoires sur les grands jours d'Auvergne) dit que Pascal fut très assidu à Clermont, auprès d'une demoiselle qui était la Sapho de ce pays; s'agit-il d'un commerce d'esprit ou d'une vraie passion? Et ne s'est-il pas fait une confusion, soit dans la tradition locale, soit dans l'esprit de Fléchier, entre Pascal et un de ses cousins, qui se nommait Blaise aussi? On l'ignore. Il est vrai qu'il y a le Discours sur les passions de l'amour, qui est bien de lui; mais que prouve-t-il? Rien sur là conduite de l'homme. Mais il suffit de considérer l'état de santé de Pascal et la description que sa nièce nous fait de ses incommodités en ce temps-là, pour croire à l'innocence de ses moeurs. La débauche d'esprit fut, semble-t-il, la seule qu'il connut. Avec un bien médiocre, il eut le désir de paraître, la fantaisie de vouloir exceller. Mais il y eut pis. Entre 1651 en 1653, il y eut un moment où la foi parut s'éteindre ou fut sans puissance sur lui. Le Discours sur les passions de l'amour, qui fait du plaisir la fin de l'homme, en est la preuve; Pascal y est tout à la terre, tout épicurien, avec tranquillité; il professe qu'il est raisonnable de suivre la nature, qui va au plaisir; le plan d'une belle vie est de commencer par l'amour et de finir par l'ambition. Voilà le bourbier d'où la religion le retira. Pascal se convertit. Là encore, il faut se garder de la légende. L'accident du pont de Neuilly, si l'anecdote est authentique, n'a pas l'importance qu'on lui a quelquefois prétée. Il n'y eut pas de choc soudain, d'illumination brusque. Ce fut une lente conversion, progressive et réfléchie; la fameuse nuit d'extase du 23 novembre 1654 n'en fut que l'achèvement et la décision. Dès la fin de 1653, Jacqueline vit chez son frère le mépris du monde et le désir d'être à Dieu, pour reprendre l'expression du temps. En septembre 1654, il se remet à la direction de M. Singlin et de sa soeur. Le 23 novembre, il a cette extase, cette joie, ce ravissement qu'il a consignés sur le papier qu'on a appelé l'amulette de Pascal; il se donne alors à Dieu. Le 8 décembre, jour de la Conception de la Vierge, un sermon de M. Singlin le confirme; il est alors modéré autant que ferme. En janvier 1655, il passe sous la direction de M. de Sacy; il a quitté le monde sans rien dire de son dessein; il habite chez M. de Luynes, puis à Port-Royal-des-Champs avec les solitaires, puis à Port-Royal de Paris. Il a encore des affaires dont il s'occupe; il n'est pas encore défait de son luxe et de ses commodités. En octobre 1655, sa soeur lui souhaite encore d'être tout à Dieu. Et le 1er décembre elle le blâme de donner dans l'excès; elle est dépassée. Voilà l'histoire extérieure de la conversion de Pascal. Quant aux ressorts internes, le Discours sur les passions de l'amour et le Traité de la conversion du pécheur nous les font apercevoir. La conversion de Pascal, croit-il, est une oeuvre de raison; ce n'est pas en abdiquant son intelligence, mais en l'exerçant qu'il arrive à la religion. Il avait cherché le bonheur, qui est la foi de l'homme, dans l'activité de l'esprit, dans la science; mais la pensée pure fatigue vite. Il l'avait cherché dans l'activité du coeur, dans l'amour; mais où est l'amour qui ne finisse par échapper? L'âme est immortelle, le bien qu'elle veut est un bien inaltérable, impérissable, infini. Ni la science, ni la femme, ni la puissance ne donnent ce bonheur. Il faut le chercher hors des choses terrestres. Dans cette crise de la pensée, quel fut le rôle de la maladie? Elle n'agit pas en affaiblissant l'intelligence, en la désarmant, mais en l'excitant, en rendant le problème du bonheur plus angoissant, en écartant les solutions faciles et imparfaites dont un homme en bonne santé peut se contenter. Elle éloigna de Pascal les joies de l'esprit et des passions; elle l'empêcha de s'absorber dans la science, l'amour, l'ambition; elle lui découvrit le néant de la vie, l'imperfection du bonheur terrestre. Elle l'obligea, ne pouvant renoncer au bonheur, d'aller le demander à Dieu. Il fit alors le sacrifice complet qu'il n'avait pas su faire en 1646. Il renonça aux études profanes, mais il ne renonça ni à la raison ni à la science. Son doute et son ironie, dans les Pensées, n'atteignent que la présomption de la philosophie. Mais il garde entière son estime du raisonnement et des méthodes de la science.
En 1658, dans une insomnie douloureuse, il se divertit de son mal en résolvant les problèmes de la cycloïde : et lorsqu'il se décide à publier son travail, c'est pour l'honneur de Dieu, afin qu'on ne doute point, sur les matières de foi, des raisonnements d'un homme aussi profond qu'il est dans une science de démonstration. Et il garde dans cette affaire de la roulette son assurance d'autrefois, ses airs hautains de savant qui ne peut douter de la certitude de sa méthode. Mais s'il ne doute pas de la science, il la subordonne, il en évalue les résultats; elle est inutile à l'homme, entendez, pour sa fin qui est le bonheur. Il est d'autant plus choqué de cette inutilité, qu'il en admire davantage la certitude. Et de là lui viendra l'idée d'appliquer les méthodes exactes et infaillibles de la science à la démonstration des vérités utiles, c.-à-d. des vérités de la foi (Provinciales, Pensées). Cette fois, il avait conformé sa vie à sa croyance : c'était logique. Ses dernières années sont étranges et édifiantes comme certaines vies de saints. Il s'examine, se combat, se détache, se dépouille. Ses ennemis sont l'amour de la grandeur, la superbe, l'amour des délices, la volupté; il a plus que tous peut-être le besoin d'être aimé. Il s'est défait de sa vaisselle; il ôte jusqu'à la tapisserie de sa chambre; il proscrit de sa table tous les mets qui peuvent lui faire quelque plaisir; il porte une ceinture à pointes de fer, par laquelle il dompte tous les mouvements de la vanité. Il a une attention inquiète sur la chasteté. Il sert les pauvres. Il s'adresse dans ses besoins aux artisans non les plus habiles, mais les plus pieux. Il prie, il lit l'Ecriture, et, tant qu'il peut, il visite les églises, il fréquente les sermons et les offices. Il vit en joie dans la souffrance aimée et dans la pauvreté volontaire. Il a dompté le nature, il ne l'a pas ôtée. Il a des vivacités, des impatiences; il est toujours dominant et décisif dans la conversation. Il met au service de sa vérité, dans la persécution du jansénisme, toutes les passions de son âme irascible, avec toutes les ressources de son esprit méthodique et fanatique. Il traîne à Dieu après lui le duc de Roannez et sa soeur, une belle âme qu'il mène par les dures voies de la pénitence, hors du monde et du mariage. Il défend à Mme Périer de caresser ses enfants; il l'empêche de marier sa fille Jacqueline. Enfin, après de longues souffrances, il meurt le 19 août 1662, laissant une partie de son bien aux hôpitaux généraux de Paris et de Clermont. (G. Lanson). Les oeuvres de PascalVoici la suite des écrits de Pascal, dans leur ordre au moins probable de composition-:-
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