| Marguerite de Valois, dont le vrai nom était Marguerite d'Angoulême, et plus tard Marguerite de Navarre, est une reine de Navarre et écrivaine, née à Angoulême le 11 avril 1492, morte à Odos-en-Bigorre le 21 décembre 1549. Elle était fille de Charles d'Orléans, comte d'Angoulême, et de Louise de Savoie, et soeur de François Ier . Elle perdit son père à quatre ans et fut élevée à la cour de Louis XII, où sa mère lui fit donner une forte éducation classique. Elle apprit l'espagnol, l'italien, le latin, un peu de grec, et elle reçut même de Paul Paradis, dit le Canosse, des leçons d'hébreu. Sa beauté, son intelligence, la noblesse de son caractère en firent une des personnes les plus remarquables de son temps. ( Marguerite de Valois Statue du jardin du Luxembourg, à Paris. © Photo : Serge Jodra, 2010. Marguerite épousa, le 1er décembre 1509, Charles IV, duc d'Alençon, premier prince du sang, qui lui était bien inférieur sous les rapports de l'esprit, des connaissances et du mérite. Ce prince survécut peu à la bataille de Pavie, qu'il contribua beaucoup à faire perdre; il mourut en avril 1525. Pendant ce mariage, elle passait une grande partie de son temps à Alençon, qui lui dut la tranquillité au milieu des persécutions qui, à cette époque, agitaient la France. Elle était très proche de son frère,François Ier, qui l'avait faite duchesse de Berry (1517) et qui l'appelait sa Mignonne et la Marguerite des Marguerites; il lui confia plusieurs négociations importantes, dans lesquelles elle ne se borna pas à des conseils judicieux. Lorsque son frère se trouva prisonnier de Charles-Quint à Madrid, elle alla le retrouver, pour lui prodiguer ses soins et ses consolations, et pour tâcher d'obtenir sa liberté. Elle fut chargée seule des pleins-pouvoirs de la régente, sa mère, pour négocier avec Charles-Quint cette affaire importante, dans laquelle les grâces, l'éloquence, l'habileté même échouèrent devant la politique, l'astuce et la fermeté de l'empereur. Elle repassa en France à la fin de novembre 1525, après avoir déjoué le projet déloyal que Charles-Quint avait eu de la faire arrêter. -- Une lettre à François Ier Nous extrayons de la correspondance de Marguerite la lettre suivante adressée, après la journée de Pavie, à son frère, prisonnier de CharlesQuint. « Au roi, à Pizzighitone [Aujourd'hui Pizzighettone, place forte de la Lombardie, à quelques lieues au nord-ouest de Crémone où fut détenu François Ier, après la bataille de Pavie, avant d'être transféré à Madrid]. Lyon, mai 1525. Monseigneur, Plus l'on vous eslongne [ = éloigne] de nous, et plus me croist la ferme espérance que ay de votre deslivrance et bref retour; car a l'heure que le sens des houmes [ = hommes] se trouble ou desfault [ = manque, fait défaut], c'est à l'heure [ = c'est alors, à ce moment] que Nostre-Seigneur fait son chef d'oeuvre, coume celuy qui de tout bien veult avoir seul la gloire et l'honneur. Et nonobstant que nostre confiance est du tout [ = entièrement] en sa bonté et puissance, si [ = toutefois] ne laisse l'en [ archaïque, pour l'on. - On ne laisse rien à pourvoir, c'est-à-dire, on pourvoit à tout] riens à prouvoir par [ = grâce à] la vertu qu'il donne à Madame [Louise de Savoie, mère du roi, régente], de sagement penser et connoistre tout ce qui se peult faire pour vous et vostre réaume [ = royaume]; n'estimant toutes fois que peine, labeur, force ny prudence y fasse riens, sinon la voulenté [ = volonté] de Dieu, qui plus vous aime que nous [ = qui vous aime plus que nous ne vous aimons], car il est nostre premier et souverain père. Et si maintenant il vous despart de l'esperience [ = vous donne votre part de peines à éprouver] des peines qu'il a portées pour vous, vous donnant d'aultre part la grace de les porter pacientement [ = patiemment], je vous supplie Monseigneur, croire sans riens en doubter que ce n'est que pour esprouver combien vous l'aimez, et pour vous donner le loisir de penser et connoistre combien il vous aime; car il veult avoir vostre cueur entièrement, comme par amour vous a donné le sien, pour, après vous avoir unny [ = uni] à luy par tribulacion, vous deslivrer, à [ = pour] sa gloire et vostrc consolacion, par le mérite de sa victorieuse résurrecsion, afin que par vous son nom soit congnu et sanctifié, non seulement en votre réaulme, mais par toute la cristienté jusques à la conversion des infideles. O que bienheureuse sera vostre brefve prison, par qui Dieu tant d'ames deslivrera de celle [ = de la prison] d'infidélité et esternelle damnation! Hélas! Monseigneur, je say bien que vous l'entendez trop mieux que moy; mais veu que en aultre chouse je ne pense que en vous [ = je ne pense à aucune autre chose qu'à vous], comme celuy seul que Dieu m'a laissé en ce monde, père, frère et mary, ne pouvant [ = comme je ne pouvais] avoir le bien de le vous dire et peu escripre [= en écrivant peu, sans écrrire longuement], n'ay craint vous ennuyer de longue lectre, que [ = qui] tant m'est courte, pour le bien que ce m'est de penser parler à vous. Mais, pour la fin, vous veux bien asseurer que madame est en très bonne santé en ce lieu des Celestins [ = couvent de Lyon], où elle s'est guérie du tout et fortifiée de sa goutte; et va souvent au jardin, afin que gardant sa santé, faisant chose à vous agréable, elle ne faille aux affaires dont la fin [ = par le retour du roi] est tant désirée, et dont sans cesser en supplions le Roy celeste en la main duquel est la clef de vostre liberté. Vous assurant, Monseigneur, que s'il luy plaisoit s'accorder à nos demandes, il y auroit des vies don nées de bon cueur pour vous deslivrer et de la sienne, où trop auroit de gain, en auroit bientoust fait joyeux sacrifice [ = elle aurait bientôt fait le sacrifice de sa vie, sacrifice où elle trouverait encore son avantage]. Vostre très humble et très obéissant subjecte et seur. Marguerite. » (Lettres de Marguerite d'Angoulême, publiées par F. Génin ; t. II, Nouvelles lettres adressées à François I: lettre V, p. 32 ; Paris, 1841-1842). | Ce fut en 1527, et non pas en 1526, comme on l'a dit souvent , qu'elle épousa Henri d'Albret, roi de Navarre, duquel elle eut Jeanne d'Albret, mère de Henri IV. Elle fut sympathique aux premiers efforts des Réformés que persécutait sa mère. Elle sauva longtemps Berquin et Etienne Dolet, qui finirent par être brûlés comme hérétiques. Elle protégea, contre les poursuites du parlement, de la Sorbonne et des lieutenants-criminels, Jean Calvin , qui n'était pas encore chef de secte; Pierre Caroli, qui devint prieur de Sorbonne, et Roussel, son prédicateur, auquel Noël Béda, syndic de la faculté de théologie (la Sorbonne), attribuait des propositions hérétiques. Marguerite accorda aussi sa protection à Charles de Sainte-Marthe, à Jacques Lefèvre d'Etaples, à quelques autres savants, à Erasme même, et surtout à Clément Marot. Le rang de Marguerite, ses talents , son influence, son mérite, l'amitié même du roi, ne la mirent pas toujours à l'abri des soupçons d'hérésie et des attaques qui en étaient la suite. Elle fit paraître la traduction expurgée des Heures par Guillaume Pept et un volume de ses propres poésies : le Miroir de l'âme pécheresse; Beda fit insulter Marguerite par professeures et les écoliers du collège de Navarre. Ceux-ci eurent, au mois d'octobre 1533, l'audace de la jouer publiquement sur leur théâtre à Paris, et de la désigner comme une insensée, que l'esprit de secte avait égarée. Le roi voulut faire arrêter les auteurs et les acteurs de cette comédie provocatrice. Le principal, à la tête de ses écoliers, repoussa à coups de pierres les officiers du prince, dont Marguerite eut la générosité de fléchir le courroux. Beda fut cependant emprisonné au Mont-Saint-Michel où il mourut en 1537. Notons cependant, qu'il est faux, quoiqu'on l'ait répété dans plusieurs dictionnaires historiques, que le Miroir de l'âme pécheresse, ouvrage ascétique de la reine de Navarrre, ait été censuré par la Sorbonne. Cette production fut seulement rangée provisoirement par Leclerc, curé de Saint-André-des-Arts, parmi les ouvrages suspects, parce qu'en contravention à un arrêt du parlement, il avait paru sans nom d'auteur et sans l'approbation de la faculté de théologie. Bayle, tout judicieux qu'il est, a parlé avec un peu trop de légèreté, d'après Florimond de Rémond, de Marguerite de Valois. Son article a été réfuté par Leclerc et Joly. Bayle n'est pas le seul auteur qui ait copié Rémond sans examen : son exemple a été suivi par le continuateur de l'Histoire ecclésiastique de Fleury; par l'auteur de l'Histoire de l'église gallicane, et par les rédacteurs du Journal de Trévoux (octobre 1748 ). Cette attaque ne fut pas la seule que l'on dirigea contre elle, même si elle fut la plus éclatante. Le connétable de Montmorency ne cessa de manoeuvrer contre la reine de Navarre qui dut se contenter d'offrir un refuge aux Réformés dans son royaume et à sa cour de Nérac, au grand mécontentement de son mari. Retirée dans ses Etats, elle apporta ses soins à y firent prospérer l'agriculture et le commerce et fleurir les arts. Elle fit bâtir le palais de Pau; elle y joignit des jardins magnifiques, dota les hôpitaux d'Alençon et de Mortagne-au-Perche ; elle fonda aussi en 1538, à Paris , l'hôpital de ces orphelins que l'on appela les Enfants-Rouges. Marguerite , après avoir vaqué aux affaires d'état, employait son loisir, soit à l'étude, soit à des ouvrages d'aiguille et de tapisserie; et pendant ce temps elle dictait à ses secrétaires les productions en prose ou en vers qu'elle composait, ou bien s'entretenait de matières philosophiques et littéraires avec les savants et les poètes qu'elle admettait à son intimité. C'est ainsi qu'elle s'occupa à composer des nouvelles et des contes, qui lui donné sa place dans l'histoire de la littérature. On sait qu'elle eut pour valets-de-chambre plusieurs hommes d'esprit, tels que Bonaventure Despériers, Clément Marot et quelques autres; ce qui faisait dire que la chambre de cette princesse était un vrai Parnasse. Elle mourut an château d'Odos, dans le pays de Tarbes , le 21 décembre 1549. Elle avait eu avec le roi de Navarre deux enfants : le premier, qui était un fils, mourut à Alençon, en 1530; la seconde était Jeanne d'Albret, qui monta, sur le trône de Navarre et fut la mère de Henri IV. Plusieurs prélats et quelques littérateurs composèrent son éloge; on frappa des médailles en son honneur; la poésie dans diverses langues chanta ses louanges. On disait d'elle « qu'elle était une Marguerite (Margarita , perle), qui surpassait en valeur les perles de l'Orient. » Ses poésies , quoique médiocres, lui firent donner le surnom, souvent prodigué, de dixième Muse. Ses devises principales étaient : 1°. un Souci tourné vers le Soleil, avec ces mots : Non inferiora secutus; 2°. un Lis entre deux Marguerites, avec cette inscription : Mirandum naturae opus. Voici quels ont été ses ouvrages : • Le meilleur de tous est celui qu'elle ne destinait pas à l'impression, qu'elle avait composé pour s'amuser, à une époque où les contes de Boccace obtenaient à la cour une grande faveur, et où, s'il faut en croire Brantôme, la reine-mère et Madame de Savoie s'essayaient aussi dans ce genre de composition : il fut publié pour la première fois en 1558, par Boistuau dit Launay, sous le titre des Amants fortunés : C'est l'Heptaméron ou les Nouvelles de la reine de Navarre, ouvrage plein d'imagination et d'esprit, écrit avec facilité, et conçu à l'imitation dit Décameron de Boccace. -- De l'amour parfait « J'appelle parfaicts amans [...] ceulx qui cherchent, en ce qu'ils aiment, quelque perfection, soit beaulté, bonté ou bonne grace, tousjours tendans à la vertu, et qui ont le cueur si hault et si honneste qu'ils ne veulent, pour mourir [ = dussent-ils mourir], mettre leur fin [ = but] aux choses basses que l'honneur et la conscience reprouvent; car l'ame, qui n'est creée que pour retourner à son souverain bien, ne faict, tant qu'elle est dedans le corps, que desirer d'y parvenir. Mais à cause que les sens par lesquels elle en peut avoir nouvelles, sont obscurs et charnels par le peché du premier pere, ne luy peuvent [ = ils ne lui peuvent] monstrer que les choses visibles plus [ = les plus] approchantes de la perfection, après quoi [a = après quoi] l'ame court, cuidans [ = pensant] trouver, en une beaulté exterieure, en une grace visible et aux, vertuz morales, la souveraine beaulté, grace et vertu. Mais quand elle les a cherchez et experimentez et elle n'y trouve point celuy qu'elle ayme, elle passe oultre ainsi que l'enfant qui, selon sa petitesse, ayme les poupines et aultres petites choses les plus belles que son oeil peut veoir, et estime richesses d'assembler des petites pierres; mais en croissant, aime les poupines vives [ = poupées vivantes], et amasse les biens necessaires pour la vie humaine. Mais quand il congnoist, par plus grande experience, que ès choses territoires n'y a perfection ne felicité [ = que dans les choses terrestres il n'y a nulle perfection ni félicité], desire chercher le facteur et source d'icelle. Toutesfois, si Dieu ne luy ouvre l'oeil de foy, seroit en danger de devenir d'un ignorant ung infidele philosophe. Car foy seulement peut monstrer et faire recevoir le bien, que l'homme charnel et animal ne peut entendre. » (Marguerite de Valois, extrait de l'Heptaméron, XIX). | On sait que La Fontaine n'a pas dédaigné de puiser dans les 72 contes en prose, de la reine de Navarre, les ornements de quelques-uns des siens, et surtout le sujet de la Servante justifiée. Brantôme dit au sujet de ces textes « qu'en fait de joyeusetés et de galanteries, elle montrait qu'elle savait plus que son pain quotidien. » Les contes de la reine de Navarre sont , à la vérité, écrits d'une manière qui a paru libre aux générations qui ont suivi, mais qui , de son temps , ne s'éloignait pas du bon ton de la cour : son style est même plus en retrait que celui de quelques sermons du temps, tels que ceux des Barlette, des Maillard et des Menot. L'édition de 1559 est très imparfaite : Claude Gruget, qui avait été un des valets de chambre de Marguerite, rassembla tous les manuscrits qu'il put découvrir, et dédia à Jeanne d'Albret la nouvelle édition, qui a servi de modèle aux suivantes, et dont l'impression fut achevée le 7 avril 1559, en 1 volume. Ces contes reparurent en 1567. Les éditions de Hollande, de 1698, de 1700 et de 1708, toutes en 2 volumes ont l'avantage d'être ornées des belles figures de Romain de Hooge; mais le style de l'ouvrage, mis en beau langage, a été maladroitement retouché. On en donna en 1733, à Chartres, sous le titre de La Haye, une jolie édition en 2 volumes. Toutes ces éditions ont été effacées par celle qui parut à Berne, de 1780 à 1781, en 3 volmes , avec les belles estampes de Chodowiecki; la réimpression de 1790 est inférieure pour les gravures, déjà fatiguées par le premier tirage. Leroux de Lincy rétablit le vrai texte et y joignit un bon commentaire (Paris, 1853-1855, 2 vol.). La meilleure édition est celle de F. Frank (Paris, 1873, 4 vol.). • Le Miroir de l'âme pécheresse, suivi d'un Dialogue entre l'auteur et l'âme sainte de Charlotte de France, sa nièce; poésies très médiocres; Alençon, 1533, et Paris, même année. C'est une sorte de commen taire, en vers de 10 syllabes, du Cor mundum crea in me, Deus! • Marguerites de la Marguerite des Princesses, poésies recueillies et publiées par son valet de chambre, Simon de La Haye (Silvius) sous le titre : Marguerites de la Marguerite des princesses (Lyon, 1547, 2 vol.); beaucoup avaient été publiées séparément; nouvelle édition augmentée, Paris, 1554. L'éditeur a réuni dans ce recueil le Miroir de l'âme pécheresse; six ouvrages de théâtre, à savoir : quatre mystères et deux farces; une complainte pour un prisonnier que l'on croit être François Ier; et plusieurs autres pièces de vers, dans lesquelles ou remarque de la facilité , quelquefois de la grâce, souvent des idées obscures, et un mélange bizarre, de pensées mondaines et de pensées ascétiques. -- La succession des Empires « Roys de la terre, Empereurs et Primatz [ = princes], Qui possedez ces incertains [ = dont la possession est incertaine] climatz Vous defaudrez [ = vous ferez défaut] et voz ans periront, Mesmes les Cieux comme un drap [ = pièce d'étoffe] vieilliront; Mais le Seigneur sur son throne sera A toujoursmais [ = à jamais], et point ne cessera.... Plusieurs païs Babylone rendit Subjetz à soi, et son regne estendit Jusques au cours du grand Nile fécond. Puis succeda l'Empire [ = succéda à l'empire] en lieu second Le grand Cyrus, dont le sceptre honoré Feut [ = fut] quelque temps en Asie adoré. Depuis survint la brefve Seigneurie De Macedone, à qui Perse et Syrie Pour du regner emplir l'affection Et pour assoir sa folle ambition, Sembloit avoir ses confins trop estroitz. Pour ce, en passant maintz perilz et destroitz [ = situations critiques] Emplit encor l'Afrique sablonneuse L'Egypte toute et Arabie heureuse; Et puis, ayant l'lndie surmontée Passa le mont glacé de Promethée [ = le Caucase; Mais morte et nulle en peu d'heure devint, Et en son lieu [ = et à la place de la Macédoine] la majeste survint De la Cité qui feut edifiée Par Romulus, et par luy dediée [ = consacrée] Du propre sang de son frere germain [ = par le sang de son frère Rémus] Laquelle ayant de sa sanglante main Du tout [ = entièrement] brisé la superbe Carthage Et des Gaulois affoibly le courage Plusieurs païs et langages divers Qui sont espars en ce bas univers Par longs effors et par guerres mortelles, Tout d'un accord feit [ = fit] vivre soubs ses aesles [ = ailes]. Dont tellement sa puissance elle accreut [ = accrut] Que par orgueil elle pensa et creut [ = crut] Estre fondée en fermesse [ = fermeté] immortelle, Et que jamais Seigneurie après elle L'on ne verroit au monde dominer Ou qui la peust du tout exterminer. Mais en ce poinct que [ = qui] tant de gens vainquit, De son mylieu sa ruine naquist. Et tout ainsi que peu à peu la nue Quand par vapeurs le temps se trouble et mue Vient tellement à s'estendre et enfler Qu'elle ne craint le bruyre ne souffler [ = ni le bruit ni le souffle] De tous les yens qui à l'entour se meuvent; Mais toutesfois dedens elles s'esmeuvent Certains debatz et intestines guerres Bruitz et flambeaux, esclairs, aussi tonnerres; Puis dedens soy d'elle mesme troublée Et tellement de tumulte comblée, Soit par pleuvoir ou gresler, se desfait; Ainsi, estant l'Empire Rommain fait Sy grand, sy hault, sy puissant et sy fort Qu'il ne craignoit des estrangers l'effort, Secretement soubz ses aesles couvoit Sedition, et ainsi se mouvoit En peu de temps la tempeste civile Qui feit [ = fit] decheoir ceste superbe ville. Ainsi le nom et l'Empire Rommain Jadis fondé par tant de sang humain, Après avoir le monde combattu Feut [ = fut] à la fin de sa force abbatu Le tout venant par divine ordonnance Par le conseil et haulte Providence [ = et par la haute providence] Du Souverain qui de rien aggrandist L'homme abbaissé et le grand amuindrist. » (Extrait des Marguerites de la Marguerite des Princesses; le Triomphe de l'Agneau; tome III).). | Plusieurs autres ouvrages de Marguerite de Valois sont restés manuscrits , entre autres le Débat d'amour, en vers mêlés de prose, ou elle annonce qu'elle l'a composé à l'âge de 50 ans. Génin a publié des Lettres de Marguerite d'Angoulême (Paris, 1841-1842, 2 vol. in-8). La princesse Elisabeth, plus tard reine d'Angleterre, traduisit en anglais le Miroir de l'âme pécheresse. Les Oeuvres complètes de Marguerite ont été publiées en 1862. (D-b-s. / A.-M. B.). | |
| Marguerite de Valois, ou de France, surnommée la reine Margot est une reine de Navarre et de France, née à Saint-Germain-en-Laye le 14 mai 1553, morte à Paris le 27 mars 1615. Fille de Henri Il, roi de France, et de Catherine de Médicis, elle fut élevée à Saint-Germain avec ses soeurs et Marie Stuart, se montra de bonne heure hostile à la Réforme, reçut une forte éducation, et exerça un réel ascendant sur la cour par sa ravissante beauté, l'élégance de ses toilettes, la vivacité de son esprit. Maîtresse du duc de Guise, elle fut mariée malgré elle à Henri de Navarre par son frère Charles IX. - Marguerite de Valois. Les fêtes du mariage (18 août 1572) furent l'occasion du guet-apens de la Saint-Barthélemy et du massacre qui eut lieu cinq jours après; un gentilhomme fut poursuivi par les assassins jusque dans ses appartements, un autre égorgé à ses cotés dans l'antichambre. -- Un épisode de la Saint-Barthélémy « Voiant qu'il estoit jour, estimant que le danger que ma soeur m'avoit dict fust passé, vaincue du sommeil, je dis à ma nourrice qu'elle fermast la porte pour pouvoir dormir à mon aise. Une heure après, comme j'estois plus [ = le plus] endormie, voicy un homme frappant des pieds et des mains à la porte, criant « Navarre! Navarre! » Ma nourrice, pensant que ce fust le roy mon mary, court vistement à la porte et lui ouvre. Ce fust un gentil-homme nommé M. de Léran [Le vicomte de Léran, de la famille de Léris. Voyez d'Aubigné, Histoire universelle, I, p. 457], qui avoit un coup d'espée dans le coude et un coup de hallebarde dans le bras, et estoit encores poursuivy de quatre archers qui entrèrent tous après luy en ma chambre. Luy, se voulant garantir, se jetta sur mon lict. Moy, sentant cet homme qui me tenoit, je me jette à la ruelle, et luy après moy, me tenant tousjours au travers du corps. Je ne cognoissois point cet homme, et ne sçavois s'il venoit là pour m'offenser, ou si les archers en vouloient à luy ou à moy. Nous cryons tous deux, et estions aussi effrayez l'un que l'aultre. Enfin Dieu voulust que M. de Nançay [Gaspard de la Châtre, né vers 1539, capitaine des gardes en 1563, mort en 1576], cappitaine des gardes, y vinst, qui me trouvant en cet estat-là, encor qu'il y eust [ = qu'il fit ému à ce sujet] de la compassion, ne se peust tenir de rire; et se courrouçant fort aux archers de cette indiscretion, il les fit sortir et me donna la vie de ce pauvre homme qui me tenoit, lequel je feis coucher et penser [ = panser] en mon cabinet jusques à temps qu'il lust du tout [ = entièrement] guary. Et changeant de chemise, parce qu'il m'avoit toute couverte de sang, M. de Nançay me conta ce qui se passoit, et m'asseura que le roy mon mary estoit dans la chambre du roy, et qu'il n'auroit point de mal. Me faisant jetter un manteau de nuict sur moy, il m'emmena dans la chambre de ma soeur madame de Lorraine, où j'arrivay plus morte que vive, où entrant [ = pendant que j'entrais] dans l'antichambre, de laquelle les portes estoient toutes ouvertes, un gentil-homme nommé Bourse, se sauvant des archers qui le poursuivoient, fust percé d'un coup de hallebarde à trois pas de moy. Je tombay de l'autre costé, presque évanouie entre les bras de M. de Nançay, et pensois que ce coup nous oust percez [ = nous avait percés] tous deux. Et estant quelque peu remise, j'entray en la petite chambre où couchoit ma soeur. » (Marguerite de Valois, extrait de ses Mémoires). | Marguerite et son mari vécurent chacun de leur côté sans gêner leurs liaisons respectives. Ils furent rapprochés par la politique; la jeune reine de Navarre aimait fort son frère (dont le favori Bussy était son amant); le duc d'Alençon conspira avec Henri de Navarre; tous deux furent en grand péril au moment du complot de La Mole et Coconnas dont on les rendit responsables (1574). Marguerite fut ensuite insultée par Du Gaast, favori de Henri III, et le fit assassiner. Quand Henri de Navarre s'enfuit en Guyenne (février 1576), on garda sa femme comme otage. Elle s'entendit alors avec la cour et réconcilia le duc d'Alençon avec Henri III, puis voyagea aux Pays-Bas pour procurer des partisans à son frère préféré; quand celui-ci se brouilla avec le roi et fut arrêté, elle le fit évader. Henri III se rapprocha alors du roi de Navarre et lui rendit sa femme (août 1578). Ils vécurent quatre années à Nérac. Mais étant revenue à Paris, ses intrigues irritèrent Henri III qui fit un scandale public, l'injuria à la cour, lui nommant tous ses amants; puis il la fit arrêter et interrogea ses domestiques sur sa moralité (août 1583). Cet éclat rendait impossible la continuation de la vie commune entre la reine de Navarre et son mari. Elle mena alors une vie d'aventures et de galanterie, si bien que son mari finit par la faire arrêter à Carlat et interner au château d'Usson, sous la garde du marquis de Canillac. Elle le séduisit et vécut tranquillement dans ce château de 1587 à 1605. Elle y rédigea d'agréables mémoires. Devenu roi de France, Henri IV fit prononcer la dissolution du mariage pour vices canoniques (17 décembre 1599). Jalouse de Gabrielle d'Estrées, Marguerite ne consentit au divorce qu'après sa mort. Elle vint ensuite résider à Paris on elle reçut bon accueil de son ancien mari et de la population, se fit bâtir un hôtel rue de Seine, partageant son temps entre la galanterie, les lettres et la dévotion, ayant pour secrétaire Maynard, et pour aumônier Vincent de Paul. Elle a laissé des Poésies et des Mémoires, publiés en 1648 par Auger de Mauléon. (A-M. B.). |