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On
donne le nom de Révolution française ou de Révolution de 1789
à la période de l'histoire de France
qui s'étend depuis la réunion des Etats
généraux (5 mai 1789)
jusqu'au coup d'Etat du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799).
La France monarchique
et féodale de 1789
fit place à la France démocratique et égalitaire
du XIXe
siècle. Avant le XXe
siècle, il n'y a pas d'exemple d'une
transformation politique et sociale aussi radicale accomplie dans une nation
en si peu d'années par le seul jeu des forces intérieures, sans l'intervention
d'un conquérant étranger ou d'une religion nouvelle. La Révolution française
est un des plus grands événements de l'histoire. Elle n'est pas simplement
un événement français; elle eut une influence universelle qui marque
le commencement d'une ère nouvelle. Elle fut la conséquence d'un mouvement
philosophique
autant que politique et assit la législation
sur les principes du droit naturel et de
la discussion rationnelle.
Le roi et la cour
se trouvèrent vers 1788
acculés par le déficit à une réforme politique et administrative. Sous
l'influence des idées philosophiques, la plupart des monarchies européennes
avaient fait des tentatives analogues; en France mĂŞme Turgot
et Malesherbes en avaient essayé une; là ,
comme dans le reste de l'Europe ,
une réaction avait suivi; mais les difficultés financières s'aggravant
d'année en année, tout le monde reconnut qu'il était impossible d'éviter
une réorganisation. A bout d'expédients, Louis
XVI décida la convocation des Etats
généraux, réclamée par le Parlement et par Necker.
C'était rendre la parole à la nation et la charger de régler ses destinées
ultérieures.
La cour ne l'entendait
pas ainsi et un conflit était inévitable entre elle et les députés
sur l'étendue des pouvoirs de ceux-ci. Les publicistes les revendiquaient
tous, proclamant le principe de la souveraineté du peuple. Les cahiers
des Etats généraux prouvent que les Français s'accordaient à demander
des réformes radicales; s'inspirant des principes du droit naturel presque
universellement admis par les gens cultivés de l'époque, ils exigent
l'égalité devant la loi et la liberté
politique. En bien des points les trois ordres s'assemblent pour réclamer
la suppression de l'arbitraire royal et administratif, l'unité de législation
et de juridiction, l'admission de tous aux emplois, la répartition égale
des impĂ´ts.
Le bas clergé est
d'accord avec le tiers état. Cependant, ailleurs, l'antagonisme se marque;
la noblesse et le clergé veulent conserver leurs privilèges, surtout
en matière d'impôts; l'intolérance du clergé catholique se manifeste.
Souvent aussi perce le particularisme des provinces pour qui la liberté
serait la restauration des prérogatives locales, sans souci de l'unité
française. En somme, les cahiers demandent une révolution sociale abolissant
le régime féodal; sur ce point, ils devaient obtenir toute satisfaction;
quant à la révolution politique, ils veulent mettre fin à la monarchie
absolue, mais sans savoir nettement par quoi la remplacer. Il y faudra
quatre-vingts ans de tâtonnements.
Dès la première
séance des Etats (5 mai
1789),
l'antagonisme fut évident entre la nation, représentée par les députés
du tiers, et le roi, champion des privilégiés. De suite apparurent l'incapacité
de Louis XVI et de ses conseillers, leur irrésolution,
leur partialité en faveur des abus. La lutte s'engagea d'abord sur l'organisation
de l'assemblée. Serait-elle une ou tripartite? voterait-elle par tête
ou par corps? Dans la seconde hypothèse les deux ordres privilégiés
auraient tenu en échec le tiers état, c.-à -d. la nation. C'était la
lutte entre le droit ancien et le droit nouveau;
pour les uns, il s'agissait d'une consultation des Etats généraux par
le roi; pour les autres, de la réunion d'une Assemblée nationale. La
double représentation accordée au tiers état prouvait que le vote par
tête et l'assemblée unique étaient la solution légitime. Elle prévalut,
et ce premier combat décida du sort de la monarchie bourbonienne.
Le 17 juin, les députés
du tiers, sur le conseil de Sieyès et de Mirabeau,
se constituèrent en Assemblée nationale; « ils sortirent à jamais du
cercle des formalités ou les classes privilégiés croyaient les avoir
enfermés ». Ce jour naquit la France
nouvelle. Du même coup fut tranchée par la négative la question de savoir
s'il y aurait une aristocratie en France. On dépassa le régime de la
constitution anglaise et des deux Chambres, ou les pairs,
héritiers d'un privilège séculaire, subsistent en face des Communes.
Contre l'opposition du roi, les députés se lient par le serment
du Jeu de paume (20 juin); ils lui tiennent tĂŞte le 23 juin et remportent
une première victoire morale. L'Ancien
rĂ©gime prenait fin. La direction passait Ă
l'Assemblée.
-
La
Prise de la Bastille (14 juillet 1789).
Il n'y avait plus
de recours que dans la puissance des baïonnettes. Le roi réunit autour
de Paris des mercenaires étrangers. Mais la
ville se soulève autour des agitateurs du Palais-Royal
(résidence du duc d'Orléans); elle adopte la cocarde, arme une milice,
élit une municipalité et répond au renvoi de Necker
par la prise de la Bastille (14 juillet).
Dans toute la France s'organisent des municipalités et des gardes nationales.
D'un seul coup l'autorité royale est brisée et les novateurs sentent
qu'ils ont aussi bien la force que le droit. Louis
XVI s'incline, rappelle Necker, nomme Bailly
maire de Paris, Lafayette commandant de la garde
nationale. Les coryphées du parti réactionnaire, le comte d'Artois (le
futur Charles X), les princes de Condé
et de Conti, Polignac, Breteuil, Broglie, donnent
le signal de l'émigration;
les privilégiés vont s'armer contre la patrie et armer l'étranger contre
elle pour la défense des abus dont ils vivaient. Ainsi se consomme la
rupture entre l'ancien régime et la France démocratique.
L'Assemblée nationale
pose les fondements du nouveau régime dans l'immortelle Déclaration
des droits de l'homme. Dans le pays entier les populations secouent
le joug détesté des servitudes féodales;
leur exaspération, aggravée par la famine, effraye les nobles, et dans
la nuit du 4 août
ils abandonnent volontairement leurs privilèges : corvée, droits
seigneuriaux, dîmes, cens disparaissent. Corporations, villes, provinces
les imitent, et cet élan unanime consacre l'affranchissement du travail,
l'égalité civile, l'unité de la patrie. La révolution civile est consommée
; elle se fait avec le concours de tous, sans résistance. On constate
la fin de l'antique inégalité. Restait le problème de la liberté politique,
bien autrement difficile.
Le conflit avec la
cour reparut lorsqu'on discuta les conditions de la monarchie constitutionnelle.
Les Parisiens viennent chercher le roi Ă Versailles
et l'emmènent à Paris; l'Assemblée l'y suit; désormais les pouvoirs
publics seront sous la main du peuple et de ses chefs. Désormais entre
ceux-ci et le roi nulle réconciliation possible; pourtant on n'eut pas
l'énergie de se séparer de l'ancienne dynastie; on laissa le fer dans
la plaie. La monarchie constitutionnelle, possible
avec le duc d'Orléans, était absurde avec Louis
XVI; l'Assemblée passera dix-huit mois à organiser cette absurdité,
tandis que le roi et surtout la reine Marie-Antoinette
conspirent avec l'étranger la destruction du système qu'on élabore.
La constitution de 1791
était condamnée d'avance, mort-née.
Ce faisant se poursuivaient
les travaux de la Constituante.
Pièce à pièce elle démolissait l'organisation existante. Elle compléta
la révolution sociale en mettant les biens du clergé à la disposition
de la nation. Leur vente devait mettre un tiers du sol aux mains des paysans
et réaliser pour la majorité des Français un progrès immense qui fut
la principale sauvegarde du nouveau régime. Pour mobiliser ce capital
foncier, on crée les assignats, qui fut la principale et périlleuse
ressource des gouvernements de la Révolution française. L'organisation
administrative et judiciaire est entièrement refondue; on fait table rase
du passé. Aux pouvoirs délégués par le roi, souverain absolu, on substitue
des pouvoirs électifs. Mais, en même temps qu'on accomplit ce travail
de décentralisation, on réagit contre le particularisme provincial.
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Les assignats
Les assignats furent
créés, le 19 avril 1790, par un décret de l'Assemblée nationale.
Cette création avait été faite sur la proposition de Bailly,
afin d'empêcher. la dépréciation des biens nationaux d'une part, et,
de l'autre, pour faire face Ă toutes les exigences du moment sans recourir
Ă l'augmentation de l'impĂ´t.
En effet, l'Etat
abandonnait aux communes les biens nationaux situés sur leur territoire;
les communes devaient revendre ces biens en détail, et les payer au trésor
public au moyen de bons à longues échéances; dont les ventes effectuées
dans l'intervalle fourniraient les fonds : l'Etat, avec ces bons, désintéressait
ses créanciers en leur laissant la faculté de les donner comme argent
comptant en paiement des acquisitions de biens nationaux.
-
Types
des principaux assignats et mandats territoriaux
émis
pendant la révolution.
Les assignats n'étaient
donc pas un papier-monnaie, comme on pourrait le croire, puisque les biens
nationaux constituaient une valeur réelle qu'on évaluait à dix milliards.
La première émission d'assignats s'éleva à 400 millions et rendit tous
les services qu'on en attendait.
Mais bientĂ´t les
manoeuvres des partis, la désorganisation du corps social, les menaces
des émigrés, l'agiotage effréné des spéculateurs; ébranlèrent la
confiance publique, et les assignats tombèrent dans un discrédit tel
que leur valeur, comparĂ©e Ă celle du numĂ©raire, Ă©tait comme de 7 Ă
1. Les émissions inconsidérées du gouvernement augmentèrentencore ce
discrédit: enfin, le 30 pluviôse an IV (19 février 1796), la
planche aux assignats fut brisée : on en avait émis pour près de 46
milliards. |
La révolution territoriale
s'exécuta si facilement qu'on n'en aperçoit pas toujours la portée.
« Changer
la face du territoire, effacer jusqu'au nom des provinces, y substituer
arbitrairement quatre-vingt-trois départements semble le comble de l'audace.
Mirabeau
lui-mĂŞme pensait qu'un pareil bouleversement ne se ferait pas sans arracher
des cris aux pierres, et qu'il serait nécessaire de tenir plus de compte
des anciens liens historiques. Mirabeau se trompait. Il ne fallut à l'Assemblée
qu'un décret pour effacer les provinces, oeuvre des siècles. Elle ne
trouva plus dans toute la France
qu'une table rase, oĂą elle put se jouer des souvenirs, des traditions,
sans rencontrer un seul obstacle, comme si la France n'avait eu aucun passé.
Ce changement, en apparence le plus grand de tous, et qui paraissait au-dessus
des forces humaines, s'accomplit sans rencontrer aucune difficulté. Les
provinces s'évanouirent et n'excitèrent aucun regret. Ce qui dans d'autres
peuples a été à peine possible par des invasions, des exterminations
séculaires, des cataclysmes qui avaient aboli la géographie historique
avec la mémoire des races humaines, n'exigea en France qu'un arrêté
de quelques lignes. Deux choses opérèrent ce prodige chez les Français
: premièrement le désir, qu'aucun peuple n'eut au même degré, de s'unir
étroitement, de se pénétrer d'une frontière à l'autre, de n'avoir
partout qu'un coeur et une âme ; et ce fut là une des inspirations sacrées
de la Révolution. Deuxièmement, ce désir de se fondre en un seul corps
trouva une singulière facilité dans le délabrement et la ruine morale
où la royauté avait conduit les provinces. » (E.
Quinet).
Ceci fut probablement
un mal, car le pays se trouva à la merci de sa capitale. L'effort décentralisateur
de la Constituante ne suffit
pas à garantir les libertés locales; l'autonomie qui est la seule forme
de la liberté politique et les cadres qu'elle
avait tracés devinrent dix ans après ceux d'un despotisme
centralisé.
L'organisation judiciaire
qui devait subir aussi la même adultération n'en demeure pas moins une
des oeuvres les plus admirables des constituants. Elle a servi de modèle
aux autres peuples européens; l'adoption du jury, la suppression de la
justice médiévale avec la torture et le secret, des juridictions spéciales
et de la vénalité des offices furent des bienfaits inappréciables; la
nouvelle classification des tribunaux a servi de type; enfin l'élection
de la magistrature était la garantie des libertés publiques.
Un redoutable problème
se posa quand il fallut procéder à la réorganisation religieuse. L'Assemblée
ne songea pas Ă vivifier les institutions nouvelles par des croyances
conformes; elle ne s'attaqua pas Ă la religion
catholique protectrice de beaucoup des abus qu'elle déracinait; elle
n'aborda pas cette question du gouvernement spirituel dont Auguste
Comte a si bien démontré l'importance; elle voulut simplement faire
entrer l'Eglise dans les nouveaux cadres; elle
n'y put parvenir. La constitution civile du clergé ne touchait pas au
dogme; elle assimilait les fonctionnaires ecclésiastiques aux autres;
les prêtres, les évêques (un par département) devaient être élus
par les fidèles. Le clergé résista et les premiers symptômes de la
guerre civile se manifestèrent.
De part et d'autre
on rassemblait ses forces pour la lutte décisive. L'anarchie
déchaînée par l'effondrement de l'autorité royale était inquiétante.
On compléta l'organisation des municipalités, et la fédération des
gardes nationales de la France
entière (14 juillet 1790)
affirma l'enthousiasme général pour les idées nouvelles ( Fête
de la fédération). Mais à la frontière les émigrants s'armaient
: Condé à Worms ,
le comte d'Artois Ă Coblence;
les deux tiers du clergé avaient refusé le serment, et les clubs,
dont celui des Jacobins fut
le plus fameux, n'avaient pas encore étendu sur toute la France le réseau
des associations démocratiques; Louis XVI jugea
le moment venu de prendre la tête de la contre-révolution et s'enfuit
de Paris vers l'armée de Bouillé
(20 juin 1791).
Arrêté à Varennes ,
il fut ramené à Paris, mais dès lors ne fut plus roi que de nom. On
n'osa pourtant proclamer la République dont
les partisans furent massacrés au Champ de Mars
(17 juillet 1791).
On s'en tint à l'équivoque de la monarchie
constitutionnelle, avec un roi gardé à vue dans les Tuileries .
Les royalistes émigrent en
masse, prétendent former au delà de la frontière une « France extérieure-».
On marchait Ă la guerre civile et Ă la guerre
étrangère.
Les souverains étrangers
se sentaient menacés par les idées révolutionnaires proclamées vérités
universelles. La Constituante
les avait liés directement par l'annexion du Comtat-Venaissin
enlevé au pape après les massacres d'Avignon,
par la suppression des droits féodaux et
territoriaux des princes allemands en
Alsace
et en Lorraine ,
droits garantis par les traités de Westphalie .
L'empereur Léopold était aussi sollicité d'intervenir par les émigrés,
par Marie-Antoinette et Louis
XVI. Il engagea tous les monarques européens, par une lettre-circulaire,
Ă regarder comme leur la cause du roi de
France (6 juillet 1791).
Le roi de Prusse
entra dans ces vues et le congrès de Pilnitz
leur donna une sanction officielle (27 août 1791).
--
Les
Sans-culottes
On
a donné le nom de Sans-culottes, dans les premières années de
la Révolution, aux hommes du parti démocratique, parce qu'au lieu
des culottes des gens de cour et de la haute bourgeoisie, ils portaient
des pantalons longs.
Plus
tard ce nom fut spécialement réservé à certains patriotes qui formaient
en quelque sorte l'avant-garde de la démocratie,
toujours prĂŞts Ă s'insurger contre le pouvoir qui entrait dans la voie
de la réaction. Ils ne quittaient pas les clubs et ne demandaient à la
patrie qu'un morceau de pain pour la défendre. Ils portaient la carmagnole,
le bonnet rouge et des sabots.
Ce
sobriquet, accepté par eux, acquit une renommée légendaire après leurs
victoires sur la coalition européenne.Les flatteurs du peuple s'honoraient
eux-mêmes du titre de sans-culottes. Ces hommes disparurent après la
chute de Robespierre. Dans le calendrier
républicain, on donnait le nom de sans-culottides aux cinq
jours épagomènes (=complémentaires) de l'année. |
L'Assemblée
législative qui s'ouvrit alors releva le gant. Les girondins,
arrivés au ministère, firent déclarer la guerre à l'Autriche
( Les
guerres de la Révolution), décision dont nul ne pouvait pressentir
la portée et qui détermina tout l'avenir de la Révolution et de la France ;
de lĂ sortirent la Terreur,
puis l'Empire ( Napoléon
Ier).
La guerre débuta par des échecs en Belgique .
Le désaccord entre le roi et l'Assemblée paralysait le gouvernement.
Malgré l'enthousiasme populaire qui se traduisait par la Marseillaise ,
les armées allemandes envahissent la France.
La démocratie
parisienne ( La
Commune révolutionnaire) renverse alors la monarchie,
le 10 août 1792, terrifie
ses ennemis par les massacres
de Septembre, répondant à la trahison qui livrait Longwy
et Verdun et Ă l'insolent manifeste du duc
de Brunswick. Dumouriez arrĂŞte celui-ci dans
les défilés de l'Argonne, et la canonnade de Valmy
prouve la solidité de la jeune armée révolutionnaire (19 septembre 1792).
Les Prussiens reculent. Les Français occupent
la rive gauche du Rhin, Spire ,
Mayence ;
la victoire de Jemmapes
leur livre la Belgique .
Partout ils sont accueillis en libérateurs. La Convention
promulgue son fameux décret promettant l'appui de la France à tous les
peuples qui veulent conquérir la liberté. La Savoie ,
Nice ,
se donnent; on en forme les nouveaux départements du Mont-Blanc et des
Alpes-Maritimes.
A l'intérieur, la
République
avait été proclamée par la Convention dès sa première séance; on
s'était occupé du procès de Louis XVI qui
fit passer l'ascendant des girondins
aux montagnards. Condamné
à mort, le roi fut exécuté le 21 janvier 1793.
Toute transaction devenait impossible entre les révolutionnaires et les
royalistes. Ce fut le signal de la guerre européenne; l'Angleterre ,
la Hollande
et l'Espagne
entrèrent dans la coalition. La campagne de 1793
commença mal, malgré l'abstention de la Prusse ,
qu'absorbaient les affaires de Pologne .
La défaite de Neerwinden (18 mars 1793)
et la trahison de Dumouriez firent perdre la
Belgique .
Mayence fut repris par les Allemands
(12 juillet). Derrière la frontière artificielle construite par Vauban,
les armées françaises se défendent péniblement, tandis que les alliés
font lentement le siège des forteresses.
Les discordes civiles
aggravent le péril. La Commune de
Paris et les montagnards de la Convention,
Danton,
Robespierre, se débarrassent des girondins.
La réorganisation du gouvernement avec le tribunal
révolutionnaire et le comité
de Salut public prépare la Terreur;
l'insurrection du 31 mai, par laquelle la Commune chasse les girondins
de l'Assemblée, livre le pouvoir aux jacobins.
Mais dans les départements les royalistes et les modérés prennent les
armes contre le gouvernement parisien. La Normandie ,
la Bretagne ,
la Vendée, Lyon, les villes du Rhône et de
la Méditerranée, Bordeaux et le Sud-Ouest
sont insurgés.
La Convention fait
face à tout, lève quatorze armées, écrase et épouvante les résistances.
La Normandie est soumise; Bordeaux, Lyon, Marseille
sont repris, Toulon
livré aux Anglais est reconquis (décembre
1793).
En Bretagne, les chouans ne sont que gĂŞnants
; il n'y a de véritable guerre
qu'en Vendée; les campagnes catholiques
luttent contre les villes républicaines et
tiennent tête aux armées régulières. Après quelques mois de carnage,
80.000 Vendéens passent la Loire; leur grande armée est décimée dans
le Maine
et la Bretagne orientale, finalement exterminée (décembre 1793).
La guerre continue en Vendée, mais sans danger.
-
Assassinat
de Jean-Paul Marat (14 juillet 1793).
Pendant ces combats
épiques, l'ennemi extérieur avait également été vaincu ( Les
guerres de la Révolution). Les représentants en mission avaient coopéré
à l'armée avec les généraux nouveaux, Pichegru,
Jourdan,
Hoche, auxquels
Carnot
donnait la direction. La levée de 300.000 hommes en février, la levée
en masse en août fournirent des soldats animés d'un enthousiasme qui
les fit invincibles. Les vieilles armées, la vieille tactique, ne purent
leur tenir tête. La victoire de Hondschoote débloque Dunkerque ;
celle de Wattignies, Maubeuge .
En 1794, les victoires de Tourcoing
et de Fleurus
rendent la Belgique
aux Français. La mésintelligence des coalisés achève leur défaite.
La rive gauche du Rhin, la Hollande ,
sont conquises.
A l'intérieur la
Terreur
est entretenue par les supplices; la guillotine est dressée, en permanence,
Ă Paris et en province; Marie-Antoinette,
les
girondins, le duc d'Orléans
sont exécutés. Les montagnards
se divisent alors. Le vertueux Robespierrefait
monter sur l'échafaud les hébertistesénergumènes
et les dantonistes qui inclinaient à la modération.
Les fournées de condamnés se multiplient jusqu'au 9 thermidor ou le dictateur
populaire est renversé par la Convention
et exécuté avec ses partisans.
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La guillotine
La guillotine se
composait d'un énorme couperet chargé de plomb et à lame d'acier triangulaire
oblique dont les extrémités glissaient dans les rainures de deux poteaux
verticaux et qui tombait lourdement sur le col du patient. Celui-ci était
étendu sur une planche à bascule; son cou était maintenu entre deux
planchettes à demi-lune. La décollation était instantanée. La tête,
séparée vers la quatrième vertèbre cervicale, était jetée dans un
panier avec le corps.
La tradition populaire
veut que le docteur Guillotin ait été l'inventeur de cet instrument de
mort. En 1866, Dubois, d'Amiens, a
rétabli la vérité sur le rôle joué par ce médecin dans l'adoption
de cette fatale machine. Ayant fait décréter l'égalité des peines par
l'Assemblée législative,
le 1er décembre 1789, Guillotin réussit à faire charger le secrétaire
de l'Académie de chirurgie (Antoine Louis) de chercher quel instrument
de supplice procure la mort la plus prompte et la moins cruelle. Le 20
mars 1792, Louis soumit à la Convention un mode d'exécution capitale,
« sûr, rapide et uniforme », dont on avait déjà . fait usage au XVIe
siècle, sous les noms de fallbeil en Allemagne ,
de mannaia en Italie et de maiden ou widow en Ecosse
et en Angleterre .
Le premier essai
de cet appareil fut fait en France
le 25 avril 1792, sur la personne d'un voleur de grand chemin nommé
Pelletier. Quelques mois plus tard, la Louisette ou Louison,
comme on appelait alors la guillotine, fit sa première victime politique
(exécution de Dangremont, 21 août 1793). Le nom de guillotine fut employé
pour la première fois dans une chanson que publia le journal royaliste
Les Actes des Apôtres, en décembre 1789. Soemmering
(Moniteur du 9 novembre 1795) a affirmé que l'action trop
rapide de la guillotine n'abrège pas les douloureuses sensations du supplicié
dont les souffrances ne cessent pas immédiatement après que la tête
a été tranchée. Cette opinion souleva une controverse qui a été plusieurs
fois renouvelée.
Le 7 avril 1871,
le peuple se saisit de la guillotine et la brûla sur la place Voltaire.
Cela n'empĂŞcha pas qu'elle continue d'ĂŞtre utilisĂ©e en France jusqu'Ă
l'abolition de la peine de mort en 1981. |
A travers ces atrocités,
qu'inspirait la crainte maladive de la trahison étrangère, se déroule
l'oeuvre constructrice de la Convention.
Elle se butta à la question religieuse. Pour compléter la Révolution,
il eût fallu une croyance nouvelle, un nouveau culte. On ne put en trouver.
Le culte de la Raison essayé par Chaumette et Hébert
parut extravagant; Robespierre ne réussit
pas mieux avec celui de l'Etre suprême. Ces échecs, la résistance de
la Vendée, la prédilection de la majorité des fidèles pour les prêtres
insermentés, démontrent que le catholicisme survit. La réaction commence
au 9 thermidor. Les chefs du mouvement révolutionnaire s'étaient entr'égorgés
les résultats ne répondaient pas aux sacrifices. Le parti républicain
se trouva décapité; ses principaux défenseurs avaient disparu; une cause
ne peut guère survivre aux hommes qui la personnifiaient; les idées ne
se défendent pas toutes seules.
La réaction fut
lente, accidentée, mais presque continue et aboutit à la dictature
militaire. Les thermidoriens achèvent l'écrasement des jacobins;
la « jeunesse dorée » ferme leur club;
les insurrections du 12 germinal et du 1er
prairial sont vaincues et les derniers montagnards
n'échappent à l'échafaud que par le suicide. Les royalistes, groupés
au club de Clichy ,
tentent un retour offènsif; mais le jeune Louis
XVII meurt au Temple ;
les émigrés débarqués à Quiberon
sont exterminés; l'insurrection monarchiste du 13
vendémiaire est balayée; Hoche pacifie la
Vendée.
La Convention se sépare après avoir élaboré une constitution
nouvelle, préparé le code civil, créé le grand-livre de la dette
publique et les principaux établissements d'enseignement supérieur (Ecole
Polytechnique, Conservatoire des Arts et Métiers), l'Institut, etc. Cette
« assemblée de géants » avait assuré à la France
l'hégémonie de l'Europe .
Le traité de Bâle
avec la Prusse
avait garanti la conquête de la rive gauche du Rhin; le traité avec l'Espagne
achevait la rupture de la coalition. Il est vrai que l'Angleterre
avait détruit la marine et occupé les colonies de la France.
Le Directoire
comprenait un pouvoir exécutif de cinq membres superposé à deux conseils
législatifs (Conseil des Anciens,
Conseil
des Cinq-Cents. Ce fut un régime anarchique et impuissant, tiraillé
entre les partis extrĂŞmes et entre les ambitions personnelles. Il ne put
donner au peuple le calme qu'il réclamait pour organiser la société
nouvelle. Les difficultés financières restaient inextricables, malgré
les bénéfices des conquêtes; l'émission des assignats, effroyablement
dépréciés, les avait aggravées; on finit par une banqueroute des deux
tiers. Le gouvernement frappa successivement les babouvistes
et la majorité monarchiste des deux Conseils
par le coup d'Etat du 18 fructidor (1797).
L'impopularité du Directoire était complète, malgré les victoires extérieures.
Jourdan
et Moreau avaient été repoussés de Bavière
par l'archiduc Charles (1796-1797),
mais Hoche envahit l'Allemagne
centrale; Bonaparte conquit l'Italie
et imposa Ă l'Autriche
la paix de Campo-Formio
(1797).
La République française
s'entourait d'une ceinture de républiques
vassales : batave, cisalpine ,
romaine, démocratisait la Suisse
devenue République helvétique. Bonaparte tente l'expédition
d'Égypte ;
sa victoire des Pyramides
est annulée par la perte de la flotte française que Nelson
détruit à Aboukir ;
il échoue en Syrie devant Saint-Jean-d'Acre
et rentre en France
(1799);
ses lieutenants reperdent l'Egypte (1801).
Cependant en Europe
la guerre avait recommencé. Souvarov chassa les Français d'ltalie; Masséna
défit en Suisse les armées russe et autrichienne (septembre 1799).
Brune
défit en Hollande
les armées anglo-russes. Néanmoins, tout le monde souhaitait la fin de
l'anarchie et un gouvernement fort. Sieyès, d'accord
avec les financiers, cherchait une épée. Il choisit Bonaparte qui mit
fin au Directoire par le coup
d'Etat du 18 brumaire (9 novembre 1799).
L'importance croissante
de l'élément militaire rendait fatal ce dénouement. La Terreur
seule avait contraint les généraux à l'obéissance; sous le Directoire,
ces roseaux de fer se redressent. En face d'un pouvoir divisé et impuissant,
l'armée se substitue à la nation. Bonaparte
recueillit le fruit de la réaction.
Voici quelle était
alors l'étendue du territoire français, telle que la République le transmit
au dictateur. Aux quatre-vingt-trois départements
créés le 17 janvier 1790 s'en étaient ajoutés vingt-deux autres. Les
premiers étaient :
Nord, Pas-de-Calais,
Somme, Seine-Inférieure, Eure, Calvados, Orne, Manche, Seine, Seine-et-Oise,
Seine-et-Marne, Oise, Aisne, Ardennes, Haute-Marne, Marne, Aube, Meuse,
Moselle, Meurthe, Vosges, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Haute-SaĂ´ne, Jura, Doubs,
Ain, Saône-et-Loire, Côted'Or, Yonne, Nièvre, Cher, Indre, Loiret, Loir-et-Cher,
Eure-et-Loir, Indre-et-Loire, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe, Ille-et-Vilaine,
Côtes-du-Nord, Finistère, Morbihan, Loire-Inférieure, Vienne, Deux-Sèvres,
Vendée, Charente-Inférieure, Charente, Haute-Vienne, Corrèze, Creuse,
Allier, Puy-de-DĂ´me, Cantal, RhĂ´ne-et-Loire, Dordogne, Gironde, Landes,
Gers, Hautes-Pyrénées, Lot-et-Garonne, Aveyron, Lot, Basses-Pyrénées,
Ariège, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne, Tarn, Aude, Lozère, Hérault,
Gard, Ardèche, Haute-Loire , Drôme, Isère, Hautes-Alpes, Basses-Alpes,
Bouches-du-RhĂ´ne, Var, Corse.
La Corse
fut divisée en deux départements Golo (ch.-l. Bastia)
et Liamone (ch.-l. Ajaccio )
; Rhône-et-Loire fut divisé en deux départements : Rhône (ch.-l. Lyon),
Loire (Montbrison );
le Comtat-Venaissin ,
réuni en 1791, forma le département du Vaucluse; la Savoie ,
réunie en 1792, celui du Mont-Blanc; le comté de Nice
(1792), celui des Alpes-Maritimes. Plus tard fut créé celui du Léman
avec Genève pour chef-lieu. Les traités
de Bâle
et de Campo-Formio ,
qui portèrent la frontière au Rhin, entraînèrent la création de quinze
nouveaux départements, dont voici la liste ainsi que celle des pays dont
on les forma :
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Départements |
Chefs-lieux |
Pays
d'origine |
Lys
Escaut
Jemmapes
Dyle
Deux-Nètes
Sambre-et-Meuse
ForĂŞts
Ourthe
Meuse-Inférieure
. Bouches-de-I'Escaut Bouches-du-Rhin
Sarre
Mont-Tonnerre
Roër
(Ruhr)
Rhin-et-Moselle |
Bruges
Gand
Mons
Bruxelles
Anvers
Namur
Luxembourg
Liège
Maestricht.
Middlebourg
Bois-le-Duc
Trèves
Mayence
Aix-la-Chapelle Coblence |
Flandre
Flandre
et Brabant
Hainaut
Brabant
Anvers
Namur
Luxembourg
Liège
Limbourg
Zélande
Brabant
septentrional
Trèves,
Deux-Ponts, etc. Palatinat, Mayence
Gueldre,
Juliers, etc.
Cologne,
etc. |
Ces annexions avaient tous les caractères
d'acquisitions définitives. Les populations étaient dévouées à la
France
qui les avait délivrées de l'oppression féodale;
elles avaient avec les lois et les institutions françaises pris le patriotisme
français, et il fallut, après la tyrannie
impériale, un demi-siècle pour le leur faire oublier. Ainsi, la Révolution
avait, en quelques années, obtenu ce que n'avaient pu faire les rois depuis
des siècles. L'ambition égoïste d'un soldat allait bientôt compromette
ces résultats. (H. Monin).
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Pour
les plus jeunes.
Michel
Vovelle, La Révolution française expliquée à ma petite-fille,
Seuil, 2006. - Comment expliquer Ă un enfant ce
formidable bouleversement que fut la Révolution française ? Ce petit
livre est tout à la fois une synthèse et une approche profonde de dix
années cruciales pour l'avenir de la France (1789-1799), écrite par un
des plus grands spécialistes de la période qui répond aux questions
de sa petite-fille: qu'est-ce qui a conduit à la Révolution? Qu'est-ce
qu'un sans-culotte? Pourquoi la Terreur?
L'ouvrage
éclaire les grandes phases et les grands moments de la Révolution française
et permettra, aux enfants comme aux adultes, de s'y retrouver dans ce labyrinthe
si riche, mais parfois complexe. (couv.). |
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