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Le mot symphonie
(du grec sun = avec, et phônè
= son) signifie proprement réunion de sons, et par lequel on a entendu
tantôt un assemblage de voix ou d'instruments
de différentes natures, tantôt la production simultanée
de plusieurs sons. En ce dernier sens, il a été synonyme
d'harmonie, qui est aujourd'hui d'un usage
général. On l'a encore employé pour désigner
une ouverture d'opéra, par exemple
dans les oeuvres de Caldara. Les Modernes entendent par symphonie un grand
morceau de musique d'orchestre. Une symphonie
est dite caractéristique, quand elle se propose pour but de peindre
un caractère moral, comme le Distratto de Haydn, ou un phénomène
physique, comme une tempête. La symphonie était en germe dans
les concerti grossi de Corelli, de Gemininiani, de Vivaldi;
on fait figurer, parmi ceux qui la cultivèrent, Jean Agrell, Vanhall,
Toelsky, Van Malder et Stamitz en Allemagne, Palludini et Sammartini en
Italie; mais ses formes régulières ne se sont établies
qu'au XVIIIe siècle. Gossec, l'un
des premiers, se distingua dans ce genre de composition, qui devait être
bientôt porté à sa perfection par Haydn et Mozart;
Méhul et Pleyel y obtinrent aussi des succès, même
après ces deux grands génies. De nouveaux effets ont été
ensuite introduits dans la symphonie par Beethoven,
depuis Beethoven, par Mendelssohn, Reber et Berlioz,
etc., qui s'y sont encore acquis une réputation méritée.
La symphonie est aujourd'hui considérée comme la première et la plus importante des compositions instrumentales, et le rang éminent qu'elle occupe dans l'estime des artistes s'explique, non seulement par le nombre et la singulière beauté des ouvrages écrits en ce genre par les classiques et les modernes, mais encore par la nature même de cette forme musicale. En effet, tandis que dans la musique du théâtre ou dans les genres qui s'y rattachent, mélodies, cantates, oratorios, etc., un élément étranger, le texte même des paroles, vient se mêler, à la mélopée et à en influencer puissamment le développement, en en renforçant peut-être l'expression, mais aux dépens néanmoins de la liberté d'élocution, la symphonie, non plus que la musique de chambre, n'emprunte rien qu'à la pure musique. Les lois qui régissent les rapports des sons entre eux, l'enchaînement des tonalités, la combinaison des motifs sont les seules règles dont le compositeur ait à se préoccuper, et la symphonie jouit encore de cet avantage sur les autres pièces de mur sique pure d'user des ressources infinies des différents timbres de l'orchestre. L'art de l'instrumentation y trouve le plus vaste champ qui lui soit offert, tandis que l'impersonnalité de ces voix sonores innombrables y met le compositeur, mieux que partout ailleurs, à l'abri des tentations d'en favoriser exclusivement une seule, exerçant au détriment de toutes les autres une futile virtuosité. La symphonie avant la symphonieDe nos, jours, quand il est question de symphonie, on entend donc exclusivement une pièce en plusieurs parties écrite pour un orchestre complet, dans cette forme souple et savante que nous avons décrite à la page sur la sonate. Car, pour le dire une fois pour toutes en passant, la symphonie classique n'est pas autre chose qu'une sonate d'orchestre, dans laquelle seulement le compositeur, grâce à la variété des timbres qu'il met en oeuvre, peut sans danger multiplier les développements épisodiques en agrandissant à sa guise le cadre de son oeuvre jusqu'à des proportions qui peuvent devenir colossales.Mais dans l'histoire de l'art musical, avant d'arriver à cette acception définitive, le mot symphonie s'est appliqué à bien des objets fort divers. Antiquité
et Moyen Âge.
Plus tard, vers : le VIIe siècle, le même mot désignera une sorte de tambour usité dans les armées byzantines tandis qu'en Occident, vers le Xe, ce terme corrompu s'appliquera à l'ancêtre vénérable de la vielle, à cause du perpétuel organum que les cordes de chant formaient avec le bourdon; le mot symphonia a pris les formes françaises de syphonie et chifonie, qui a prévalu pendant plusieurs siècles. Pour les mêmes raisons, le même nom a été donné aussi, à la cornemuse; symphonia a donné les termes italiens et du Midi de la France, de zampogna, fanfogna, fanfougne, ce dernier et les formes voisines étant aussi appliqués, dans les langues du centre de la France, à la vièle à roue. De plus, les théoriciens du haut Moyen âge, fidèles à la tradition de l'Antiquité gréco-romaine, définissaient la symphonie comme « la concordance des sons aigus et graves produits par la voix ou les instruments » (Isidore de Séville) et ils admettaient comme symphonie les intervalles, consonants, octave, quarte,quinte et double octave. De là, le nom de symphonie donné aux compositions musicales basées sur l'emploi de ces consonances, sens qui, a persisté pendant longtemps pour désigner même les pièces vocales. XVIe
et XVIIe siècles.
On le trouve comme titre de pièces purement instrumentales chez les Italiens du commencement du XVIIe siècle : Sinfonie e Gagliardi de Salomon Rossi, 1607; ce sont de petites pièces qui ont une allure de danse, et chez B. Marini, en 1617, quelques morceaux offrent le titre de sinfonia comme synonyme de ballello. Praetorius (1619) dit que les termes symphonia et ritornelle ne diffèrent pas nettement de sens. Il résulte de ses explications que ces titres étaient donnés à des pièces non destinées à la danse, mais inspirées de ses formes, les seules qu'on connût alors. Cependant, en 1607, A. Banchieri publie à Venise un volume : Ecclesiastiche Sinfonie à 4, que l'on peut exécuter soit sur l'orgue, soit en quatuor, et qui sont composées en forme de canzoni alla Francese. (Sonate). On parle à cette époque des « symphonies d'un opéra », ce qui signifiera également la réunion des musiciens chargés de la partie instrumentale. Une pièce sera dite en petite symphonie quand l'accompagnement, outre la basse continue, comprendra un ou deux dessus concertants de violons, de flûtes, de hautbois; tandis que la grande symphonie comporte tout au moins quatre ou cinq parties d'instruments à cordes, quelquefois doublées plus ou moins complètement par les instruments à vent alors un usage.Quant aux pièces composées pour les instruments seuls, elles ne furent guère, tout d'abord que des imitations, des transcriptions même souvent de celles que l'on écrivait pour les voix. Cependant, sous l'influence de la virtuosité des organistes et des clavecinistes, le style instrumental se crée, plus libre que le style vocal, même dans les formes scolastiques, puisqu'on n'avait à s'y occuper ni de l'étendue propre de chaque voix, ni des difficultés d'intonation ou de vocalisation, ni de la récitation des paroles. En même temps on s'inspirait des formes conventionnelles des airs de danse pour écrire des morceaux plus gracieux, plus expressifs : tels ceux qui composent les premières suites de clavecin. Et dans l'un et l'autre genre les pièces composées pour les instruments à clavier pouvaient s'exécuter avec plusieurs instruments réunis : ou plutôt les compositeurs n'écrivaient guère que de la musique, absolue en quelque sorte, que, suivant les circonstances, on jouait sur un instrument polyphonique ou bien à plusieurs, avec les différents membres d'une même famille instrumentale, violons ou violes de préférence. Dans l'opéra Vénitien du XVIIe s., la sinfonia prend une importance particulière. On la voit successivement se présenter sous une forme abrégée, rudimentaire, comme une succession de quelques accords; dans une période délimitée entre 1660-1680, le style fugué s'y introduit; après 1680, jusque vers 1700, la sinfonia d'opéra vénitienne s'oriente sur l'ouverture française. Les Suites allemandes de J.-J. Löwe (1658) à 5 instruments et basse continue commencent toutes par une sinfonia, qui est divisée en 2 reprises construites à l'aide de dessins musicaux différents sans rappel ni développement. Le début
du XVIIIe siècle.
En Allemagne surtout, sous le nom de Parthien, Cassationen, on trouve des suites instrumentales écrites pour plusieurs instruments; en France tout autant, car pour n'en citer qu'un exemple, les Musiques pour les soupers du roy, de La Lande; sont déjà des monuments fort intéressants et très bien écrits de l'art symphonique à ses débuts. S'inspirant des combinaisons usitées dans l'orchestre des opéras, l'auteur y emploie déjà couramment, avec la masse des cordes, les instruments à veut alors connus, flûtes, hautbois et bassons. On pourrait multiplier, à mesure que l'on avance dans le XVIIIe siècle, les exemples analogues. Au point où l'on est arrivé, il ne reste, pour créer la symphonie classique, qu'à substituer à la forme de la suite, dont les différentes parties prennent d'ailleurs chaque jour plus d'ampleur, la forme développée de la sonate proprement dite : ce changement se fera promptement, dès que cette forme féconde aura été définitivement instituée. La symphonie classiqueLes défricheurs.Il ne semble pas que ce soit avant le second quart du XVIIIe siècle que le mot symphonie ait été employé dans le sens où on l'emploie encore, d'une composition. pour orchestre conçue, en général, sur le plan de la sonate. La sonate est donc, désormais, pourrait-on dire, une sonate pour orchestre; toutefois, elle se différencie de la sonate, même pour plusieurs instruments, en laquelle les instruments sont seuls chacun de son espèce; elle se différencie de même du concerto, parce qu'ici le tutti ou concerto grosso alterne avec le concertino. Mais elle ne pouvait naître, sous cette forme, qu'après l'apparition et l'évolution première des formés sonate et concerto, ce qui nous mène à peu près au temps de l'apparition de la sonate bi-thématique. Effectivement, c'est vers 1720-1730 que Jean-Sébastien Bach nomme symphonie de grandes suites d'orchestre; c'est entre 1725 et 1746 que le Suédois Jean Agrell écrit et publie les premières symphonies qui répondent à la définition précédente; il est suivi de près par Telemann, qui, vers 1730, publie une oeuvre comprenant de courtes symphonies destinées à être jouées pendant les repas. Enfin, en 1734, à Milan, G.-B. Sammartini écrit la première symphonie connue qui présente quelque ampleur, et qui soit écrite « à grand orchestre » ce musicien milanais, qui vécut de 1704 jusque vers 1774, est l'un des plus importants symphonistes, car un musicologue italien, F. Torrefranca, a pu retrouver et étudier de lui soixante-douze symphonies; le style, le plan, l'intérêt artistique de ces oeuvres décèlent un grand musicien et fixent pour longtemps la forme, sinon l'ampleur, de ce que l'on nommera désormais symphonie. Le style symphonique embrasse dès lors : le plan du premier morceau (sur un, ou sur deux, ou sur plusieurs thèmes, en forme d'ouverture, ou de sonate, etc.), l'ordre des morceaux (au nombre de trois, puis de quatre : allegro initial, mouvemement, et troisième morceau en forme de menuet, ou de rondo, ou d'allegro, puis quatrième morceau succédant au menuet); la disposition orchestrale (parties instrumentales traitées dans le sens orchestral, non dans celui du solo ou du concerto); nuances d'exécution (idem). Tout cela se trouve hors de Mannheim, où les musicologues allemands modernes ont entendu placer le berceau de la symphonie à orchestre, et avant Mannheim, car c'est seulement de 1741 à 1757 que le compositeur tchèque Jean Stamitz, qui y dirigeait la musique de la chambre de l'Électeur palatin introduisit de telles symphonies dans son orchestre. Il est l'auteur de vingt à trente symphonies qui obtinrent de brillants succès, grâce à leur élégance facile. Et c'est par lui que la France musicale est mise au courant de la nouvelle forme : car, venu à Paris en 1754 et 1755, il se fait entendre au Concert Spirituel, où l'on exécute de ses symphonies. Ainsi, Jean Stamitz est l'initiateur de Gossec, le premier maître français qui écrivit des symphonies, lorsqu'il fut nommé en 1757, chef d'orchestre des concerts de La Popelinière, bien que les uns affirment qu'il en ait déjà écrit en 1752, ou, disent d'autres, en 1754. Gossec ne cessa de cultiver cette forme, et, bien que les progrès ultérieurs de la symphonie aient fait oublier ce compositeur, il n'en est pas moins un maître qui mérite le plus grand respect et la plus grande attention. Sans doute, les symphonies de Gossec ont vieilli et ne peuvent être mises en parallèle avec les chefs-d'oeuvre coulés plus tard dans le même moule par ses successeurs, mais leur lecture offre encore au musicien des beautés du plus haut intérêt, et son orchestre; très varié, est, dans ses principales oeuvres, celui de Haydn et de Mozart. Dans sa 21e Symphonie, en ré, souvent citée, il emploie, avec le quintette à cordes, flûte, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors, 2 trompettes, timbales. D'ailleurs, dès 1756, Gossec avait introduit deux parties de clarinette dans son orchestre, et l'une des symphonies de Stamitz, jouée l'année précédente à Paris, lui en donnait le modèle, ainsi que celui de l'emploi des cors; c'est même Stamitz qui avait conseillé à La Popelinière d'adopter des cors dans ses concerts. Haydn, Mozart
et Beethoven.
Les premières symphonies de Haydn ne diffèrent guère en effet des essais de ses contemporains. Les proportions en sont les mêmes ; l'orchestre, très simple encore et ne comprenant en plus du quatuor que deux hautbois et deux cors, est tout à fait analogue. Sammartini, lequel vers le même temps écrivit un grand nombre de symphonies qui eurent beaucoup de succès, fut probablement le modèle dont il s'inspira directement. Du moins la lecture des symphonies de ce maitre, dont quelques-unes se trouvent au Conservatoire, dénote-t-elle impérieusement cette filiation, et la conjecture est encore fortifiée par ce fait que le prince N. Esterhàzy, dont Haydn dirigeait la chapelle, goûtait particulièrement les oeuvres du symphoniste italien. Plus tard, il est vrai, avec les ouvrages de sa maturité, l'originalité de Haydn se dégage nettement. Il abandonne les rythmes de danse; il augmente les développements et les proportions; les épisodes deviennent plus travaillés, les combinaisons harmoniques plus recherchées, l'instrumentation, toujours simple, plus variée et plus ingénieuse. Il arrête définitivement le plan des quatre morceaux, que l'on a déjà vu s'esquisser plus haut et qui, à quelques variantes près, définira désormais la composition d'une symphonie. 1° un allegro, d'un mouvement plus ou moins rapide, et divisé en deux sections dont la première se reprend ; le compositeur y développe toute sa science, au moyen de modulations, d'imitations, de canons et de fugues;Pour ce qui regarde le côté véritablement expressif, il faut avouer que la majeure partie des symphonies de Haydn ne s'élèvent pas très haut. Si la perfection de la forme rend ces ouvrages intéressants et les fera vivre toujours, l'auteur ne semble pas y afficher d'autre ambition que de récréer les auditeurs par un concours de sons agréablement combinés entre eux pour flatter l'oreille. Cette musique n'est le plus souvent qu'un simple divertissement, une collection d'arabesques sonores, fort élégantes mais sans signification. Il faudra que le maître ait entendu, vers la fin de sa carrière, les grandes symphonies de Mozart [les premières qui soient vraiment expressives et pathétiques], pour chercher à augmenter la portée des siennes. Et de fait; dans plusieurs de ses dernières symphonies, de plus grandes proportions d'ailleurs et d'orchestration plus nourrie, il a atteint une vigneur qu'il n'avait pas soupçonnée auparavant, une certaine profondeur même, pourrait-on dire, si le mot convenait à un esprit aussi lucide et aussi peu complexe que le sien. A la suite de Haydn, Mozart et Beethoven traiteront l'adagio, soit en forme d'air varié, soit en cantabile simple comme lui, ils écriront le finale sur le plan du premier morceau ou bien encore en rondeau. Seul Beethoven remplacera le menuet, conservé par Mozart, par le scherzo plus rapide dont la création lui appartient en propre. La symphonie de Haydn et de Mozart sert de modèle aux premières symphonie de Beethoven. Sa VIe symphonie (Pastorale) est une merveille de musique descriptive en même temps que de technique; la IXe Symphonie brise les moules et rompt avec les formes consacrées : le maître inaugure en même temps la symphonie avec choeurs. On sait que Beethoven avait esquissé une Xe symphonie où les mêmes caractères, plus variés encore, eussent été conservés. Après Beethoven.
L'école française apparaît la première en cet ordre, à la fois dans l'oeuvre symphonique ou dans la symphonie proprement dite : c'est encore, comme pour la sonate, la lignée de César Franck qui l'emporte, César Franck qui n'a laissé qu'une seule symphonie mais qui est un chef-d'oeuvre. Il y a toutefois à citer les symphonies de Saint-Saëns, celles de Th. Dubois, de Félicien David, les symphonies, avec orgue de Widor, puis celles de Chausson (vers 1890), Paul Dukas, les admirables compositions de V. d'Indy, les symphonies de Magnard, de Guy-Ropartz, etc. Ajoutons que la très ancienne acception vocale du mot symphonie a été remise en vigueur en 1912 par un compositeur anglais, Granville Bantock, qui a intitulé sa partition d'Atalanle : «-symphonie chorale pour choeur sans accompagnement, en quatre mouvements ». L'oeuvre, écrite
sur un poème tiré des 4 odes de Swinburne
dans sa tragédie de ce nom, est divisée comme une symphonie
instrumentale : le premier morceau, pour voix d'hommes seules, se développe
comme un allegro de symphonie; le 2e
pour choeur mixte, correspond au mouvement lent; le 3e,
pour voix de femmes seules, est une sorte d'intermezzo court et léger;
le 4e, ou finale, dans lequel tout le choeur
est employé, est le plus développé des quatre. Atalante
a été chantée pour la première fois le 25 janvier
1912, à Londres. La partition est nominalement à 20 voix,
en réalité à 8 voix. L'exécution en est très
difficile. En France, A. Chapuis a pareillement intitulé
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