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La féodalité / le droit > Le droit féodal |
Le fief |
On nommait fief, dans l'ancien droit français, du XIe au XVIIIe siècle, un mode spécial de tenure qui s'appliquait non seulement à la terre, mais à toutes sortes de biens, corporels ou incorporels, et qui fut l'institution la plus caractéristique de la société féodale. Les jurisconsultes du XVIIIe siècle définissaient le fief comme « une concession faite à charge de fidélité et de service noble, avec réserve d'un droit de seigneurie ». Il s'en faut de beaucoup que cette définition, exacte pour les derniers siècles de l'Ancien régime, le soit aussi pour les premiers temps de la féodalité. Comme les autres institutions de cette époque, la tenure féodale a accompli une évolution pendant laquelle son caractère primitif (et par conséquent le sens du mot par lequel on la désignait) s'est plusieurs fois modifié. Un seul caractère a constamment persisté : le fief a toujours été une tenure par concession, grevée de services, c.-à-d. le contraire de la propriété libre, de l'alleu. Mais, si l'on veut préciser davantage, si l'on veut déterminer quels étaient les biens susceptibles d'inféodation, de quelle nature étaient les services dus, quelles personnes pouvaient tenir un fief, quels droits leur appartenaient, il faut établir des distinctions suivant les époques; car, à ces divers égards, les usages du XIe siècle n'étaient pas conformes aux coutumes du XIIIe siècle, ni celles-ci au droit du XVIIIe. Dans l'étude de cette institution, on distinguera donc trois états successifs, correspondant à trois grandes périodes dont l'une embrasse le XIe et le XIIe siècles, la seconde le XIIIe et le XIVe siècles, la troisième les siècles suivants Jusqu'à la fin de l'Ancien régime. Avant d'aborder cette étude historique, il convient de faire deux remarques la première, c'est que, dans les développements qui vont suivre, on n'envisagera que les caractères juridiques de l'institution; ses origines sociales et sa fonction politique ont déjà été exposées à l'article féodalité. La seconde, c'est que le fief n'était pas une institution spéciale à la France, mais commune à toute l'Europe du Moyen âge, qui a même existé sous des noms divers à d'autres époques et chez d'autres peuples et qui se retrouve encore dans quelques régions de l'Afrique, et quelques îles de l'Océanie. Première période : XIe - XIIe sièclesLe mot fief vient du gothique faihu, par l'intermédiaire des formes latines feus, fevus, fevodus, feodus, feudus, et des formes romanes feu, fieu, fiet, fiez (d'où le verbe fever, fiéver, fieffer, c.-à-d. gratifier d'un fief). Le mot faihu signifiait primitivement bétail (cf. l'allemand moderne : Vieh); puis, par une association d'idées analogue à celle qui fit dériver en latin pecunia de pecus, il prit le sens plus général d'objet échangeable et appréciable en argent, de bien mobilier, enfin d'immeuble : feus et feodus signifient souvent, dans les chartes du IXe siècle, revenu payé en nature, cens ou redevance fixe représentant un bien-fonds, et par suite ce bien-fonds lui-même. Au Xe et au XIIe siècle, ces mots étaient synonymes de terra censalis, censuale, et désignaient vulgairement toute terre et tout office concédés à charge de cens ou de prestation corporelle; puis, vers la fin du XIe siècle, par un emprunt au parler vernaculaire, ils furent également appliqués aux concessions de terres et de droits lucratifs que le senior faisait à ses compagnons d'armes ou à ses vassi, et que l'on désignait jusqu'alors sous le nom de beneficia ou d'honores (acte de 1087 beneficium, quod vulgo dicitur feodum).Dès lors, sous ses diverses formes latines ou françaises, le mot fief devint, de préférence à tout autre, le terme habituel et général par lequel on désigna toute concession faite à charge de service, quel que fût l'objet concédé et quelle que fût la nature du service. On étendit le même nom à la chose qui était l'objet de la concession, et l'on appela fievé, fieffé ou feudataire (fevatus, feodatarius) quiconque recevait une de ces concessions. Ainsi on donnait en fief non seulement des terres ou des maisons, mais des serfs, des revenus fonciers (cens ou prestation en nature), des profits de justice, des péages, des dîmes ecclésiastiques, des pensions en argent (feoda nummorum, de camera), des offices de toutes sortes, depuis les fonctions d'ordre administratif ou judiciaire (feoda servientis, majoratus, advocacie), jusqu'aux métiers manuels de charpentier, de boulanger, de meunier, de cuisinier (feoda carpentarii, pistoris, molendinarii, de coquina). Les services stipulés en retour de la concession variaient aussi à l'infini; tantôt ils étaient de l'ordre le plus élevé et consistaient en une assistance personnelle due au concédant pour la défense de sa personne et de ses biens ou pour l'exercice de ses droits souverains (service militaire, service judiciaire, aides loyaux); tantôt ils consistaient uniquement à remplir au profit du concédant une fonction ou un office déterminé, à être son intendant, son prévôt, son sergent, son chapelain, son charpentier ou son cuisinier; tantôt enfin ils se réduisaient à des redevances périodiques en argent ou en nature (census) ou à des services corporels (corporis operae). De même que tout service pouvait être la charge d'un fief, de même toute personne, quel que fût son rang dans la société, pouvait recevoir une de ces concessions : on voit, au Xe et au XIe siècle, des fiefs tenus non seulement par des nobles, soldats, propriétaires ou gens d'Eglise, mais par des paysans libres, par des artisans de tout métier et même par des serfs. En somme, à cette époque, le fief n'avait pas, comme il l'eut plus tard, un caractère essentiellement noble; il y avait beaucoup de fiefs roturiers et même serviles. Au point de vue de la propriété foncière, on donnait d'une manière générale le nom de fief à toutes les tenures par concession, non seulement à celles lui avaient pour contre-partie les obligations de la vassalité, mais aussi à celles qui n'avaient pour objet que la mise en valeur des terres, c.-à-d. que l'on désignait précédemment sous le nom de précaires et que l'on nommera plus tard vilenages, rotures, censives, etc. Les seules terres auxquelles ne convenait pas cette dénomination étaient les terres libres de toute charge (alodium, alleu) et les terres que le maître s'était réservées en propre dans son domaine (dominicum). Si tout fief était un bien concédé à charge de services, on aurait tort d'en conclure que dans toute constitution de fief le concédant fit réellement abandon d'une de ses terres ou d'un de ses droits. Souvent la concession était fictive, et la terre qu'un homme recevait en fief n'était autre que celle dont il avait été jusqu'alors le libre propriétaire, mais dont il avait dû, sous la pression de la violence on par besoin de protection, abandonner la pleine propriété à un homme plus puissant que lui. Toutefois, dans un cas comme dans l'autre, qu'il y eût don véritable ou simple changement du titre auquel le bien était possédé, l'acte juridique d'où procédait le fief était le même; c'était toujours un accord de volontés, un contrat, tantôt libre, tantôt imposé, entre deux personnes dont l'une faisait la concession et dont l'autre promettait les services stipulés. Les caractères essentiels de ce contrat étaient empruntés aux concessions foncières qui portaient, à l'époque franque, le nom de bénéfices et de précaires. On sait comment, au IXe siècle, le bénéfice s'était transformé, par sa combinaison avec le lien de vassalité, en un véritable contrat synallagmatique, comment le don fait par le senior d'une terre ou de droits pécuniaires était devenu la contrepartie habituelle de l'engagement par lequel le vassus promettait sa fidélité et ses services. De même dans la plupart des précaires et des autres contrats d'exploitation agricole qui datent de la même époque, le précariste n'entrait en jouissance de la terre concédée qu'après s'être lié par un engagement personnel plus ou moins étroit (oblatio, commendatio) envers l'Eglise ou le propriétaire laïque à qui cette terre appartenait. Or, ce double élément, - concession réelle, engagement personnel, - qui intervenait habituellement à la fin de l'époque carolingienne dans toute constitution de bénéfice ou de précaire, fut l'essence même du contrat de fief. Ce contrat, tel qu'il apparaît dans les documents privés et dans les textes juridiques qui se rapportent au Xe et au XIe siècle, se réalisait au moyen de deux actes distincts. 1° L'engagement personnel que l'un des contractants prenait envers l'autre de se fier à lui et de se mettre en sa dépendance, de le reconnaître pour son seigneur ou son suzerain (senior, superanus) et d'être son homme ou son vassal (homo, vassallus). Cet engagement portait alors indifféremment le nom de foi (fides, fidelitas) ou celui d'hommage (hominium), car la distinction précise que l'on fit, au XIIIe siècle, entre ces deux termes, n'existait pas dans les premiers temps de la féodalité. Il se contractait sous une forme solennelle, qui rappelait l'acte par lequel le vassus carolingien se recommandait à son senior, et qui était l'application de la forme juridique la plus généralement employée pour créer des obligations (fides facta, fidei datio). Le vassal mettait ses mains entre celles de son seigneur et s'engageait par ces mots ou par une formule équivalente : « Sire, je deviens vostre home de tel fié, et vous promets féauté et loiauté de ce jour en avant... »Le seigneur l'embrassait en signe de paix et déclarait le recevoir pour son homme. On devait faire hommage en cette forme solennelle avant toute concession de fief, même lorsque, par suite d'engagements antérieurs, on était déjà le vassal du seigneur qui faisait la concession. On le devait, même quand les fiefs étaient des terres cultivables ou des offices inférieurs concédés sous l'obligation de payer un cens ou d'acquitter des services domestiques, car on voit souvent, dans les textes du XIe siècle, des tenanciers et des agents subalternes engager leur foi au seigneur dont ils tenaient leur fief et recevoir le nom de fideles. Ces deux actes étaient également essentiels à la formation du contrat de fief, puisque la foi était la condition nécessaire et préalable de l'investiture; mais, pris en eux-mêmes, ils étaient de nature très diverse et avaient, dans le contrat, chacun une fonction différente. L'engagement personnel, la foi prêtée par le vassal et acceptée par le seigneur, n'était que l'application particulière d'un fait général, plus large que l'inféodation, auquel se ramenaient toutes les manifestations de la vie sociale : l'association privée, la relation d'homme à homme qui, dans l'effondrement de la monarchie carolingienne, s'était partout substituée aux relations publiques des particuliers avec l'Etat. C'est par la foi jurée que s'établissent tous les liens de protection et de subordination réciproque qui unissent alors le chef de clan, propriétaire et guerrier, aux parents, compagnons et serviteurs qui composent sa « maisnie », aux étrangers qui ont associé leur fortune à la sienne, aux vassaux, tenanciers, artisans et serfs qui dépendent de lui à un titre quelconque. Sans doute, à cette époque de violence et d'anarchie où la foi jurée était souvent violée quand elle n'avait pas l'appui de la force, celui qui s'engageait demandait une garantie matérielle, et la concession d'un fief était le plus souvent la condition mise à l'engagement vassalique. Mais on pouvait aussi être l'homme, le fidèle d'un seigneur sans être son feudataire, sans avoir reçu de lui une terre, un office ou un bien quelconque; c'était le cas de beaucoup de gens nés dans sa maison ou sur ses terres, d'étrangers soumis à son autorité par un assujettissement volontaire ou par une contrainte imposée. Or quand elle était prêtée dans le contrat de fief, la foi produisait le même effet que lorsqu'elle était prêtée en dehors de toute concession féodale; elle liait l'homme à l'homme, et c'est d'elle que dérivaient pour le vassal les devoirs de fidélité et d'assistance, pour le seigneur les devoirs de loyauté et de protection qui constituaient, comme on le verra, les obligations primordiales du contrat de fief. Cette fidélité jurée entre deux personnes était si bien l'élément juridique sur lequel reposait tout le contrat, que, lorsqu'elle prenait fin par la mort de l'une d'elles, le contrat était rompu de plein droit; et pour que la concession féodale subsistât, il fallait qu'un nouvel hommage rétablit le lien de fidélité entre les nouveaux contractants. Quant à l'investiture du fief, ce n'était pas, comme la tradition dans le contrat de vente, la simple exécution d'une convention antérieure; elle introduisait dans le contrat un élément nouveau qui le distinguait profondément du vasselage personnel (commendatio). Si elle ne créait pas les devoirs du vassal, elle leur donnait un caractère plus précis et plus étroit; car la nature et l'importance du fief concédé, les clauses et stipulations qui accompagnaient l'investiture déterminaient la qualité et l'étendue des services que le seigneur pouvait requérir. D'autre part, le fief concédé était la garantie matérielle qui assurait au vassal la protection que le seigneur lui avait promise, au seigneur l'exécution des engagements que le vassal avait pris envers lui. En somme, l'inféodation était un contrat d'un genre particulier, à certains égards consensuel, à d'autres réel; les parties étaient attachées l'une à l'autre par un double lien, l'un qui venait de la fidélité jurée, l'autre qui venait de la chose inféodée; et ce double lien se traduisait dans le langage par les deux qualifications que l'on donnait à quiconque avait reçu un fief : celle de vassal exprimant la relation personnelle, celle de feudataire exprimant la relation réelle qui l'unissait à son seigneur. Le contrat de fief avait pour effet de conférer des droits et d'imposer des obligations à chacune des parties contractantes. Les droits que le vassal acquérait étaient : 1° le droit de recourir en toute circonstance, pour lui-même, pour sa famille, ses gens et ses biens, à la protection de son seigneur, soit en faisant appel à sa cour de justice, soit en réclamant son intervention armée; 2° des droits lucratifs sur le fief concédé, c.-à-d. quand il s'agissait d'un office, le droit exclusif de l'exercer et d'en percevoir les profits; quand il s'agissait d'une terre, le droit de l'occuper, de jouir de tous les revenus, à l'exception de ceux que le seigneur s'était expressément réservés. Le pouvoir qu'il acquérait ainsi sur le bien inféodé n'était pas un droit de pleine propriété, car il n'avait pas la libre disposition de ce bien sur lequel le seigneur gardait, comme on le verra, un droit supérieur. Ce n'était pas non plus un droit de possession au sens romain du mot (car il manquait l'animus domini); c'était un droit mixte, que les textes appelaient vestitura, qui se rapprochait en droit de la détention précaire du fermier ou de l'usufruitier, mais qui souvent comportait en fait des avantages beaucoup plus étendus. Les obligations du vassal étaient : 1° des devoirs de fidélité, dont la formule la plus complète a été donnée dans une lettre célèbre adressée, en 1020, au duc d'Aquitaine par Fulbert, évêque de Chartres : ne porter aucune atteinte ni à sa personne, ni à sa demeure, ni à ses domaines, ni à ses prérogatives seigneuriales, ni à sa liberté d'action; l'assister à toute réquisition par conseil ou par acte (consilium et auxilium);Les droits qui appartenaient au seigneur en vertu du contrat de fief étaient corrélatifs aux obligations du vassal et consistaient à requérir les services promis dans la mesure et aux époques fixées par la convention ou par l'usage. Si le vassal négligeait ou refusait de s'acquitter de ses diverses obligations, le seigneur avait pour le contraindre une énergique sanction c'était la saisie temporaire du fief, qu'il occupait et dont il s'attribuait les revenus jusqu'à ce qu'il eût obtenu satisfaction. Les devoirs du seigneur étaient d'assister le vassal par acte et conseil en toute circonstance importante (non seulement en cas d'attaque ou de danger, mais quand il voulait céder ses biens, en acquérir d'autres, se marier, entreprendre un voyage, etc.), de ne nuire en aucune façon à sa personne ni à ses biens, de lui garantir, tant que les devoirs féodaux étaient remplis, la jouissance paisible et complète du fief qu'il lui avait concédé, et de se charger après sa mort de la garde et de l'éducation de ses enfants. Le contrat de fief prenait fin dans deux circonstances : 1° par défi (defedatio), c.-à-d. par rupture de la foi jurée; quand le vassal commettait un acte de félonie envers son seigneur (comme de l'abandonner en temps de guerre, de prendre les armes contre lui, de le frapper ou d'attenter à son honneur) ou réciproquement quand le seigneur se rendait coupable d'une pareille félonie envers son vassal, le lien qui les unissait était brisé par une déclaration formelle, par une sorte d'abjuration accompagnée d'actes symboliques (exfestucatio, rupture du fétu); la conséquence était, d'une part, que le vassal se trouvait libéré de tout devoir et de tout service, d'autre part, que le seigneur faisait prononcer par sa cour une sentence en vertu de laquelle il reprenait le fief concédé et confisquait même, à titre de peine, l'alleu que pouvait posséder son ancien vassal; Deuxième période : XIIIe - XIVe sièclesAu commencement du XIIIe siècle, le fief subit deux principales transformations.1° Une distinction s'établit parmi les tenures par concession, qui jusque-là étaient toutes comprises sous la dénomination générale du fief : celles qui n'etaient grevées que de services roturiers ou de redevances pécuniaires prirent, dans quelques régions dès le XIIe siècle, et généralement à partir du XIIe, le nom de rotures, vitenages ou censives; celles qui étaient grevées de services nobles, c.-à-d. du service militaire, du service de cour, de fonctions réputées honorables, gardèrent seules le nom de fiefs. A part quelques règles qui restèrent communes à ces deux catégories de tenures, la coutume établit entre les unes et les autres de profondes différences, dont la principale était que la tenure roturière ne comportait ni foi ni hommage, tandis que la prestation d'hommage devint le signe distinctif du fief. Les causes qui amenèrent cette première transformation sont assez obscures. On peut cependant remarquer que, dans les fiefs concédés à des paysans, à des artisans, à des agents inférieurs, « la foi engagée ne venait qu'en sous-ordre ». La raison principale qui avait déterminé le seigneur à faire la concession n'était pas de s'assurer la fidélité personnelle du tenancier, mais de mettre en valeur ses terres, de se procurer les revenus ou les services dont il avait besoin pour l'entretien de sa maison et l'exploitation de ses domaines. « Le tenancier, de son côté, recherchait avant tout la terre qui le nourrissait, le toit qui abritait sa famille, la part de revenu que le seigneur lui abandonnait et qui l'aidait à vivre. De part et d'autre, des avantages matériels définis étaient la base fondamentale de la relation nouée entre le tenancier et le seigneur et reléguaient au second plan le lien personnel. »D'ailleurs, à mesure que la société féodale s'organisait, la seigneurie prenait un caractère nettement territorial, et pour avoir autorité sur les roturiers qui habitaient leurs terres, les seigneurs fonciers n'avaient plus besoin d'invoquer la foi jurée, l'hommage personnel; il suffisait que ces hommes fussent « levants et couchants » sur leurs terres pour se trouver, jusqu'à preuve contraire, soumis à leur pouvoir. On en vint ainsi à supprimer dans ces concessions roturières tout ce qui impliquait un lien personnel, notamment l'hommage, à réduire le contrat à des prestations réelles et à des stipulations pécuniaires qui lui donnaient un caractère assez différent de son caractère primitif pour justifier une dénomination nouvelle. Toutefois, il importe de remarquer que les fiefs roturiers ne disparurent pas entièrement. Dans quelques régions de la France, notamment en Languedoc, en Bretagne et en Normandie, le mot fief conserva son ancienne acception, et la censive resta inconnue. Même dans le Parisis et la région environnante, on donnait encore à la fin du XIIIe siècle le nom de fiefs vilains à des concessions roturières (V. les Constitutions démenées et Châtelet de Paris, § 65). Aussi pour éviter tout équivoque, quand on voulait parler d'une concession noble, ajoutait-on souvent au mot fief une épithète qui indiquait cette qualité (franc-fief, fief noble). 2° Tout en gardant d'une manière à peu près exclusive le nom de fiefs, les concessions faites à charge d'hommage et de service noble perdirent aussi quelque chose de leur caractère primitif. Sans disparaître entièrement comme dans les concessions roturières, le lien personnel s'atténua sensiblement, et le lien réel prit une importance qui en fit l'élément principal du contrat de fief. Trois circonstances paraissent avoir, plus que toute autre cause, influé sur cette transformation. La première est la coutume universellement établie au XIIeesiècle, en vertu de laquelle tout fief fut considéré comme héréditaire. Sans doute le renouvellement de l'hommage, le payement du droit de relief, rappelaient le lien personnel qu'il fallait renouer; mais on s'habitua à y voir surtout une forme traditionnelle et une exigence fiscale; au fond, c'était le fief lui-même qui, dans la famille du vassal originaire, perpétuait vraiment le contrat et assurait au suzerain la foi et les services du nouveau vassal. La seconde cause fut l'influence considérable exercée par l'Eglise comme propriétaire foncier. Les monastères, les évêchés et les chapitres avaient des vassaux et se trouvaient eux-mêmes soumis, comme détenteurs de fiefs, aux obligatons de la vassalité. Or, entre ces communautés et leurs vassaux ou leurs suzerains, le lien personnel ne pouvait être vivace; les rapports féodaux n'étaient pas fondés sur cette fidélité d'homme à homme qui impliquait un dévouement absolu et des services spontanés, mais sur des stipulations écrites et précises empruntées aux anciennes conventions de précaire. Dans les contrats de fief où un établissement ecclésiastique intervenait comme suzerain ou comme vassal, l'acte essentiel n'était pas la prestation de foi, mais la promesse formelle d'un service déterminé, garantie par des clauses résolutoires. Il faut, en troisième lieu, tenir compte de la multiplication et de la complication des liens féodaux, qui se produisit pendant le cours du XIIe siècle, principalement dans les grands fiefs où le suzerain cherchait, pour mieux asseoir son autorité, à établir un lien direct entre lui et ses arrière-vassaux. Il arrivait souvent qu'un vassal avait plusieurs seigneurs ; la foi due à chacun d'eux était, par là même, moins sûre et moins complète. D'autre part, les guerres régionales, les expéditions lointaines exigeaient une plus forte levée de combattants et de deniers. L'essentiel pour le haut baron n'était donc plus de s'assurer le dévouement personnel du vassal, mais d'avoir un nombre de soldats et un chiffre de revenus proportionnés à l'importance du fief concédé. De ces causes diverses il résulta que dès le commencement du XIIIe siècle, dans le plus grand nombre des contrats de fief, au service personnel illimité qui procédait de la foi, se substituèrent d'une manière exclusive les charges réelles et les obligations fixes qui correspondaient au bien concédé. L'engagement d'homme à homme n'eut plus qu'un caractère abstrait et une valeur de pure forme. Les droits et les devoirs réciproques du vassal et du seigneur furent rattachés à la concession réelle. Le service militaire du vassal, son service de cour, les aides dont il était tenu, l'office dont il était investi, réglementés par des clauses expresses ou par la coutume locale, toujours proportionnés à l'importance du fief, apparurent comme des charges foncières, au même titre que les droits d'investiture, de relief, de gîte et de procuration. Désormais, en droit comme en fait, ce fut le fief lui-même qui devint la base du contrat féodal et le lien véritable entre le vassal et son suzerain. Ces observations générales expliquent la plupart des modifications qui s'introduisirent du XIIe au XIIIe siècle dans le droit des fiefs. On sait que par cette dernière expression il faut entendre, non pas un corps de droit précis et complet (comme les Libri feudorum qui formaient alors la coutume écrite de l'Italie du Nord), mais un ensemble d'usages généraux que la jurisprudence des cours féodales, quelques règlements royaux ou seigneuriaux, les compilations et les traités de plusieurs légistes (Conseil de Pierre de Fontaine, Etablissements dits de saint Louis, Coutumes de Beauvoisis, par Ph. de Beaumanoir, etc.), avaient fait prévaloir dans la pratique et dont l'application doit être présumée toutes les fois qu'on n'a pas la preuve d'un usage ou d'une stipulation contraire. La distinction fondamentale qui excluait de la catégorie des fiefs toute concession à charge de services roturiers eut pour effet de restreindre le nombre des personnes capables de posséder une tenure féodale. Les fiefs impliquant désormais un service noble ne pouvaient plus, en principe, être tenus que par des gentilshommes ou par des dignitaires ecclésiastiques et des seigneuries municipales jouissant des mêmes privilèges que la noblesse. Conformément à ce principe, une ordonnance royale du xme siècle, dont parle Beaumanoir, mais dont on ne connaît ni la date ni le texte, défendit expressément aux roturiers de tenir fief dans le domaine de la couronne. Toutefois la royauté, intéressée à favoriser le mouvement qui relevait de plus en plus depuis le XIIe siècle la condition sociale de la bourgeoisie, effaça presque entièrement cette prohibition par les ordonnances de 1273 et 1275, plusieurs fois renouvelées au XIVe siècle. Les non-nobles furent autorisés à détenir les fiefs qui leur advenaient soit par succession, soit par mariage, ou qu'ils avaient achetés depuis plus de vingt ans; quant à ceux qui ne rentraient pas dans l'une de ces trois catégories, ils ne purent les conserver qu'à la condition de les desservir convenablement (ad servitium competens) ou de payer à leur suzerain une indemnité qu'on appela plus tard droit de franc-fief. Les églises et les abbayes restèrent en principe capables de tenir des fiefs, à la condition de fournir au suzerain un vicaire (avoué ou vidame), c.-à-d. un chevalier qui acquittait en leur lieu et place les obligations vassaliques, et de payer en outre un droit d'amortissement pour indemniser le suzerain de la perte des droits de mutation dont il se privait en acceptant un vassal qui n'aliénait ni ne mourait (cf. ordon. de 1275). La persistance de l'élément personnel dans le contrat de fief était marquée par le maintien de l'hommage, qui se prêtait dans la même forme que précédemment, « de bouche et de mains (osculo et dextra) ». Mais comme si cet engagement personnel n'avait plus par lui-même une force suffisante, on y ajouta dans le courant du XIIe siècle (sans doute par imitation des contrats formés en cour d'Eglise) un serment de fidélité que le vassal prononçait, après l'hommage, en posant la main sur l'évangile ou sur des reliques : c'est ce qu'on appelait la foi. Les anciens feudistes distinguaient soigneusement ces deux actes. L'hommage était exclusivement propre au contrat féodal; c'était, par excellence, l'acte de vassalité, celui qui exprimait solennellement la dépendance de l'homme et la subordination de sa terre à l'égard de la personne et de la terre du suzerain. La foi avait un caractère moins spécial; ce n'était plus, comme l'ancienne fiance (fides, fiducia), l'engagement individuel, l'association privée et presque familiale de deux hommes dont l'un se mettait sous la protection de l'autre : c'était, d'une manière générale, l'acte solennel par lequel on promettait, sous la garantie religieuse du serment, d'observer les devoirs auxquels on était soumis. Mais ces devoirs pouvaient être tantôt les devoirs étroits du vassal, tantôt les devoirs plus larges du sujet. Dans le contrat de fief, la foi s'appliquait aux obligations féodales résultant de l'hommage; mais, en dehors de ce contrat, elle s'appliquait aussi aux obligations générales dont tout sujet, avant les temps féodaux, était tenu envers le pouvoir central, et que chaque seigneur dans ses domaines, les rois capétiens dans toute l'étendue du royaume, s'efforçaient d'imposer à ceux qui n'étaient point leurs vassaux : dignitaires ecclésiastiques, propriétaires d'alleux, bourgeois et vilains. En outre, l'hommage était caractéristique de la personne noble comme de sa terre noble : c'est pourquoi les roturiers qui possédaient des fiefs n'étaient pas admis, bien que vassaux, à prêter l'hommage et se bornaient à jurer fidélité à leur suzerain. L'hommage et foi était dû par le vassal en personne (sauf le mineur et la femme mariée qui étaient représentés l'un par son baillistre, l'autre par son mari); il était exigible, non seulement quand le fief était concédé, mais toutes les fois qu'il y avait un changement (par suite d'aliénation ou de transmission héréditaire) dans la personne du seigneur ou dans celle du vassal. Ce qui se manifeste surtout dans les règles nouvelles auxquelles se trouva soumis le contrat de fief dans l'usage général du XIIIe et du XIVe siècle, c'est la prédominance de l'élément réel. Les formalités de la concession, le droit appartenant au vassal sur le bien concédé, le soin avec lequel sont déterminés les services de guerre et de justice ainsi que les prestations pécuniaires, les voies de procédure qui ont pour objet d'en assurer l'exécution, tout concourt à montrer que, pour le seigneur comme pour le vassal, ce qui a désormais le plus d'importance ce n'est pas le bien personnel, ce sont les droits utiles que le fief confère à l'un, les services et les profits qu'il garantit à l'autre. 1° Tradition du fief.Après avoir déterminé quel était d'une manière générale le caractère du fief pendant la seconde période féodale, il reste à indiquer brièvement les principales espèces de fiefs dont il est fait mention dans les actes privés et les coutumes de cette période. On laissera de côté les nombreuses distinctions et sous-distinctions, plus théoriques que pratiques, qu'y ont mêlé les feudistes des XIVe et XVIe siècles. La division capitale à établir est celle des fiefs avec seigneurie et des fiefs sans seigneurie, les premiers étant beaucoup moins nombreux que les seconds. Le vassal à qui était conféré un fief avec seigneurie acquérait, indépendamment des droits réels sur la terre concédée, qui dérivaient du contrat de fief, des pouvoirs administratifs, judiciaires et financiers plus ou moins étendus sur les habitants de cette terre; outre ses droits fonciers, il avait des droits seigneuriaux, dont les principaux et les plus lucratifs étaient les droits de justice et les droits fiscaux en argent ou en nature. Au contraire, le tenancier noble, qui n'était pas seigneur, n'avait dans son fief aucun pouvoir administratif, judiciaire ou financier; ces pouvoirs restaient aux mains de son suzerain. C'est en ce sens qu'il faut entendre la célèbre maxime de Loisel : « Fief, ressort et justice n'ont rien de commun ensemble »; La justice n'était pas impliquée par le fief, bien qu'elle y fût souvent réunie. Toutefois, cela n'était vrai que de la justice seigneuriale; il y avait, au Moyen âge, une autre forme de la justice, que les feudistes ont appelée justice féodale ou justice foncière, et qui pouvait appartenir au feudataire, même quand son fief ne comportait aucune seigneurie. Car c'était une règle du droit féodal, dont on a déjà vu l'application dans le service de cour, que tout propriétaire foncier par qui était concédée une tenure immobilière, fief ou censive, retenait par devers lui avec le domaine éminent le droit exclusif de connaître de tous les litiges relatifs à cette tenure; le feudataire, qui sous-inféodait ou baillait à cens une partie de son fief, acquérait donc sur son vassal ou son censitaire une juridiction qui faisait partie de ses droits de suzerain ou de seigneur censier. Les fiefs-seigneuries se subdivisaient en deux grandes catégories, les fiefs simples qui ne comportaient aucune qualification honorifique, et les fiefs de dignité auxquels était attaché un titre nobiliaire, duchés, comtés, vicomtés, baronnies, châtellenies, fiefs de chevalier ou de haubert, fiefs de vavasseur, d'écuyer, de sergent, etc. Les autres distinctions les plus importantes concernaient : 1° l'origine du fief; on appelait fief vrai celui qui provenait de la concession gratuite du seigneur, fief de reprise celui qui consistait dans la soumission d'un alleu à la mouvance d'un seigneur; Troisième période : XVe - XVIIIe sièclesAu XVe siècle, la féodalité ayant perdu tout pouvoir politique était tombée en pleine décadence : il ne subsistait plus, sous ce nom, qu'une classe privilégiée et un état particulier de la propriété foncière. Comme le régime dont il était l'institution la plus caractéristique, le fief subit pendant cette troisième période une dernière transformation qui lui enleva ses traits les plus saillants et rapprocha sensiblement cette tenure des autres formes de la propriété. La cause principale des concessions féodales avait été pendant les siècles précédents de procurer aux seigneurs, au prix d'une terre ou d'une rente en argent, les services de guerre et de justice qui étaient les éléments de leur puissance militaire et administrative. Or l'abolition des guerres privées, l'insuffisance de l'ost pour les expéditions lointaines et de longue durée, la substitution graduelle dans l'armée royale des soldats mercenaires aux chevaliers, avaient peu à peu rendu inutile le service militaire du vassal, partout transformé en redevance pécuniaire. En même temps, le développement des justices royales et les prescriptions formelles de la royauté avaient amené les seigneurs à remplacer dans leurs justices féodales les hommes d'épée par des hommes de loi, plus aptes à comprendre et à appliquer le droit qui se compliquait de jour en jour; d'où la suppression et la conversion en argent du service de justice. Les obligations vassaliques qui avaient le caractère de services publics, ayant ainsi perdu toute raison d'être, il ne resta plus que les obligations d'ordre privé : fidélité personnelle et services pécuniaires. Dès lors, les concessions féodales, qui se distinguaient principalement des tenures roturières par la noblesse des services stipulés, leur ressemblèrent singulièrement, quand les unes comme les autres n'eurent pour effet que de créer des obligations pécuniaires; la seule différence importante qui subsista fut la foi et hommage, toujours caractéristique de la tenure noble.Pendant cette dernière période, les fiefs de création nouvelle furent donc extrêmement rares; et les anciens fiefs qui subsistèrent « par la force des traditions, par l'attachement aux profits pécuniaires qu'on en retirait, par la vanité qu'on éprouvait à se dire le vassal d'un seigneur », furent profondément transformés dans leur nature juridique, comme ils l'étaient déjà dans leur importance sociale. Ce résultat fut l'ouvre d'un long travail doctrinal qui modifia peu à peu la jurisprudence des parlements en matière de fiefs. Les juristes du XVIe siècle (Alciat, Cujas, Dumoulin), appliquant au contrat de fief la législation du Bas-Empire romain, cherchèrent par des raisonnements subtils et des théories plus ingénieuses que fondées, à l'assimiler tantôt aux constitutions de servitudes prédiales (fonds dominant, fonds servant), tantôt à l'emphytéose (domaine direct, domaine utile). D'autres allèrent plus loin et assimilant le fief au bail à rente foncière firent prédominer le droit du vassal sur celui du seigneur. On a vu précédemment que, dès le XIIIe siècle, on reconnaissait à l'un comme à l'autre un droit de propriété sui generis sur le fief concédé, mais que le droit direct du seigneur l'emportait sur le droit utile du vassal; le premier était la véritable propriété, le domaine éminent, le second n'en était qu'un démembrement. Peu à peu, à mesure que le temps consolidait en fait la position du vassal, la doctrine inverse tendit à prévaloir, malgré les résistances des feudistes, tels que d'Argentré, qui représentaient le vieil esprit féodal. Dumoulin soutint que le domaine direct du seigneur n'était pas essentiel ait contrat de fief et que l'on pouvait y renoncer, à la condition de réserver la fidélité. Puis on s'avisa que dans le bail à rente le preneur acquérait la propriété exclusive du fonds sous la réserve du droit réel de rente que se réservait l'aliénateur, et qu'il en pouvait ainsi dans le fief. Enfin, dès la seconde moitié du XVIIe siècle et surtout au XVIIIe, l'opinion commune, vulgarisée par Pothier, fut que le domaine utile du vassal constituait la propriété véritable, et que le domaine direct du seigneur, la directe, comme on disait alors, n'était, en dernière analyse, qu'un droit de servitude réelle. Il se produisit donc peu à peu, dans la doctrine, « comme une expropriation lente du seigneur au profit du vassal ». On sait que la même évolution juridique s'opérait en même temps pour les autres tenures foncières, la censive, l'emphytéose, le droit de superficie. La doctrine des jurisconsultes préparait ainsi lentement, mais à coup sûr, l'oeuvre de la Révolution. Dans ce dernier état du droit féodal, on définissait le fief comme « une concession gratuite, libre et perpétuelle d'une chose immobilière ou réputée telle, avec translation du domaine utile, et réserve de la propriété directe, à charge de fidélité et de prestation de services ». (Pothier, Des Fiefs, n° 7). L'obligation de fidélité était la marque qui distinguait le fief des autres concessions foncières dans lesquelles il y avait aussi réserve de la directe et prestation de services. La forme de l'inféodation était restée solennelle; le vassal se présentait nu-tête, sans épée, tantôt agenouillé, tantôt debout, suivant les coutumes; l'hommage et foi se confondait avec l'investiture dans une « reconnaissance de la tenure en fief ». Outre le droit à la fidélité de son vassal, auquel correspondait le devoir « d'amitié et de protection », le seigneur avait, comme attributs de la directe qu'il s'était réservée : 1° le droit de percevoir les profits du fief, c.-à-d. le relief, évalué à une année de revenu et dû à chaque mutation de vassal, mais seulement par les héritiers, légataires ou donataires en ligne collatérale, et le quint (1/5) du prix perçu en cas de vente, échange, bail à rente foncière;Sous l'obligation de payer les profits et de remplir ses devoirs de fidélité, le possesseur du fief jouissait sur sa tenure de droits fort étendus. Il pouvait l'aliéner, l'hypothéquer, la sous-inféoder, la bailler à cens. Mais il ne pouvait transformer son fief en alleu, ni le démembrer au préjudice et sans le consentement de son seigneur, à moins de retenir par devers lui ou de transférer à l'acquéreur partiel toute la foi et hommage indivisément, de façon à ne pas altérer le rapport féodal. Le possesseur d'un fief, ayant la plupart des droits qui composent la pleine propriété, se considérait en fait comme le propriétaire véritable et légitime de sa tenure. Les restrictions que lui imposait la directe seigneuriale n'apparaissaient plus que comme une servitude gênante et surannée dont sa terre devait être affranchie. Cette libération du sol fut l'oeuvre de la Révolution. Les tenures féodales furent supprimées en France par les lois abolitives de la féodalité que votèrent successivement l'Assemblée constituante, l'Assemblée législative et la Convention. Le décret du 15 mars 1790 abolit, à la fois dans le fief et dans la censive, l'aveu et dénombrement, la saisie, la commise, le retrait et le droit de retenue seigneuriale. Il ne resta plus de la directe féodale que les droits utiles, les profits. Encore ces droits étaient-ils modifiés dans leur caractère : assimilés aux simples rentes et charges foncières, ils ne pouvaient plus être réclamés que par les actions civiles du droit commun et se trouvaient soumis à la même prescription que les immeubles; enfin ils étaient déclarés rachetables moyennant une indemnité (décret du 3 mai 1790). L'Assemblée législative alla plus loin et supprima sans indemnité les droits de mutation qui étaient les seuls profits pécuniaires de l'ancien contrat de fief (décret du 18 juin-16 juillet 1792). Enfin la Convention s'efforça, mais vainement, par le décret du 17 juillet 1793, qui ne reçut qu'une exécution incomplète, de faire disparaître jusqu'à la trace juridique des anciens fiefs, en ordonnant le brûlement des titres et contrats féodaux. (Ch. Mortet). |
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