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Charles VII, le Victorieux, est un roi de France, fils de Charles VI, né à Paris (hôtel Saint-Paul) le 22 février 1403, mort à Mehun-sur-Yèvre, en Berry, le 22 juillet 1461, était le cinquième fils de Charles VI et d'Isabeau de Bavière. Rien ne pouvait faire prévoir les hautes destinées auxquelles il devait être appelé, alors qu'il était simplement comte de Ponthieu. Elevé somptueusement, au milieu d'une cour agitée, il fut fiancé le 18 décembre 1413 à Marie d'Anjou, âgée de neuf ans, fille de Louis Il d'Anjou et de Yolande d'Aragon; dès lors, il vécut beaucoup dans la famille de sa fiancée, en Anjou et en Provence; il épousa Marie en 1422. Devenu duc de Touraine à la mort de son frère Louis, puis dauphin par suite de la mort imprévue et accidentelle de son autre frère Jean (15 juillet 1416), le jeune Charles commença à jouer un rôle politique, et, sans prendre une part active aux affaires du gouvernement, ne cessa de se rendre utile et de se montrer en même temps hostile aux idées de sa mère. Une première campagne qu'il dirigea en Languedoc amena la soumission du pays; son intervention dans le nord de la France contre le duc de Bourgogne n'eut pas d'aussi heureux résultats. L'état de faiblesse du roi Charles VI, la situation critique du royaume rendaient déli cate la mission du dauphin, qui avait pour conseillers Hugues de Noyers, le seigneur de Beauvau, le seigneur de Mailly, Jean Louvet, le connétable d'Armagnac, pour chan celier Robert le Maçon et pour confesseur le célèbre Gérard Machet; citons aussi l'archevêque de Reims, Regnault de Chartres, l'une des lumières du clergé français. Investi de la lieutenance générale dans tout le royaume (6 novembre 1417), il eut à se montrer ferme en face de la sédition rouennaise et dirigea de Paris les affaires diplomatiques jusqu'au jour où il dut fuir la capitale, à l'arrivée des Bourguignons (29 mai 1418); les conférences de La Tombe avaient échoué. Aussitôt le siège nominal du gouvernement est transféré à Bourges; des parlements sont institués à Poitiers et à Toulouse. La résistance s'organise et le dauphin entreprend une double campagne, à l'ouest vers Tours qui lui ouvre ses portes, à l'est contre les Bourguignons. Il prend le titre officiel de régent et entame avec les Parisiens des négociations qui sont subitement interrompues par le meurtre du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, au pont de Montereau (10 septembre 1419). Cet acte de vengeance, encore qu'il n'ait pas été prémédité, mit la France à deux pas de la ruine et créa à son roi de multiples embarras dans la situation la plus grave qui se pût imaginer. De Mehun où il s'est momentanément retiré, le dauphin Charles part pour le Midi où la soumission est complète, où les craintes sont dissipées; mais une nouvelle campagne est arrêtée par deux événements importants, l'attentat du comte de Penthièvre contre le duc de Bretagne et la mort du comte de Vertus. Il faut, à tout prix, chercher des alliés, et, tandis que l'Angleterre en trouve en Allemagne, le dauphin est assez habile pour négocier avec l'Ecosse, avec la Castille, avec le duc de Milan des traités d'alliance favorables à ses desseins, et pour s'assurer auprès du pape un appui moral qui devait servir ses intérêts. Charles VII, par Jehan Foucquet. Pendant ce temps, l'influence néfaste de la reine Isabeau de Bavière amenait la conclusion du fatal traité de Troyes (20 mai 1420), qui mettait une partie de la France sous la domination étrangère, et agréait l'union du roi d'Angleterre avec la soeur du dauphin, Catherine. Presque aussitôt une armée écossaise vient faire diversion en France, et le comte de Douglas gagne à Baugé une bataille qui ranime l'espoir des vaincus; déjà le duc de Bretagne revient à l'alliance française; plusieurs villes sont enlevées à l'ennemi, et à Sablé se signe un pacte destiné à resserrer les liens qui unissaient les princes restés fidèles au trône de France (La Guerre de Cent Ans). Par la mort de son père (21 octobre 1422), Charles devient roi, couronné à Poitiers le mois suivant, ayant pour adversaire implacable le duc de Bedford, qui s'intitule "régent de France et d'Angleterre" au nom de son neveu Henri VI, enfant âgé de dix-huit mois. Les finances sont lamentables, les monnaies dépréciées, les ressources nulles, le commerce et l'agriculture aux abois; le nouveau roi se voit obligé d'aliéner une partie de son domaine pour subvenir aux dépenses les plus urgentes et payer la solde des gens de guerre et des routiers à son service. Les Anglais profitent d'une aussi désavantageuse situation pour continuer le cours de leurs exploits. Leurs premiers succès à Cravant-sur-Yonne (juillet 1423) et à Verneuil-sur-Avre (août 1424), que ne compense pas la petite victoire de la Gravelle, amènent la perte de la Champagne et du Maine; la Bretagne fortement menacée est insuffisamment défendue; le connétable de Richemont, qui a récemment abandonné le parti anglais, n'est pas heureux à Saint-James-de-Beuvron et laisse enlever Pontorson; déjà l'Anjou est envahi, grâce à une guerre civile soulevée par des princes du sang lignés contre La Trémoille, tandis que d'autre part l'armée du duc de Bedford échoue au siège de Montargis (1427). Mais ce n'est qu'un succès temporaire, et le comte de Salisbury n'en marche pas moins sur Orléans, qu'il investit avec une forte armée, après avoir soumis Jargeau et les autres places voisines. A la cour, de graves dissensions et des rivalités de personnes amènent l'anarchie dans le gouvernement : le sire de Giac, d'abord en faveur et créé comte d'Auxerre, est bientôt mis à mort; La Trémoille, imposé au roi, est tour à tour le dispensateur de toutes les grâces et (après son enlèvement) le plus humble des soumis; les comtes de Pardiac, et de Clermont rebelles et réfugiés à Bourges compliquent encore la très pénible situation du roi; le connétable de Richemont n'écoute plus la voix du patriotisme et n'obéit qu'à des ressentiments personnels. Orléans est assiégé (octobre 1428); le coeur de la France va tomber aux mains des ennemis; déjà la conquête semble complète : les champions de la nationalité française ont été de nouveau vaincus à la fatale journée des Harengs (12 février 1429) qui empêche toute résistance nouvelle. Délaissé par ses seigneurs, dépourvu d'hommes et d'argent, Charles VII considère sa cause comme perdue; insouciant, désespéré, abandonnant la partie, il songe à quitter le territoire français pour chercher un refuge en Ecosse. C'est dans ces circonstances qu'arrive des marches de Lorraine à Chinon la jeune fille qui doit sauver la France. Jeanne d'Arc vient annoncer sa mission prétendue au roi; d'abord ses propositions sont repoussées, mais son insistance finit par triompher. Reconnue pour chef de guerre, elle prend la direction d'un corps d'armée et part pour Orléans, dont le siège est levé en huit jours (8 mai 1429). Les succès se continuent sur toute la Loire; elle emmène le roi à Reims, change un périlleux voyage en une suite de triomphes, et fait sacrer Charles VII le 17 juillet suivant. De nouvelles difficultés naissent lorsqu'il s'agit de reconquérir la capitale de la France pour replacer le roi sur le trône dont il a été dépossédé; les intrigues des conseillers, la jalousie des capitaines, les calomnies des ambitieux ne parviennent toutefois pas à détourner Jeanne de son but. La campagne contre Paris fut moins brillante (septembre 1429) et l'héroïque aventurière fut prise par les Anglais devant Compiègne (23 mai 1430). Après une longue détention, on lui fit son procès et on l'immola sur le bûcher de Rouen (31 mai 1431). Charles VII ne fit aucune démarche pour la sauver, et l'archevêque de Reims parut par son silence acquiescer à l'infâme procédure dont se chargea son suffragant de Beauvais. Plus tard, il est vrai, le roi se souvint de ce qu'il devait à Jeanne d'Arc, et jugea convenable de réparer ses torts envers celle qui lui avait rendu le trône; mais il eut beau accorder à ses frères des titres de noblesse, octroyer à sa famille des faveurs, demander solennellement sa réhabilitation et nommer (1450) une commission chargée de réviser le procès de condamnation, c'était montrer bien tard un repentir peut-être sincère, mais dicté par l'intérêt et non par le coeur. Toutefois, les événements ont dès lors sensiblement modifié le caractère du roi qui, plus entreprenant, pourra désormais lutter avec avantage contre des favoris éhontés et réagir avec force contre l'anarchie maîtresse de tout le royaume. La Trémoille, qui tenait Charles en tutelle depuis cinq ans, est renversé; sa scandaleuse opulence, ses intrigues, ses procédés arbitraires sont découverts et déjoués; l'arrivée de Charles d'Anjou an pouvoir ouvre une ère de calme auquel la France n'était plus habituée. Le roi, profitant des bonnes dispositions du nouveau pape Eugène IV à son égard, fait des tentatives pour se rapprocher du duc de Bourgogne, et la conférence de Lille (1432) aboutit à une trêve de six ans; puis des négociations sont échangées avec l'empereur Sigismond dont la politique paraît de plus en plus sympathique à la France. Le concile de Bâle (1431) n'avait pas été totalement étranger à ce changement de vues. La persévérance de Charles VII et l'habileté des ambassadeurs aboutirent au congrès d'Arras (6-21 septembre 1435) et au traité signé le 22, qui détruisait l'alliance anglo-bourguigonne. Au même moment, le pire ennemi des Français, le duc de Bedford et sa femme Anne de Bourgogne meurent, et bientôt Paris ouvre ses portes au connétable de Richemont (avril 1436). Des ordonnances successives reconstituèrent la cavalerie, puis l'infanterie, créèrent les francs-archers et organisèrent une armée permanente. D'autres réglèrent l'assiette et la perception de l'impôt, la gestion des finances, la nomination des officiers royaux et la responsabilité de chacun d'eux. Le commerce maritime prit une réelle extension sous l'habile direction de Jacques Coeur; les relations commerciales et diplomatiques de la France s'étendirent dans le Levant, au moment même où les Grecs succombaient devant l'invasion asiatique (1453). Déjà la pragmatique sanction de 1437 avait établi en jurisprudence canonique des principes qui demeurèrent longtemps l'unique base du droit public et des relations avec la papauté. Une ordonnance d'avril 1434 prescrivit la réunion en un seul code de toutes les lois et coutumes locales. Et plus tard Charles VII, se préoccupant aussi des nouvelles découvertes qui se faisaient jour à l'étranger, envoyait (1458) à Mayence le célèbre Nicolas Jenson, alors maître de la monnaie, pour y étudier de près les travaux de Gutenberg et les produits de ses presses. Et ce n'est pas uniquement du point de vue économique et administratif que la royauté s'inquiète; elle n'oublie ni les frontières ni les visées de l'ennemi; elle ne perd aucune occasion d'étendre son influence et d'exercer ses droits. Tandis que le dauphin marche contre les Suisses, gagne la bataille de Saint-Jacques-sur-la-Birse (1444), menace l'Alsace et traite avec les cantons suisses, Charles VII accourt avec son armée contre Metz, négocie avec Epinal qui lui ouvre ses portes, et force Toul et Verdun à accepter son protectorat : le roi René reçoit le roi de France à Nancy avec une pompe inusitée. La politique royale en Italie, mal servie par le trop ambitieux et incapable duc d'Orléans, tente une entreprise sur Gênes et sur Asti, qui échoue par la trahison de ses alliés (1446). D'autre part, les commissaires anglais et français ne pouvant s'entendre sur l'exacte étendue des cessions territoriales dans le Maine, deux grandes ambassades partirent pour Londres en 1445 et 1447, dirigées, l'une par l'archevêque de Reims, Jean Jouvenel, l'autre par Dunois; elles n'amenèrent qu'une prolongation de trêve, et une convention signée à Tours, mais non exécutée par la mauvaise foi des commissaires anglais. La rupture éclata par l'attaque et l'occupation du Mans, qui fut un brillant succès pour l'armée royale. Charles VII ne pouvant obtenir plus ample satisfaction se résolut, après les inutiles pourparlers de Louviers, à continuer la campagne. Il fallait d'ailleurs venger la perte récente de Fougères (décembre 1448). L'entraînement fut général et trois armées, commandées par Dunois, Richement et le duc d'Alençon, envahissant en même temps la Normandie, arrivèrent après plusieurs succès sous les murs de Rouen qui capitula : l'orgueil britannique se réveilla, le débarquement des troupes eut lieu à Cherbourg sous le commandement de Thomas Kyriel, qui fut attaqué, vaincu et tué par les Français à la bataille de Formigny (1450). La Normandie évacuée redevint française; la capitulation de Caen et celle de Falaise terminèrent cette conquête. Sans perdre de temps, Dunois marcha sur la Guyenne, où le comte de Foix et le sire d'Albret avaient déjà avec succès ouvert les hostilités. La reddition de Blaye (1451) allait entraîner celle de toute la province lorsqu'une sédition éclata, amenée par une recrudescence d'impôts levés sans le consentement des Etats provinciaux; une armée anglaise en profita pour débarquer dans le Médoc et entrer victorieuse dans Bordeaux. Mais le comte de Penthièvre attaquant le général anglais Talbot sur les bords de la Dordogne, le défit complètement à Castillon (17 juillet 1453), avec l'aide de l'artillerie de Jean Bureau. Bordeaux se rendit après deux mois de siège et perdit ses privilèges. Les Anglais abandonnèrent lentement le territoire; ils ne conservaient plus sur le continent que la ville de Calais, reprise seulement par le duc de Guise cent ans après. Les derniers sacrifices de Charles VII et de la nation n'avaient pas été inutiles; le pouvoir, devenu plus fort, pouvait songer plus librement à réorganiser les finances et à intervenir dans les affaires des vassaux de la couronne. Le duc Philippe de Bourgogne, avec ses difficultés en Flandre et son alliance avec le dauphin, le duc d'Alençon, cherchant à conspirer avec l'Angleterre et solennellement convaincu de haute trahison par la cour des pairs; le duc d Anjou qui n'oubliait aucune de ses prétentions sur le royaume de Naples, le dauphin Louis lui-même, rebelle à l'autorité de son père et fomentant contre lui des révoltes qui aboutirent à la réunion définitive du Dauphiné au domaine royal (1456), tous se savaient surveillés de près par le roi de France qui ne tolérait aucune violation de ses droits. Charles VII donna même son appui moral à Pierre de Brézé qui résolut d'aller porter les armes en Angleterre et opéra à Sandwich une descente demeurée sans résultat (1458). Mais une tache Testera la honte de la fin de ce règne : l'argentier du roi, Jacques Coeur, après avoir acquis une immense fortune dont les revenus servirent plus d'une fois à lever des troupes et à payer leur solde, après avoir eu la direction des monnaies et accompli des réformes importantes en cette matière, après avoir favorisé le développement du commerce et fondé de grands comptoirs pour l'extension de l'exportation française, excita la jalousie de ses ennemis, fut arrêté par ordre du roi (1451) sous un fallacieux prétexte, condamné à mort et à la confiscation de tous ses biens (1453); mais sa peine fut commuée par l'intervention du pape, et il alla mourir dans l'île de Chio, loin du pays au relèvement duquel il avait, après Jeanne d'Arc, le plus contribué. Devenu sombre et craintif, Charles VII mourut à l'âge de quarante-neuf ans, ne voyant que complots et poisons autour de lui, et rongé par les chagrins qui accompagnèrent ses dernières années (1461). De sa femme Marie d'Anjou, princesse douce et vertueuse, il avait en quatre fils et huit filles. Deux fils moururent en bas âge; les deux autres furent Louis, qui lui succéda (Louis XI), et Charles de France, au profit duquel il avait eu un instant l'intention de déshériter l'aîné. Charles VII subit toujours l'ascendant des femmes; au début de son règne, deux princesses distinguées, Yolande d'Aragon, sa belle-mère, et Isabeau de Lorraine, sa belle-soeur, surent mettre à profit sa nonchalance et sa timidité pour prendre en main une partie du gouvernement, et c'est à elles que sont dues les mesures de prévoyance et de sagesse prises avant l'arrivée du connétable au pouvoir. Mais plus tard Jeanne Louvette, femme du seigneur de Joyeuse, et surtout Agnès Sorel, dame d'honneur d'Isabeau de Lorraine, exercèrent l'influence dangereuse des favorites; depuis sa liaison avec, Agnès (1434) jusqu'à sa mort (1450), le roi subit son inspiration parfois contraire aux intérêts de la France, quoique ce soit l'époque du traité d'Arras et quoique la maîtresse de Charles ait toujours soutenu Jacques Coeur, qu'elle avait nommé son exécuteur testamentaire. Des trois filles qu'il eut d'Agnès Sorel, et qu'il légitima, Charles VII maria l'une, Charlotte, à Jacques de Brézé; l'autre, Marie, à Olivier de Coëtivy; et la dernière, Jeanne, épousa Antoine de Bueil, comte de Sancerre. Charles VII était dépourvu d'avantages physiques; il avait la barbe et les cheveux ras, des yeux petits, un nez long, une bouche grande, des jambes faibles et cagneuses. Homme frivole, il eut de précoces souffrances qui influèrent sérieusement sur son caractère. Devenu craintif depuis un accident qu'il avait subi à la Rochelle en 1422, il n'avait pas facile contenance devant un étranger, et recherchait souvent la solitude. Son portrait authentique existe au musée du Louvre. Sans protéger les lettres et les arts comme son grand-oncle le duc de Berry ou comme son contemporain Philippe le Bon, il aimait l'étude et lisait volontiers les chroniqueurs qui furent nombreux de son temps. Thomas Basin, Mathieu d'Esrouchy, Jean Chartier, Robert Blondel, Monstrelet, J. du Clercq, Perceval de Cagny, Olivier de la Marche, G. Chastellain, Lefebvre de Saint-Remi, Pierre de Fenin, Guillaume Gruel, Gilles Bouvier (le héraut Berry), Henri Baude, et d'autres moins connus se sont en effet donné pour mission de raconter tout ou partie du règne mémorable qui releva la France et lui rendit sa puissance d'autrefois. (H. Stein). |
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