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Louis VII, le Jeune

Louis VII, dit le Jeune, est un roi de France (Moyen âge, Capétiens), né (on ignore le lieu de sa naissance) en 1121 plutôt qu'en 1119 ou 1122, mort à Paris le 18 septembre 1180. Fils de Louis le Gros et d'Alix, il fut associé au trône et sacré à Reims par Innocent II dès 1131. En 1137, il épousa à Bordeaux Eléonore ou Aliénor, héritière du duc d'Aquitaine, conformément au testament du duc et avec l'assentiment des barons du duché. Il apprit à Poitiers, comme il revenait, la mort de son père (1er août 1137) et, couronné duc d'Aquitaine à Poitiers le 8, il joignit désormais à son titre de roi celui de duc. Il commença son règne en réprimant d'une façon sévère une sédition qui avait éclaté à Orléans pour l'établissement d'une commune, mais peu après il accorda aux bourgeois de cette ville une charte de privilèges. Le 25 décembre, il se faisait couronner roi de France à Bourges. Avec Suger, son ministre, il parcourut ensuite les provinces de l'Est. De 1138 à 1141, il alla châtier une révolte de Poitiers constitué aussi en commune, mais par sa clémence il sut attacher la ville à la cause royale (octobre 1138); puis il réprima de même la turbulence des barons du Poitou et de la Saintonge. C'est au cours de cette campagne qu'un seigneur de Lezay tenta de s'emparer par surprise de la personne du roi dans son château de Talmont. Comme l'héritage du comte de Poitiers lui donnait des droits prétendus sur la ville de Toulouse, Louis VII voulut les faire valoir, mais son expédition n'eut pas de résultat (1141). Avec le pape il eut bientôt des démêlés sérieux. Innocent Il avait envoyé le pallium, malgré l'opposition du roi, à son neveu Pierre de La Châtre, élu archevêque de Bourges; Louis refusa l'investiture temporelle et défendit à Pierre d'entrer sur aucune de ses terres. Le pape jeta l'interdit sur les terres du roi.

Thibaut, comte de Champagne, jusque-là allié du roi, prit les armes pour soutenir l'archevêque et venger sa nièce dont le mariage avec Raoul de Vermandois, cousin du roi, avait été cassé sous prétexte de parenté, afin que Raoul pût épouser une soeur d'Eléonore d'Aquitaine. Malgré les efforts de saint Bernard, la guerre fut longue et une foule nombreuse périt dans l'incendie de l'église de Vitry allumé par les troupes du roi (janvier 1143). Une grande assemblée fut tenue à Corbeil, puis à Saint-Denis pour la paix qui se rétablit enfin, grâce à des concessions réciproques (1144). Pour séparer ('Angleterre et la Normandie, Louis VII aida Geoffroy Plantagenet, comte d'Anjou, à s'emparer de ce duché. Après la prise d'Edesse par les Musulmans (1144), il se laissa facilement convaincre par des ambassadeurs venus de Palestine de l'utilité d'une croisade qui lui permettrait de s'acquitter d'un voeu fait au moment de, la mort de son frère Philippe et serait d'ailleurs un moyen pour lui de pacifier le royaume et d'expier l'incendie de Vitry. Suger ne put le détourner de son dessein qu'il rendit public dans la cour plénière de Bourges en 1145; sa résolution y fut accueillie très froidement.

A Vézelay, le jour de Pâques de l'année suivante (31 mars), il prit la croix avec l'approbation du pape et fixa comme date de départ l'année 1147. Ce fut la première croisade monarchique. Louis désigna pour l'accompagner une partie de ses vassaux les plus turbulents. Une dernière assemblée générale fut tenue à Etampes (février 1147), et on leva des taxes extraordinaires qui provoquèrent des soulèvements à Sens et dans plusieurs autres localités; les réclamations vinrent des religieux aussi bien que des villes; les domaines royaux furent hypothéqués ou engagés. La régence fut laissée à Suger, le comte de Nevers qui devait lui être associé s'étant retiré dans un monastère. Le 8 juin 1147, le roi se rendit à l'abbaye de Saint-Denis où il reçut du pape Eugène III l'oriflamme, la panetière et le bourdon. Les croisés ayant choisi la route de terre, le rendez-vous général des Français était à Metz où Louis prit aussi le commandement des Italiens et des nations qui ne dépendaient pas de l'Empire (juin 1147). Par Worms, où ses troupes se querellèrent avec les habitants, Ratisbonne, où les ambassadeurs de l'empereur grec vinrent le trouver, et la Hongrie et la Bulgarie, il atteignit Constantinople (4 octobre). En Asie Mineure, après Ephèse, son armée rencontra les Turcs, près de Laodicée, et, victorieuse brillamment une première fois au passage du Méandre, dut livrer une série de combats difficiles dans lesquels il risqua un jour d'être pris (7 janvier 1148). Les perplexités devinrent telles qu'il résigna le commandement aux mains d'un simple chevalier, Gilbert, qui parvint à conduire l'armée à Satalieh (février 1148). Là il s'embarqua pour la Palestine et arriva à Antioche au mois de mars. A Jérusalem, il fut accueilli comme un libérateur. Ses troupes réunies à celles de l'empereur d'Allemagne, Conrad, assiégèrent Damas (juillet), mais sans succès. Pour prolonger son séjour en Terre sainte jusqu'au printemps de 1149, il fit un emprunt aux templiers.

A la nouvelle de l'échec de la croisade, quelques manifestations eurent lieu autour de Paris. Ayant déjà renvoyé en France son chancelier Baudoin, il quitta enfin la Terre sainte (avril), sur les instances de Suger qui, pendant son absence, avait déjoué une tentative faite par Robert de Dreux, frère du roi, pour s'emparer du pouvoir (1149), amené à composition le vicomte de Gabardan qui avait mis le siège devant la ville royale de Dax, et promis son concours sous certaines conditions au comte d'Anjou qui revendiquait de nouveau le trône d'Angleterre. Il n'est sans doute pas exact que Louis VII ait été pris par les Grecs et délivré par les Siciliens. Débarqué en Calabre le 29 juillet 1149, il visita le roi d'Apulie et le pape qui le retint deux jours, passa la journée du 12 octobre à Rome et rentra dans ses Etats à une date indéterminée (octobre-novembre 1149). C'est avec l'appui royal que, de 1148 à 1152, Geoffroy Plantagenet conquit la Normandie sur le roi Etienne. Le 21 mars 1152, dans un concile de prélats réunis à Beaugency, et peut-être sur le conseil de saint Bernard, Louis VII fit prononcer son divorce avec Eléonore, à cause d'une parenté éloignée et en réalité par suite de la mésintelligence qui existait entre eux depuis leur séjour en Palestine. N'ayant pu empêcher le mariage d'Eléonore avec Henri Plantagenet, qui devenait ainsi un vassal trop puissant (mai 1152), il forma une ligue avec le roi d'Angleterre, le comte de Flandre et d'autres seigneurs contre Henri qui avait refusé de comparaître devant son suzerain pour répondre de sa conduite; Henri avait épousé, en effet, sans le consentement du roi, une de ses vassales. Louis VII entra en Normandie pour soutenir les prétentions d'Eustache, fils d'Etienne, et s'empara de Vernon (juiIlet 1153), mais la guerre n'aboutit pas; il dut se contenter d'obtenir le payement de ses frais de guerre et l'on constate qu'il cessa précisément à cette époque de prendre le titre de duc d'Aquitaine (août 1154).

Vers la même temps, il vit sa puissance augmenter par le mariage de sa soeur Constance avec le comte de Toulouse, Raymond V, dans le comté duquel son influence devint en peu de temps envahissante, et il fit un pèlerinage en Espagne, à Saint-Jacques-de-Compostelle (1154-1155): Devenu roi d Angleterre (1154), Henri Plantagenet chercha à se réconcilier avec le roi de France et, dans une conférence tenue à Gisors (1158), il sollicita la faveur de fiancer son fils aîné à une fille que Louis VII venait d'avoir de son mariage (1154) avec sa seconde femme, Constance, fille du roi de Castille Alphonse VII. Henri prétendant avoir des droits sur le comté de Toulouse, Louis reconnut formellement ceux de la maison de Saint-Gilles. Le roi d'Angleterre marcha sur Toulouse (1159), mais Louis s'y jeta pendant qu'il envoyait le comte de Dreux et l'archevêque de Reims attaquer la Normandie. Pour ne pas faire la guerre à son suzerain, qui à cette époque se remaria en troisièmes noces (1160) avec Adèle ou Alix de Champagne, princesse de la maison de Blois, l'ennemie de la maison d'Anjou, Henri laissa seulement son chancelier continuer à Cahors la lutte contre Raymond de Saint-Gilles. Par la médiation de l'Eglise une trêve intervint en décembre 1159, puis un traité de paix fut conclu au mois de mai de l'année suivante et ratifié en octobre. Le Vexin normand serait donné en dot à Marguerite, fille du roi de France, qui devait épouser Henri, fils du roi d'Angleterre. Les deux rois n'en armèrent pas moins l'un contre l'autre dès 1161.

A la même époque, Louis VII, que le pape dut détourner en 1159 d'entreprendre une nouvelle croisade contre les Maures d'Espagne, faisait, pour assurer l'ordre public, une série de petites expéditions militaires; en 1155, il contraignit le comte de Nevers à rétablir l'abbé de Vézelay dans ses droits et abolit la commune que le comte avait organisée dans cette ville. Une trêve de dix ans, jurée par le roi et les principaux vassaux, fut instituée par le concile de Soissons. En 1160, au concile de Beauvais, Louis VII fit connaître la décision prise par l'Eglise de France en faveur de la légitimité de l'élection d'Alexandre III, décision que le concile de Toulouse confirma peu après; il donna asile à ce pape en France, et à Chouzy-sur-Loire, réuni à Henri II d'Angleterre, il lui fit une réception solennelle (septembre 1162). En 1164, il donna également asile à Thomas Becket, primat d'Angleterre, qui avait refusé de jurer l'acceptation des statuts de Clarendon attentatoires aux libertés de l'Eglise; il se porta même pour médiateur, fit conclure la trêve de Montmirail (janvier 1169) et organisa à Amboise (12 octobre 1170) une conférence entre le roi Henri et Becket; là ce ne fut pas seulement avec l'archevêque que Henri se réconcilia, mais avec les comtes de La Marelle, d'Angoulême et de Lusignan et tous ceux de ses seigneurs qui s'étaient révoltés; là encore il renouvela l'hommage qu'il devait au roi de France, et ses trois fils, auxquels il abandonnait ses provinces du continent, firent de même hommage. Quand ces princes prirent les armes contre leur père, Louis les soutint (1173-1174) ; mais Verneuil qu'il assiégea fut dégagé, comme ensuite Rouen, et il n'empêcha ni la prise de Dol, de Saintes et de Taillebourg, ni la dévastation du Poitou et de l'Anjou. La paix fut faite à Montlouis (septembre 1174); elle donna en somme satisfaction aux jeunes princes.

Louis intervenait eu même temps en faveur des seigneuries ecclésiastiques, marchant tantôt contre les comtes d'Auvergne et du Puy ou du Velay (1163 et 1169) et le vicomte de Polignac (1163-1173), tantôt contre le comte de Chalon-sur-Saône, persécuteur de l'église de Cluny (1166). En 1164, il intervint aussi en faveur du chapitre de Saint-Martin de Tours contre les bourgeois de Châteauneuf et signa d'autre part vers la même date, avec Frédéric Barberousse, un traité aux termes duquel les deux princes s'engageaient à ne plus souffrir dans leurs Etats les routiers connus sous le nom de Brabançons ou Cotereaux (La Criminalité au Moyen âge). En 1177, il marcha sur Laon dont l'évêque avait détruit la commune du Laonnois, fondée avec son assentiment, s'empara des territoires épiscopaux et ne s'arrêta que devant les démonstrations hostiles du comte de Hainaut. Mais en 1179 le jeune Philippe-Auguste épousa la fille de ce comte et la commune du Laonnois disparut. Après un pèlerinage au tombeau de Thomas Becket à Canterbury (août 1179), Louis, atteint de paralysie, fit célébrer à Reims le couronnement de son fils (ler novembre de la même année). Il fut inhumé dans l'abbaye de Barbeaux qu'il avait fondée.

Louis VII était un prince assez intelligent, mais faible et d'une piété exagérée, à l'exemple de son ancêtre Robert. Il semble qu'il a déployé plus d'énergie avant sa croisade. Jusqu'à un certain point on peut dire que le développement du pouvoir royal a été retardé sous son règne. L'oeuvre de Louis VI fut cependant complétée; par des expéditions militaires ou des arrêts de condamnation, Louis VII s'assura l'obéissance de tous ses vassaux immédiats. C'est ainsi que des mesures furent prises contre Gaucher de Montjay (1137), Geoffroy de Donzy (1153), Etienne, comte de Sancerre (1157), Nivelon, sire de Pierrefonds, Dreux de Mouchy (vers 1160), le sire de L'Isle-Adam (1167). On constate aussi les progrès que l'autorité royale a réalisés par le grand nombre de petits seigneurs ou d'avoués qui se rendent aux citations de la cour du roi. Cette autorité se fit sentir, d'autre part, pour la première fois dans les pays éloignés du siège principal de la royauté, en Bourgogne et en Languedoc. Par les églises, l'action du roi s'étendit non seulement jusqu'à Reims où son frère était archevêque et à Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne), mais jusqu'à Térouanne, Arras, Tournai et Cambrai. Il ne faut pas exagérer le manque de décision de Louis VII. Vis-à-vis des Plantagenet, il sut user de politique. Il fit entrer dans son alliance et même dans sa parenté la Champagne qu'il n'aurait pu réduire. Il affaiblit la maison de Bourgogne en favorisant ses divisions. Pour résister à la féodalité impérialiste du Mâconnais et du Chalonnais, il s'assura la fidélité de celle du Forez, du Beaujolais et du Lyonnais. Des pays qui dépendaient de l'Empire, la Bresse, le Bugey, le Dauphiné et même le Vivarais, commencèrent à entrer en relations avec le roi de France.

Ce fut son pèlerinage à la Grande-Chartreuse (1162-1163) qui forma le point de départ de ses relations avec les seigneurs ecclésiastiques ou laïques de cette région. Il cherchait aussi à influer autant que possible sur les élections archiépiscopales de Lyon et, comme en 1157 l'empereur avait conféré au prélat lyonnais tout le corps de la cité de Lyon et les droits de régale sur toute une partie du diocèse, Louis VII demanda à ce prince une entrevue; des circonstances diverses les empêchèrent de se rendre en personne au lieu fixé. Par les immunités que Louis VII leur accorda, les évêques du Languedoc devinrent autant de petits souverains qui ne reconnurent plus, avec l'autorité du pape, que celle du roi. Cette intervention royale, qui se produisit ainsi le plus souvent, sans violence, par l'intermédiaire ecclésiastique, fit aimer la royauté. Louis VII a fait par là oeuvre très utile. Animé d'une grande sympathie à l'égard de tous les déshérités du monde féodal, on le vit accorder sa protection même aux juifs, prodiguer les concessions de chartes bourgeoises et favoriser l'établissement des villes neuves; en dépit de ses sentiments fort religieux, il a servi très souvent la cause des libertés communales contre lesquelles s'élevait l'Eglise, et fondé lui-même des communes, parce qu'il se rendit sans doute mieux compte que son prédécesseur de l'intérêt que ce développement d'associations libres avait pour le pouvoir royal. En somme, avec Louis VII la royauté a conservé son prestige.

D'Aliénor d'Aquitaine Louis VII eut deux filles : Marie, femme de Henri ler, comte de Champagne, et Alix, femme de Thibaut le Bon, comte de Blois; de Constance, deux filles : Marguerite, qui épousa Henri, prince héritier d'Angleterre, puis Bela III, roi de Hongrie, et Alix, morte en bas âge ; de sa troisième femme, Adèle : Philippe-Auguste, son successeur sur le trône, Alix, fiancée d'abord à Richard Coeur de Lion, puis mariée à Guillaume II, comte de Ponthieu, et Agnès, successivement femme d'Alexis le Jeune et d'Andronic Comnène, empereurs d'Orient, puis de Théodore Branas. (M. Barroux).

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