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Causes
et première période
Depuis que la Normandie ,
en 1066,
l'Aquitaine
ou Guyenne ,
le Maine ,
la Touraine
et l'Anjou ,
en 1154,
appartenaient aux rois d'Angleterre, les rois de France avaient toujours
essayé de leur enlever ces possessions. Philippe-Auguste
s'était emparé de celles du Nord (1203-1206),
mais l'Angleterre avait encore une grande partie de la Guyenne quand Édouard
III monta sur le trĂ´ne (1327).
Petit-fils de Philippe le Bel par sa mère,
Édouard III aurait pu, sans la loi salique ,
aspirer Ă la couronne de France, mais il laissa Philippe
VI de Valois, petit-fils du roi Philippe
III, prendre cette couronne (1328),
et il lui rendit mĂŞme hommage en 1329
et 1334
pour la Guyenne et le Ponthieu .
BientĂ´t l'intervention de Philippe VI dans les affaires de Flandre et
d'Écosse irrita Édouard III. Excité par Robert d'Artois ,
ennemi de Philippe VI, et par les Flamands, que leurs intérêts commerciaux
attachaient à l'Angleterre, Édouard prit le titre de roi de France, réclama
la couronne usurpée par Philippe de Valois, et la guerre de Cent ans
commença (1337).
La France semblait plus forte que l'Angleterre, mais celle-ci l'emporta
longtemps par la supériorité de son organisation militaire.
Les Flamands, avec
leur chef Jacques Artevelde, s'étant révoltés
contre leur comte, Louis de Male, vassal fidèle de Philippe
VI, le roi d'Angleterre dĂ©barqua en Flandre et s'avança jusqu'Ă
l'Oise, pendant que les Français attaquaient la Guyenne
et les côtes anglaises, mais le principal événement fut la défaite
de la flotte française près de l'Écluse (24 juin 1340).
Une trêve de deux ans fut ensuite conclue près de Tournai, le 25 septembre
1340.
Dès l'année suivante, les hostilités recommencèrent, quand Philippe
VI et Édouard III intervinrent dans la guerre de la succession de Bretagne,
le premier pour son neveu Charles de Blois,
l'autre pour Jean de Montfort. En 1341,
ce prince fut pris dans Nantes, mais sa femme, Jeanne de Flandre ,
résista et fut secourue par Édouard III, qui, d'ailleurs, échoua aux
sièges de Rennes, de Nantes
et de Vannes (1342).
Cette guerre de Bretagne fut interrompue par la trĂŞve de Malestroit (19
janvier 1343),
mais elle se ralluma bientôt, par la faute de Philippe VI, qui fit exécuter
sans jugement le sire de Clisson et dix autres
chevaliers ou écuyers bretons (1343).
Charles de Blois chasse la comtesse de Montfort, qui va demander secours
à Édouard III. Cette nouvelle phase de la guerre est signalée, en Bretagne,
par le retour de J. de Montfort, qui s'est évadé et qui meurt peu après;
en Flandre, par un soulèvement populaire contre J. Artevelde, qui est
tué; en Guyenne par une invasion des Français, battus à Auberoche (1345).
C'est alors qu'Édouard III, sur les conseils d'un seigneur normand, Geoffroy
d'Harcourt, débarque dans le Cotentin ,
ravale la Normandie ,
entre en Picardie ,
gagne la grande victoire de Crécy (26 août
1346),
et assiège Calais.
Les Écossais, alliés
de la France, sont battus Ă Nevil's Cross (17 octobre); Charles
de Blois est défait et pris par les Anglais
Ă la Roche-Derrien (20 juin 1347),
et Calais capitule, après un siège de onze mois, le 3 août 1347.
La trĂŞve de Calais (28 septembre 1347),
plusieurs fois renouvelée, suspendit les hostilités pendant quelques
années, sans qu'on pût arriver à faire la paix. En 1355,
Édouard III envahit l'Artois ,
tandis que son fils, le prince Noir, pillait le Languedoc ,
et que son allié, Charles le Mauvais,
roi de Navarre ,
attaquait la Normandie .
La guerre continuait aussi en Bretagne ,
oĂą le jeune Bertrand Du Guesclin se signalait
déjà parmi les partisans de Charles de Blois.
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En 1356,
le roi Jean II jeta en prison le roi de Navarre,
puis il repoussa le duc de Lancastre, qui avait envahi la Normandie, mais
il fut vaincu et pris par le prince Noir Ă la bataille de Poitiers (19
septembre) Cette nouvelle défaite de la noblesse française souleva l'indignation
du peuple et amena une crise terrible. Les États généraux, dirigés
par Etienne Marcel, exigèrent des réformes et
voulurent s'emparer du gouvernement; les Jacques, ou paysans insurgés,
commirent d'atroces cruautés ( La
Jacquerie).
Charles
le Mauvais s'évada et vint à Paris disputer
le pouvoir au jeune dauphin Charles, régent du royaume. Innocent
VI avait fait conclure, Ă Bordeaux, une trĂŞve de deux ans (23 mars
1357),
mais Édouard III n'en songeait pas moins à se partager la France avec
le roi de Navarre, et il signait avec Jean II
le traité de Londres (24 mars 1359),
qui lui enlevait la plus grande partie de son royaume. Le dauphin aima
mieux combattre que d'accepter une pareille convention. Édouard revint
en France, s'avança jusqu'à Paris, puis jusqu'à Chartres,
en perdant inutilement beaucoup de monde, et consentit Ă signer, le 8
mai 1360,
le traité de Brétigny ,
moins ruineux pour la France que celui de Londres.
Deuxième
période
Charles
V (1364-1380)
profita des contestations auxquelles donna lieu le traité de Brétigny
pour en différer l'exécution. D'ailleurs, les Anglais et les Français
avaient encore l'occasion de se combattre, soit en Normandie, oĂą les Anglo-Navarrais
furent défaits par Du Guesclin à Cocherel
(16 mai 1364),
soit en Bretagne, oĂą Charles de Blois fut
vaincu et tué à Auray
(28 septembre 1364)
par Jean IV, fils de Jean de Montfort, soit en Castille ,
oĂą Du Guesclin renversa Pierre
le Cruel, défendu par le prince Noir et mit sur le trône Henri
de Trastamare, allié de la France (1366-69).
Charles V déclara
la guerre à Édouard III, en soutenant contre lui les seigneurs gascons,
sous prétexte qu'il avait manqué à ses engagements et outrepassé ses
droits (avril 1369).
Les populations du Midi se révoltaient contre la domination anglaise.
Du
Guesclin, nommé connétable de France, battit R.
Knolles Ă Pontvallain (1370);
le prince Noir, après avoir saccagé Limoges,
revint malade en Angleterre; Charles V fit la
paix avec Charles le Mauvais (1371);
une flotte anglaise fut détruite, près de La
Rochelle, par une flotte castillane
(1372),
et Jean IV fut chassé par les Bretons pour s'être allié avec Édouard
III (1373).
Battus encore par Du Guesclin à Chizé (21 mars 1373),
les Anglais perdirent toutes les possessions qui leur restaient entre la
Loire et la Gironde; le duc de Lancastre traversa la France, de Calais
à Bordeaux, sans pouvoir livrer bataille, en perdant peu à peu son armée
(1373);
le duc d'Anjou conquit une partie de la Guyenne
et reçut la soumission des seigneurs gascons (1374).
Alors Édouard III conclut la trêve de Bruges
(27 juin 1375),
qui fut prolongée jusqu'au 24 juin 1377.
Le vieux roi d'Angleterre,
après avoir perdu son fils, le prince Noir (17 juillet 1376),
mourut le 21 juin 1377,
laissant le trône à son petit-fils, Richard II, âgé de dix ans. Aussitôt,
le roi de France recommença la guerre, sur mer, en Artois et
en Guyenne
contre les Anglais, en Normandie et en Navarre
contre Charles le Mauvais, redevenu leur
allié (1377-78).
Le duc de Lancastre essaya vainement de rétablir Jean IV en Bretagne et
de reprendre Saint-Malo
(1378);
Charles
V fit condamner Jean IV et voulut réunir son duché à la France,
mais les Bretons, jaloux de leur indépendance, rappelèrent leur duc et
le soutinrent, avec l'aide des Anglais. Du Guesclin lui-mĂŞme ne voulait
pas combattre ses compatriotes. D'ailleurs, il mourut le 13 juillet 1380.
Le règne de Charles V, après tant de succès, se termina au milieu de
ces revers (16 septembre 1380),
tandis que le comte de Buckingham conduisait une armée anglaise de Calais
en Bretagne.
Troisième
période (1380-1429)
Pendant la plus grande
partie du règne de Charles VI, la guerre fut
beaucoup moins active, Ă cause des troubles qui eurent lieu en Angleterre
et en France. En 1381,
le duc de Bretagne fut obligé de faire la paix avec Charles VI (janvier).
En 1383,
les Anglais vinrent attaquer le comte de Flandre, mais ils furent repoussés,
et une trêve fut signée à Leulinghen le 26 janvier 1384.
Quelques jours auparavant, était mort le comte de Flandre, Louis de Male
(9 janvier). Ses vastes domaines passèrent à son gendre, Philippe
le Hardi, déjà duc de Bourgogne, fils du roi Jean
le Bon.
Après d'inutiles
et coûteux préparatifs pour un débarquement en Angleterre, une nouvelle
trêve fut conclue le 18 août 1388,
et elle fut renouvelée en 1389,
en 1394,
en 1396.
Richard II était occupé à lutter contre ses oncles; le duc de Bourgogne
disputait le pouvoir au connétable Olivier de Clisson et il était parvenu
à le ressaisir, depuis que Charles VI était
tombé en démence (1392).
Des négociations, entamées pour amener un rapprochement entre la France
et l'Angleterre, aboutirent Ă la trĂŞve de Paris, conclue pour vingt-huit
ans, le 9 mars 1396,
et Richard II épousa Isabelle de France, fille de Charles VI, le 26 septembre
suivant. Trois ans plus tard (août 1399),
Richard II fut renversé par H. de Lancastre, qui régna sous le nom de
Henri
IV (1400-1413).
Cette révolution, suivie de la mort violente de Richard II (février 1400),
ranima les hostilités entre la France et l'Angleterre, sans que la trêve
fût formellement rompue. Elle fut même confirmée en 1400
et en 1403,
et il y eut des pourparlers pour la paix.
Henri
IV était occupé à consolider son trône; le duc d'Orléans,
frère de Charles VI, soutenu par la reine
Isabeau
de Bavière, disputait le gouvernement au duc
de Bourgogne, Philippe le Hardi
(1403),
puis Ă son fils, Jean sans Peur,
qui le faisait assassiner en 1407,
et bientôt commençait une véritable guerre civile, la lutte des Armagnacs
et des Bourguignons. Henri IV vit son alliance
recherchée par les uns et par les autres. Il envoya des secours aux Armagnacs,
en 1412,
mais il profita peu de ces discordes. Son fils, Henri
V, (1413-1422)
signa bien, le 25 septembre 1413,
une trêve, qui fut prorogée en 1414
et en 1415,
mais il réclama l'exécution du traité de Brétigny, se rapprocha de
Jean sans Peur, puis, après l'expiration de la trêve, il débarqua en
Normandie et remporta la grande victoire d'Azincourt
(25 octobre 1415).
Le duc de Bourgogne
reprit les armes contre le connétable Bernard d'Armagnac, beau-père du
jeune duc Charles d'Orléans, captif en
Angleterre, et contre le dauphin Charles, qui laissait le pouvoir aux Armagnacs.
Pendant que Henri V s'emparait de Caenet
d'une partie de la Normandie, Jean sans
Peur s'alliait avec la reine Isabeau (1417);
les Bourguignons entraient, par surprise,
dans Paris (nuit du 28 au 29 mai), oĂą ils massacraient les Armagnacs,
gardaient le vieux roi Charles VI et établissaient
dans la capitale un gouvernement opposé à celui du dauphin, qui se retirait
Ă Poitiers. En 1419,
la prise de Rouen par Henri V et l'assassinat de Jean sans Peur par les
Armagnacs (10 septembre) rendirent la situation de la France encore plus
critique. Philippe le Bon, fils de Jean sans Peur, s'entendit avec le roi
d'Angleterre, avec la reine Isabeau
de Bavière, et fit conclure le traité de Troyes
(21 mai 1420)
qui donnait Ă Henri V la main de Catherine, fille de Charles VI, avec
les titres de régent et d'héritier du royaume de France. Le dauphin Charles,
encore soutenu par l'Écosse et par de fidèles partisans, . devint le
dernier espoir de salut. Henri V fit capituler Melun
(novembre 1420)
et retourna en Angleterre.
Son frère, Thomas,
duc de Clarence, fut vaincu et tué à Baugé
(22 mars 1421), mais les troupes du dauphin furent défaites par le duc
de Bourgogne à Mons-en-Vimeu (30 août). Henri V, revenu en France, s'empara
de Meaux (2 mai 1422), fit une entrée solennelle à Paris (30 mai) et
mourut au château du Bois de Vincennes
le 31 août. Il laissait ses deux royaumes à son fils, Henri
VI, né le 6 décembre 1421,
qui eut pour régents ses oncles, le duc de Bedford
en France, le duc de Glocester en Angleterre. Charles VI mourut le 24 octobre
suivant 1422)
et son fils prit le nom de Charles VII (1422-1461).
Ce prince était jeune, faible, insouciant, et Bedford était un homme
habile. Sous sa direction habile les Anglais furent vainqueurs Ă Cravant-sur-Yonne
(31 juillet 1423)
et à Verneuil (17 août 1424).
Alors Charles VII, sur les conseils de sa
belle-mère, Yolande d'Aragon ,
donna l'épée de connétable (7 mars 1425)
au comte de Richemont, frère du duc de Bretagne Jean V, et beau-frère
du duc de Bourgogne. Richemont voulut réorganiser l'armée et réconcilier
Philippe le Bon avec Charles VII, mais, mal secondé par des troupes indisciplinées,
battu devant Saint-James-de-Beuvron (6 mars 1426),
abandonné par le duc de Bretagne, obligé de lutter sans cesse contre
les favoris du roi, il tomba bientôt en disgrâce (1427),
et son ennemi, G. de la Trémoille, devint maître du gouvernement. Cependant,
les Anglais, quoique vaincus devant Montargis par le bâtard d'Orléans
(5 septembre 1427),
faisaient des progrès continus et s'avançaient vers la Loire. Le 12 octobre
1428,
ils commençaient le siège d'Orléans et, le 12 février 1429,
ils battaient, à Rouvray, une petite armée qui venait au secours de la
ville (Journée des harengs).
Quatrième
période (1429-1453).
C'est ici qu'intervient
Jeanne
d'Arc, amazone fanatique ,
mais dont la propagande Ă laquelle elle donna lieu vint ranimer les courages
abattus et préluder, par la délivrance d'Orléans (8 mai 1429)
au relèvement de la France. Victorieuse à Patay (16 juin), elle fit sacrer
Charles
VII à Reims (17 juillet), mais, abandonnée par ce prince indolent,
par l'Ă©goĂŻste La TrĂ©moille, elle Ă©choua devant Paris, fut prise Ă
Compiègne (24 mai 1430),
livrée par le duc de Bourgogne aux Anglais et brûlée à Rouen le 30
mai 1431.
Néanmoins, les spectaculaires exploits de la Pucelle avaient porté un
coup mortel à la fortune de l'Angleterre. La Trémoille fut renversé
par Yolande et le connétable de Richemont, qui reprirent le pouvoir (juin
1433).
Tout en combattant les Anglais et en réprimant les excès des gens de
guerre, Richemont prépara un rapprochement entre le duc de Bourgogne et
le roi de France. Philippe le Bon,
que Glocester avait irrité, et que Bedford lui-même n'avait pas toujours
assez ménagé, fit enfin la paix avec Charles VII par le traité d'Arras
(20 septembre 1435).
Avec l'alliance de
la Bourgogne, les Anglais, qui avaient refusé de faire la paix, perdirent
leur supériorité. Bedford venait de mourir (14 septembre); les populations
de la Normandie s'insurgeaient. Le 13 avril 1436,
Richemont chassa les Anglais de Paris, avec, l'aide des Bourguignons et
des habitants révoltés. Il reprit ensuite Malesherbes, Nemours, Montereau
(1437),
Meaux (1439),
et, encouragé par les réclamations des États d'Orléans, il entreprit
la réforme de l'armée, malgré un échec qu'il éprouva devant Avranches ,
Ă cause de l'indiscipline des gens de guerre (1439).
Une révolte militaire
et féodale, la Praguerie, eut lieu en 1440
et fut vigoureusement réprimée par Charles VII.
La Praguerie
est une révolte féodale contre Charles VII
(1440).
On l'appela ainsi en souvenir des troubles qui avaient désolé récemment
la Bohème et sa capitale. La Praguerie eut pour causes : les progrès
du pouvoir royal et les réformes militaires qui inquiétaient la noblesse
et les chefs de bandes; pour principal instigateur, le duc de Bourbon;
pour résultat, le triomphe de la royauté. Depuis le traité d'Arras
(1435),
la puissance de Charles VII n'avait cessé de s'accroître. Ce n'était
plus le prince insouciant et faible qu'on appelait dérisoirement le roi
de Bourges. Bien secondé par ses ministres
et ses capitaines, il avait repris sa capitale (1436);
il s'occupait de la guerre et du gouvernement; il voulait chasser les Anglais
de son royaume, y établir l'ordre, réorganiser l'administration, l'armée,
soumettre à l'autorité royale tous ceux qui s'étaient habitués à s'en
affranchir. Pour cela, il lui fallait surtout une armée disciplinée,
sĂ»re, au lieu des routiers pillards et vagabonds qui n'obĂ©issaient qu'Ă
des chefs indépendants. Une réforme militaire avait été commencée
par plusieurs ordonnances, dont la principale, celle d'Orléans
(2 novembre 1439),
avait posé en principe que le roi seul avait le droit de lever des troupes.
Désormais nul ne pouvait être capitaine de gens d'armes sans avoir été
nommé par le roi. Tous ceux qui étaient atteints par ces mesures, princes,
seigneurs, chefs de bandes, cherchèrent aussitôt à en empêcher l'exécution,
et dès lors « se machina une praguerie ».
Le duc de Bourbon,
Charles ler, prince remuant et ambitieux, se mit à la tête des mécontents,
tels que les ducs d'Alençon
et de Bretagne, le comte de Vendôme, le bâtard d'Orléans, G. de La Trémoille,
et les capitaines de routiers, comme Antoine de
Chabannes, etc. Il entraîna même le dauphin Louis, alors âgé de
seize ans, dont les mauvais instincts et l'ambition précoce commençaient
à s'éveiller. Les princes voulaient chasser les conseillers de Charles
VII, mettre le roi en tutelle, donner le pouvoir au dauphin et gouverner
en son nom. Envoyé par son père dans le Poitou, pour y réprimer les
désordres des routiers, le dauphin était à Niort
quand il céda aux pernicieux conseils du duc d'Alençon, gouverneur de
cette ville. Après s'être concerté avec eux, Dunois
alla rejoindre, Ă Blois, le duc de Bourbon, le comte de VendĂ´me et La
Trémoille. La révolte commença dans le Poitou (février 1410)
et gagna promptement d'autres provinces. Charles VII, stimulé par le connétable
de Richement, agit avec une décision et une vigueur qui déconcertèrent
les rebelles. Vaincus dans le Poitou, ils n'eurent pas honte de faire appel
aux Anglais qui combattaient encore la France, puis ils continuèrent la
lutte dans l'Auvergne
et le Bourbonnais .
Le roi se mit Ă
leur poursuite, avec Richement, Ch. d'Anjou, Xaintrailles, Gaucourt, pendant
que ses troupes contenaient les rebelles dans la Touraine, le Berry, l'Ile-de-France.
Chassés des places qu'ils occupaient en Auvergne, Evaux. Ebreuil, Aigueperse,
etc., les princes demandèrent à traiter, mais, comme ils prétendaient
faire leurs conditions, au lieu de subir celles du vainqueur, Charles VII
rompit les négociations, soumit l'Auvergne, le Forez et réduisit les
rebelles à implorer sa clémence. Sollicité par le duc de Bourgogne et
le comte d'Eu, il consentit Ă recevoir le dauphin et le duc de Bouchon,
qui vinrent à Cusset demander pardon à genoux. Le roi se montra généreux
et accorda une amnistie complète, mais en exigeant l'observation de l'ordonnance
d'Orléans. La Praguerie se termina ainsi vers le milieu de juillet 1440.
Les princes recommencèrent bien leurs menées (1441),
en se groupant autour de Ch. d'Orléans, revenu en France, mais ils n'allèrent
pas jusqu'à prendre les armes. Ils se réunirent à Nevers
et exposèrent au roi leurs plaintes (février 1442).
Il répondit qu'il ferait droit à leurs réclamations, si elles étaient
fondées, en ajoutant que
« se il
povoit estre certainement adverti qu'ils voulsissent traictier ne faire
aucune chose contre lui, ne sadicte majesté il lairoit toutes antres besongnes
pour eulx courre sus » (Monstrelet).
En somme, la royauté,
que la Praguerie voulait affaiblir, sortait plus forte de cette épreuve.
La Praguerie profita
peu aux Anglais. Ils prirent Harfleur (octobre 1440),
mais ils perdirent Creil
et Pontoise, en dépit des efforts du duc
d'York (1441),
et le duc d'Orléans, sorti de sa longue captivité (novembre 1440),
essaya en vain, avec Philippe le Bon, de ranimer la Praguerie. En 1442,
Charles VII parut, avec une armée formidable, à la Journée de Tartas
(arr. de Saint-Sever), et enleva aux Anglais Saint-Sever, Dax, Marmande ,
La Réole. En 1443,
le fameux Talbot dut lever le siège de Dieppe ,
et le duc de Somerset fit en France une expédition infructueuse. Sur les
conseils de son ministre Suffolk, Henri
VI, découragé, conclut la trêve de Tours (28 mai 1444)
et épousa la belle Marguerite, fille de René d'Anjou (mars 1445).
Pendant la trêve de Tours, prolongée successivement jusqu'au 1er
avril 1450,
le connétable licencia les bandes de routiers et d'écorcheurs qui avaient
fait tant de mal, et organisa les compagnies d'ordonnance, qui furent les
premiers éléments de l'armée permanente.
En 1448,
il fallut chasser du Mans les Anglais qui
ne voulaient pas rendre cette place à René d'Anjou. Alors, ils surprirent
la ville de Fougères, qui appartenait au duc de Bretagne, François Ier,
allié de Charles VII (24 mars 1449).
Le roi de France, d'accord avec le duc, déclara la guerre à Henri
VI (31 juillet 1449).
Pendant que le connétable, avec les Bretons, s'emparait du Cotentin et
de Fougères, Dunois commençait la conquête
de la Basse-Normandie et Charles VII entrait Ă Rouen le 10 novembre 1449.
C'était l'époque où le duc d'York, par ses intrigues contre Suffolk
et Marguerite d'Anjou, préparait la terrible guerre civile, ou guerre
des Deux Roses, qui devait renverser Henri VI.
Th. Kyriel, envoyé
en France
avec une petite armée, levée à grand-peine, fut vaincu à Formigny par
le connétable et le comte de Clermont (15 avril 1400);
le duc de Somerset fut réduit à capituler dans Caen,
et la prise de Cherbourg
acheva la conquĂŞte de la Normandie
(12 août 1450).
En mĂŞme temps, la guerre se faisait en Guyenne ,
oĂą les Anglais
étaient battus à Blanquefort (1er novembre).
L'année suivante, Dunois acheva la conquête
de la Guyenne, après avoir fait capituler Bordeaux
(12 juin) et Bayonne (20 août 1450).
Bientôt cette province, mécontente de l'administration française, s'insurgea,
rappela les Anglais. Talbot amena d'Angleterre
5 000 hommes, entra dans Bordeaux (22 octobre 1452)
et reprit une partie de la Guyenne, mais il fut vaincu et tué à la bataille
de Castillon
(17 juillet 1453),
par J. de Bueil, Jacq. de Chabannes et J. Bureau.
Charles VII vint assister au siège de Bordeaux. Cette ville capitula une
seconde fois (9 octobre 1453)
et la Guyenne fut définitivement reconquise. Ces événements marquent
la fin de la Guerre de Cent ans. Elle fut ainsi terminée, non par
un traité, mais par le départ des Anglais. (E. Cosneau
/ A. Giry / L.).
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Georges
Minois, La guerre de cent ans, Perrin 2008. - La
guerre de Cent Ans (1337-1453) est un tournant majeur dans l'histoire.
Véritable guerre européenne, elle marque le passage de la chrétienté
médiévale à l'Europe des nations. Cette
guerre est aussi la première véritable guerre totale qui touche tous
les aspects de la culture, de l'économie, de la politique, et la première
guerre d'usure. Elle transforme les techniques militaires, les régimes
politiques, les économies nationales. Xénophobie, patriotisme, déchaînement
d'une violence inouïe, culture de la guerre : en un siècle se forgent
les traits de l'Europe des nations. (couv.). |
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