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Rouen
Rouen (Ratuma et Ratumacos en celtique, Rotomagus, Rothomagus et Rothomagum au Moyen âge, et, en français, souvent orthographié Rouan au XVIe et au XVII siècle) est une ville de France, ancienne capitale de Normandie et aujourd'hui chef-lieu du département de la Seine-Maritime, sur la Seine, au confluent des petites rivières du Robec et de l'Aubette, à 22 m d'altitude, et à 136 kilomètres au Nord-Ouest de Paris; 107 000 habitants. La marée s'y fait sentir, et le port est encore accessible aujourd'hui aux navires de moyenne grandeur. Les faubourgs occupent une partie des collines environnantes (Martainville, Saint-Hilaire, Beauvoisine, Bouvreuil, Cauchoise, sur la rive droite de la Seine, et Saint-Sever sur la rive gauche.

La faïencerie était autrefois une grande spécialité de Rouen, où elle était très florissante au XVIIe et au XVIIIe siècle : les amateurs de céramique recherchent le Vieux-Rouen, dont le musée céramique de Rouen contient une belle collection.

Monuments de Rouen.
Le pourtour de l'ancienne ville est donné par les boulevards et les quais de la rive droite. Les fortifications, refaites pendant la seconde moitié du XIVe siècle, ont disparu, ainsi que les anciennes portes, à l'exception de la porte moderne de Guillaume-Lion (1747). Rouen eut quatre châteaux dans son enceinte : le château de Rollon, qui se trouvait à peu près au centre de la ville; le deuxième château des ducs de Normandie, qui était à l'extrémité Est des quais; le château de Philippe-Auguste, à l'angle Nord-Ouest de la ville, dont il subsiste une tour seulement, haute de 25 m, dite Tour de Jeanne d'Arc, ou Tour de la Pucelle; enfin le château construit par Henri V au XVe siècle, situé à l'extrémité Ouest des quais, resté inachevé et appelé, aux XVIe et XVIIe siècles, le Vieux-Palais, également disparu.

Edifices religieux.
L'église cathédrale Notre-Dame (ca. 1201-XVe s.), reconstruite après l'incendie de la première cathédrale en 1200, a 135 m. de longueur et possède sept tours, dont les deux principales sont celles de la façade, qui ont chacune 75 m de hauteur : Tour de saint Romain (XIIe s.-1477) et Tour de Beurre (1485-1507); la tour centrale ou Tour de pierre (XIIIe-XVe s;), dont la flèche fut détruite par la foudre (1822) et qui avait une cloche du poids de 18000 kg, dite George d'Amboise, fondue en 1501 et cassée en 1786 (après 1822, elle fut reconstruite en fer). Cette flèche est surmontée d'une pyramide moderne en fonte ajourée (1827-1876), qui a 148 m de haut et est le clocher le plus élevé qui existe en France; les portails latéraux (fin du XIIIe s.) sont très remarquables; l'intérieur de l'église renferme un grand nombre de tombeaux célèbres (XIIIe-XVIe s. : Rollon, Richard Coeur de Lion, Pierre et Louis de Brézé, Georges Ier, et Georges Il d'Amboise, etc.). 
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Rouen : la cathédrale.
Rouen : l'église Saint-Ouen.
La cathédrale Notre-Dame de Rouen
L'église Saint-Ouen, à Rouen.

L'église abbatiale Saint-Ouen (1318-1852), ancienne église de l'abbaye et aussi grande que la cathédrale, remplaça l'église abbatiale de l'époque romane (1046-1126), dont l'abside subsiste; la façade et les deux tours sont modernes (1846-1852), le transept Sud a un beau portail et un porche (XVe s.) surmonté d'une ancienne salle de bibliothèque.

Le palais archiépiscopal (XVe-XVIe s.), près du chevet de la cathédrale, contient la salle des Etats.  C'est entre ses murs que le mardi 29 mai 1431 a été tenue la séance du procès de Jeanne d'Arc où elle fut citée à comparaître le lendemain au Vieux marché.

L'église Saint-Maclou (1437-1521) est célèbre par son porche à cinq arcades, qui est un des plus beaux spécimens du gothique flamboyant. 

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Rouen : l'archevêché.
Rouen : l'église Saint-Maclou.
Le palais archiépiscopal et, à droite, l'église Saint-Maclou.

L'Aître Saint-Maclou (1526-1533), ancien cloître (atrium) de l'église précédente, est devenu ensuite un cimetière paroissial jusqu'en 1790 puis un local pour les
écoles. 

L'église Saint-Vincent (1514-1556) renferme également des vitraux célèbres, dont quelques-uns proviennent d'autres églises antérieures (1506-1586). L'église Saint-Godard (XVe-XVIes.) possède une crypte où fut déposé le corps de saint Romain.
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Rouen : tympan du portail de l'église Saint-Patrice.
Rouen : l'église Saint-Vivien.
L'église Saint-Patrice.
L'église Saint-Vivien, à Rouen.

L'église Saint- Patrice (1535) renferme des vitraux remarquables (1538-1625). Les églises Saint-Vivien (XIVe-XVIe s.), Saint-Nicaise (XVIe s.), Sainte-Madeleine (XVIIIe s.), renferment des retables, orgues, tableaux, etc., également très intéressants. L'ancienne chapelle des Carmes, aujourd'hui église Saint-Romain (1676-1730), renferme le cercueil en marbre de saint Romain (VIIe s.). L'église Saint-Laurent (1444-1554), de style gothique flamboyant, a été laïcisée et convertie, d'abord, en magasin à la Révolution, puis en musée de la ferronnerie : c'est l'actuel Musée Le Secq des Tournelles. Les églises Saint-Gervais (construite sur la crypte de saint Mellon et de saint -Avitien), Saint-Hilaire, Saint-Sever, Saint-Clément, ont été bâties au XIXe siècle, la plupart dans le style roman

Le temple protestant est établi dans l'ancienne église Saint-Eloi (XVIe s.) et la synagogue dans l'ancienne église Sainte-Marie-la-Petite (XVIe siècle).

Edifices civils.
Les édifices civils comprennent quelques-uns des monuments les plus remarquables de la Renaissance en France :

Le Palais de Justice (1499-XVIe siècle), construit par les architectes Roger Ango et Roland Leroux, était le siège de l'Echiquier, puis du Parlement de Normandie. Il se compose d'un rez-de-chaussée et d'un étage, avec fenêtres, escaliers, clochetons et tourelles couverts de sculptures d'une grande délicatesse. L'aile droite a été rebâtie (1842-1852). L'intérieur du palais de justice contient la salle des procureurs et l'ancienne salle des séances du parlement, actuellement salle de la cour d'assises, ornées de belles sculptures sur bois.
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Rouen : le palais de justice.
Le Palais de Justice de Rouen.

L'Hôtel de Bourgtheroulde (1486 - ca.1540), construit par une famille de seigneurs des environs de Rouen, est d'un style analogue à celui du Palais de Justice, mais plus dégagé du gothique pur; l'intérieur contient des lambris sculptés. 

Le Bureau des Finances (1510), petit édifice construit par Roland Leroux, qui a été autrefois le siège de la généralité, de Rouen, avant de contenir le musée de dessin industriel. Il abrite aujourd'hui l'office du tourisme de Rouen.

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Rouen : la tour du Gros-Horloge.
Rouen : l'office du tourisme.
Le Gros-Horloge et, à droite, le Bureau des Finances (office du tourisme de Rouen).

La Tour du Gros-Horloge (1389-1398) contient deux cloches du XIIIe siècle "Cache-Ribaud" et la cloche d'argent, qui sonne tous les jours pendant un quart d'heure, à neuf heures du soir. Une arcade (1511), attenante à la tour, franchit la rue du Gros-Horloge et porte une horloge à double cadran, primitivement à personnages mobiles (1447). 

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L'Hôtel de ville (XVIIIe s.), contigu à l'église Saint-Ouen, était originairement un dortoir et un réfectoire de l'abbaye de Saint-Ouen. Le musée de la céramique occupe l'hôtel d'Hocqueville (XVIIe siècle). L'ancien collège des jésuites (XVIIe s.) est occupé par le lycée Corneille. L'ancien couvent des Visitandines (1680-1691) renferme le musée départemental d'antiquités et le musée d'histoire naturelle. L'hospice général (1752-XIXe s.) est très vaste. Parmi les grands édifices modernes, il faut encore citer la Bourse (1735), agrandie et restaurée, la Douane, l'Hôtel-Dieu, l'Ecole de médecine, le Musée-bibliothèque, le Théâtre, etc. 
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Rouen : bas-reliefs de l'Hôtel de Bourgtheroulde.
Rouen : le musée des Beaux-Arts.
Rouen : ornementation , au dessus de la porte de la bibliothèque.
Ci-dessus, à gauche, détails des bas-reliefs de l'Hôtel de Bourgtheroulde; en haut, le musée des Beaux-Arts; au dessous, une ornementation de la façade de la bibliothèque. Ci-dessous, la cour du Musée départemental des antiquités et la façade du Lycée Pierre-Corneille.
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Rouen : la tour du Gros-Horloge et son beffroi.
Rouen : l'office du tourisme.

Rouen possède un grand nombre de maisons anciennes : le logis des Caradas (XVe s.); l'ancienne chambre des comptes (1524); l'hôtel de la Santa Casa (XVIe s.); l'ancien hôtel de ville (1680); la maison du gouvernement (XVIIIe s.); l'hôtel des sociétés savantes (XVIIIe s.), etc.

Les ponts sur la Seine sont modernes, mais Rouen fut l'une des premières villes qui aient eu un pont important au Moyen âge : il s'appelait « pont Mathilde », en souvenir de sa fondatrice, fille du roi Henri Ier' d'Angleterre (XIIe s.); plusieurs arches s'écroulèrent en 1502 et 1533; un pont de bateaux fut construit à côté du pont de pierre et reçut de nombreux perfectionnements au XVIIe et au XVIIIe siècle (passage mobile pour les bateaux, chaussée pavée, etc.). 

Les Vieilles Halles remontent à la seconde moitié du XIIIe siècle. 

Il y a un grand nombre de fontaines publiques celles de la croix-de-Pierre (1515); de Lisieux (1518), représentant le Parnasse; de saint Maclou (XIVe s.); du Gros-Horloge (1732); de la Pucelle, de la Crosse, Sainte-Marie, etc. 

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Rouen : la fontaine Sainte-Marie.
Rouen : la fontaine Saint-Maclou.
La fontaine Sainte-Marie, à Rouen.
La fontaine de Saint-Maclou.

De nombreuses statues et monuments commémoratifs ont été élevés dans différentes parties de la ville (Corneille, abbé de La Salle, Boieldieu, Pouyer-Quertier, Armand Carrel, Napoléon III, etc.). Le plus ancien édifice de ce genre est le monument de saint Romain (1542). 

Histoire de Rouen.
Le Boni primitif de la ville celtique, qui occupait l'emplacement de Rouen, a été conservé sur les monnaies gauloises. C'était au temps de César  le chef-lieu des Veliocasses. Sous Dioclétien, la cité gallo-romaine de Rouen devint la capitale de la deuxième Lyonnaise. Le christianisme fit des progrès au IIIe et au IVe siècle. Pendant la période franque, Rouen, conquise par Clovis vers 497, fit successivement partie des royaumes de Paris, de Soissons, de Neustrie et d'Austrasie. Elle fut le théâtre de quelques événements importants : le mariage de Chilpéric Ier avec Galswinthe (570), celui de Brunehaut et de Mérovée (576) et le meurtre de l'archevêque Prétextat (586). 

L'archevêque saint Romain détruisit les derniers restes du paganisme au VIIe siècle. D'après les traditions locales, il purgea les environs de Rouen de la Gargouille, monstre légendaire qu'il aurait dompté en le faisant prendre par un prisonnier mis en liberté et auquel le monstre n'aurait fait aucune résistance. Cette tradition donna lieu, au Moyen âge, au privilège de Saint-Romain ou levée de la fierte (châsse), par lequel l'archevêque de Rouen avait, à l'occasion de la procession de la châsse de saint Romain, le droit de délivrer un des prisonniers détenus par les juridictions royales de la ville. Un autre archevêque de Rouen, saint Ouen, qui fut ministre de Dagobert et écrivit la vie de son collègue saint Eloi, fonda l'abbaye de Saint-Ouen, qui devint l'une des plus importantes de France (638). 

Les Vikings s'emparèrent plusieurs fois de Rouen, sous divers chefs et notamment Rollon, avant de s'établir définitivement dans le pays (841, 851 et 876). Au Xe siècle, Rouen devint rapidement l'une des principales villes de l'Europe : la cité fut agrandie et plusieurs petits bras de la Seine furent comblés à cet effet, les remparts furent renouvelés au moyen d'une double muraille et d'une triple ligne de fossés, et les ducs firent construire un château
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Rouen : la tour Jeanne d'Arc (Donjon).
Rouen : la tour Saint-André.
Le Donjon du château de Philippe-Auguste.
("Tour Jeanne d'Arc").
La Tour Saint-André,
à Rouen.

Le commerce maritime prit une extension considérable, et le port anglais de Dungenes fut spécialement affecté aux navires rouennais par le roi Edouard le Confesseur. Sous Guillaume le Conquérant et après la conquête de l'Angleterre, Rouen fut souvent délaissée pour Caen par les ducs de Normandie. Guillaume le Conquérant mourut à Rouen (10 septembre 1087). Rouen fut assiégée par Louis IV d'Outremer, aidé de l'empereur d'Allemagne' Otton le Grand (946), par Louis VII et Henri au Court-Mantel (1174) et par Philippe-Auguste (1193), mais sans succès. Les juifs furent massacrés au moment de la première croisade (1095). En 1200, un incendie détruisit la première cathédrale et une partie de la ville. Rouen fut le théâtre de l'assassinat d'Arthur de Bretagne (1203), suivi de la confiscation de la Normandie par le roi de France. Rouen se rendit à Philippe-Auguste après un siège de quatre-vingts jours (1er juin 1204). Philippe-Auguste fit construire un nouveau château au Nord de la ville, mais confirma les privilèges de la commune de Rouen (1207). Sous l'épiscopat d'Eudes Rigaud, dont les registres de visites pastorales ont été conservés, on constate à Rouen 8000 paroissiens chefs de famille, soit environ 50.000 habitants au milieu du XIIIe siècle.

Au XIVe siècle, Rouen fut le théâtre d'une autre tragédie : l'arrestation et l'exécution sommaire de plusieurs partisans de Charles le Mauvais par Jean le Bon (avril 1356). Des émeutes, suivies de la suspension temporaire de la commune, eurent lieu depuis la fin du XIIIe siècle (1292, 1320, 1345). La plus grande sédition fut celle de la Harelle, contre le gouvernement des oncles de Charles VI, à la suite de laquelle la commune de Rouen fut supprimée (V. plus bas), la tour du beffroi rasée et la grande cloche, nommée Rouvel (ruellum), enlevée à la ville (février 1382). Les bourgeois n'obtinrent ensuite que l'autorisation de reconstruire la tour de l'horloge, pour laquelle leur ancienne cloche leur fut rendue (1389-1398). Les juifs, qui occupaient un quartier spécial nommé le Clos-aux-Juifs, furent expulsés de 1307 à 1315 et de 1360 à 1391, et bannis à perpétuité en 1394. Rouen prit parti pour les Bourguignons contre les Armagnacs.
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Rouen : la place du Vieux-Marché.
La place du Vieux-Marché, sur laquelle fut brûlée Jeanne d'Arc.
Au premier plan, les souvbassements de l'église Saint-Sauveur, détruite à la Révolution.

Le siège le plus considérable que Rouen eut à subir fut celui qui fut conduit par Henri V d'Angleterre (La Guerre de Cent ans), auquel la ville ne se rendit qu'au bout de six mois et après une horrible famine (19 janvier 1419). Sous la domination anglaise, le commerce recommença à prospérer, l'hôtel de ville construit sous Philippe-Auguste fut réparé et agrandi, l'église Saint-Ouen fut reconstruite dans le style gothique flamboyant par l'architecte Alexandre de Berneval. Henri V fit construire un nouveau château fort, démoli seulement à la fin du XVIIIe siècle. Le duc de Bedford séjourna souvent à Rouen et fut enterré dans la cathédrale. Le procès et le supplice le Jeanne d'Arc eurent lieu à Rouen (1431). Une conjuration, conduite par Ricarville, pour s'emparer du château de Rouen par surprise, échoua (1432). Rouen ouvrit ses portes à Charles VII (19 octobre 1449). L'imprimerie fut introduite à Rouen, vers 1483, par le libraire Martin Morin. Au commencement du XVIe siècle, Rouen était la ville la plus peuplée de la France et avait probablement déjà plus de 100.000 habitants. On connaît la réponse de François Ierà Charles-Quint, qui lui demandait quelle était la ville la plus peuplée.

 « Rouen. - Pourquoi pas Paris? Parce que Paris n'est pas une ville, c'est une province ». 
Un grand nombre de conciles se tinrent à Rouen du VIe au XVIe siècle. La Réforme fit de bonne heure des progrès à Rouen. Pendant la première guerre de religion, Rouen tomba aux mains des Calvinistes (1562), mais fut bientôt reprise par l'armée catholique, commandée par le père de Henri IV, Antoine de Bourbon, qui fut tué pendant le siège. En 1563, Charles IX fut proclamé majeur à Rouen. La Saint-Barthélemy fut l'occasion du massacre d'un millier de protestants (1572). Rouen se déclara pour la Ligue et Henri III y vint après la journée des Barricades (1588). Henri IV vint assiéger Rouen pendant près de cinq mois (décembre 1591-avril 1592), mais fut obligé de se retirer devant le duc de Parme et ne reçut la soumission définitive de la ville qu'en 1594. Une assemblée des notables du royaume se tint à l'abbaye de Saint-Ouen (1596-1597). Pendant les troubles de la Fronde, Louis XIV vint à Rouen, et les princes de Condé et de Conti et le duc de Longueville y furent emprisonnés (1650). La révocation de l'édit de Nantes fut l'occasion du départ de 4000 protestants (1685). Pendant la guerre franco-prussienne, Rouen fut occupée par l'armée allemande (décembre 1870). 

Anciennes institutions municipales.
Rouen devint de bonne heure une cité gallo-romaine importante. Après la chute de l'Empire romain et avec le développement du christianisme, l'évêque y acquit, en qualité de defensor civitatis, un rôle administratif et judiciaire. Devenue capitale des ducs de Normandie, Rouen n'eut jamais une indépendance communale comparable à celle des grandes villes du Nord de la France et, plus tard, de la Belgique; mais sa constitution municipale fut néanmoins considérée, au Moyen âge comme un modèle de bonne administration. Cette constitution ou établissements (Stabilimentum ou Rescriptum communie ou communionis) fut adoptée presque sans modifications, d'abord par toutes les villes de la Normandie et, en outre, par presque toutes les villes avec lesquelles Rouen avait des rapports commerciaux (La Rochelle, Saintes, Angoulême, Bayonne, Poitiers, Niort, Cognac, Saint-Jean-d'Angély, Tours, etc.), villes situées pour la plupart sur ou près des côtes de l'Atlantique et du golfe de Gascogne. 

L'organisation municipale se constitua dans le courant du XIIe siècle. Elle fut confirmée, à plusieurs reprises, par des privilèges de Henri I Beauclerc (ca. 1144) et de Henri II d'Angleterre (ca. 1150 et ca. 1174). Les bourgeois se nommaient jurés de commune (jurati communie) ou voisins (vicini). Ils participaient tous aux dépenses de la ville, à certaines corvées et au recrutement de la milice. Les principales familles bourgeoises formaient un grand conseil des Cent-Pairs, qui avait des attributions administratives et judiciaires, se réunissait tous les quinze jours et élisait les magistrats de la ville. Parmi les notables, les Cent-Pairs choisissaient trois candidats, entre lesquels le roi désignait le maire, dont les fonctions étaient annuelles. Un conseil des 24 jures, renouvelé chaque année, exerçait l'administration municipale et était divisé en deux sections, les 12 échevins et les 12 conseillers. Des greffiers et des sergents complétaient le personnel de l'administration locale.
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Rouen : la rue Martainville.
La rue Martainville, avec ses maisons typiques du Vieux-Rouen.

A côté du corps municipal, il y avait le pouvoir ducal, puis royal, représenté par un bailli et son lieutenant, appelé en Normandie, vicomte, un prévôt et d'autres officiers subalternes. La juridiction municipale ne s'étendait qu'à la police de la ville et de la banlieue et aux causes de droit commun; les cas de haute justice étaient réservés à la juridiction royale, et les causes relatives aux affaires religieuses et au mariage ressortissaient à la juridiction ecclésiastique. La juridiction commerciale était exercée par la Vicomté de l'eau dont l'autorité s'étendait principalement sur la navigation de la Seine et à qui était confiée la garde des étalons des poids et mesures. Une convention fut passée avec les marchands de Paris (1210) et des traités furent signés avec les villes hanséatiques

Les principaux négociants formaient la confrérie des marchands de l'eau. Rouen possédait un arsenal maritime (clos des galées). La navigation de la Seine, depuis la ville jusqu'à l'embouchure du fleuve, appartint exclusivement à Rouen jusqu'en 1294. Au XIVe siècle, les armateurs rouennais eurent des factoreries sur la côte occidentale d'Afrique, Les statuts des corporations des métiers de Rouen furent rédigés au XIIIe siècle. La milice communale comprenait les miliciens à pied et un corps de 30 arbalétriers à cheval, qui prit part à la bataille de Crécy.

Au XIIIe et au XVIe siècle, la commune de Rouen fut souvent en lutte avec le pouvoir royal, ainsi qu'avec le pouvoir ecclésiastique, principalement avec l'abbé de Saint-Ouen de Rouen, qui exerçait les droits seigneuriaux sur une portion considérable du Nord et de l'Est de la ville, dite Bourg-d'Abbé, et avec les abbayes de Fécamp et du Bec, qui possédaient aussi certaines parties de la ville de Rouen. A la suite de ces conflits, le roi de France réduisit le conseil des Cent-Pairs à 36 membres, et la nomination du maire fut faite par une élection à deux degrés, pour restreindre l'influence de l'aristocratie bourgeoise (1321). La commune de Rouen fut supprimée après la révolte de la Harelle (1382). Sous la domination anglaise, la mairie fut rétablie, avec le conseil des vingt-quatre, placé sous l'auterité du capitaine du château de Rouen et du bailli, qui étaient nommés par le roi d'Angleterre (1419-1449). A l'époque de l'établissement de la charge de maire perpétuel, Rouen racheta cet office et se donna un maire éligible et triennal (1695).

Rouen était le siège du Parlement de Norrnandie, qui remontait, aux origines du duché et portait d'abord le nom d'Echiquier, jusqu'à la fin du XVe siècle. Il fut rendu permanent et établi à Rouen (1302), reconnu indépendant par la Charte aux Normands (1314) et réorganisé par Louis XII (1499) et François Ier (1515), qui lui donna le titre de parlement. Il s'accrut successivement d'une chambre de la Tournelle (1519 ), d'une chambre des requêtes (1543), d'une chambre des vacations (1547), etc. Pendant les troubles du XVIe siècle, la chambre des requêtes fut momentanément supprimée (1560-1568). La Chambre des Comptes fut créée en 1380; elle fut aussi supprimée temporairement (1543-1580). La Cour des Aides fut établie en 1370. La Chambre des Comptes et la Cour des Aides furent réunies ensuite sous le nom de Cour des Comptes, Aides et Finances (1705). 

Rouen était le siège d'une généralité, d'une Table de marbre, établie en 1508, d'un grenier à sel, d'un hôtel des monnaies, remontant à 864 et ayant pour marque un B, d'une amirauté, etc. 

La ville eut de bonne heure des sociétés littéraires, d'où sont sorties plus tard les académies et qui étaient généralement fondées par les confréries religieuses consacrées au culte de la Vierge : le Puy des Palinods, fondé par la confrérie de la Conception-Notre-Dame, reçut son organisation définitive en 1515.

Armoiries.
Les armoiries de la commune de Rouen, reproduites sur les sceaux les plus anciens, étaient originairement un lion ou un léopard de face. Au XIVe siècle, elles furent remplacées par un agneau avec nimbe crucifère et portant un guidon. (E.-D. Grand).
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Rouen.
Rouen et ses clochers. Photos : © Serge Jodra, 2009.


Sophie Nasi, Louis Sauvageot (1842-1908) : Architecte et restaurateur à Rouen, PU Rennes, 2010.
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Cet ouvrage propose de redécouvrir l'oeuvre d'un architecte quelque peu oublié et qui a exercé une part importante de sa carrière à Rouen. Formé en dehors de l'Ecole de beaux-arts, proche de Viollet-le-Duc, Louis Sauvageot (1842-1908) est une figure à la fois exemplaire, témoin de la vigueur de la pratique architecturale en France à la fin du XIXe siècle, et atypique, car rien ne laissait présager que ce jeune bourguignon issu d'une famille de tonneliers finirait sa carrière comme inspecteur général des Edifices diocésains puis des Monuments historiques. Son activité prend son essor en 1871 lorsqu'il est nommé architecte en chef de la ville de Rouen. Cumulant ensuite les fonctions d'architecte en chef des Monuments historiques puis des Edifices diocésains dans la même ville, il va dès lors exercer une véritable mainmise sur la commande publique, aussi bien dans le domaine de la construction que de la restauration et ce, pendant près de trente années. De fait, Rouen met en oeuvre au début de la IIIe République un complet renouvellement de ses équipements, rattrapant ainsi le retard accumulé dans le domaine édilitaire. D'une manière générale, les réalisations de Sauvageot se scindent entre une production sérielle et utilitaire, dans laquelle figurent en bonne place les écoles communales et d'autre part, des réalisations prestigieuses comme l'église Saint-Hilaire, le musée-bibliothèque et le théâtre des Arts. L'empreinte laissée sur les édifices anciens de Rouen est tout aussi considérable et Sauvageot va largement contribuer à modeler l'image du centre historique, avec le complet soutien des institutions. Il faut dire que dès les années 1880, un infléchissement de la politique de la ville est perceptible, marqué par un intérêt ranimé pour le centre ancien. Les chantiers de restauration de la cathédrale et du Gros - Horloge notamment, marquent une étape importante et il ne faudrait pas perdre de vue que le vieux Rouen doit en fait beaucoup au XIXe siècle; car c'est bien une vision de la période médiévale telle que l'imaginaient Sauvageot et ses comparses qui nous fait aujourd'hui rêver. (couv.).
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Dictionnaire Villes et monuments
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