| Alésia. - Ancienne ville forte de la Gaule, capitale des Mandubiens, où César vainquit Vercingétorix. - On a beaucoup discuté sur la situation de l'ancienne Alesia. Henri Martin, Jules Quicherat, E. Desjardins, d'autres encore ont voulu identifier cette ville avec le village d'Alaise (département du Doubs), à 15 kilomètres de Besançon; depuis les années 1960, le site de Syam - La Chaux-des-Crotenay, près de Champagnole, dans le Jura, trouve également des défenseurs, notamment à la suite des recherches d'André Berthier. Mais, aujourd'hui, la plupart des historiens tiennent pour Alise-Sainte-Reine (département de la Côte-d'Or); et les fouilles qui y ont été exécutées de 1862 à 1865, sur l'ordre de Napoléon III, par une commission composée de Creuly, de Sauley, Alfred Jacobs et Alexandre Bertrand, semblent bien accréditer cette opinion. Une statue de Vercingétorix, oeuvre d'Aimé Millet, se dresse depuis 1865 au-dessus d'Alise-Sainte-Reine. De nouvelles fouilles, exécutées en 1910-1911, ont mis au jour une portion de remparts. Dans les années 1990, nouvelles fouilles ont semblé encore fortifier les chercheurs dans leur conviction, même si la persistance de discordances, entre les descriptions des textes anciens et la configuration actuelle du site d'Alise continue d'alimenter des polémiques. Quoiqu'il en soit, ce site, qui s'est surtout développé après la conquête romaine, sous le nom d'Alisiia, a fourni de précieuses informations sur ce qu'a été la civilisation gallo-romaine. - Si l'on admet cette identification, c'est donc au-dessus d'Alise-Sainte-Reine, sur le sommet du mont Auxois, que s'élevait l'ancienne Alesia des Mandubiens, autour de laquelle les Gaulois soutinrent leur dernière lutte pour l'indépendance. Élu généralissime de l'armée gauloise, Vercingétorix avait marché sur la Saône avec 80 000 hommes d'infanterie et 15 000 cavaliers. Mais, après quelques escarmouches, il craignit d'être enveloppé par les Romains, et il se replia vers Alesia, située sur un immense plateau entouré de trois côtés par les vallées de la Brenne, de l'Oze et de l'Ozerain, et défendue par un large fossé avec un mur en pierres sèches. Malgré les sorties furieuses des Gaulois, César réussit à bloquer ce vaste camp retranché. A cette nouvelle, toute la Gaule se leva pour sauver l'armée de Vercingétorix : les contingents réunis se montèrent à environ 240 000 hommes d'infanterie et 80 000 cavaliers. Mais. dans l'intervalle, César avait fait exécuter autour de son camp, vers l'extérieur, d'immenses travaux de fortification analogues à ceux qui regardaient la ville. Ses lignes, du côté de la plaine, étaient défendues par un rempart, une tranchée profonde de cinq pieds, huit rangs de fossés de trois pieds; et tous les abords étaient semés de chausse-trapes. Après des combats acharnés. l'armée de secours fut complètement mise en déroute; et Vercingétorix se livra de lui-même à César, espérant sauver la ville et ses compagnons. Par la défaite des dernières armées gauloises et par la prise d'Alesia, César achevait la conquête de tout le pays (52 av. J.-C.). - Plan d'Alesia. Les fouilles pratiquées sous Napoléon III en 1861-1865 dans la plaine des Laumes visaient César et son armée, non Alésia elle-même. Divers travaux d'histoire, notamment ceux de C. Jullian et de G. Ferrero, ayant éclairé d'une plus vive lumière la figure de Vercingétorix, l' idée fut émise, sur l'initiative de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, de procéder à des fouilles générales sur le plateau du Mont-Auxois. Un premier congrès, tenu le 18 septembre 1905, sur le plateau même, permit à Héron de Villefosse de déterminer d'emblée l'emplacement probable d'un théâtre. Une première campagne de fouilles, menée sous la direction du commandant Espérandieu, mit à nu non seulement les substructions du théâtre, mais celles d'une quantité de constructions privées, et de certains édifices d'une nature mal déterminée. Nombre d'objets familiers, poteries, ferrures, ustensiles de bronze, furent extraits soit du sol des caves, soit des puits assez nombreux que l'on découvrit, percés dans la roche vive parfois à une profondeur de 25 mètres et comblés de toutes sortes de matériaux. - A. Millet, Vercingétorix, 1865. La campagne de 1906 fut plus fructueuse encore, et enrichit le nouveau musée d'Alise-Sainte-Reine de fragments assez importants de sculpture, d'objets d'une décoration artistique, et de quelques inscriptions. Sur ces entrefaites, une retentissante conférence de Ferrero au grand amphithéâtre de la Sorbonne avait attiré l'attention du public savant; des souscriptions s'étaient organisées; un second congrès se réunissait au Mont-Auxois le 13 septembre 1906; enfin, une revue spéciale, Pro Alesia, était fondée par Louis Matruchot. Les résultats de ces saisons de fouilles ont paru confirmer certaines prévisions des historiens et des archéologues, dont voici les principales. Alésia aurait été, presque de toute antiquité, « un point vital, un noeud de routes et un habitat humain de l'Europe entière ». Elle aurait été d'abord un grand marché gaulois, et l'un des passages du commerce de l'ambre. De plus, cité prospère, centre municipal actif, aussi bien muni pour la défense que pour le travail, elle serait promptement devenue une métropole religieuse, un « carrefour de prières et de dieux ». Son rôle a donc pu être celui d'une Delphes ou d'une Olympie celtique. Les Romains, après la conquête de l'an 52, n'auraient pas détruit cette tradition, mais lui en auraient superposé une analogue, émanée de leur propre religion. Si bien qu'une sorte de transmutation de la religion gauloise en la religion romaine, et vice versa, pourrait être ici saisie sur le vif. Ce qui semble l'attester, ce sont les morceaux de sculpture découverts; notamment un buste de Silène, qui aurait servi de peson de balance, une remarquable statue de Vénus, des bas-reliefs représentant la triade capitoline, un Dioscure, et d'autres morceaux, qui représentent grossièrement des divinités antiques traitées dans le style et les idées des religions nordiques. Quant aux substructions exhumées, et qui varient de profondeur entre l'affleurement à la surface du Mont-Auxois et une verticale de 3 à 5 mètres, elles semblent démontrer l'existence et la superposition de trois cités, successivement détruites par quelque cataclysme (incendie, guerre ou invasion), entre le Ier siècle et le commencement du Ve siècle de notre ère. La dévastation fut alors complète. Les traces de la ville gauloise, antérieure à la conquête romaine, sont faibles et rares, et pour cause. (NLI). | |